Intervention de Lutz Meier, correspondant parisien du Financial Times Deutschland, au colloque du 12 janvier 2009, L’Allemagne, la crise, l’Europe.
J’ai suivi avec attention les débats entourant les différentes initiatives et positions prises depuis quelques mois, par la France d’un côté, par l’Allemagne de l’autre. J’ai observé avec étonnement qu’il était beaucoup question de dogmes, de traditions, d’idéologies, notamment à propos de la fameuse question du gouvernement économique en Europe. Or, si les dogmes et idéologies contribuent à expliquer ces réactions différentes face à la crise, je crois que celles-ci sont essentiellement dues aux différences de structures. C’est pourquoi j’aimerais commencer, si vous le permettez, par évoquer ces différentes structures.
Premièrement, l’économie allemande est caractérisée depuis des années par une consommation très faible et des exportations importantes. C’est pourquoi il est tout à fait logique que l’Allemagne ne réagisse pas comme la France qui, par diverses incitations, tente de relancer la consommation. L’Allemagne a fait l’expérience de cette politique lorsque le gouvernement Schröder a cru, par une réforme des taxes, accroître la demande et la consommation. Ce fut un échec. En effet, les Allemands (question de mentalité ?) avaient épargné au lieu de consommer. Un autre facteur me semble significatif : depuis plus d’une quinzaine d’années, les Allemands perdent du pouvoir d’achat sans que cela suscite grogne ni revendications. A l’inverse, alors que le pouvoir d’achat des Français a augmenté pratiquement tous les ans, ce sujet reste très sensible dans l’opinion.
La deuxième différence concerne les systèmes politiques et peut-être aussi les mentalités politiques. Un système présidentiel, comme le système français, favorise traditionnellement la politique symbolique. Le Président actuel l’a bien compris. De plus il aime la politique symbolique. Cela accentue la différence avec l’Allemagne fédérale où, face aux Etats fédéraux, à un Parlement très fort, à des partis très puissants, toute démarche, fût-elle de relance, doit être initiée avec une grande prudence. En France on a essayé de relancer avec des éléments symboliques : annonce solennelle, énumération des chiffres considérables investis par l’Etat pour rétablir la confiance dans l’économie. De plus, Monsieur Sarkozy a initié de grands événements, de grands sommets internationaux. C’est précisément le point qui suscita un certain scepticisme au sein du gouvernement allemand, plutôt réservé à l’égard des grands gestes politiques.
Le troisième facteur, souvent sous-estimé, est la situation démographique très différente en France et en Allemagne. La situation démographique française est plus favorable au programme annoncé par Monsieur Sarkozy qui consiste à relancer la consommation en creusant la dette. En effet, la France a assez de petits enfants pour payer un jour cette dette. La rigueur budgétaire allemande est aussi le résultat de la situation démographique.
J’ai cité ces éléments pour montrer qu’au-delà de traditions et de dogmes différents, il y a aussi des faits et des développements qui différencient les deux pays.
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