Maintenant il faut recoudre
Intervention de Jean-Yves Autexier, lors du colloque "Comment les institutions de la Ve République peuvent-elles évoluer ?" du mardi 15 octobre 2024.
Merci beaucoup pour cette « exploration utopique » – je vous cite – des moyens de résoudre la contradiction entre les aspirations majoritaires des citoyens et des politiques publiques anti-majoritaires. Vous avez évoqué le référendum et, si on se place dans l’actualité, on peut penser qu’une élection présidentielle serait mieux à même de sortir de la crise politique, puisqu’elle polarise, qu’elle intéresse les citoyens et polarise autour de projets, plutôt qu’une élection législative anticipée qui ne ferait qu’ajouter de la crise à la crise. Ceux qui misent sur la chute « désirable » du gouvernement Barnier mesurent-ils l’absence d’alternative ? Je crois qu’il faut méditer sur ce point. Marie-Françoise Bechtel m’avait demandé d’aborder la question « Les institutions vont-elles s’affaisser face à leur inadaptation par rapport aux réalités sociologiques du pays ? » Au prisme de mon expérience parlementaire et de mon modeste village de la Creuse. Pardon d’exposer quelques notes toutes personnelles.
Comment les institutions de la Ve République peuvent-elles répondre au défi que pose l’évolution de la population, que Jérôme Fourquet définit comme une archipellisation de la société ? Vont-elles s’affaisser du fait d’une inadaptation aux réalités sociologiques du pays ? Vont-elles au contraire servir à maintenir une unité pour une nation fragmentée ? Mme Marie-Françoise Bechtel m’a demandé d’évoquer ces questions au prisme d’une expérience vécue, au Parlement, ou dans mon modeste village de la Creuse, et je vous prie donc d’excuser ces notes toutes personnelles.
En 1958, la société était sans doute plus homogène qu’aujourd’hui. Les Français vivant dans les villes représentaient 45 % de la population en 1954 ; actuellement, ils sont plus de 81 %. La part des étrangers dans la population était différente. L’excédent migratoire en 1954 était de 51 000 personnes, en 2023 il était de 193 000. En 1954, 1,7 % de la population était au chômage, en 2024, c’est 7,5 %. L’âge me permet aussi de comparer les souvenirs des années 50 et 60 aux réalités actuelles. Ma ville natale est à la fois toujours la même par son cadre, ses rues, ses maisons et ses pierres, mais beaucoup de ses habitants viennent aujourd’hui d’Afrique et de Méditerranée. Assurément mes photos de classe des années 50 et celles d’aujourd’hui sont bien différentes. Autre révolution, celle des communications. Edgar Faure racontait que lorsqu’il regagnait sa circonscription, à l’arrivée sur le quai de la gare, ses amis politiques lui demandaient : quoi de neuf à Paris ? Et à présent, disait-il c’est moi qui demande : que s’est-il passé durant mon voyage ? C’était avant le téléphone portable. Il y avait une chaine de télévision, et peu de téléviseurs ; il y a aujourd’hui une multiplicité de chaines françaises comme étrangères et des téléviseurs ou des écrans de téléphone portable partout. Il y avait quatre stations de radio, et aujourd’hui elles sont littéralement innombrables et les réseaux sociaux sont plus suivis que les journaux télévisés. C’est dire que l’information, hier canalisée, est aujourd’hui multiforme. Cet éclatement des sources d’information rend plus difficile la formation d’enjeux communs.
Ces évolutions sociales et sociologiques exercent leurs conséquences sur l’attitude des Français face aux institutions. On passe ainsi de 15 % d’abstentions aux premières présidentielles en 1965, à 26 % pour celles de 2022. Autre constat : les grandes métropoles et les régions rurales ne votent pas de la même façon et la distinction est de plus en plus marquée. Les régions où l’industrie et l’activité productive sont en berne ne votent pas de la même manière que celles où l’emploi est abondant. Une fracture sépare les grandes métropoles et leur environnement, du reste du pays, qu’il soit urbain (les petites préfectures, les sous-préfectures…) ou rural. Comment ne pas voir là le fait qu’il y a des perdants et des gagnants à la mondialisation ce qui marque profondément l’évolution récente de notre pays comme de nombreux voisins européens ? La globalisation économique a favorisé les grandes métropoles où se concentrent les activités à haute valeur ajoutée, en laissant sur le bord du chemin les anciennes industries victimes des délocalisations, ou de la concurrence des pays asiatiques à bas coût de main d’œuvre. Et le milieu rural souffre de la crise agricole comme de la désertification des services publics ou de l’offre médicale. J’ai des attaches dans un petit village, qui compte 27 habitants et dont je suis conseiller municipal. Il n’y a ni boutique, ni café, ni médecin ; on y vit principalement de l’élevage, on travaille donc sept jours sur sept, les vacances n’existent guère. On souffre malgré cela du mépris du mode de vie rural distillé par les médias. On vit dans la nature mais on abhorre les écologistes, et on continue à manger de la bonne viande ou à chasser l’automne venu. Mes cheveux blancs me permettent de passer inaperçu : les plus de soixante ans en Creuse dépassent les 40 %. Mais, revenant à Paris, je vais souvent, en fin de semaine, en banlieue parisienne, à Sevran. Le marché du samedi ou les rayons du Lidl me parlent d’une autre France, bien plus jeune, très diverse, les commerces halal sont plus fréquents que les charcuteries. Il y a certes un point commun : la Seine Saint Denis est le département le plus pauvre de France métropolitaine, et il est suivi de près par la Creuse… Mais, parfois, passant de l’un à l’autre on peut se demander si on est resté dans le même pays… Mes impressions sont les mêmes quand je retourne à Sarcelles dont je fus maire-adjoint à la fin des années soixante-dix et dont la population est si différente aujourd’hui. Certes notre langue est encore un solide trait d’union, mais on ne peut écarter le risque actuel d’une dépossession de la langue commune. Dans tous les domaines, de la publicité, du sport, dans l’expression orale véhiculée par les médias, le français est en recul. Entrant il y a quelques mois à la poste de Sevran, on m’a invité à prendre un flyer : « La banque mobile de La Poste, Ma French Bank », « Voyagez à la French, l’esprit tranquille ». Je dis il y a quelques mois, car depuis Ma French Bank a fermé ses portes. Elle n’a pas atteint son seuil de rentabilité. Il ne suffit pas d’oublier sa langue pour réussir.
Relever notre pays suppose de réduire la fracture immense qui le divise. « Maintenant il faut recoudre » disait Catherine de Médicis, au lendemain des guerres de religion. Comment raccrocher les wagons de ceux qui sont oubliés de la croissance à la locomotive de ceux qui en profitent ? Comment obtenir des gagnants de la mondialisation qu’ils participent davantage à l’effort de solidarité ? Comment surmonter la diversité nouvelle des religions, des modes de vie, des cultures, des relations entre les hommes et les femmes, par une communauté de destin ? On ne peut y parvenir qu’en activant deux leviers : la citoyenneté qui fait qu’au-delà de nos différences, nous sommes avant tout des citoyens de la République, et la solidarité qui demande à tous un effort en proportion de ses capacités.
Les institutions actuelles ont-elles de l’avenir, face à ces exigences ? Leur mission est de créer du commun, de réunir les citoyens pour les choix essentiels, de structurer le débat politique, la dispute politique qui fait notre identité, de créer l’unité de la communauté nationale, laquelle ne nait pas de l’unanimité mais du débat commun (cf. Stéphane Rozès). Le danger de la segmentation de la société ne peut pas être combattu en fragmentant le champ politique. La proportionnelle a certes l’avantage de représenter mieux toutes les composantes, mais comporte le risque de ne pas faire surplomber cette mosaïque par l’unité nécessaire de la nation. La plupart de ses partisans optent d’ailleurs pour des doses de proportionnelle, ou des modes de scrutin à l’allemande, voire une proportionnelle à correctif majoritaire. Et le mode d’élection des députés n’est pas le seul élément à prendre en considération. N’oublions jamais le titre du premier chapitre de Fernand Braudel : « Que la France se nomme diversité ». Faire de l’un avec du divers est une tâche historique perpétuellement recommencée. Nos institutions doivent y aider et non encourager l’éclatement du divers.
On peut mesurer l’attachement des Français au fonctionnement de leurs institutions en observant le taux de participation aux différentes élections. Les présidentielles assurent à l’évidence un rôle unificateur majeur : depuis 1958, on vote massivement, le sommet étant atteint avec 84 % en 1965, en 1974 et en 2007, le nadir se situant en 2002, avec quand même 71 %. Les 80 % de votants sont dépassés dès que l’enjeu est fort. En 1974 ou 1981, il est question de nationaliser 80 % de l’industrie, de nationaliser toutes les banques, d’abolir la peine de mort… qu’on l’approuve ou qu’on le combatte, l’enjeu est clair. Aux élections législatives, le niveau de participation connait deux phases distinctes : avant l’instauration du quinquennat, on vote en moyenne à 74 % ; depuis le quinquennat, l’élection législative suivant la présidentielle connait une participation nettement plus faible, en moyenne de 55 %. Premier enseignement : le quinquennat et l’espoir d’un système de « gouvernement de législature » à la Mendès France mobilise moins les citoyens. Cette constatation, ajoutée à bien d’autres concernant le rôle du Président de la République, invite à penser que nos institutions ont de l’avenir à condition de revenir à leur source.
Il n’est guère honnête d’imputer aux institutions ce qui incombe à la vie politique. Il est évident que lorsque les enjeux sont clairs, lorsque les choix proposés sont nettement contradictoires, les citoyens éprouvent l’envie de trancher. A l’inverse, lorsque la vie publique est engluée dans le conformisme mou, sans autre arête tranchante que le choix d’un taux de TVA, il n’est pas surprenant que les électeurs s’ennuient. Faut-il redonner une majorité au général de Gaulle après la crise de mai 68 ? 80 % des électeurs répondent. Faut-il confirmer au président la majorité qu’il a obtenue en 2017 puis en 2022 ? : le taux chute à 48 %. L’hypothèse d’un gouvernement Rassemblement national vous convient-elle ? le taux de participation passe à 66 %. C’est la même chose pour les referendums : 30 % de votants en 2000 pour la consultation sur la Nouvelle-Calédonie ; 80 % en 1969 pour la régionalisation et la réforme du Sénat, dont le vrai enjeu est le départ du général de Gaulle. Le referendum a une capacité de déblocage des situations nouées qui est indéniable. On l’a bien vu avec les trois referendums relatifs à l’Algérie. Plus récemment, 70 % de votants ont répondu au referendum sur le traité de Maastricht, et au referendum sur la Constitution européenne. Second enseignement donc, le recours au referendum, oublié depuis près de vingt ans serait un bon moyen à la fois de garantir l’avenir des institutions et de reprendre avec les citoyens la grande dispute qui crée l’unité nationale. Débattre ensemble d’un sujet d’importance est une bonne manière de souder un peuple, au-delà de ses différences, de surplomber la diversité de l’archipel par une vue commune de l’avenir. Là encore ce ne sont pas les institutions qui sont à incriminer, mais les décisions des gouvernants qui ont choisi d’ignorer le vote référendaire des Français, puis d’ignorer l’existence même du referendum. C’est en effet depuis cette sorte de trahison, que le referendum a été malencontreusement oublié.
Ce qui affaiblit la démocratie, ce ne sont pas les institutions de 1958, mais le non-respect de la volonté du peuple. Le Parlement a pourtant ce devoir. Comment l’exerce-t-il ? J’ai le souvenir que 49 % des Français ont désapprouvé le traité de Maastricht. Mais à l’Assemblée nationale, nous n’étions que 43 députés à nous y opposer contre 388. À Versailles pour la réforme de la Constitution à la suite du traité de Maastricht, nous n’étions que 73 sur 665. Mon voisin de banc était extatique « c’est un jour historique » me disait-il… Un décalage profond qui va s’accentuer un peu plus tard avec le referendum sur la Constitution européenne : 54 % de Français s’y sont opposés, mais 62 % de leurs parlementaires ont passé outre à Versailles. On a beau jeu d’incriminer les institutions ! Mais que dit-on aux partis politiques qui menacent leurs parlementaires d’exclusion s’ils ne votent pas comme ils ont décidé ? J’ai conservé la lettre de Pierre Mauroy remise en séance, lors du vote sur la participation de la France à la guerre du Golfe, alors que les réacteurs de nos bombardiers chauffaient déjà sur les tarmacs d’Arabie saoudite… Le fait majoritaire a contribué à la stabilité de l’exécutif, mais a contribué à l’effacement des pouvoirs du Parlement. Et le fait majoritaire s’inscrit dans le fonctionnement quotidien des assemblées : temps de parole, votes, discipline de vote : le député a le choix de suivre docilement les décisions de son groupe… ou d’exercer son mandat de manière parfois solitaire. J’ajoute que la proportionnelle ne fait qu’accroître le pouvoir des partis politiques ; ce sont eux qui arrêtent la liste des candidats, suivant les clivages internes, les courants, et font tomber le couperet sur tout député indocile.
Le député de la nation détient un fragment de la souveraineté nationale ! Mais je comprends son désespoir quand il découvre la vie parlementaire. Bien-sûr la question du cursus républicain peut être posée. À l’ancien système qui faisait passer l’impétrant de la mairie au conseil général puis à l’Assemblée et au Sénat, s’est substituée une sélection qui privilégie beaucoup les talents de communication. On a glosé sur les recrutements de candidats par tel ou tel parti. Internet fournissait plus de CV que les réunions de section ou d’arrondissement de ces partis. Mais le reste suit. On a institué, au prétexte de quelques cas de détournements de fonds, un Déontologue à l’Assemblée nationale. Et bien vite, chaque député s’est vu soumettre ses notes de frais tel un représentant de commerce. Le souverain tombe de son piédestal.
Il y a plus grave. Des Conventions citoyennes sont convoquées, réunissant des citoyens tirés au sort pour s’emparer de sujets relevant du domaine de la loi : le climat, la fin de vie… Ils forment des propositions, relayées par les grands media : le Parlement est invité à s’exécuter. Comment nos députés ne se sentiraient-ils pas dessaisis ? Ce n’est pas l’esprit des institutions mais une marque d’inquiétude devant le fossé creusé entre citoyens et gouvernants. Il y a meilleur moyen de le remplir : au lieu de citoyens tirés au sort, il serait sage de réunir à terme régulier les responsables désignés par leur base : syndicats et patronat pour les questions sociales, État et élus locaux pour ce qui relève des collectivités territoriales, et lire les rapports du Comité économique, social et environnemental permettrait de gagner beaucoup de temps.
Les institutions, aux yeux de nos concitoyens, ne concernent pas seulement le gouvernement et le Parlement, mais aussi les institutions locales et régionales. Pour qu’elles mobilisent les citoyens, on ne peut faire abstraction du sentiment d’appartenance, de destin commun, ou plus simplement de vie partagée. Pour définir les départements, on avait choisi la mesure d’une journée de cheval jusqu’au chef-lieu. Aujourd’hui, l’objectif est plutôt de rationaliser notre administration locale, et cela sous les yeux exigeants de la Commission de Bruxelles. On a donc réduit le nombre des régions et dessiné leurs contours sur le papier. Aucune économie n’a résulté à ce jour des fusions d’anciennes régions de 27 à 18. Les dépenses des régions ont évolué de manière identique, qu’elles aient été fusionnées ou non. La réforme territoriale n’a pas permis de dégager les économies escomptées. Elle a au contraire coûté plus de 200 millions d’euros, signale un rapport de la Cour des comptes. Et je dois constater que, dans mon village, je suis citoyen d’une région qui va de Guéret à Biarritz, dont la capitale est Bordeaux qu’aucune autoroute ou aucune voie ferrée ne permet de rejoindre aisément. Difficile dans ces conditions d’intéresser nos concitoyens aux enjeux régionaux. C’est aux yeux de beaucoup une instance éloignée, qui peut certes distribuer des subsides, mais où mon département est représenté par 4 élus dans un conseil régional de 183 membres. Nouvel enseignement : on ne crée pas d’institutions sur un papier, sans rapport avec la réalité.
La même remarque vaut pour les intercommunalités. L’instauration en 2005 d’un seuil de 15 000 habitants minimum pour constituer une intercommunalité est inadaptée aux régions rurales. Chez moi, pour créer l’intercommunalité Marche et Combraille à laquelle appartient ma commune, il a fallu fusionner trois intercommunalités qui fonctionnaient bien ; résultat, cette créature administrative nouvelle comprend 50 communes, sur 70 km de distance. Mais autre résultat : elle navigue de crise en crise et son budget a dû être arrêté en août dernier par la préfète. En 2019, le tribunal administratif de Limoges avait dû prononcer la défusion d’une autre intercommunalité, dénommée joliment Monts et vallées Ouest Creuse. Tout au long du grand débat qui suivit la crise des gilets jaunes, le président Emmanuel Macron n’avait cessé d’être interpellé sur les conséquences de la création de ces intercommunalités XXL. Il est de bon ton de se gausser du mille-feuilles administratif, mais au lieu de l’améliorer on l’a parfois complexifié. Le triptyque commune-département-nation fonctionne bien. Ceux qui rêvent d’y substituer un autre triptyque intercommunalité – région – Europe font fausse route. Et c’est la juxtaposition des deux conceptions qui génère le désordre. Ce n’est pas le nombre d’échelons qui compte, – d’ailleurs la France est à cet égard dans une situation comparable à celle de ses voisins européens – mais leur sens, et l’harmonisation des compétences. L’exercice de la démocratie ne va pas sans un certain sentiment d’appartenance, à la commune au département, à la nation, peut-être un jour à l’Europe, mais ne lâchons pas la proie pour l’ombre. L’avenir de nos institutions locales tiendra à la force du lien que les citoyens établissent avec elles. Enfin, l’effectivité du pouvoir est la mesure de la démocratie. Bien-sûr, il demeure un reste de bonapartisme dans cette expression. Mais la démocratie ne peut être le règne du verbiage allié à l’impuissance. C’est dans un tel climat que ses ennemis prospèrent. Un régime de liberté n’est pas un régime de faiblesse, mais une organisation des pouvoirs qui permet à la volonté populaire d’être respectée. Les institutions de 1958 voulaient restaurer la souveraineté nationale et populaire, durement atteinte par les crises de la IVe République et l’impuissance devant la tragédie algérienne. Elles avaient été conçues pour une Assemblée nationale sans majorité claire, car c’était le cas à l’époque, et permettent de trouver des solutions. Mais il est clair que nous nous situons dans un cadre entièrement renouvelé depuis que les institutions européennes ont acquis de nouvelles compétences voire un pouvoir de tutelle. Pour répondre aux aspirations démocratiques de notre peuple, les institutions françaises ne pourront éviter des épreuves rudes avec les dérives de la Commission de Bruxelles, qui vient de nommer un Commissaire chargé de la défense, par exemple alors que la défense ne figure pas dans les traités, qui empiète sur les politiques étrangères des États-membres, et surtout qui alimente l’immense machine normative qui lie les bras des Parlements et contrôle les budgets nationaux. Elles ne pourront éviter des épreuves difficiles avec les jurisprudences européennes qui interprètent très largement les textes en réduisant les compétences des États. Qu’est-ce qu’une démocratie sans pouvoir sur l’essentiel ? Une machine à alimenter les populismes. Si on veut moderniser les institutions, c’est à cette question qu’il faut répondre. Il s’agit de poser les garde-fous qui préserveront la République des lois dictées par d’autres ou fixées ailleurs. Quand on veut à juste titre rééquilibrer les pouvoirs au profit du Parlement et au détriment de l’exécutif, il ne faut pas perdre du regard qu’il s’agit de donner à la volonté populaire plus de force. Si ce cap était perdu de vue, le terrain laissé par le Parlement ou le gouvernement serait bien vite occupé par les puissances non élues, aussi bien la Commission européenne que les Conventions citoyennes, les Grands débats, les Comités d’éthique, mais aussi les juridictions françaises et européennes, ou le quatrième pouvoir, celui des médias.
Le cahier imprimé du colloque « Comment les institutions de la Ve République peuvent-elles évoluer ? » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.
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