La question migratoire

Intervention de Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, auteur de Ce grand dérangement : l'immigration en face (Gallimard, réédité en 2023), devant les auditeurs de l'IRSP, le 23 mai 2023.

Marie-Françoise Bechtel

Nul n’ignore que l’immigration peut faire l’objet de plusieurs lectures, y compris sur les chiffres, mais ce qui semble de moins en moins pouvoir faire l’objet de lectures différentes est la manière dont l’immigration est reçue. Il se trouve que dans notre pays, et les derniers chiffres sortis à ce sujet sont intéressants, l’immigration n’a qu’assez peu à voir avec l’immigration espagnole, allemande ou encore britannique.  Ce sont là les faits. Il y a aussi une appréhension dans la société française dont il est très difficile de se contenter de dire qu’elle n’est pas rationnelle : pour avoir longtemps siégé au Conseil d’État, j’ai moi-même vu passer des lois sur l’immigration dont on ne pouvait guère penser qu’elles allaient régler les problèmes. Cette prolifération de lois sur l’immigration et sur l’intégration demeure d’ailleurs d’actualité, conduisant à un Code de l’entrée et du séjour des étrangers qui est une véritable usine à gaz. Il s’ensuit que les effets escomptés qu’il s’agisse de la maitrise de l’entrée et de la sortie du territoire ou de la gestion du séjour ne sont pas au rendez-vous, loin s’en faut. Vous  avez donc devant vous ce soir Didier Leschi, un haut praticien très au fait de la chose migratoire, tout à fait républicain, attaché à la chose publique faut-il le rappeler… Je lui donne tout de suite la parole avec carte blanche pour aborder les questions comme il l’entendra

Didier Leschi

Je vous remercie de m’inviter une nouvelle fois dans ce très beau lieu ! Je suis directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Ma carrière fut plutôt marquée par le « social ». Au sein du ministère de l’Intérieur et au sein d’un département où les enjeux sociaux et migratoires s’entremêlent, ayant effectivement exercé quatre ans en Seine-Saint-Denis – en tant que préfet pour l’égalité des chances. J’ai exercé la même fonction dans le Rhône, et je suis aussi passé par ministère de la Justice où j’étais chargé des dispositifs d’accès au droit – dont l’aide aux victimes. Je suis donc actuellement responsable de l’accueil de l’ensemble de ceux qui arrivent sur le territoire national. Cela dit, n’oublions pas et j’y reviendrai qu’il y a plusieurs manières d’accéder à notre territoire. Autre petit rappel, l’OFII est un établissement public, avec 1400 agents et des directions territoriales – répartis à travers les anciennes capitales régionales, ainsi que des antennes dans certains pays d’immigration, au Maghreb, en Afrique… Cette présence est pensée au regard de la densité de population par territoire et je pense ici, bien entendu, à l’Île-de-France. L’Office que je préside est historiquement l’Office national d’immigration (ordonnance du 2 novembre 1945) et fut créé à la Libération afin de répondre aux besoins de la reconstruction : sa première fonction fut en effet de faire venir des travailleurs. Des bureaux étant créés, au fil du temps, dans les pays du Sud de l’Europe, l’ONI est devenu l’OFII.

J’aimerais à présent parler de la situation de la France sur le plan migratoire : jusque dans les années 1980, la dominante de l’immigration en France est liée aux personnes provenant du Sud de l’Europe. Je pense notamment aux Espagnols, aux Portugais et aux Italiens. Vous pouvez ajouter à cela un mouvement qui avait commencé à la fin du XIXème siècle – avec les Belges, les Polonais et plus largement les personnes venant d’Europe de l’Est. Nous avions déjà des Algériens mais dans une configuration quelque peu particulière, l’Algérie étant un département français. Pour rappel, en 1958/1959 le nombre d’Algériens en France est de moins de 300 000. Pendant très longtemps, c’est donc une immigration « de proximité » continentale : proximité culturelle issue d’un monde au sein duquel les personnes partageaient avec nous des références communes, mais aussi des combats communs. Ce qui ne veut pas dire, pour autant, qu’il n’y avait pas de discriminations : je pense notamment aux travaux de Gérard Noiriel sur les Italiens et le massacre d’Aigues-Mortes qui relate un épisode tragique, et fait état de difficultés à s’intégrer et de l’hostilité à leur égard.

Deuxièmement, et cela jusqu’aux années 1970, il y a une corrélation très forte entre le développement économique et l’immigration. Le rapport au travail est un moyen d’intégration sociale, ces populations étant, à ce moment-là, majoritairement employées dans le secteur de l’industrie, du bâtiment, de l’agriculture. Je parlais auparavant des Algériens, et nous reviendrons sur les migrations du Sud, car il faut avoir à l’esprit qu’au moment de l’indépendance algérienne 90 % des ouvriers algériens étaient syndiqués à la CGT (je vous renvoie ici aux travaux de Benjamin Stora) : c’est pourquoi il existe à ce moment-là un lien très fort entre une classe ouvrière extrêmement structurée et des mouvements qui, à l’intérieur de la gauche, sont en lien avec ces derniers. Il y a donc une structuration de la classe ouvrière par le truchement d’une gauche préemptant, il faut le rappeler, tout ce qui a trait à la lutte contre le colonialisme et l’autoritarisme – pensons ici aux Portugais qui fuient Salazar. Pour l’Espagne également l’immigration est encore largement marquée par la chute de la République espagnole et la fuite des républicains. En outre, le rôle du christianisme social, au début du XXe siècle, ne doit pas être négligé dans sa capacité à fédérer et créer du lien.

Aussi cette corrélation entre le fait migratoire et l’économie va-t-elle petit à petit s’amoindrir, pour finir par disparaître au milieu des années 80, au moment d’un processus de basculement démographique marqué par l’arrivée de personnes venant des pays du Sud – les arrivées depuis le Maghreb se faisant à travers l’immigration familiale. C’est le moment, aussi, où la désindustrialisation va s’accentuer considérablement. Le « tournant de la rigueur » de 1983 ne saurait être oublié. Du reste, la grève des ouvriers de l’automobile, maghrébins pour beaucoup, en Seine-Saint-Denis en 1983 est un peu le « mai 1968 » des OS, les « ouvriers spécialisés » qui en fait sont au bas de la chaîne de production, et le chant du cygne de l’industrie automobile en France. Pour vous donner une image qui soit un peu parlante, la Seine-Saint-Denis est un département qui concentre une très forte proportion de personnes venant du Sud du monde, alors que les usines automobiles ont été démantelées. Elles ont fermé une à une, et je pense ici à l’usine PSA d’Aulnay il y a une petite dizaine d’années. Il y a donc eu, via le regroupement familial, une immigration concomitante au processus de fragmentation sociale, du fait du chômage qui explose. Au demeurant, ce processus fut doublé d’une concentration de ladite immigration au sein de mêmes zones géographiques – ce qui a partie liée aux dynamiques foncières. D’ailleurs, il n’y a qu’à constater que quarante ans plus tard, Paris est une ville qui continue de se proclamer accueillante : or, là où 30 % de la population était d’origine immigrée dans les années 1980, le taux est aujourd’hui descendu à 20 %. Un taux au sein duquel il faut distinguer ceux qui viennent des pays d’Europe ou d’ailleurs, et ceux qui ont des revenus sociaux parfois supérieurs à ceux des Parisiens. Prenez par exemple des arrondissements comme le 18ème, le 10ème, le 11ème et leurs lieux de regroupement des syndicalistes – dans une zone où il y avait encore, avant qu’elle ne disparaisse progressivement, la petite métallurgie. Jusqu’au début des années 1960, il y avait à Paris entre 500 et 600 000 ouvriers. L’expulsion des pauvres, du fait de la hausse des prix des loyers, est aussi une expulsion des immigrés.

Ainsi, ce processus d’augmentation de l’immigration – variant en fonction des années mais avoisinant les 200 000 personnes par an – amène à deux choses distinctes. Entre 10 et 12 % de la population française est d’origine immigrée. Dans ces 10 à 12 %, une partie a acquis la nationalité française. Ainsi y a-t-il – dans ces 7 millions – 2,5 millions de français : ce n’est pas particulièrement très remarquable par rapport à d’autres pays qui connaissent à peu près les mêmes proportions. Cependant il y a à l’évidence une singularité française, qui fait que sur trois générations ⅓ de la population a un rapport à l’immigration – parlons ici d’une « infusion de longue durée » pour reprendre les mots de François Héran. Dans les années 1920 et 1930 pour donner un exemple, la France reçoit, en proportion, plus d’immigrés que les États-Unis. Une fois qu’on a dit cela, pour en revenir aux années 1980 ainsi qu’à la progression de l’arrivée d’immigrés, ces derniers vont être, de plus en plus, confrontés au fait que l’emploi n’est plus pour une partie d’entre eux un élément de socialisation. Pour une fraction non négligeable d’entre eux, ces nouveaux arrivants sont les perdants des systèmes politiques qui ont émergé après la décolonisation. Je note aussi, et ce depuis plusieurs années, l’abandon de l’enseignement du français dans des pays d’immigration, l’Algérie par exemple, à destination des catégories populaires, avec des conséquences très fortes sur le processus de scolarisation de ces jeunes. Ceux-là mêmes que l’on peut retrouver aujourd’hui, par exemple à Barbès, peu formés et pour qui l’accès au travail est d’autant plus compliqué.

Le basculement s’opère ainsi depuis la fin des années 1980 : depuis ces années, l’immigration européenne est devenue minoritaire par rapport à l’immigration du Sud du monde. La particularité de l’Allemagne est d’avoir une immigration fortement européenne, c’est-à-dire de pays qui sont plus performants sur le plan scolaire et de formation que bien des pays du Sud. Faut-il ajouter que la colonisation européenne – en Inde – a été bien plus attentive au développement scolaire que la colonisation française en Algérie ? Les migrants indiens sont à ce titre bien mieux formés, ce dont bénéficie l’Angleterre.

Quelle est alors la situation française ? Elle est à l’évidence rendue compliquée par trois choses : la première, j’en ai parlé, c’est la crise de l’emploi. Même si on a, aujourd’hui, une envie d’emploi, la particularité du marché du travail dans toute l’Europe, et évidemment, en France, est la spécialisation de plus en plus forte. Dit plus simplement, les fonctions de caissiers et caissières se perdent et de plus en plus de qualités intrinsèques sont requises – pour s’insérer dans le marché du travail. J’observe que, même dans le bâtiment, la pression juridique est telle, qu’il est quand même demandé aux salariés de savoir lire une consigne de sécurité : il faut donc disposer d’un minimum de capacités.

La deuxième chose qui doit retenir notre attention, c’est la crise du logement. Non seulement il y a une concentration, mais cette concentration est accentuée dans le logement social. Ce sont plus de 35 % des familles d’immigrés qui vivent dans un logement social – et c’est près d’une personne algérienne ou marocaine sur deux, le pourcentage étant plus élevé pour les personnes subsaharienne. Ce taux est « seulement » de 13 % pour les non-immigrés.

Troisièmement, le logement social étant concentré géographiquement, on observe également des dynamiques d’enfermement. Une des causes est le fait que le fossé socio-culturel entre les sociétés d’origine et la nôtre s’est accru : aussi, pour paraphraser Danton, si « on n’emporte pas la Patrie à la semelle de ses souliers », on emmène sa culture. Et c’est un élément qui petit à petit devient de plus en plus prégnant. On peut le voir avec la communauté turque pour laquelle le « vote Erdogan » est un vote nationaliste et identitaire à dominante religieuse. Aussi, la particularité de beaucoup de ces pays du Sud du monde est qu’ils sont en régression par rapport à notre creuset et nos « valeurs sociétales » : la pénalisation de l’homosexualité ou le traitement juridique inégal entre les hommes et les femmes en sont des éléments saillants de confrontation avec nos propres évolutions.

Ainsi, ces difficultés qui existent pour les migrations traditionnelles sont amplifiées en France comme en Allemagne par les demandes d’asile : il faut savoir qu’au début des années 2000, la France recevait – en valeur absolue – beaucoup plus de demandeurs d’asile que l’Allemagne. L’Allemagne en reçoit bien plus en période de crise, il suffit de penser à la crise syrienne mais aussi aux ressortissants afghans. Ainsi la France est-elle confrontée à une demande d’asile avec une part importante très faiblement qualifiée, ce qui accentue les difficultés d’accès au marché de l’emploi. Elle accueille des ressortissants de pays frappés de plein fouet par l’ultralibéralisme après la chute du mur de Berlin : Géorgiens, Albanais – sans oublier ceux porteurs d’écarts culturels précédemment évoqués, venant de pays au demeurant déstructurés, souvent touchés par les guerres. L’OFII est chargé de l’accueil comme de l’hébergement des demandeurs d’asile : la singularité française, ce sont également nos dispositifs d’intégration, globalement peu contraignants et sans doute pas totalement adaptés. Nous ne sommes pas un pays qui considère qu’on est Français à partir du moment où on parle français ! C’est tout à notre honneur, mais il faut toutefois admettre que notre dispositif d’enseignement du français n’est pas totalement à la hauteur des enjeux. Deuxièmement, nous sommes de plus en plus confrontés aux limites des capacités de prise en charge à travers notre système de protection sociale. Aussi l’exemple danois est-il extrêmement intéressant, rompant avec l’imaginaire des sociaux-démocrates des années 70, et posant la question de la pérennité des systèmes sociaux basés sur l’effort de cotisants ou de contributeurs par l’impôt : sont-ils en mesure de résister à la pression exercée par tous ceux, victimes des écarts sociaux générés par la mondialisation ultralibérale, qui souhaitent en bénéficier ? L’Europe reste en effet une zone notoirement enviée, la France étant dans cet ensemble européen l’un des pays où la prise en charge sociale est aisée : de la gratuité de l’enseignement à l’accès à la santé, en passant par à l’hébergement d’urgence inconditionnelle. Ces dispositifs ne peuvent néanmoins expliquer à eux seuls la pression migratoire, au demeurant plus faible que dans d’autres pays de l’Union. Ce qui est tout bien considéré le ressort profond des angoisses sociales et l’un des moteurs du vote Rassemblement national, c’est cette crainte pour l’État social – qui est en particulier le bien commun des couches populaires. Des angoisses qui ne sont pas illégitimes en elles-mêmes, la question étant bien de savoir comment y répondre le plus efficacement : au Danemark, les Sociaux-Démocrates ont fait le choix d’y répondre d’une façon très contraignante afin de limiter les immigrations et d’accentuer les efforts demandés en termes d’intégration, avec des politiques anti-ghettos très dures. Au point que la demande d’asile a drastiquement baissé, s’agissant pourtant d’un pays où elle fut très forte. Ainsi, pour rebondir sur ce que disait Marie-Françoise en préambule, l’Allemagne connaît également une « inflation législative » en la matière : pour autant, on ne la critique pas. En effet, les mutations de l’immigration sont souvent extrêmement rapides, et c’est ce qui impose de s’adapter – l’un des enjeux étant d’arriver à mieux répartir l’accueil nécessaire, notamment pour répondre à cette question de la concentration. Je reprends l’exemple de l’Allemagne. Ce pays ne répartit pas seulement les demandeurs d’asile, l’Allemagne répartissant aussi ceux qui ont obtenu l’asile. La structure administrative allemande permet au pays un contrôle global et bien plus poussé qu’à peu près n’importe où ailleurs en Europe. Vous ne pouvez déménager, si vous avez obtenu le statut de réfugié et si vos revenus dépendent des aides sociales, que si vous prouvez être en mesure de subvenir à vos besoins par le fruit de votre travail – et ce pendant trois ans. Il me vient à présent un autre exemple. En Italie, pour ouvrir un compteur d’électricité, il faut que vous alliez vous enregistrer dans un service qui s’apparente au service des impôts – pour obtenir un certificat dit « fiscal ».

Voilà donc pourquoi le débat qui nous occupe aujourd’hui est hautement compliqué. Il y aura au fond toujours des gens pour vous dire : « Ce que vous dites est vrai mais quand on regarde les chiffres cela reste raisonnable, la France plafonne entre 10 et 12 %, il n’y a donc pas lieu de s’en préoccuper ». Ce qui est entre parenthèses, sans précédent. Toujours est-il que notre système social a de plus en plus de difficultés à se tenir debout, à prendre en charge les difficultés comme la précarité des uns et des autres. Aussi, n’oublions pas que ce qui grève le plus le pouvoir d’achat des ménages, c’est bien évidemment le logement. D’ailleurs, la baisse extrêmement forte de la production de logements accentue et entretient cette crise du pouvoir d’achat. Il n’y a donc que ceux qui n’ont rien à perdre qui se permettent d’accepter les offres de travail proposées. En ce sens, les immigrations agissent comme une sorte de révélateur photographique des difficultés sociales globales du pays.  

Marie-Françoise Bechtel

Merci ! Je dois reconnaître avoir été frappée par une tension dans le discours que tu as tenu, qui est d’ailleurs nécessaire tant ce sujet est porteur de très fortes contradictions, entre d’une part un attachement historique au modèle français tel qu’il est, et d’autre part le fait de pointer du doigt les absurdités auxquelles peut mener ce même système – en le comparant à d’autres pays ainsi qu’à d’autres modèles existants. D’ailleurs, tu as très, très bien résumé le juste milieu nécessaire en la matière, entre le fait d’accueillir le mieux possible et ce qui dans les règles d’accueil n’est pas voué à être conservé en l’état. Sur ce point j’aimerais donc connaître ton sentiment. J’aimerais aussi avoir ton avis sur la question des visas. Enfin, on sentait poindre dans ton propos l’obligation d’être mieux formé à la langue, obligation législative certes, mais cela ne peut-il pas être résolu par la simple voie d’un décret ? Qu’y a-t-il donc de si « législatif » là-dedans ?

Didier Leschi

Le titre de séjour pluriannuel, par exemple, relève du législatif. La question des visas est autre. Viennent ainsi en France – sans un droit préalable au séjour – beaucoup des perdants de systèmes sociaux qui n’ont pas rempli les espoirs suscités au moment des indépendances. Aussi, ces perdants ne veulent pas être repris par leurs pays d’origine, c’est ce que révèle le refus de délivrance des laissez-passer consulaires. C’est d’autant plus ennuyeux que si l’on veut une migration qui soit circulaire, la délivrance de visas suppose que chaque pays joue le jeu en reprenant celui qui, d’une façon ou d’une autre, ne jouerait pas le jeu. Nos concitoyens ne comprennent pas qu’on n’arrive pas à reconduire les personnes ne jouant pas le jeu de la migration circulaire. Il y a sans aucun doute un problème de volonté politique ou diplomatique, car on parle de pays que nous aidons dans leur développement, avec lesquels nous avons des accords. Mais, ne soyons pas naïfs : nous savons très bien qu’une partie des sommes octroyées sont détournées par certains dirigeants peu scrupuleux. J’en terminerai par un point, c’est qu’il y a une dizaine de pays en Europe, sur les 27, qui sont les principaux pays d’accueil. Au fond, un Guinéen ou un Sénégalais n’aura – pour des raisons multiples – aucune envie d’aller en Hongrie. Ce sont concrètement cinq à six pays, ni plus ni moins, qui sont aujourd’hui au fondement de l’accueil : pour le coup – et je le dis ici de manière facétieuse – le « souverainisme humanitaire » de la France ne mène à rien. Je pense qu’il faut a minima nous caler sur l’Allemagne. Il faut aussi rendre le système de Dublin plus contraignant, ce que partagent les cinq, six pays que je viens d’évoquer. La mise en place de mécanismes communs est nécessaire. En d’autres termes, il s’agit d’empêcher une personne qui a été refusée dans un État de déposer une demande d’asile dans un autre, et cætera. Même la Commission européenne le dit désormais.

Marie-Françoise Bechtel

Au sujet de la demande d’asile, qui devient exponentielle et dont tu as traité d’ailleurs : est-il possible ou pas de changer en profondeur les choses en la matière ? J’ai connu, lorsque j’étais auditeur au Conseil d’État – et rapporteur de la commission des recours des réfugiés – le fonctionnement du système d’accueil des réfugiés. Nous savions, et voyions donc très bien comment tout ça se passait. On ne demandait pas l’asile à la frontière mais uniquement une fois dans le pays. Mais ce n’est pas la même chose que lorsqu’on demande l’asile dès l’arrivée sur le territoire C’est là me semble-t-il toute l’incohérence de ce système juridique.

Didier Leschi

Nous avons terminé l’année dernière à 138 000 premières demandes – un peu plus de 150 000, si l’on inclut les réexamens de personnes qui étaient déjà là. Il n’y a jamais eu autant de demandeurs d’asile, le problème étant que cette demande d’asile a un faible taux de protection du fait des nationalités qui se présentent à nous, pas parce que l’Ofpra serait plus sévère que dans d’autres pays, au contraire. La première nationalité qui vient en Europe, ce sont les Syriens. Pourquoi ne viennent-ils pas en France ? Tout simplement parce qu’il y a une tradition allemande de présence syrienne, et aussi parce que les perspectives d’emploi y sont historiquement meilleures. Nous recevons beaucoup de subsahariens du fait de nos liens historiques. Ce qui se passe à Lampedusa est autant un problème italien que français du fait des nationalités qui abordent l’Italie, Tunisiens, Subsahariens.

Marie-Françoise Bechtel

Oui ! Une fois qu’on a dit ça, comment la procédure de demande d’asile pourrait-elle être améliorée ? Ayant présidé, pendant sept ans, une chambre de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), je peux vous assurer que le juge unique va au fond des choses : c’est un peu le juge d’instruction !

Didier Leschi

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a, il faut le dire, considérablement amélioré ses délais. Toutefois, le vrai problème demeure la reconduite : l’OFII organise des retours volontaires, avec de la réinsertion et du micro-développement. Nous sommes montés jusqu’à 10 000 en 2018 mais ce n’est évidemment pas suffisant.

Auditeur

Vous avez parlé de cinq à six pays qui concentrent la demande d’asile, or ces cinq à six pays ont tous des taux d’exécution de leurs OQTF plus élevés qu’en France. Comment expliquez-vous ce décalage ?

Didier Leschi

Il y a deux choses distinctes. Tout d’abord, les modes de comptage ne sont pas exactement les mêmes. En outre, pour reprendre l’exemple de l’Allemagne, il y a beaucoup de personnes qui viennent des pays de l’Est, pour lesquels il est donc bien plus facile d’obtenir des laissez-passer consulaires afin de les renvoyer. Il y a donc la question des pays qui coopèrent – ou non. Le taux d’exécution a partie liée avec la nationalité. L’Italie a par exemple une capacité de pression diplomatique qui n’est pas la même que la nôtre avec la Tunisie. Il y a eu, rien que l’année dernière, plus de 1 000 retours de Tunisiens en Tunisie dans un aéroport dédié à ces reconduites. Une chose que les autorités tunisiennes se refusent catégoriquement à accepter au sujet de la France. Nous n’y parvenons pas car nous avons une faiblesse on ne peut plus considérable dans la négociation avec les pays d’origine : le passé colonial n’y est pas pour rien.

Il faut aussi avoir en tête qu’un pays comme la Suède – et même en partie l’Allemagne – sont des pays du droit. Quand c’est non, c’est non… Alors qu’en France le « non » peut plus facilement devenir un « oui ». Nous sommes l’un des rares pays à régulariser au fil de l’eau : il n’y a qu’à penser à la circulaire Valls avec l’admission exceptionnelle au séjour de 30 à 35 000 personnes par an. Les autres pays n’ont pas pareil mécanisme, d’où des régularisations ponctuelles et parfois massives.

Deuxième auditeur

Ma question porte sur les personnes sous OQTF. Notre problème, sur ce point, ne vient-il pas aussi du modèle des centres de rétention administrative (CRA), lesquels font face à un certain nombre d’absurdités juridiques et de lourdeurs administratives ? Nous l’avons vu par exemple au moment du Covid-19 avec toutes les personnes qui devaient être renvoyées et qui ont refusé de se faire tester. Les CRA deviennent des hôtels où l’on végète, où les convocations ne sont pas respectées ! Est-ce une spécificité française ? Comment faire selon vous pour sortir de cette impasse ?

Didier Leschi

Je l’ai esquissé tout à l’heure, nous sommes incontestablement mauvais en ce qui concerne les reconduites. Il y a deux choses : je dirais d’abord que l’idée de la reconduite est minoritaire dans une partie de l’appareil d’État, une sorte de mauvaise conscience que l’on retrouve en particulier, à mes yeux au sein de l’appareil judiciaire. Au fond il y a cette idée générale qu’une fois que ladite personne est ici – même si ce n’est jamais dit explicitement – il faut permettre qu’elle y reste. Nous avons sous-estimé pendant très longtemps l’importance des CRA : on peut ainsi subventionner en France des associations philosophiquement hostiles à l’idée de la reconduite. Des associations qui, au nom de l’énième vérification du « droit de la personne », font tout pour entraver les démarches administratives de reconduite à la frontière. Il s’agit d’une situation complexe, qui va de plus en plus se tendre car, à un moment donné, l’exemple d’autres pays finira par pousser la France à être elle-même plus contraignante.

Troisième auditeur

Quid des associations équivalentes, par exemple en Allemagne ?

Didier Leschi

Leur structure associative n’est historiquement pas constituée autour de la confrontation violente avec les autorités publiques. On peut même parler d’une collaboration car il y a une dominante des associations chrétiennes – le tout étant institutionnalisé. On peut évoquer l’exemple de la scolarisation des enfants, qui chez nous est un acquis depuis la fin du XIXe siècle. En Allemagne il existe de grosses différences en fonction des communes. C’est pour cette raison que l’accord de coalition est utile pour améliorer le degré de scolarisation des enfants. Entre sociaux-démocrates, écologistes et libéraux, on essaye d’avancer sur la prise en charge scolaire des enfants dès qu’ils arrivent, tandis qu’en France ce n’est pas un débat depuis la fin du XIXème siècle et la mise en place de l’obligation scolaire. Les préfets y sont attentifs.

Quatrième auditeur

Je pense que si nous cherchons aussi à avoir une assimilation des nouveaux arrivants, on ne voit pas trop comment faire sans l’école. Cela étant, cette dernière est malheureusement à l’image de notre système d’accueil, défaillante. Ma question porte donc sur le regroupement familial : qu’a-t-il comme implications réelles et concrètes ? De quelle population parle-t-on ? Est-ce véritablement réaliste, aujourd’hui, de laisser cette possibilité aux uns et aux autres de faire venir leur famille ?

Didier Leschi

Concernant le regroupement familial, nous avons en France une procédure très spécifique. La question qui peut être posée, c’est au fond de « lisser » davantage dans le temps. Certains pays mettent des conditions de revenu assez importantes, voire de logement ou de durée de présence : l’Allemagne va même au-delà car ils ont à un moment donné contingenté à 1 000 par mois la possibilité de bénéficier dudit regroupement familial pour les personnes ayant obtenue la protection subsidiaire, alors qu’il est un droit automatique pour ceux qui obtienne la protection la plus forte, le statut de réfugié. Il y a aussi des conditions de langue plus contraignantes. Pour ce qui est de la concentration dans certaines zones, elle a évidemment une incidence sur la concentration scolaire. Le problème posé, c’est la « fuite organisée », par nombre de parents, dont des enseignants. En Seine-Saint-Denis un 1⁄3 des enfants de CM2 ne va pas dans collège public à la rentrée en 6ème, mais dans le privé. De même, 1⁄3 des élèves ne va pas rejoindre, après leur 3e, un lycée public de Seine-Saint-Denis. Cette « fuite » a, à l’évidence, été accentuée par une initiative législative de Lionel Jospin – dont on ne mesure pas encore les conséquences. La réforme Jospin de 1989 a en effet fait que les communes n’ont plus d’obligation de loger tel ou tel instituteur. En Seine-Saint-Denis, un professeur des écoles sur deux n’y vit pas, ce qui veut dire qu’il n’y scolarise pas ses enfants. Or, quand les enseignants habitaient la commune où ils enseignaient, ils mettaient leurs enfants dans l’école. Ils montraient ainsi aux autres parents à avoir confiance dans l’école.

En outre, l’incapacité des élus locaux à penser ensemble la question de la densification et la question de l’environnement est flagrante. Prenons l’exemple du discours qui est tenu par la mairie de Paris. En substance, il est question de plus d’espaces verts. On peut en discuter. Toujours est-il que « dé-densifier » Paris, comme cela est affiché comme volonté politique par la mairie de Paris aujourd’hui, me semble difficilement conciliable avec la nécessité de loger de plus en plus de jeunes et de personnes qui ont le statut de réfugié, comme du reste nombre de jeunes ménages. De quelle façon y arrive-t-on devrait être la première des questions à se poser. Il suffit d’avoir en tête l’exemple de la Seine-et-Marne, où l’étalement urbain est de mise, et où la voiture n’est pas une option mais une nécessité – et cela aux dépens du reste de l’environnement.

Cinquième auditeur

Comment peut-on gérer ces questions-là ? Par exemple, si on pense à la DATAR, délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, à l’époque du Plan ?

Didier Leschi

Il y a eu une grande époque de la DATAR et de la planification urbaine dans les années 60. La puissance publique disposait à l’époque d’autres instruments. Disons-le, la situation de Paris serait aujourd’hui dramatique s’il n’y avait pas la politique d’aménagement pensée par Paul Delouvrier, préfet de la région parisienne : il n’y aurait pas eu Évry, Cergy, Melun-Sénart. La résorption des bidonvilles à la fin des années 1960/1970 est aussi un geste extrêmement fort. Le problème des grands ensembles est, d’une certaine manière, né de la crise sociale – et de la crise de l’emploi plus que de l’architecture, mais si on peut discuter de certains choix. Les bidonvilles de long terme étaient jadis remplis de gens qui travaillaient. C’est pour cela d’ailleurs que je ne parle pas de « bidonvilles » aujourd’hui, mais plutôt de campements puisqu’il ne s’agit pas de travailleurs confrontés à l’impossibilité d’accéder à un logement qui n’est pas disponible. Il faut bien voir l’ampleur du problème aujourd’hui. Là où ceux d’hier étaient indignement logés – d’autant plus quand on sait qu’ils travaillaient – nous faisons face, désormais, à une configuration totalement différente.

Marie-Françoise Bechtel

Il faut se souvenir que le regroupement familial est intervenu à un moment où le travail devenait plus rare : le logement s’est concentré – de ce fait – en prenant appui sur des familles plus pauvres. L’école aussi a de plus en plus laissé tomber sa mission. C’est je crois cette accumulation de facteurs qui a fait que le regroupement familial ne pouvait pas arriver plus mal. Le Président Giscard d’Estaing s’en est d’ailleurs – peu après l’avoir autorisé – rendu compte. L’articulation logement-emploi a donc été progressivement de plus en plus défaillante, et le rôle de l’école de moins en moins bien rempli. Il y a aussi un autre facteur, que tu n’as pas encore évoqué : le surplus d’identification culturelle et religieuse.

Didier Leschi

Le problème est en partie dû à certains courants de l’islam. Quand le président turc dit que « l’intégration/assimilation est un crime contre l’humanité », le message est clair ! En outre, nous avons un problème de marge, notre processus d’intégration s’opérant pour une partie très importante de l’immigration. Le problème est que nous avons une marge à prendre en charge, qui a tendance à s’élargir au fil des ans et qui pèse donc dans l’image et la perception globales que les Français se font de l’immigration. Une marge qui est d’ailleurs constituée d’individus pour beaucoup peu formés.

Sixième auditeur

On parle beaucoup dans le débat public français des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Pourquoi les responsables politiques n’en adoptent-ils pas plus souvent ? N’y a-t-il pas, également, une partie de l’appareil d’État qui est « tétanisée » à l’idée de faire l’objet d’un procès en « extrême-droitisation » dès qu’on touche au sujet migratoire ?

Didier Leschi

Vous avez en effet une partie de la fonction publique qui ne sait plus où elle habite. Si nous voulons qu’il y ait un véritable système de circulation, alors nous devons être extrêmement fermes sur ceux qui ne jouent pas le jeu de l’hospitalité ou qui ne jouent pas le jeu de la circulation, car ce qui interroge nos concitoyens c’est au fond l’idée de la réciprocité. Ils sont loin d’être idiots, ils regardent les informations – et savent très bien que nous sommes globalement accueillants. Aussi cet accueil nécessite-t-il de la réciprocité, à l’heure d’ailleurs où les questions religieuses sont devenues extrêmement prégnantes. L’enjeu pour l’Europe – et donc pour la France à un niveau individuel – est bel et bien de savoir comment « résister » à un système global dont je suis à l’évidence convaincu qu’il n’est pas fait pour le bonheur des gens. Comment lui résiste-t-on alors que sa dynamique va à l’encontre des acquis sociaux de plus longue durée ? Dans cette déconstruction, aujourd’hui en cours, la situation migratoire a malheureusement son influence notoire : ce n’est d’ailleurs moralement pas simple, car bien évidemment nous avons face à nous des êtres humains. C’est cela qui est en jeu aujourd’hui !

Pour des pays comme la Chine ou l’Inde, en Corée du Sud comme au Japon la question ne se pose pas de la même manière. De manière inconsciente même si les Français ne parviennent pas à formuler cela de manière toujours très adroite, c’est cette « crainte » qu’ils nourrissent pour leur retraite ou les enfants, c’est cette désillusion des classes moyennes quant à l’avenir. Comment fait-on ? Il y a assurément une forme de lâcheté administrative à ne pas dire le réel.

Marie-Françoise Bechtel

Je vous rejoins sur le fait, majeur, qu’il y a une forme de démission collective. Il y a tout de même face à cela des peurs, des angoisses et des rejets qui sont mal informés et mal maîtrisés, et donc entre les deux on ne sait plus comment s’y prendre !

Didier Leschi

La démission, vous avez raison d’insister là-dessus, est collective. Il y a un réel affaissement du débat, et une partie de la gauche est « responsable » de cela. S’il y avait encore des organisations internationales, un minimum d’internationalisme dans ces débats, je suis convaincu que l’ensemble des organisations sociales-démocrates accepteraient d’avoir un débat franc et proposeraient d’en discuter vraiment. Ils préfèrent malheureusement ériger une sorte de « cordon sanitaire » et laisser le champ libre à Valeurs actuelles – qui a le loisir de faire sa Une sur le « modèle danois ». La gauche doit sortir, et très vite, de cette impasse. Elle doit mettre fin à son incapacité à penser et à faire face aux dérèglements migratoires. En outre l’utilisation par une partie du patronat de l’immigration ne peut être passée sous silence : on le voit en France à travers le développement d’une « nouvelle classe auxiliaire ».  UberEats pour ne citer qu’un exemple. En fait, les débats autour des sujets migratoires ont le même effet aujourd’hui à gauche qu’hier celui de la sécurité. De la même manière que ce qui dominait au sein de la gauche c’était le fameux « il n’y a pas d’insécurité, mais seulement un sentiment d’insécurité », elle affirme aujourd’hui « il n’y a qu’un sentiment d’immigration… ».

Septième auditeur

Avez-vous des chiffres à nous donner à ce propos ? Au sujet justement des travailleurs détachés ? Où en est-on concernant la « directive Services / Bolkestein » du 12 décembre 2006 ?

Didier Leschi

La question que vous posez est essentielle, j’ai vu d’ailleurs qu’il y avait eu – il y a quelques heures – une annonce du ministre du Travail. Une partie de notre immigration ne trouve pas d’emploi et c’est lié. Des travailleurs détachés qui ont la particularité d’être qualifiés, d’aller et venir mais qui par conséquent – tout en coûtant moins cher malgré tout – occupent l’emploi qui aurait dû revenir à une partie de ceux qui sont là. Il est là le problème du travail détaché, pesant sur la structure sociale du travail. Et puis, il y le « plombier polonais » et la venue importante de Roumains dans le bâtiment – ayons ces exemples en tête. Les informaticiens que nous faisons venir du Maghreb également. Tout cela alimente le dérèglement dont j’ai parlé tout à l’heure. On « aspire » des compétences qui font défaut dans le pays d’origine. Il y a aussi l’exemple des médecins. On a expliqué des années durant que plus il y avait de médecins, plus il y avait de dépenses de santé. Par conséquent, pour réduire les dépenses de santé, il fallait réduire le nombre de médecins au moyen du numerus clausus. On importe ainsi des médecins dont nous n’avons pas payé la formation. Comment s’étonner en outre que certains souhaitent venir se faire soigner ici, en France ? L’exemple-type qui rend les gens fous, moi inclus, c’est lorsque le président algérien pendant des années allait se faire soigner au Val-de-Grâce : symboliquement, ce n’était pas n’importe quoi, c’était l’hôpital des militaires français.

Marie-François Bechtel

Ma question porte sur l’intégration. A-t-elle finalement encore un sens ? Notamment par rapport à l’assimilation qui est un terme que beaucoup de gens préfèrent, ce qui n’est pas mon cas. Rappelons simplement que juridiquement le Code civil distingue assimilation et intégration.

Didier Leschi

C’est un débat sémantique un peu particulier. Aussi la manière dont tout cela est présenté importe-t-elle. Les gens peuvent garder des particularismes culturels forts, néanmoins la question qui se pose est celle de leur rapport aux autres en dépit de cela. Il n’y a pas plus communautaire que les Asiatiques du XIIIe arrondissement de Paris. Posent-ils pour autant le moindre problème dans leur rapport aux autres ? Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a aucun problème. La question centrale est donc de savoir si leur particularisme, leurs codes culturels sont structurés de telle manière qu’ils les conduisent, systématiquement, à l’écart des autres. Les taux d’endogamie parlent en l’espèce d’eux-mêmes pour toutes les immigrations. De toute façon, prendre au sérieux un individu, quel qu’il soit, c’est lui fixer des objectifs.

Huitième auditeur

Pensez-vous qu’il y a une réponse politique à l’exégèse de la Convention de Genève voire de la Convention de New-York ? J’observe qu’on interprète, et ce sans cesse davantage, l’esprit même de ces conventions. Peut-il par conséquent y avoir une quelconque réponse politique à ces interprétations juridiques ?

Didier Leschi

Je pense que ces interprétations juridiques vont finir par tuer l’idée de l’asile. Pas besoin de sortir de la Convention de Genève pour autant. Ce qui compte en réalité, c’est l’interprétation qui en est faite . Au demeurant, la place des juges n’est pas anodine. Je pense qu’il faut par exemple arrêter avec le « souverainisme de l’asile » français. Il nous faut au contraire une harmonisation européenne plus forte et mieux pensée !

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