Les mécomptes du « couple » franco-allemand

Une tribune de Baptiste Petitjean, ancien directeur de la Fondation Res Publica, parue dans Marianne, le 10 juillet 2020.

C’est l’illustration criante de la faillite industrielle de la France : notre déficit commercial avec l’Allemagne ne cesse de se creuser depuis 20 ans et l’introduction de la monnaie unique. Selon les chiffres diffusés par le ministère de l’Économie et des Finances et les Douanes françaises, il a atteint 15 milliards d’euros en 2019. En toute logique, le déficit vu de France devrait être le même que l’excédent vu d’Allemagne. Or c’est là qu’un imbroglio statistique apparaît. Si l’on retient les données délivrées par des institutions internationales sérieuses comme l’International Trade Center (ITC) ou en s’appuyant sur celles de Destatis, équivalent outre-Rhin de l’Insee, le déficit commercial de la France vis-à-vis de l’Allemagne s’élève la même année à 40,8 milliards d’euros. Donc, 15 milliards de trou côté Français contre 40,8 milliards d’excédent côté allemand. Un écart d’environ 26 milliards d’euros !

Cette incohérence ne se retrouve pas lorsque l’on compare les chiffres de l’ITC communiqués par d’autres États avec ceux de Destatis. Par exemple, toujours pour l’année 2019, le déficit commercial de l’Italie vis-à-vis de l’Allemagne n’affiche qu’une différence mineure selon la base de données utilisée, Eurostat ou Destatis. Idem pour celle de l’Espagne ou du Royaume-Uni.

Les facteurs mis en avant côté français pour expliquer ces anomalies statistiques peinent à convaincre. Sont invoquées tout d’abord des méthodes de calcul différentes : FAB/FAB (franco à bord) vs CAF (coût assurance fret)/FAB, la seconde incluant les coûts de transports et d’assurances. Sans doute faire traverser le Rhin à de lourdes machines coûte mais pas de quoi justifier deux dizaines de milliards ! Ensuite viennent les disparités « miroirs ». Comprendre : l’exportateur et l’importateur peuvent ne pas déclarer les mêmes données pour un même flux. Elles peuvent être liées, explique-t-on à Bercy, à « l’effet Rotterdam ». Mais encore ? De très nombreuses marchandises transitent en l’occurrence par le grand port de Hambourg. Certaines d’entre elles viennent de très loin (hors de l’Union Européenne) mais vont être considérées comme une exportation allemande, une fois réexpédiées depuis le port hambourgeois. Ces explications ne sauraient justifier une telle différence de 26 milliards d’euros. Alors qu’elle souhaite un leadership franco-allemand en Europe, la France voit se dégrader sa position économique relative. Inquiétant.

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