Débat de clôture de la première table ronde lors du colloque « Les nouvelles routes de la soie, la stratégie de la Chine » du 4 juin 2018.
Merci beaucoup.
À la question du modèle chinois de la mondialisation – ou de la puissance chinoise dans la mondialisation, ce qui n’est pas tout à fait la même chose – vous répondez par l’empirisme de la Chine, qui se distingue de l’approche théorique. En même temps, il y a toujours cette sorte d’avancée conceptuelle tellement typique de ce pays, pour caractériser des phases différentes. À propos de Confucius versus Pareto, la formule « je ne gagne que si tu gagnes » est quand même plus belle que le sinistre « gagnant-gagnant ». Et le langage n’est pas quelque chose d’innocent, il y a derrière les mots une pensée philosophique, une culture, une manière d’aborder le monde.
Donc empirisme mais, en même temps, sens de la conceptualisation…
Jean-Paul Tchang
Il faut quand même ajouter, à l’instar de ce que vous avez dit pour les États-Unis, la préoccupation de sécurité nationale de la Chine en ce qui concerne notamment son approvisionnement énergétique et en matières premières. Il y a clairement beaucoup d’empirisme là-dedans. Compte tenu de l’évolution-même de la Chine et de la rapidité des changements permanents, je crois qu’il n’y a pas de meilleure preuve démontrant qu’ils ont agi de manière pragmatique. Ils ont dû s’adapter systématiquement et je suis persuadé qu’ils vont encore essayer de s’adapter. Plus nouveau est le fait qu’ils élèvent le discours au niveau des concepts philosophico-politiques en montrant la stérilité de vaines disputes permanentes dont la logique ne suffit plus pour résoudre les crises. S’ils n’ont pas d’ambition de leadership absolu, les Chinois veulent cependant expérimenter un nouveau modèle de relations, différent de ce qui se pratique du côté de l’Atlantique. Ils veulent essayer de faire quelque chose de différent avec les pays du Sud, d’où tout l’effort qu’ils ont déployé vis-à-vis des Africains. Il suffit de voir la réponse très positive des pays africains, vis-à-vis de l’initiative OBOR. Il y a quelques jours, quatorze pays d’Afrique non francophone (hors de la zone franc CFA) ont décidé d’inclure la monnaie chinoise comme une des monnaies de réserve de leur banque centrale. Tous ces pays bénéficient déjà des accords de swap avec la monnaie nationale chinoise. Ils peuvent donc payer en yuan et surtout ils acceptent que les Chinois payent en yuan leurs produits ou matières premières. Automatiquement apparaissent dans les comptes de la banque centrale de ces pays des yuans qui peuvent être investis cette fois-ci dans un marché obligataire que les Chinois ont créé de toutes pièces depuis quinze ans. Les Chinois ont mis en pratique une vieille idée qui date de la crise asiatique en développant un marché de la dette en yuan et en fournissant des supports financiers pour leur monnaie. Une monnaie s’internationalise quand elle devient une monnaie de paiement mais aussi lorsqu’il existe des produits financiers dans cette monnaie. C’est déjà le cas aussi pour nos banques centrales : la Banque de France, la Banque d’Angleterre… ont des yuans dans leurs réserves.
Il y a peut-être une ambition de compléter la mondialisation mais je ne crois absolument pas à la possibilité d’un affrontement dur, définitif avec les États-Unis. Les Chinois utilisent une formule relativement claire en disant que les relations sino-américaines sont indispensables mais qu’il est faux de dire qu’elles sont les plus importantes. Aujourd’hui ils peuvent le dire, à une autre époque ils ne le pouvaient pas.
Marie-Françoise Bechtel
Je crois qu’il y a une sorte de consensus ici pour dire que la Chine n’est pas une puissance qui se définit comme agressive, qu’elle ne désire pas être à la verticale du pouvoir mondial et que son jeu est ailleurs, différent, multiforme.
Vous avez utilisé le concept de « mondialisation continentale ». Avec l’ensemble des routes de la soie, on aborde une mondialisation qui n’est plus hors sol, qui n’est plus seulement maritime, qui n’est plus forcément aérienne, même si elle est tout ça en même temps, mais qui est continentale. Cela place le continent européen en première ligne dans l’affaire, sans compter le fait que « route de la soie » est une jolie inversion conceptuelle qui nous rappelle naturellement – réponse du berger à la bergère – les aventures de Marco Polo. Quand on entend parler de routes de la soie qui vont de la Chine vers l’Europe, on ne peut pas ne pas penser au renversement de l’occurrence historique qu’il serait sans doute réducteur de présenter comme une revanche.
Jean-Paul Tchang
Au départ je pense que c’était très défensif. Les Chinois, obsédés par la possibilité que les Américains ou d’autres puissent couper le détroit de Malacca par où passe l’ensemble du pétrole importé par la Chine, ont développé une politique vis-à-vis de l’Asie centrale, de la Russie, de la Birmanie (pipe-lines, oléoducs, gazoducs continentaux). Il s’agit d’éviter le risque d’un blocus maritime, sans renoncer à développer la marine, bien sûr. Cette idée d’assurer la sécurité nationale en termes d’approvisionnement énergétique a probablement fait germer d’autres idées. Réalisant que le commerce peut emprunter ces voies de manière plus sûre, les Chinois ont conçu le projet de désenclaver tous ces pays en proposant un discours qui satisfasse tout le monde. C’est un peu ce qui s’est passé.
Jean-Pierre Chevènement
Je voudrais poser une question à Jean-Paul Tchang. J’ai été séduit par l’optimum de Confucius où il n’y a évidemment que des gagnants. C’est une vision idéale, peut-être même un peu idéaliste, parce que, si je regarde le monde actuel, les États-Unis sont-ils gagnants ? Eux-mêmes commencent à en douter. Mme Matelly a dit qu’il y avait dans l’opinion américaine le sentiment, justifié ou non, que les Chinois en prenaient trop à leur aise. Au regard des chiffres des flux commerciaux, le déficit de l’Europe est moindre que celui des États-Unis. Mais ce n’est qu’un critère parmi beaucoup d’autres et vous avez souligné suffisamment la complexité du monde. Toutes les mondialisations se sont faites avec l’idée qu’il n’y avait que des gagnants. Avant 1914, beaucoup soutenaient l’idée qu’il ne pouvait pas y avoir de guerre parce qu’une guerre serait préjudiciable à l’ensemble des pays, pour leur expansion, leur commerce, leur emploi. La IIème internationale avait théorisé l’impossibilité d’une guerre, idée développée par Kautsky. La guerre a quand même eu lieu, en raison du fameux piège de Thucydide qui veut que lorsqu’il y en a un qui est considéré comme menaçant par tous les autres, ça finit mal. C’est ce qui s’était passé entre Athènes et Sparte. Corinthe, qui se sentait menacée par la proximité d’Athènes, avait insisté pour que Sparte déclarât la guerre à Athènes. Je ne reviendrai pas sur la Première Guerre mondiale. Les Allemands l’ont déclenchée comme une guerre préventive car, se croyant menacés par la Russie, ils voulaient d’abord réduire la France pour pouvoir se tourner contre la Russie. C’est le fameux plan Schlieffen. Mais l’Empire britannique ne pouvait accepter l’hégémonie allemande sur le continent. C’est ainsi que la guerre est devenue mondiale.
Le piège du Thucydide fonctionne toujours…. Et par rapport aux optima de Confucius et de Pareto, je crains le piège de Thucydide.
Jean-Paul Tchang
C’est un souci clairement exprimé par les Chinois eux-mêmes depuis quelques années. Pour ne pas tomber dans le piège de Thucydide, dont ils sont très conscients, ils pourraient accepter de faire des concessions.
Ils ont fait une analyse extrêmement claire d’une mondialisation qui fait beaucoup de perdants, essentiellement en raison d’un problème de redistribution à l’intérieur des pays développés. En effet, toutes les grandes multinationales des pays occidentaux, américaines ou européennes, sont gagnantes. Mais les classes moyennes de ces pays n’en ont pas bénéficié. Les Chinois comprennent donc que, pour éviter de susciter la méfiance, ils doivent faire des concessions, notamment sur le plan du langage. Ils vont le faire. Ils veulent aussi étudier de manière approfondie le problème de la relation entre économie et nationalisme. J’ai vu passer les différents débats en Chine sur ce sujet. Ils sont donc totalement conscients de ce piège de Thucydide.
Jean-Pierre Brard
Vous disiez que la Chine refuse le leadership. Mais n’y est-elle pas contrainte par le défaut de vision de l’Union européenne et des États-Unis pour le futur de l’humanité ? Les Chinois, qui ont une vision mondiale, sont obligés de réfléchir à la place de ceux qui ne pensent que dans le cadre du marché. On n’accusera pas Le président Trump d’être un intellectuel mais il a des intuitions et il a compris que l’ère de l’Empire américain est finie et que, pour sauver les meubles, il faut se replier sur le pré carré, dirai-je de manière un peu caricaturale.
Vous avez parlé des pays voisins de la Chine. Le Vietnam connaît des tensions avec la Chine en raison de l’affaire des îles Paracel. Les Vietnamiens sont capables de les gérer dans la durée. Mille ans après avoir été colonisés par la Chine (de 111 av. J.-C. à 932), ils se souvenaient encore que les Chinois n’étaient pas chez eux et les avaient chassés. Comment voyez-vous l’avenir de ces relations ? Il n’y aura pas de confrontation militaire mais comment voyez-vous dans la durée la gestion de ce problème qui inquiète beaucoup les Vietnamiens ?
Marie-Françoise Bechtel
Permettez-moi une petite remarque : la notion de prise en charge du futur de l’humanité ne me paraît pas du tout chinoise mais terriblement occidentale, messianique. Je serais étonnée que, même passé par le marxisme, ce pays se donne le projet de prendre en charge le futur de l’humanité.
Jean-Paul Tchang
Même à propos de la tension avec le Vietnam sur la question des îles Paracel, je n’arrive pas à me départir de mon optimisme général. La tension est bien moins forte entre la Chine et les pays de l’Asean qu’elle ne l’était il y a quelques années et c’est paradoxal. La raison en est l’attitude américaine : la première chose qu’ait faite Trump est arrivant au pouvoir a été de supprimer le TPP (Trans-Pacific Partnership). Donc tous les pays avoisinant la Chine qui avaient pu espérer à un moment donné que les Américains viendraient équilibrer la balance dans la région savent désormais que sur le long terme ils ne peuvent pas vraiment compter sur les États-Unis. Les Chinois en profitent pour faire baisser un peu la tension. Donc aujourd’hui, à part avec les États-Unis, la Chine ne connaît pas d’affrontement direct où que ce soit dans le monde.
Il est intéressant de regarder la dernière conférence sur la sécurité régionale qui a eu lieu à Singapour en ce début de juin. Les autres années, les discours relativement haut en couleurs et agressifs des Américains vis-à-vis de la Chine suscitaient toujours une réponse positive de l’opinion, de la presse ou des représentants des autres pays, allant un peu dans le sens des Américains. Cette année c’était très timide. Personne n’a prononcé le nom de la Chine, ce qui est quand même très révélateur d’un degré de tension aujourd’hui très faible. C’est sans doute dû d’abord à l’incertitude américaine, personne ne veut vraiment se montrer extrémiste dans un sens ou dans un autre. Donc les Chinois en profitent.
Jean-François Di Meglio
Sur la dimension asiatique de la place de la Chine dans la mondialisation, on a beaucoup tourné autour de l’idée de la Chine leader mondial ou pas. Quand on cite Martin Wolf, quand on cite les différents think tanks chinois, la réponse est tout à fait claire. Le propos affiché par la Chine, ce n’est pas le leadership mondial.
C’est beaucoup plus ambigu sur la région pour toutes sortes de raisons. D’abord pour une raison à la fois récente et ancestrale qui est la rivalité avec le Japon, l’importance – ancestrale aussi – du Japon dans les équilibres de la région pour la place de la Chine dans la région, avec les liens, entre autres, des populations d’origine chinoise. L’ambition régionale est à peine dissimulée. Mais là je pense qu’on est dans un jeu à la fois semblable et différent. On ne peut pas être une puissance globale si on n’est pas d’abord une puissance régionale. Je disais de façon un peu triviale que la Chine pratique le dur avec le mou et le mou avec le dur. Autant avec les États-Unis elle pratique plutôt le mou, autant dans la région elle pratique plutôt le dur pour toutes sortes de raisons.
Vous parliez du Vietnam. J’ai été très frappé par le communiqué conjoint qui a suivi la visite officielle en France du secrétaire général du Parti communiste vietnamien, M. Nguyen Phu Trong, il y a un mois. Le Vietnam aurait pu porter sa cause devant la cour d’arbitrage de La Haye comme les Philippines le lui avaient demandé. Or dans le communiqué conjoint entre la France et le Vietnam, il n’est pas fait mention du droit de la mer sanctionné par le tribunal d’arbitrage de La Haye mais il est fait allusion d’abord au code de conduite prôné par la Chine à propos de la navigation dans les eaux de Mer de Chine du Sud. N’étant pas diplomate, je ne peux pas commenter cette formule qui m’a beaucoup surpris mais peut-être est-elle moins surprenante qu’elle n’en a l’air. Le Vietnam et la France affirment qu’ils coopéreront avec la Chine pour mettre en place un code de conduite dans la région. C’est une façon que les Anglo-Saxons appelleraient un peu « subdued » de faire valoir ses prétentions.
Pour revenir sur le Dialogue Shangri-La (qui a eu lieu ce week-end à Singapour en présence de notre ministre des Armées comme tous les ministres des Armées depuis quelques années), la Chine, représentée par l’amiral Sun Jianguo (chef d’état-major adjoint de la Commission militaire centrale de Chine), s’était livrée il y a deux ans à une démonstration de force qui appelait une réponse très forte de la part des autres. Cette année on a un peu calmé le jeu. La Chine elle-même a baissé un peu le ton.
Marie-Françoise Bechtel
Puisque nous parlons diplomatie, on n’a pas parlé de la Corée. Je crois que le tour d’horizon ne serait pas complet si on ne mentionnait pas le jeu – que chacun décryptera comme il peut, je ne suis pas armée pour le faire – qu’il y a eu entre Trump et le dirigeant chinois vis-à-vis du dirigeant nord-coréen. L’un disant : « J’y vais-je n’y vais pas »… L’autre : « Je vous convoque pour voir avec vous ce qu’on va faire »… Trump décidant finalement : « Ce rendez-vous aura lieu »… On a senti qu’il y avait là un jeu complexe, subtil mais, au minimum, l’impression qui domine c’est que la Chine entend bien être présente dans l’affaire.
Christian Bret
M. Di Meglio a rappelé qu’à l’issue du dernier sommet du G7 il y avait eu deux communiqués. Par conséquent on se demande bien s’il y a eu un G7 ou un G6+1, formule qui recouvre une réalité qui me paraît être désolante.
M. Tchang a dit que la Chine n’avait pas tellement d’ambition de leadership. Elle réunit quand même régulièrement depuis des années des forums régionaux comme le « 16+1 ». On ne peut pas dire qu’elle ne cherche pas à imposer un leadership dans ce forum. Un autre s’appelle « Chine-Afrique » ; un troisième vient d’être inventé : le forum du « grand Mékong ». Enfin, n’oublions pas le grand forum des routes de la soie de mai 2017 (un autre est prévu en mai 2019). J’ai quand même la perception qu’il y a là les manifestations – qui, pour n’être pas très agressives, sont très déterminées et très calculées – d’une ambition mondiale qui se développe avec plusieurs voies, plusieurs moyens mais que je trouve très claire. S’agissant de celle que je connais le mieux, le « 16+1 », je ne trouve pas que l’Europe y trouve tellement son compte. J’ai même la sensation qu’il s’agit de tailler dans un pré carré, notamment dans la partie des pays européens les plus atlantistes, ce qui est un paradoxe. Cela se traduit au plan commercial par des accords absolument iniques qui violent les traités et les règles des droits des marchés publics. S’agissant d’un projet de développement de lignes ferroviaires, un maître d’ouvrage hongrois a créé un maître d’ouvrage délégué dans lequel 85 % des parts sont représentées par les concurrents industriels chinois et 15 % par le chemin de fer hongrois. Plutôt qu’un appel d’offre international… je parlerai d’entente entre la Chine et la Hongrie ! La Hongrie est libre de ses choix. Mais qu’un observateur de l’Union européenne ait béni cette formule en la déclarant compatible avec les traités européens est un scandale. De ce point de vue je considère que c’est un point très représentatif de la volonté de puissance chinoise, même s’il n’est pas stratégique. C’est un exemple concret qui va un peu à l’encontre de ce qui a été dit.
Marie-Françoise Bechtel
Lorsque j’ai assisté à la présentation des projets chinois, notamment des projets ferroviaires en Europe de l’Est, l’idée était de mettre sur la table une demande de partenariat : « Nous vous demandons de vous associer avec nous ». Et personne dans le camp chinois n’aurait sans doute soulevé d’objection si l’Union européenne ou certains pays de l’Union européenne avaient conclu des partenariats dans l’esprit « si tu gagnes, je gagne » … L’affaissement de la volonté européenne est encore sensible dans ce domaine. Mais pour ma part j’ai compris que les Chinois étaient demandeurs de partenariats dont, par conséquent, les conditions se négociaient.
Christian Bret
Néanmoins dans le détail ce n’est pas du tout comme ça que ça s’est passé. Un accord a été signé dans le format « 16+1 » mais qui est d’abord un accord bilatéral entre le gouvernement hongrois d’une part et le gouvernement serbe d’autre part. Cet accord a mis en place un financement en aide liée avec octroi automatique des contrats aux entreprises chinoises sans appel d’offres. La Serbie n’est pas liée aux traités européens dont elle n’est pas membre, bien qu’elle soit candidate, la Hongrie en est membre. C’est une violation flagrante et la Chine le sait très bien. Une mise en observation a été décidée et un audit du contrat a été réalisé, mené par l’Union européenne qui a abouti à un arrangement qui est en réalité un tour de passe-passe : Aucun candidat industriel ne va remettre une offre à ses concurrents qui sont dans le bureau du maître d’ouvrage ! Non seulement l’Union européenne a été présente mais elle a donné son blanc-seing à cette opération.
Élise Guidoni
Où en est la question démographique dans la conscience chinoise ? Dans quelle mesure et à quel niveau est-elle déterminante ?
Jean-François Di Meglio
Il est frappant de voir que, dans un pays qui planifie tout, on a un peu l’impression qu’à un moment on a oublié de planifier à force de trop planifier. La chute de la natalité date de bien avant la politique de l’enfant unique. Donc, à un moment ou à un autre, l’emballement démographique se serait arrêté.
La forte croissance a été un dividende clair de l’accroissement démographique et de la jeunesse relative du pays. Il y a à cela deux réponses probablement qui ne sont pas très sympathiques pour certaines générations chinoises : quand on regarde les taux d’épargne selon les générations, on voit que ce sont les vieux qui épargnent, dans des proportions beaucoup plus fortes que chez nous, et que ce sont les jeunes qui dépensent. Quand je dis « les vieux », je parle des gens de plus de cinquante ans qui travaillent encore. Ils savent bien qu’il y a toute une génération qui ne bénéficiera pas de pensions suffisantes parce que la génération d’après ne pourra pas y subvenir. L’autre réponse est un peu plus colorée, un peu plus optimiste, c’est la montée en gamme et le fait que la productivité peut contribuer à compenser la perte du dividende démographique. Mais cette productivité ne va pas pouvoir s’appliquer à 1,4 milliards d’habitants. Un double hiatus va probablement se créer entre des personnes âgées qui n’auront pas assez épargné et des provinces reculées qui vont être laissées à l’écart de la montée de la productivité. Donc effectivement il y a eu à un moment une planification un peu à rebours dans la gestion de la natalité.
La Chine deviendra-t-elle vieille avant d’être riche ?
Marie-Françoise Bechtel
Nous avons débordé sur des questions de politique intérieure chinoise.
Nous allons donc mettre fin à cette table ronde et passer la parole à la table ronde suivante en remerciant infiniment les trois intervenants qui ont tous été fort éclairants.
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