Pour un actionnariat stratégique au niveau des entreprises

Intervention de Jean-Luc Gréau, économiste, membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica, au colloque « Radiographie des entreprises françaises » du 4 avril 2011

Après les propos hautement économiques et patriotiques de Laurent Faibis, après les propos hautement pédagogiques et éthiques de Michel Volle, je vais tenir des propos trivialement capitalistiques. Je vais être d’ailleurs assez bref puisque, en substance, ce que je vais vous dire est formulé dans le livre qui vous a été proposé tout à l’heure (1), livre qui, effectivement, éclaire beaucoup de choses.

Une grande énigme domine l’expérience récente du néolibéralisme. Cette expérience devait remettre au premier plan le capital en lieu et place du crédit. C’est l’un des grands fondements de la révolution économique qu’on a voulu faire à partir de 75-80 (un moment charnière). Au contraire, nous avons vécu le triomphe du système de crédit à l’anglo-américaine, que certains pays ont recopié, en même temps qu’un désintérêt vis-à-vis de la question capitalistique proprement dite. Car cet aspect n’est absolument pas illustré par le phénomène de la shareholder value, création de valeur pour l’actionnaire, qui est au contraire un phénomène de décapitalisation des entreprises. C’est, pour moi, peut-être la plus grande énigme de cette période (je renvoie au chapitre intitulé « Renaissance du capital ou triomphe du crédit ? » (2), dans mon dernier livre). On a assisté au triomphe du crédit à la consommation, c’est-à-dire à la simulation désordonnée de l’économie en aval par opposition à l’économie en amont qu’est la production.

Laurent Faibis m’a pavé le chemin en distinguant deux zones euro, la zone euro du nord, qui est compétitive et la zone euro du sud qui ne l’est pas.
La zone euro du nord est capitalistique. Elle comprend l’Allemagne, les Pays-Bas, la Scandinavie et l’Italie du nord (on pourrait ajouter la Suisse, dans le continuum) : ce sont des pays d’entreprises et de capital. Il faudra bien sûr s’entendre sur le mot de « capital ».
La zone euro du sud est beaucoup moins entrepreneuriale et beaucoup moins capitalistique – je parle surtout de la France -.

Avant d’aborder le fond du sujet, je rebondis encore une fois sur le propos initial de Laurent Faibis : Les entreprises et les pouvoirs publics français ont actuellement un double défi à relever.

Premier défi : Comment sortir de la crise ?

Les chiffres sont révélateurs. Même l’Allemagne, qui a le mieux rebondi dans l’espace occidental, se trouve aujourd’hui tout juste à son échelon de production de la veille de la crise. Nous-mêmes subissons un handicap relativement important dans le secteur industriel.
Comment faire pour retrouver un niveau d’activité, et surtout un niveau d’investissement et d’embauche, dignes de ce nom ? Entre 2009 et 2010, l’investissement productif des entreprises françaises a baissé de 24%, à partir d’un niveau relativement moyen (22% en 2009, 2% en 2010). L’investissement productif des entreprises représente l’une des trois composantes de ce qu’on appelle la formation brute de capital fixe, le reste étant représenté par les investissements publics dans les infrastructures et par la construction résidentielle de logements pour le compte des particuliers. Comment allons-nous faire pour retrouver une certaine stabilité et sortir de l’état de « vrille » où nous sommes tombés ?

Deuxième défi : comment affronter la volonté de domination allemande ?

L’Allemagne a pratiqué délibérément depuis des années une politique tendant à tout jouer sur sa compétitivité, non seulement en Europe mais vis-à-vis du reste du monde. Elle a réduit ses coûts salariaux, aujourd’hui inférieurs à sa productivité et à la qualité de son travail. L’Allemand est sous-payé. La conséquence en est que la consommation allemande est, en termes relatifs, l’une des plus faibles du monde occidental : dans la dernière décennie, si on met à part les dépenses de santé, la consommation allemande a baissé. Mais, en même temps, l’Allemagne s’est arrogé une compétitivité qui lui permet aujourd’hui de faire la leçon au reste de l’Europe … si bien que notre Président de la République a cru devoir emboîter le pas de la chancelière allemande  quand celle-ci a proposé un pacte dit de compétitivité! Une question toute simple se pose à nous : la France doit-elle devenir – ce que certains Allemands espèrent in petto – une économie accompagnatrice, une économie sous-traitante de l’économie allemande ? Notre devoir est aussi d’empêcher cette occurrence.

La France pâtit de sa faiblesse capitalistique.

Je donnerai trois contre-exemples pour illustrer cette proposition.

La résurgence de l’Allemagne est d’abord celle d’une économie capitalistique, centrée sur le Mittelstand, mais aussi appuyée sur tous ces capitaux qui s’orientent vers les entreprises pour soutenir leur développement et enfin l’autofinancement des entreprises à partir de leurs profits.

La réussite de la high tech américaine n’est pas un simple effet de la propagande des médias. Elle a été initiée par les business angels (très anciens aux États-Unis) qui, non seulement prennent part au capital d’une start up (dans la high tech ou ailleurs), mais conseillent le créateur d’entreprise pour l’aider à recruter les hommes et les femmes de qualité qui vont mettre en place le modèle d’expansion de l’entreprise.

Enfin la Chine – dont on ne dit pas assez qu’elle a inventé une forme de colbertisme propre – est de loin le grand concurrent mondial qui s’appuie sur le potentiel capitalistique de l’Etat. On évalue à près de 130% du PIB le montant des participations détenues par l’État dans les banques et dans les entreprises. À titre de comparaison, on évalue les participations directes et indirectes de la très étatiste France, qui vient en deuxième position, à 28% du PIB. Il y a donc une énorme implication de l’État sous une forme financière et capitalistique au sein des entreprises. La société créée pour lancer un concurrent de l’Airbus A320 et du Boeing 737 est entièrement à capitaux d’État. Ni l’Europe, ni les États-Unis, ni l’OMC n’y ont vu une atteinte quelconque à la libre concurrence alors qu’un différend indescriptible oppose Boeing et Airbus au sujet des aides attribuées à ces deux constructeurs. Autre exemple : alors que l’accident de Fukushima retient l’attention, la Chine vient de prendre la décision de lancer un programme de cinquante réacteurs nucléaires. Non seulement l’État finance l’essentiel de l’effort mais les Chinois sont en train de bâtir une nouvelle filière nucléaire – dite « graphite-gaz » par opposition à la filière à eau pressurisée – que ni les Allemands, ni les Américains, ni les Français n’ont réussi à mettre au point. Il semblerait, aux dernières nouvelles, que les Chinois ne soient pas très loin d’aboutir. Si c’était le cas, ce type de réacteur, plus sûr que le réacteur à eau pressurisée, leur donnerait un avantage comparatif considérable. Mais l’État est complètement impliqué dans ce projet !

Quel est le rôle du capital au sens propre, au sens restreint du terme ?

Selon Adam Smith, Ricardo ou Marx (Marx reprend la conception de Ricardo en inversant l’ordre des facteurs), la notion est extensive : pour les deux derniers nommés, tout ce qui est engagé directement dans la production ou indirectement, comme ce qui est nécessaire à la subsistance des travailleurs et de leurs familles, constitue du capital. La notion de capital telle que je la retiens et l’applique consiste en la détention des actions ou des parts d’une entreprise, d’une société créée en vue d’un objectif économique déterminé.
Ce capital n’a pas seulement un but « prédateur » (pour prendre un terme cher à Michel Volle), il est là comme le tuteur sur lequel une plante s’appuie pour s’élever dans les airs et se développer. Il apporte des ressources en quantité nécessaire mais, dans la durée, le financement d’une entreprise doit surtout s’appuyer sur sa capacité de profit. Néanmoins, lorsqu’elle se lance, lorsqu’elle doit accélérer son rythme de développement ou éponger des pertes, l’entreprise a besoin d’un apport d’argent frais, d’un apport de capital de l’extérieur.
J’insiste sur le rôle de partenaire stratégique. Les pays les plus résistants, les plus solides dans le concert de la concurrence mondiale sont actuellement ceux où le capital est accroché, attaché à l’entreprise, au lieu d’intervenir dans un but opportuniste. L’Allemagne en est, à quelques exceptions près, un exemple : le Mittelstand, capitalisme principalement familial, est extrêmement développé et les détenteurs de fonds locaux travaillent dans le même esprit que le capital familial. Ils sont évidemment inscrits dans la très longue durée : 30, 50, 100 ans.

Le capital, partenaire stratégique de l’entreprise, doit exercer deux pouvoirs.

1°) Un pouvoir interne sur les dirigeants.
Les actionnaires de marché exercent leur pouvoir de très loin. Leur surveillance s’exerce avec une longue-vue, ce qui leur permet de ressasser leurs exigences de rentabilité, de réduction des coûts, d’accroissement de la productivité et d’ouverture vers de nouveaux marchés. Mais ces antiennes ne s’appuient pas sur une vision du fonctionnement de l’entreprise, dont Michel Volle a souligné avec juste raison qu’il était essentiel.

2°) Un pouvoir externe de protection.
Le capital doit protéger l’entreprise contre les prédateurs, les raiders qui font des razzias sur les entreprises. Nous avons tous en tête l’OPA d’Alcan sur Péchiney et le raid de Mittal sur Arcelor mais nombreuses sont, à travers le monde, les entreprises qui ont été accaparées par des raiders venus de l’extérieur. La doctrine de la concurrence telle que nous la connaissons inclut la possibilité pour les raiders d’opérer par l’intermédiaire du marché des actions. Sur ce marché, un raider venu de l’extérieur propose aux actionnaires de racheter leur participation à un prix bien plus élevé que le prix du marché, auquel cas le contrôle du capital et le pouvoir dans l’entreprise lui sont transférés par les vendeurs bénéficiaires de l’opération. C’est ce qui s’est passé avec Péchiney et avec Arcelor. L’entreprise la plus compétitive, Arcelor, a été contrôlée pat Mittal. Péchiney a été contrôlée par Alcan, pourtant en déficit au moment du raid et subventionné par le gouvernement canadien. Monsieur Mario Monti n’y a pas vu d’obstacle ! Ce pouvoir externe de protection contre les prédateurs est essentiel, surtout dans le monde où nous vivons. Il aurait été bien moindre il y a un siècle ou deux, au moment où ce qu’on appelle le capitalisme s’est lancé. Aujourd’hui, les mœurs financières sont telles qu’on peut lancer des raids massifs sur des entreprises qui tiennent le haut du pavé sur leur marché de référence.

Le leurre de la démocratie actionnariale.

Un leurre juridique empêche de comprendre la question du capital dans l’entreprise. Les codes du commerce posent le principe axiomatique d’une égalité des actionnaires. Une action, une voix, un droit de vote. Par conséquent on traite exactement de la même manière l’actionnaire qui vient prendre des parts ou des actions pour des raisons purement financières et celui qui, au contraire, entre dans l’entreprise pour l’accompagner dans sa stratégie et dans sa politique. Il n’y a donc pas de démocratie actionnariale. Il y a deux catégories d’actionnaires qu’il faut bien distinguer : l’actionnaire opportuniste (sans connotation péjorative) et l’actionnaire qui, au contraire, a décidé de jouer le jeu de la pérennité et du développement de l’entreprise. Or nos codes du commerce, en particulier en France, imposent un traitement égalitaire des actionnaires qui empêche de faire apparaître cet actionnariat stratégique.

C’est pourquoi je propose, contre l’avis majoritaire et depuis de longues années déjà, de distinguer juridiquement les deux catégories d’actionnaires pour leur appliquer un traitement différencié.
Premièrement, l’actionnaire qui serait là uniquement pour participer au capital et aux fruits de l’exploitation de l’entreprise, avec le droit de sortir du capital de l’entreprise à tout instant, n’aurait pas de droit de vote (ou des droits de vote simples).
Deuxièmement, le véritable actionnaire capitalistique, attaché à l’entreprise dont il accepte la stratégie, exercerait des droits de vote décisifs pour désigner, contrôler les dirigeants et décider de leur remplacement éventuel. Il est des moments dans la vie d’une entreprise où le remplacement des dirigeants est vital. Or, dans le système d’actionnariat de marché, les dirigeants en place tendent à se renouveler par relations personnelles : on va chercher un ami, un favori pour succéder au président en place.

Ce distinguo des actionnaires, qu’il est absolument nécessaire d’introduire dans la loi, pourrait être complété par ce que j’appelle la généralisation du régime dual.
Nous avons deux régimes de conseil de direction des entreprises : le conseil d’administration, autour du PDG, qui est le plus répandu et le régime dual qui prévoit un conseil de surveillance, où sont représentés les actionnaires et un directoire où sont installés les membres du noyau dirigeant de l’entreprise (le management). C’est le cas, en France, chez PSA et chez Schneider.
Il y a plus de trente ans de cela (j’étais, à cette époque, un suppôt du petit, du moyen et du grand capital) le législateur français a toiletté la fameuse loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales incluse dans le code de commerce. Son intention était de pousser les entreprises françaises importantes à adopter le régime dual qui distingue formellement les actionnaires des managers. Un certain nombre d’entreprises l’ont fait mais la plupart d’entre elles ont rebroussé chemin. En effet, les dirigeants se sont aperçus que ce régime instaurait une vraie gouvernance, un véritable contrôle par les actionnaires.
Ce régime dual devrait être généralisé à toutes les entreprises importantes dépassant un certain effectif de personnel, cotées ou non.

Revenir à la règle du non-rachat des actions par l’entreprise.

Une décision particulièrement malencontreuse a été prise en 1998 par le ministre de l’économie et des finances : la possibilité de racheter les actions de l’entreprise par l’entreprise elle-même. Cette décision a été introduite dans notre code de commerce. Outre que la plupart des codes de commerce européens ne connaissaient pas ce régime, c’est une anomalie dans ce sens que les actions rachetées par l’entreprise ne servent plus à rien, elles sont inscrites sur une ligne et neutralisées une fois pour toutes. Ce rachat coûte le plus souvent cher à l’entreprise. Il décapitalise l’entreprise et engraisse ces actionnaires qui refusent précisément d’assumer à long terme les vrais risques de l’entreprise.
Une entreprise américaine, le plus grand laboratoire pharmaceutique du monde, a illustré récemment les effets de ce régime. Pfizer a vu tomber dans le domaine public l’un de ses médicaments à grand succès. Elle a donc perdu les profits correspondants. Le bénéfice par action en a été réduit d’environ 10%. Ian Read, le nouveau patron de l’entreprise, a pris la décision lourde de fermer le centre de recherche de Sandwich, en Angleterre. Ce centre, qui a tout de même inventé cinq des vingt médicaments les plus vendus dans le monde par le groupe, dont le fameux Viagra, employait 2400 salariés. Il a fait une économie sur l’exercice de 1,5 milliard de dollars et a procédé, dans la foulée, à un rachat d’actions à hauteur de 5 milliards de dollars ! Nous voyons là s’exprimer cette prédation des actionnaires sur les entreprises qui est surtout anglo-américaine mais qui nous a assez largement contaminés. Certains de nos grands groupes la pratiquent.
La troisième mesure que je propose est donc de revenir à la bonne règle, prudentielle du double point de vue comptable et financier, de non-rachat des actions émises par l’entreprise.

Ça, c’est le problème capitalistique proprement dit. Il faut agir de façon tout à fait décisive sur les règles du code du commerce.
Je pense même que si la France, transgressant les règles de la concurrence et la libre circulation des capitaux, inventait un modèle, une esquisse d’un « capitalisme à la française », selon les règles que j’indique, elle pourrait faire école.

Dégager de nouvelles ressources financières

Cette nécessité passe par la création d’une banque nationale d’investissement, nous dit Martine Aubry, candidate à la candidature au Parti socialiste … ignorant que nous l’avons ! Le Président de la République en exercice a en effet décidé de réactiver les moyens de la Caisse des dépôts et consignations et du Fonds stratégique d’investissement qui est aujourd’hui partie prenante dans de nombreuses entreprises françaises (Eiffage, l’entreprise de BTP, ACCOR, l’hôtelier, Nexans, deuxième producteur de câbles électriques dans le monde, Yoplait, La Banque postale…). À ce jour, 3000 entreprises ont le FSI pour « actionnaire de référence » (partenaire stratégique). Et le patron de la Caisse des dépôts et consignations a indiqué récemment que ce chiffre serait porté à 4200 d’ici à 2013.
Nous disposons donc d’une banque nationale d’investissement. Il suffit de la développer en lui procurant les moyens correspondants. Les moyens du FSI augmentent de 40% à 50% par an. Continuons ! De ce point de vue, de ce seul point de vue, hélas, on peut dire que Nicolas Sarkozy a rompu avec les stéréotypes du néolibéralisme en réactivant un actionnariat public auprès des entreprises privées.

Ne faudrait-il pas, parallèlement à cette banque nationale d’investissement, une banque d’affaires privée ?
Nos banques d’affaires privées ont disparu. Paribas n’est plus une banque d’affaires, Rothschild est devenu un cabinet de conseil. Il n’y a plus de banques d’affaires en France !
Je ne vois pas pourquoi, à côté de la banque nationale d’investissement, nous n’aurions pas au moins une banque d’affaires privée susceptible d’intervenir dans le capital des entreprises.

Je propose enfin une évolution du système de crédit.

L’immense crise bancaire qui a frappé le monde occidental n’était pas due, dans la plupart des cas, à une hypertrophie du crédit aux entreprises mais à une hypertrophie du crédit à la consommation. On peut même dire que les prêteurs habituels ont renâclé à prêter aux entreprises et tout particulièrement en France. Par exemple, les banques qui finançaient habituellement le crédit à l’import-export se sont retirées brutalement au cœur de la crise financière. Si la récession a été aussi brutale, c’est d’abord en raison d’un déséquilibre entre la production et la demande à l’échelon du monde occidental mais aussi parce que les ressources du crédit import-export ont brutalement fait défaut à l’automne 2008. Les Etat sont venus se substituer aux banques défaillantes et même le FMI, à compter de la première réunion du G 20 à Londres, le 1er avril 2009. Mais cela signifie que les banques, telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui dans leur grande majorité, refusent les risques au moment où ils se présentent à l’horizon. On a donc un problème de financement des entreprises lorsque celles-ci ont un besoin criant de crédit pour passer le moment le plus difficile.

Une initiative particulièrement originale, passée complètement inaperçue, a été prise durant cette période troublée. Trois anciens cadres bancaires (3) ont essayé de créer un nouvel organisme, la CFA (Corporate Funding Association). Ces trois cadres sont allés démarcher vingt grands groupes du CAC 40 : Veolia, GDF, Danone, Michelin, Lafarge, France Telecom et bien d’autres. Ils ont obtenu un accord de principe pour que ces groupes deviennent les actionnaires d’une nouvelle société de crédit (qui fait du crédit mais ne collecte pas de dépôt, à la différence d’une banque au sens classique du terme). Le succès initial de cette initiative venait du fait qu’elle rencontrait la volonté des entreprises françaises, même des grandes, de commencer à être moins dépendantes de leurs banquiers traditionnels.

Cette Corporate Funding Association, société de crédit tout à fait nouvelle, aurait pu être étendue et dupliquée non seulement aux grandes entreprises mais aux entreprises moyennes, voire aux petites entreprises. Cet organisme n’a pas vu le jour. Un désaccord est survenu entre les actionnaires potentiels, entre les entreprises qui étaient d’accord au départ pour financer cette CFA. Et les agences de notation ont refusé de noter les emprunts que cette société de crédit aurait dû émettre pour procurer du crédit à ses clients, bloquant ainsi cette initiative extrêmement originale et intéressante et qui aurait pu être l’embryon, l’esquisse de l’esquisse d’un système de crédit aux entreprises digne de ce nom.

Il existe cependant, si l’on veut être juste, un organisme public qui joue un rôle déterminant dans le domaine du crédit. C’est Oséo, nouveau nom de l’ancienne BDPME (Banque des PME) qui a, parallèlement à l’action du FSI, énormément élargi son action au cours de la période de crise. Les sommes garanties par Oséo ont considérablement augmenté. En l’occurrence, des ministres libéraux ont agi dans le bons sens sous la pression des circonstances, on ne saurait leur en faire reproche.

Nous avons donc un double effort à faire pour essayer de créer un capitalisme à la française, avec un cadre juridique approprié, et de susciter un système de crédit approprié pour que nos entreprises qui ont de l’avenir, dont les perspectives de développement sont importantes, puissent bénéficier des concours de crédit dont elles ont besoin.
Ce sont ces tâches essentielles, voire cruciales auxquelles les candidats sérieux à la présidentielle de 2012 devront s’attacher

Merci de votre attention.

Jean-Pierre Chevènement
Merci, Jean-Luc, après Laurent Faibis et Michel Volle, vous nous avez ouvert les pistes d’un redressement, d’une politique nouvelle qui redonnerait un avenir à notre pays et à sa jeunesse. C’est le rôle de la Fondation Res Publica.

Jean-Michel Quatrepoint a écrit un article intitulé : « Lutter contre la tentation de Venise » (1), tentation qui avait saisi une personnalité tout à fait éminente (2) envahie par un vague à l’âme tout à fait compréhensible.

Lutter contre la « tentation de Venise », c’est-à-dire lutter contre le renoncement.
Comment faire pour aller de l’avant ?
Je pense que l’intervention de Jean-Michel Quatrepoint s’inscrira dans la continuité parfaite des précédents exposés.

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1/ La France et ses multinationales. Stratégie globale et intérêt national, sous la direction de Laurent Faibis, avec la collaboration de Jean-Michel Quatrepoint. Éd. Xerfi, janvier 2011
2/ In « La trahison des économistes », Jean-Luc Gréau, éd. Gallimard, coll. Le débat, septembre 2008. Chapitre 5 p. 135
3/ Arnaud Chambriard, Philippe Roca, deux anciens de Natixis, et Hugues Delafon, un ancien de Dresdner Kleinwort ont imaginé la CFA (pour Corporate Funding association) qui fonctionne comme une coopérative de financement.

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Le cahier imprimé du colloque « Radiographie des entreprises françaises » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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