Max Gallo, un historien populaire attaché à l’enseignement de l’Histoire à l’École

Intervention de Marc Charbonnier, représentant de l’APHG (Association des Professeurs d’Histoire-Géographie), au colloque « Max Gallo, la fierté d’être français » du 21 novembre 2017.

« Et tout pour moi, ma vie, la vie, la guerre, l’Histoire, était roman, entrecroisements d’aventures individuelles » (Max Gallo, L’oubli est la ruse du diable, 2012).

Ces quelques lignes, extraites de l’autobiographie – un livre d’Histoire, tant son destin est exceptionnel – de Max Gallo, semblent s’imposer pour l’hommage qui nous réunit. Max Gallo, agrégé et docteur en Histoire, membre fidèle et éminent de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) [1] a été le grand « instituteur national » de notre temps, un auteur populaire, fils de l’École de la République et attaché à la place centrale de l’Histoire dans l’enseignement. En effet, toute sa vie, il a su populariser l’Histoire de France dont il s’était fait le chantre, avec toute sa fougue et son style accessible à tous. « J’écris pour qu’on ne puisse pas ensevelir les morts sous le silence et les assassiner une nouvelle fois. J’écris pour qu’ils revivent un jour » [2].

Mieux que quiconque, Max Gallo a saisi que l’Histoire enseignée est mise en récit : l’apprentissage de l’Histoire passe par le fait de savoir mettre en relation des faits, dégager des causalités et des conséquences. C’est pourquoi il était, à juste titre, convaincu par la nécessité de la maîtrise de la chronologie à l’École, parfois malmenée dans les projets de réforme des programmes. Il en connaissait les vertus : qu’elle apparaisse sur les murs des classes ou qu’elle soit construite par les élèves, la maîtrise des repères temporels est indispensable. Historien de vocation tout autant que romancier et essayiste, Max Gallo a raconté l’histoire nationale, livre après livre. Par sa passion pour l’Histoire de France comme pour celle de sa « petite patrie » – Nice, La Baie des Anges ou l’histoire d’une famille immigrée italienne qui eut un immense retentissement – par son enthousiasme imprégnant les pages de ses belles biographies, il a exercé un véritable magistère auprès de nos contemporains. Car quel est le rôle social du professeur d’Histoire, si ce n’est de faire comprendre aux plus jeunes qu’ils sont eux aussi dans l’Histoire, et qu’ils peuvent y trouver des clés pour comprendre le monde ?

Max Gallo a su admirablement transmettre, en particulier dans ses biographies des grands hommes (Robespierre, Napoléon, Garibaldi, Jean Jaurès…), dans leurs itinéraires faits de réussites comme d’échecs, des exemples pour la vie de chacune et de chacun, des « modèles » qu’on peut suivre, des points d’observation privilégiés du fonctionnement social autant qu’une « évasion » source d’enrichissement culturel. L’Histoire n’est pas figée ; pour reprendre les mots de Max Gallo cités en exergue, notre identité, notre Histoire, tout ce qui définit « l’unité et la cohérence » d’une personne est récit. En ce sens, l’Histoire enseignée comme ouverture à la complexité du monde à travers ces mises en récit contribue à la liberté des futurs citoyens. C’est cette Histoire enseignée et racontée, à l’échelle nationale tout en étant ouverte à l’Europe et au monde, qui peut être entendue, comprise et apprise par les jeunes générations.

Mais Max Gallo, citoyen engagé, a fait bien plus ; il s’est investi à de multiples reprises dans les débats sur la place de l’Histoire à l’École en manifestant son soutien aux actions de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie. Sous le ministère Haby, il a pris fait et cause pour les professeurs d’Histoire et s’est élevé contre le projet de suppression de nos disciplines sous le ministre Fontanet. Cette confiance envers l’APHG et les enseignants, il la manifesta aussi contre la réforme, préparée par le Cabinet Chatel en 2011, de suppression de l’Histoire-Géographie en Terminale scientifique au baccalauréat écrit ou encore dans les débats autour de la refonte des programmes scolaires au collège en 2015. Abonné de longue date à la revue de l’association, Historiens & Géographes, Max Gallo aimait lire ses dossiers pédagogiques et ses rubriques et nous l’avait écrit et dit récemment. Il était un collègue et un ami des Professeurs d’Histoire et de Géographie, et ces derniers ne l’oublieront pas.

La contribution de Max Gallo à la transmission des savoirs historiques au cœur de notre temps a été d’une portée considérable. Il a permis de donner à des générations entières d’élèves le goût de l’Histoire, et, par proximité, de celle de leur pays, non pas une histoire aseptisée mais une histoire vivante au sens où l’entendait Marc Bloch. L’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie aime à répéter qu’un peuple qui occulte son passé est souvent amené à le revivre. En s’inclinant devant la mémoire de son ami et collègue, Max Gallo, l’APHG souhaite rappeler avec lui que l’Histoire enseignée est dépositaire de la mémoire d’un peuple, fût-il connecté, dans son unité et sa diversité, et qu’il faut donc que les citoyens qui sont attachés à l’impératif d’une société du « vivre-ensemble » se montrent vigilants. Car si l’Histoire, par malheur, n’était plus présente en tant que discipline scientifique fondamentale mais aussi culturelle à l’École et transmise par des maîtres formés dans ce but, ce serait livrer les jeunes générations aux dérives populistes, aux prêches des communautaristes de tout poil, à des histoires fermées, inventées ou instrumentalisées. Puissent les enseignants de demain méditer cette grande leçon d’Histoire, passionnée, engagée et vivante, à travers l’œuvre et la vie de Max Gallo.

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[1] Cette contribution a été co-écrite avec Hubert Tison, agrégé d’Histoire, Secrétaire général de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) et Directeur de la Rédaction de la revue trimestrielle Historiens & Géographes (440 numéros à ce jour), publiée depuis 1965 sous ce titre.
[2] Le Pacte des assassins, Max Gallo, Paris, Fayard, 2008.

Le cahier imprimé du colloque « Max Gallo, la fierté d’être français » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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