Intervention de Jacques Sapir, directeur d’études à l’EHESS, auteur de Le Nouveau XXIè siècle (Seuil, 2008) au colloque du 27 avril 2009, Crise du libre-échange mondial : comment en sortir ?
Le libre-échange a été souvent présenté comme l’une des conditions de la croissance. Il a été associé à la liberté de circulation des capitaux dans la mesure où il a été considéré que la liberté de circulation des produits devait s’accompagner d’une liberté de circulation des moyens de production pour pouvoir obtenir les meilleurs résultats.
Aujourd’hui, on est en mesure de dresser un bilan de cette double ouverture. Il ne semble pas que la liberté de circulation des capitaux ait eu un effet globalement positif. Plus encore, en contribuant à l’instabilité générale des économies, elle a certainement exercé un effet déstabilisant. Quant au libre-échange, il est lui aussi fortement critiqué. Si personne n’envisage un retour à des économies autarciques, la mise en concurrence des économies n’a pas eu que des résultats positifs.
Globalement, c’est le couple libre-échange et liberté des capitaux, soit le couple entre la liberté de faire circuler les produits et celle de faire circuler les moyens de les produire qui est en cause. La possibilité de diverses formes de protectionnisme, y compris un protectionnisme asymétrique ou un protectionnisme altruiste est alors posée. On abordera en conclusion la question du souhaitable et du possible.
1. Le libre-échange et la concurrence entre les nations.
La question du libre-échange et du protectionnisme s’inscrit dans une problématique de la concurrence entre les nations. Les conditions de productivité y sont différentes en raison de l’histoire économique et des inégalités de développement. Néanmoins, c’est bien dans l’écart qu’il peut y avoir entre les inégalités de productivité entre deux pays et les différences de prix que se joue l’effet de concurrence. Certes, la concurrence ne se fait pas uniquement par les prix. Il y a de nombreux exemples où la qualité est un facteur particulièrement important de différenciation entre les produits.
Mais, si l’on reconnaît que ce phénomène peut jouer dans certains cas, il devient peu pertinent quand les conditions matérielles de production se rapprochent.
Il convient donc de bien distinguer le cas, dans les pays à très faible coût du travail, entre ceux dont les niveaux de productivité et de sophistication des exportations sont en train de remonter vers la structure des pays de l’OCDE et ceux dont les niveaux vont rester très faibles. Ces différences recoupent dans une large mesure celles que l’on a connues dans le taux de pénétration de ces pays sur le marché des Etats-Unis.
Tableau 1 : Pays montrant la plus grande similitude dans leurs exportations avec celles de l’OCDE
1972 | 1983 | 1994 | 2005 | |
---|---|---|---|---|
Mexique | 0,18 | 0,20 | 0,28 | 0,33 |
Brésil | 0,15 | 0,16 | 0,19 | 0,20 |
Taiwan | 0,14 | 0,17 | 0,22 | 0,22 |
Corée | 0,11 | 0,18 | 0,25 | 0,33 |
Argentine | 0,11 | 0,09 | 0,09 | 0,13 |
Hong-Kong | 0,11 | 0,13 | 0,17 | 0,15 |
Pologne | 0,10 | 0,08 | 0,09 | 0,17 |
Hongrie | 0,05 | 0,08 | 0,07 | 0,13 |
Roumanie | 0,05 | – | – | 0,08 |
Inde | 0,05 | 0,07 | 0,09 | 0,16 |
Chine | 0,05 | 0,08 | 0,15 | 0,21 |
Source: P.K. Schott, « The Relative Sophistication of Chinese Exports », in Economic Policy, n°53, janvier 2008, p. 26.
Ainsi, on peut constater que le changement tel qu’il s’est joué ces vingt dernières années a été le fait non pas d’un ensemble de pays mais d’un petit groupe de ces derniers. Ce sont ces pays qui sont aujourd’hui visés par des mesures protectionnistes, car ce sont eux qui – par la pression de leurs faibles coûts – ont engendré la déflation salariale que l’on a connue dans les grands pays développés.
Il est particulièrement important de constater que dans ces pays qui ont le plus gagné au développement du libre-échange, on n’a pas eu les gains en protection sociale ni en protection écologique que l’on pourrait attendre de cette hausse de leur productivité et de la relative sophistication de leurs exportations. Ce sont donc ces pays qui posent aujourd’hui un véritable problème au monde développé.
1972 | 2005 | |
---|---|---|
Chine | 0,04% | 19,26% |
Mexique | 1,96% | 10,44% |
Malaisie | 0,42% | 2,61% |
Irlande | 0,25% | 2,22% |
Corée du Sud | 1,79% | 3,32% |
Thailande | 0,20% | 1,38% |
Source: P.K. Schott, op.cit. p. 22.
Le développement économique a été, durant les 25 dernières années, largement porté par le commerce international. Tel est le résultat vulgarisé par les économistes. Cependant il convient de se demander si l’on n’a pas été en face d’une erreur, ou du moins d’une illusion, due aux statistiques. En effet, la vulgate du libre-échange passe pour le moins rapidement sur des éléments importants pour sa démonstration.
1.1 Les évolutions des économies depuis les années 1980.
On a en effet connu deux phénomènes majeurs qui ont été la fin de l’Europe de l’Est, au sens du CAEM ou Conseil d’Aide Économique Mutuel et à la fin de l’URSS. Dans ces deux cas, on a pu constater que les flux de commerce connaissaient une forte croissance. Or, le simple phénomène de transformation de ce qui était un « commerce intérieur » en un « commerce international » s’est traduit par la hausse brutale de ce dernier.
Une deuxième cause, plus subtile, de la hausse de ces flux de commerce international a été l’évolution que ces économies ont connue durant les premières années de la transition. On a ainsi constaté une expansion des exportations, à la fois de manière relative dans son rapport au marché intérieur et donc au PIB, et de manière absolue, à la suite de la transition. À cet égard, les chiffres extrêmement élevés du commerce international dans les années 1994-1997 semblent bien avoir été le produit d’une illusion statistique. Ce sont ces chiffres, enregistrés sur quatre années, qui ont très largement conditionné notre vision de la croissance.
Enfin, il faut avoir à l’esprit la hausse des matières premières qui s’est manifestée pendant une bonne partie de cette période.
En effet, c’est de ces années-là que date le sentiment que le commerce international porte la croissance. L’on a eu l’impression, et peut être l’illusion, que c’était par l’abolition des barrières aux échanges que l’on avait obtenu la croissance très forte de ces années-là. Dans une large mesure, ceci a recouvert le processus de constitution en « Économies Nationales» de pays dont le commerce ne représentait jusqu’alors que du commerce intérieur. On peut ici parler d’un artefact statistique. Cependant, il faut signaler que la croissance a pu être portée, mais dans une bien moins large mesure que ce que l’on a constaté, par le commerce international. En effet, il est clair que le commerce des pays émergents a progressé de manière très nette. Néanmoins, l’étude des pays concernés se révèle riche en enseignements.
Des études ont depuis plusieurs années tenté d’établir une corrélation entre le degré d’ouverture de ces économies et le taux de croissance. Dans cette littérature, on doit inclure Dollar (1992) (1), Ben-David (1993) (2), Sachs et Warner (1995) (3) et Edwards (1998) (4). Tous ces papiers ont été écrits après la dissolution du bloc soviétique en Europe et après la désintégration de l’URSS, mais avant la crise des pays émergents de 1997-1998.
L’article de David Dollar repose sur l’hypothèse qu’une distorsion des flux est une mesure de leurs restrictions et que la variabilité du taux de change réel nous indique la persistance d’incitation sur la longue période. Puis, il compare l’évolution des prix des facteurs de production dans les pays considérés aux prix aux Etats-Unis et mesure ainsi son indicateur de distorsion. Ceci soulève deux problèmes. Le premier est de savoir si, d’une manière générale, on peut considérer les prix aux Etats-Unis comme des prix « justes » pour l’ensemble des autres pays. Le second est que, même si on admet cette hypothèse, la mesure de la distorsion s’avère extraordinairement sensible aux formes prises par les mesures de protection, et non à leur effet global (5). De fait, la distorsion s’avère être une variable peu robuste et dont le coefficient de corrélation n’est pas significatif.
En ce qui concerne l’article de Sachs et Warner, les spécifications de leur modèle tendent à introduire un très fort biais en raison de l’inclusion uniquement de pays ayant eu recours au programme d’ajustement structurel. De plus, les variables qui vont déterminer si l’économie en question est « ouverte » ou « fermée » sont extrêmement discutables. Ceci peut se voir dans le traitement des pays Africains. En effet, l’usage de la prime de Marché Noir et celui du Monopole d’exportation ne permettent pas de déterminer de manière réaliste quelles sont les économies que l’on doit considérer comme « ouvertes » et quelles sont celles qui ne le sont pas.
L’article de Sebastian Edwards va quant à lui tester la robustesse des neuf indicateurs d’ouverture. De fait, la robustesse de sa régression doit beaucoup aux poids relatifs de certains de ces indices qui peuvent être, là aussi, extrêmement subjectifs.
L’article de Dan Ben-David va, quant à lui, se concentrer sur le problème de la convergence. Il s’agit ici de tester l’idée que, si on a un libre-échange des produits, on doit avoir une égalisation du prix des facteurs. Cependant, ce « théorème » ne fonctionne que si on a autant de biens que de facteurs, si les technologies sont identiques et si les coûts de transport sont négligeables. Cet article a, de plus, la particularité de regarder le cas de pays développés comme les membres de l’Union Européenne. Mais, ses résultats semblent pouvoir être attribués aussi à d’autres facteurs comme le fait que l’on observe pour les pays du bloc initial de l’Europe une tendance à la convergence qui date de la fin du XIXe siècle. De fait, les politiques semi-autarciques que l’on observe dans les années 1930 semblent n’avoir eu aucun effet sur cette tendance historique.
De manière générale, les tests apparaissent comme donnant des résultats très ambigus. On peut en déduire que, pour certains pays, l’ouverture a été positive mais non pour d’autres. On peut aussi en déduire qu’une politique qui associe l’ouverture à de bonnes mesures macroéconomiques est supérieure à une politique associant le protectionnisme à des mauvaises mesures macroéconomiques, ceci tient bien plus en la qualité des dites mesures macro-économiques qu’à celle de l’ouverture. De fait, les pays qui ont associé des politiques protectionnistes à des bonnes politiques macro-économiques, et en particulier à des politiques industrielles agressives, connaissent des taux de croissance qui sont largement supérieurs.
Les travaux conduits par Alice Amsden (6) et Robert Wade (7) ainsi que ceux qui ont été regroupés par Helleiner tendent à montrer que dans les pays en voie de développement le choix du protectionnisme fournit des taux de croissance qui seront très au-dessus de ceux des autres pays, plus adeptes du libre-échange, dans le long terme. Le protectionnisme apparaît alors comme une condition nécessaire mais non suffisante du développement.
1.2. Que calcule-t-on par la croissance du PIB ?
L’essentiel des calculs servant à « prouver » la supériorité de l’ouverture et du libre-échange se fondent sur des régressions entre un indice d’ouverture et la croissance du PIB. Cependant, outre le caractère très discutable de cet « indice d’ouverture » il faut signaler que c’est une importante illusion statistique que de prendre la hausse du PIB comme une mesure de la croissance de la richesse à l’échelle mondiale.
Tout d’abord, le PIB (ou le PNB qui est son équivalent sur une base nationale) ne mesure que les biens et services mis au marché. Ce qui est autoconsommé ou échangé hors mécanismes de marché n’est pas comptabilisé dans le PIB ou le PNB. Ceci n’est pas très significatif (quoi que …) pour des pays développés qui ont des structures de production et de consommation similaires mais constitue un problème majeur dans des pays en voie de développement où une large partie des activités économiques dites traditionnelles se font « hors marché ». Le basculement de ces activités, de la sphère non-marchande vers la sphère marchande, induit une hausse du PIB à production égale. La croissance du PIB ne reflète donc pas celle de la richesse de la population (9).
La marchandisation d’une économie qui possédait initialement un secteur non-marchand se traduit toujours par une hausse du PIB même quand la richesse réelle du pays diminue.
Par ailleurs ceci ne concerne pas uniquement les pays en voie de développement. La marchandisation de l’économie a aussi progressé dans les économies développées, à travers deux mécanismes qui ont joué un rôle important entre les années 1960 et les années 1990.
(i) Une partie de la consommation des ménages, qui était réalisée dans la sphère de l’économie domestique urbaine, a été externalisée dans la sphère marchande.
(ii) Une partie des consommations intermédiaires des grandes entreprises ont été elles aussi externalisées. Ceci a fait apparaître en transactions marchandes, et donc comptabilisées dans le PIB, des transactions qui se déroulaient de manière non-marchande au sein des entreprises. Il faut ajouter que ce phénomène tend à accroître la part des services dans l’économie en faisant apparaître statistiquement dans cette catégorie des activités déjà existantes mais qui se déroulaient au sein de grandes entreprises industrielles.
Il ne s’agit pas, ici, de dire que l’ensemble de la hausse du PIB à l’échelle de la France ou à celle du monde est un simple artefact statistique. Cependant la hausse du PIB mondial telle qu’elle a été mesurée entre les années 70 et la fin des années 90, parce qu’elle s’est déroulée dans une période marquée par une très forte marchandisation des activités, incorpore nécessairement une part non négligeable d’artefact statistique, en raison des conventions comptables qui sont utilisées pour déterminer le PIB ou le PNB.
Fondamentalement l’idée que nous aurions à partir de la fin du «court XXe Siècle » retrouvé une tendance à une intégration par le commerce se révèle être un mythe. Comme l’ont montré Paul Bairoch et Richard Kozul-Wright (10), il n’y a jamais eu un « âge d’or » de la mondialisation qui se serait terminé dans la première guerre mondiale.
Nous aurons l’occasion de voir que le débat a continué dans la période récente et que ses résultats ont été les mêmes. Conservons pour l’instant, l’image qui nous est fournie par Rodrik et Rodriguez. La poussée vers une plus grande ouverture n’a pas été favorable au plus grand nombre.
Il n’en reste pas moins que cette poussée a bien été fortement consolidée par le passage du GATT à l’OMC et qu’elle a eu des conséquences considérables en ce qui concerne la détérioration de la situation sociale, en particulier dans l’ouverture des inégalités sociales, dans les économies nationales soumises justement à cette concurrence.
Le changement inscrit dans l’OMC et la charte de La Havane.
Le libre-échange est aujourd’hui largement assimilé au résultat du traité créant l’Organisation Mondiale du Commerce. La constitution de l’OMC est cependant récente, et dans une large mesure toujours contestée.
Il nous faut revenir un instant en arrière. Lors des négociations de Bretton Woods en 1944, il devint clair que pour éviter le retour aux pratiques autarciques des années 1930 une « Organisation du Commerce Internationale » devait établir les règles à respecter. La conférence de La Havane permit la rédaction d’un texte, la « Charte de La Havane ». Ce texte établissait ces règles à partir d’une logique de croissance et de lutte contre le sous-emploi. Ainsi, la présence de mesures protectionnistes était-elle admise et même consolidée pour favoriser le développement d’industries naissantes comme matures.
La Charte adoptée à la suite de cette conférence (Charte de La Havane) précise tout d’abord des buts sociaux et économiques. La libéralisation des échanges commerciaux n’est ainsi mentionnée que dans la mesure où elle contribue au progrès économique et social. Cependant, la Charte indique de manière très claire que les mesures de libéralisation sont contingentes aux objectifs énoncés. Elles sont donc susceptibles d’être suspendues si elles entrent en contradiction avec la réalisation des dits objectifs.
Ainsi, l’article 1 de la Charte de La Havane définit les buts de la Charte comme étant ceux de la Charte des Nations Unies et en particulier le relèvement du niveau de vie, le plein emploi et les conditions de progrès social.
Le §1de cet article 1 précise :
« Assurer une ampleur toujours croissante du revenu réel et de la demande effective… »
Le § 2 précise « Aider et stimuler le développement industriel ainsi que le développement économique général… ».
La question de la réduction des tarifs douaniers n’est soulevée qu’au §4 et apparaît donc comme subordonnée aux buts économiques et sociaux.
L’article 2 de la Charte fait de la lutte contre le chômage un objectif international. Le libre-échange n’est pas mentionné.
L’article 3, quant à lui, stipule (dans son §2) que les mesures prises nationalement ne doivent pas avoir pour effet de « mettre en difficulté la balance des paiements d’autres pays ». L’objectif est donc d’arriver à un équilibre global. Ceci est réaffirmé dans l’article 4 qui stipule que, si un État est cause d’un déséquilibre (par un excédent structurel), cet État doit corriger la situation. Ainsi la Charte fait obligation à ses membres de ne pas prendre de positions prédatrices.
L’article 6 indique que l’OIC doit agir en cas de pression déflationniste, qui justifie alors des mesures de sauvegarde de la part des autres pays.
L’article 7 de la Charte définit alors un processus devant conduire à des normes de travail équitables.
L’article 20 de la Charte appelle à l’élimination des mesures autarciques, mais introduit cependant immédiatement des clauses suspensives dans un grand nombre de cas (§2) :
– Limitation des exportations en cas de pénurie grave.
– Limitation des importations sur des critères qualitatifs relevant des normes ou de la réglementation du pays considéré.
– Limitation des importations agricoles si le pays considéré souhaite développer spécifiquement ces productions, ou se prémunir contre une surproduction temporaire.
L’article 21 vient souligner le caractère contingent des mesures de libéralisation en indiquant que la priorité est, pour les pays membres, de sauvegarder leur position extérieure et maintenir un équilibre stable de la balance des paiements.
Le §2 précise d’ailleurs (en référence aux restrictions quantitatives évoquées à l’article 20) :
« …tout État membre pourra, en vue de sauvegarder sa position financière extérieure et sa balance des paiements, restreindre le volume ou la valeur des marchandises dont il autorise l’importation… ».
Le §3 précise alors comme conditions permettant à un État de maintenir ou renforcer les restrictions à l’importation. Il s’agit de prévenir le risque d’une baisse des réserves monétaires, de mettre fin à une telle baisse ou enfin d’augmenter les dites réserves (à un taux qualifié de « raisonnable ») dans le cas où elles seraient très basses.
Le remplacement du GATT par l’OMC survint à la suite de l’Uruguay Round de 1986. Le mandat qui fut donné aux négociateurs fut de réviser les principaux domaines jusque là couverts par le GATT et d’orienter ce dernier en un sens qui serait plus favorable au libre-échange. De fait, la fin de l’Europe de l’Est et du CAEM (Conseil d’Aide Économique Mutuel), puis la fin de l’Union soviétique avaient largement changé la donne initiale.
Les accords de Marrakech (1994) devaient donner naissance à l’OMC, qui entra en fonction le 1er janvier 1995.
L’OMC prévoit que ses diverses décisions devraient donner lieu à des votes. Mais la pratique de l’OMC a été marquée par la règle du consensus. Il suffit qu’aucun pays ne s’oppose à une mesure pour qu’elle soit adoptée. Cependant cette pratique semble aujourd’hui rencontrer ses limites.
Le « Doha Development Round », a connu un échec patent en juillet 2008 (23-29 juillet). Les négociations ont échoué sur un désaccord persistant entre les pays riches et les pays les plus pauvres en ce qui concerne les subventions agricoles, mais aussi l’accord sur la propriété intellectuelle (TRIPS). Cet échec a signifié la perte par l’OMC de la maîtrise qu’il avait pu exercer sur l’ordre du jour de ses négociations.
Dès sa création l’OMC a été le théâtre de violents affrontements qui se sont déroulés à l’extérieur de son enceinte feutrée. En 1999, la réunion dit « du millénaire » à Seattle a été marquée par des affrontements violents. L’OMC reste le symbole d’une ouverture constante, et aujourd’hui fortement critiquée, des économies.
Le glissement progressif d’un accord international se donnant comme objectif la lutte contre le chômage et le sous-emploi (comme dans la charte de la Havane) à un accord établissant la règle de la concurrence et du libre-échange comme base de toute négociation ne s’est pas faite en un jour.
Elle a eu pour corollaire la montée de ce que l’on appelle la « globalisation ». Cependant, ce glissement a surtout eu pour effet de déstabiliser l’économie de tous les pays et de faire de la course aux exportations le moteur – temporaire – de la croissance.
La crise actuelle, qui a déjà vu le commerce international baisser de 13%, et ce avant même que ne soient prises des mesures protectionnistes, confirme que cette course aux exportations ne peut fonder durablement la croissance.
2. Le libre-échange est-il un altruisme ?
Lors de la préparation du sommet de l’OMC de Cancun en 2003, et à la suite de la montée de la contestation anti-OMC, on pouvait lire et entendre des estimations des gains de la libéralisation du commerce mondial se montant à plusieurs centaines de milliards de dollars. Le modèle LINKAGE, utilisé par la Banque Mondiale, annonçait un gain total de 832 milliards de dollars, dont 539 uniquement pour les PVD. De tels chiffres ont popularisé l’idée que le libre-échange était une nécessité pour le développement de ces pays. Plus généralement, elle a accrédité l’idée que le libre-échange était un partage d’une « gâteau » mondial et qu’il fallait désormais que, par esprit de justice, nous laissions une place plus grande à ces pays, quitte à accepter une moindre croissance. C’est dans ce cadre que s’est développée toute une rhétorique qui accrédite l’idée que nos niveaux de protection sociale et écologique sont des « luxes » de nantis.
Pourtant, lors des discussions préparatoires au sommet de l’OMC qui se tint à Hong Kong en 2005, l’estimation des gains totaux était tombée aux environs de 200 milliards de dollars. Le gain pour les PVD semblait très faible, et en particulier si l’on retirait la Chine de ce groupe de pays. Une telle variation dans les estimations, et en si peu de temps, laisse rêveur (11).
2.1. Les modèles LINKAGE et GTAP.
Les deux principaux modèles utilisés pour estimer les « gains » de la libéralisation du commerce mondial sont LINKAGE, développé à la Banque Mondiale, et GTAP (pour Global Trade Analysis Project) de l’Université Purdue (12).
Il s’agit de modèles dits « d’équilibre général calculable »(13) qui appliquent aux données réelles le cadre théorique du modèle d’équilibre général. Pourtant, les limites et les défauts de ces modèles sont bien connus (14). Ils vont d’une évaluation faite à partir de l’hypothèse de marchés parfaits à l’hypothèse d’information parfaite et parfaitement distribuée.
On connaît pour l’instant deux générations d’estimations qui diffèrent en raison d’un réajustement des bases de données statistiques, afin d’obtenir des résultats plus réalistes. Ces bases de données ont été constituées par le Global Trade Analysis Project et pour les estimations de 2005 c’est la version GTAP-6 qui a été utilisée. Les écarts entre ces estimations sont considérables.
On constate dans le tableau 3 qu’en dépit de la différence dans les spécifications dans ces deux modèles, l’introduction d’une base de données plus réaliste produit des effets assez similaires. Les gains totaux sont ainsi ramenés au tiers de l’estimation initiale et la part des PVD baisse de plus de la moitié. Il est significatif, par rapport au discours ambiant sur les « vertus » du libre-échange, que les gains des PVD soient bien les principaux perdants de ce réajustement. L’amplitude de la fluctuation des résultats en fonction de la base de données soulève ici un véritable problème. Si l’introduction de données plus réalistes dans le cours de la constitution de GTAP-6 est ainsi susceptible d’engendrer une baisse de près des deux tiers des gains totaux et de 80% et plus pour les PVD c’est l’existence même de gains de la libéralisation des échanges qui devient douteuse.
Tableau 3 : Les estimations et leurs écarts
GTAP 2002 | GTAP 2005 | LINKAGE 2003 | LINKAGE 2005 | |
---|---|---|---|---|
Gains totaux de la libéralisation des échanges (milliards de dollars US) | 254 | 84 | 832 | 287 |
Dont, gains pour Pays en Voie de Développement (milliards de dollars US) | 108 | 22 | 539 | 90 |
Part des PVD en % du gain total | 42,5% | 26,2% | 64,8% | 31,4% |
Gains totaux en 2005 en % de l’estimation initiale | 33,1% | 34,5% | ||
Gains des PVD en 2005 en % de l’estimation initiale | 20,4% | 16,7% |
Source: K. Anderson et W. Martin, Agricultural Trade Reform and the Doha Development Agenda, World Bank, Washington DC, 2005.
2.2. Le phénomène de la différence temporelle.
Il est clair que ces deux modèles posent de nombreux problèmes. De plus, ils ne répondent pas à ce qui était l’interrogation première : a-t-on le droit de protéger sa protection sociale et écologique ?
Si l’on se penche sur les estimations concernant les gains potentiels en fonction des différents accords (sur l’agriculture et sur le textile par exemple), les résultats sont tout aussi instructifs.
Dans l’agriculture, la levée des subventions avantage massivement les pays riches, et au premier chef les États-Unis (15), et ce au détriment des petits producteurs. Rien que de très logique, dira-t-on. Sauf que la production de céréales et de viande aux Etats-Unis se fait dans des conditions qui sont extrêmement défavorables du point de vue écologique.
D’autres études montrent que les PVD pourraient être des perdants nets à une libéralisation des échanges agricoles (16), et ceci n’est guère étonnant.
Il faut se souvenir qu’entre les deux guerres mondiales, un spécialiste de l’économie agricole, Mordecai Ezekiel (17), avait démontré que la concurrence pure conduit nécessairement au déséquilibre quand les vitesses d’ajustement de l’offre et de la demande ne sont pas synchronisées. Ceci est connu sous le nom du « théorème de la toile d’araignée ». Ce résultat permet de montrer que la présence de subventions ou de protections était une des conditions de l’efficacité de la production agricole.
En fait le raisonnement de Mordecai Ezekiel est parfaitement généralisable à toute activité économique où l’ajustement de l’offre et de la demande ne se fait pas à la même vitesse (18).
Si l’on considère le cas du textile, le modèle LINKAGE fait apparaître un net effet positif de la libéralisation des échanges pour les PVD. Il faut cependant savoir que le modèle inclut des pays comme la Corée, Singapour, Taiwan et Hong Kong dans les PVD…
Ce choix est extrêmement discutable, pour ne pas dire tendancieux.
Ces quatre pays ne sont plus, et depuis au moins une décennie, des PVD. Si l’on adopte une définition plus réaliste des PVD, la libéralisation des échanges dans ce secteur n’a pratiquement aucun impact. Si, de plus, on retire la Chine de l’échantillon, l’impact devient négatif.
Il faut ici revenir sur la différence qui existe entre les modèles LINKAGE et GTAP. Le premier est purement statique et suppose implicitement une très forte hausse du PIB mondial entre 2005 et 2015. Les hypothèses retenues pour GTAP apparaissent quant à elles nettement plus réalistes en matière de croissance de l’activité (19).
On doit enfin rappeler que les « gains » de la libéralisation, tels qu’ils sont donnés tant par GTAP que LINKAGE, ne sont pas des gains annuels, mais des gains totaux obtenus une fois pour toutes. Si on les rapporte au PIB sur une période de 5 années (correspondant au délai de mise en œuvre des mesures de libéralisation envisagées), ces gains représenteraient alors 0,27% du PIB mondial. Dans le cas de LINKAGE, le gain total représenterait 0,8% du PIB de 2015, et moins de 0,1% par an s’il était réparti sur la période 2006-2015.
Quant aux résultats potentiels du « Cycle de Doha » qui a connu un échec décisif en juillet 2008 comme on l’a déjà indiqué, ils sont dérisoires. Ils représenteraient s’ils étaient appliqués sur une année du PIB mondial (2015) entre 0,23% du PIB de cette année pour LINKAGE et 0,09% pour GTAP (20). Ainsi, quand bien même ces gains ne seraient pas une illusion statistique, ils seraient en réalité insignifiants car largement en deçà de l’intervalle d’incertitude du calcul du PIB mondial… Par ailleurs, ces gains seraient concentrés sur un petit nombre de pays, et en particulier les NPI d’Asie qui maintiennent en réalité une forte protection de leurs marchés à travers des instruments non-tarifaires.
Les perdants, soit les pays dont le PIB baisserait avec l’application du « Cycle de Doha » incluent les pays d’Afrique, du Maghreb (en particulier le Maroc et la Tunisie) et du Moyen-Orient, le Bengladesh et le Mexique.
Comme on l’a indiqué plus haut, les principaux modèles utilisés pour évaluer l’impact économique des accords de libéralisation du commerce soulèvent de nombreuses questions et objections méthodologiques (21). On peut classer ces dernières en questions et objections portant sur la construction des modèles considérés du point de vue de leur utilisation comme instruments d’évaluations, et des objections plus fondamentales quant à leur capacité à représenter, même de manière approchée, le fonctionnement réel de l’économie.
2.3. La question de l’instabilité dynamique du système et son coût d’opportunité.
Il s’agit ici d’un autre phénomène sur lequel les modèles sont d’une rare discrétion. On doit ainsi signaler que l’accélération du nombre et de la vitesse des transactions ainsi que du degré de concurrence peut avoir un effet directement déséquilibrant. Ceci a été démontré dans le domaine de la finance par Dominique Plihon et Luis Miotti (22).
La libéralisation des flux affaiblit les conditions de stabilité de la reproduction de l’activité concernée dès que l’on raisonne en dynamique et non plus en statique. On obtient alors deux résultats qui ne sont pas exclusifs l’un de l’autre.
La libéralisation accroît bien le volume d’activité tant qu’une crise majeure ne se produit pas. Il y a donc bien un « gain » apparent de la libéralisation. Mais, la probabilité d’une crise s’accroît fortement et sa violence est alors décuplée par les effets de la libéralisation. La crise est ainsi plus destructrice et ses effets se font sentir plus longtemps. On peut alors en conclure qu’une croissance plus lente, mais plus régulière, aurait été plus profitable pour le plus grand nombre. Une évaluation globale et objective de la libéralisation devrait donc inclure les deux phénomènes : l’accroissement du volume d’activité en dehors des périodes de crise, et la plus grande probabilité de crises violentes ayant des effets négatifs prolongés sur cette activité. Des modèles de type LINKAGE et GTAP sont incapables de procéder à ce type d’évaluation globale et ne fournissent que celle du premier effet.
Enfin, et cela mérite d’être souligné, ces modèles ne prennent pas en compte les « coûts d’opportunité » induits par la libéralisation des échanges. Le désarmement douanier se traduit par une baisse des revenus fiscaux, ainsi qu’on l’a déjà observé dans la première partie de ce texte. Même si, en fin de période, on peut supposer que le revenu national ait augmenté, et avec lui les recettes fiscales, ceci ne répond pas à la baisse immédiate de ces dernières. Or ces recettes financent des dépenses publiques qui devront être réduites le temps que la hausse du revenu national se manifeste.
(Milliards de dollars US) | GTAP 2005 | LINKAGE 2005 |
---|---|---|
Gains totaux | 84 | 287 |
Gains des PVD | 22 | 90 |
Évaluation des coûts | ||
Pertes fiscales pour les PVD | -60 | -60 |
Coûts administratifs dans les PVD | -4,4 | -4,4 |
Total des coûts pour les PVD | -64,4 | -64,4 |
Solde pour les PVD | -42,4 | 25,6 |
Il y a donc, en analyse statique, une perte nette pour une période qui sera (ou ne sera pas) compensée par un gain net dans une période ultérieure. Mais, nous ne voyons ici qu’une partie du problème. Les dépenses publiques, en particulier dans les domaines de l’éducation, la recherche, la santé et les infrastructures, ont un effet important sur la croissance de l’économie. Ceci est aujourd’hui largement admis par la plupart des économistes. Il faudrait donc logiquement calculer le coût d’opportunité de la perte de recettes fiscales induites par la libéralisation du commerce en estimant ce que ces sommes auraient pu induire en croissance potentielle.
Même sans introduire le possible coût pour les PVD des conséquences de l’accord TRIPS en matière de brevets, on constate que les deux autres sources de coûts ont tendance à faire pratiquement disparaître les « gains » du libre-échange tels qu’ils étaient calculés dans GTAP-2005, modèle qui en dépit de ses limites intrinsèques est moins irréaliste que LINKAGE.
L’évaluation de l’impact sur la croissance de ces coûts, qui est nécessaire pour une comparaison cohérente avec les « gains » indiqués par GTAP et LINKAGE dépend très fortement des hypothèses retenues quant aux réactions face à ces coûts.
L’hypothèse la plus favorable est celle où une partie de ces coûts pourrait être financée par une réduction de certains budgets dont le rôle sur la croissance est moins important. Les estimations de l’impact des dépenses publiques dans les PVD indiquent cependant que la perte en valeur ajoutée finale, en raison des divers effets cumulatifs, risque cependant d’être au moins égale à la perte fiscale.
L’hypothèse la plus défavorable est celle d’un accroissement de la pression fiscale. Les économies des PVD sont en effet extrêmement sensibles à tout prélèvement supplémentaire en raison du niveau général de pauvreté. La combinaison de l’effet « perte de revenu » et de l’effet « contraction de l’investissement » est ici désastreuse. Elle devrait être estimée pays par pays. Mais, en l’absence de travaux précis, on peut évaluer de manière prudente l’effet cumulatif à 1,5 fois la perte fiscale.
Compte tenu du fait que les « gains » de la libéralisation du commerce tels qu’ils sont aujourd’hui calculés sont en réalité très faibles, il est parfaitement possible qu’ils soient inférieurs à ce coût d’opportunité. En fait, et de manière plus générale, c’est l’absence de prise en compte des coûts de la libéralisation des échanges qui rend les résultats de modèles, tels que LINKAGE et GTAP, suspects. Les travaux tentant d’estimer ces coûts, et qui sont antérieurs à ces modèles, indiquaient que ces derniers étaient loin d’être négligeables (22). On peut donc en conclure que le libre-échange n’a nullement favorisé les plus pauvres parmi les pays en voie de développement.
Il n’y a donc nulle « justice » dans le domaine du commerce international, et en tous les cas certainement pas par des mécanismes automatiques. L’idée d’assimiler le « libre-échange » à un mécanisme de répartition entre le Nord et le Sud apparaît dans toute sa fausseté. En réalité, le libre-échange profite aux plus riches de ces pays, où il accroît considérablement les inégalités, mais son effet global est nul ou négatif. Le libre-échange ainsi n’est certainement pas la forme moderne de l’internationalisme que certains veulent y voir.
3. La question du protectionnisme social et écologique.
La question du protectionnisme se pose alors comme étant l’une des possibles réponses aux problèmes posés par l’extension du libre-échange. Il faut ici bien spécifier les problèmes. Si le protectionnisme concerne les pays en voie de développement pour la protection des industries naissantes, il concerne les pays développés pour la survie d’industries stratégiques ou considérées comme relevant de domaines particulièrement sensible ainsi que pour le maintien des protections sociales et écologiques dont ils se sont dotés.
3.1. La concurrence entre les nations et les protections sociales et écologiques.
Nos pays se sont dotés en 50 ans de législations sociales et écologiques relativement avancées. On peut considérer que l’effort fourni a été trop modeste, mais on doit lui reconnaître l’immense mérite d’exister.
Cet effort a reposé sur les gains de productivité qui ont permis ces mesures de protection qui, toutes, constituent un coût direct ou indirect sur nos industries. Cependant, ces politiques sont aujourd’hui largement entamées au nom de « l’efficacité » économique. En réalité, derrière cet argument se trouve le problème des pays émergents et particulièrement de ceux qui ont le plus vite progressé en productivité.
Un rapport du Sénat indique que les rapports entre la progression des salaires et celle de la productivité a été d’environ 50% pour la Chine mais aussi pour les pays de l’ex-Europe de l’Est (24). En ce qui concerne la Chine on y apprend que la productivité y est de 7% de la moyenne française alors que les salaires y sont dans un rapport de 1 à 30. Pour ce qui est des ex-PECO, on y voit une productivité de 26% de la moyenne de l’UE mais un salaire qui se trouve être dans un rapport de 1 à 6, soit de 16,67%.
Industrie | Volume (en milliards de dollars) | % |
---|---|---|
Matériels et machines électriques | 342,0 | 23,9% |
Matériels électroniques et de communication | 268,6 | 18,8% |
Textiles | 113,0 | 7,9% |
Métaux ferreux | 101,8 | 7,1% |
Equipement médicaux et optiques | 43,4 | 3,1% |
Source : Statistiques des Douanes Chinoises, PRC Général Administrations of Customs, www.cbw.com
Ce rapport n’examine pas directement les gains par branches ou sous-branches de l’industrie. Or, il est particulièrement intéressant de voir qu’en ce qui concerne la Chine les gains se sont concentrés dans certains secteurs. Dès lors, il faut s’attendre à des variations importantes de la productivité en Chine.
Le fait que le commerce chinois soit déficitaire pour des pays comme le Japon, la Corée du Sud et Taiwan confirme que dans la productivité du travail chinois, il faut aussi introduire celle de ces pays, qui fournissent à l’industrie chinoise des sous-ensembles (en particulier pour la Corée et Taiwan) qui sont assemblés et revendus par la Chine.
Il est donc plus que probable que dans la productivité moyenne chinoise on observe des pics de productivité particulièrement significatifs.
En ce qui concerne les ex-PECO on a le même problème. La spécialisation de ces pays comme producteurs de pièces détachées, mais aussi comme assembleurs dans l’automobile est bien connue. La productivité dans ce secteur est donc certainement plus importante que ce que l’on a constaté là encore en moyenne.
Si nous nous bornions cependant à ne prendre en compte que ces moyennes, nous constaterions que l’avantage de marché de ces pays est dans un rapport de 1,56 en ce qui concerne les ex-PECO et de 2,1 en ce qui concerne la Chine. Compte tenu des coûts de transports, on peut constater, qu’en moyenne, les produits de ces pays arrivent avec un avantage compétitif de 1,4 à 1,7.
La question de la compétitivité par les prix est alors posée. On admet en effet que dans les phénomènes de compétitivité, on doit distinguer les effets de qualité des effets de prix. Pour ces derniers, on considère qu’ils ne jouent un rôle déterminant que tant que le niveau de qualité reste – relativement – homogène.
C’est bien évidemment un problème majeur en ce qui concerne les importations issues de ces pays. Cependant on doit admettre que les effets de qualité ne sont pas en prendre en compte en ce qui concerne les PECO. Dans ces pays, l’installation de producteurs européens (que l’on appelle les délocalisations directes et indirectes) a considérablement réduit l’écart de qualité. En ce qui concerne la Chine, le phénomène de rattrapage que l’on constate depuis les années 1990 a certainement réduit l’écart de qualité, du moins dans les branches qui sont exportatrices.
On doit donc admettre que, même si les productions issues de ces pays sont constituées par des entrées de gamme (comme dans le cas de la « Logan » de Renault-Dacia), la différence de prix est tellement massive qu’elle joue en leur faveur.
On est donc confronté au problème des délocalisations et de la concurrence sur les emplois entre ce qui est produit sur le territoire national et ce qui est produit dans ces pays. Telle est la forme prise aujourd’hui par la compétition entre les territoires, qui oppose désormais les emplois de toute une population et non plus seulement de la population directement concernée. Si l’on veut évaluer de manière honnête ce que l’on appelle les délocalisations, il faut tenir compte de trois effets qui sont distincts mais qui se renforcent.
a. Les délocalisations directes. Il s’agit ici d’emplois déjà existants dans un pays et transférés dans un autre pays (par fermeture de l’usine dans le pays d’origine). On considère de manière générale que ces délocalisations ont affecté environ entre 1% et 1,5% des emplois industriels en France soit à peu près 0,4% à 0,6% de la population active. C’est, sous cette forme directe, fort peu. C’est ce qui justifie l’argumentation des défenseurs du libre-échange qui prétendent que les délocalisations ne posent pas de véritable problème.
b. Les délocalisations indirectes. Il s’agit cette fois de la création délibérée d’emplois à l’étranger pour servir non pas le marché local mais pour la réexportation vers le pays d’origine. Ce mouvement est quant à lui complètement ignoré dans les débats sur les délocalisations. Il correspond à la décision d’une grande entreprise qui conçoit un nouveau produit et en réalise l’industrialisation d’emblée dans un pays à faibles coûts salariaux et ce à but de ré-export. Cette pratique, on le sait, est devenue systématique dans l’industrie automobile mais aussi la mécanique depuis une dizaine d’année. Il y a là un « manque à employer » plus qu’une destruction directe d’emploi. Les délocalisations indirectes constituent donc l’équivalent du « coût d’opportunité » par rapport aux délocalisations directes qui seraient le coût immédiatement constaté. On peut chiffrer dans le cas de la France et suivant les hypothèses de productivité l’impact de ces délocalisations indirectes entre 1% et 1,6% de la population active.
c. L’effet dépressif sur le marché intérieur. La menace des délocalisations et le chantage auquel se livrent les entreprises ont conduit à maintenir les salaires dans l’industrie à un niveau très faible et à exercer une pression croissante sur les salariés. Ces deux effets contribuent à déprimer le marché intérieur et sont la forme induite de la déflation salariale. La faiblesse des revenus tend à déprimer la consommation et donc la demande intérieure. Il est clair que si les gains salariaux avaient pu suivre ceux de la productivité, et si l’on avait pu économiser ne serait-ce que 1% du PIB en cotisations tant salariées que patronales, on aurait eu un impact très fort de ce surcroît de pouvoir d’achat sur la croissance et donc sur l’emploi.
Si l’on additionne les trois effets, on obtient un impact important sur l’emploi, en partie concentré sur l’emploi industriel directement concerné par les deux premiers effets. Mais, il faut savoir que pour toute quantité d’emploi industriel perdu, nous avons des pertes induites dans les services. On le voit bien dans les régions qui sont touchées par la fermeture d’usines. L’effet multiplicateur des pertes d’emplois provoquées par les délocalisations, qu’elles soient directes et indirectes, vient alors s’ajouter aux destructions d’emplois induites par le troisième effet. Dans ces conditions, il faut admettre que, tant dans le domaine de la protection sociale que dans celui de la protection écologique, nos pays ont un véritable problème avec les produits importés soit des ex-PECO soit depuis la Chine.
La compétitivité exige que le coût du travail et de la protection tant sociale qu’écologique soit considérablement réduit. À défaut on s’oriente vers la perte de pans entiers de notre tissu industriel et dans des secteurs qui ne sont pas les moindres comme l’automobile, le matériel électrique et électronique, voire une partie de notre capacité à innover.
3.2. Les conséquences sur les salariés du « coût » de l’ouverture.
Il convient de signaler ici que l’Union Européenne a été une des institutions les plus efficaces pour la mise en œuvre de politiques d’ouverture. Au nom de la fameuse concurrence dite libre et non faussée elle a introduit toute une série de clauses et de réglementations qui vont au-delà des mesures exigées dans l’OMC.
Si l’on tente d’évaluer les effets en pertes fiscales dans des pays qui ont développé un modèle social avancé, sur la base des coûts actuels en France, une perte de l’ordre de 100 à 150 milliards de dollars par an apparaît alors comme une fourchette minimale pour les pays de l’Union Européenne (essentiellement ceux du « cœur historique »).
Notons encore qu’il conviendrait d’imputer comme pertes fiscales et parafiscales l’accroissement des dépenses de l’assurance-chômage engendrée par les délocalisations, les subventions publiques accordées aux régions en difficulté, enfin le coût pour l’assurance-maladie des maladies « stress-induites » (25).
Il est établi que ces maladies engendrent des coûts importants. Il est aussi établi que la montée du stress au travail correspond à l’accroissement de la précarité de l’emploi qui résulte des effets de la libéralisation du commerce international.
Le montant de ce coût peut être estimé à partir des études actuelles qui montrent que, sur des pays ayant des structures proches de celles de la France, le coût total des maladies liées au stress au travail représente près de 3% du PIB (26). Dans le cas de la Suisse et de la Suède, où des enquêtes épidémiologiques exhaustives ont été menées, le coût du stress au travail a été évalué. Pour ce qui concerne la Suisse, et en fonction des définitions et de l’inclusion dans la définition des coûts directs et induits, on obtient un total variant entre 2,9 et 9 milliards d’Euros (27). Ceci pourrait donc correspondre à une fourchette allant de 24 à 76 milliards d’Euros pour la France.
On peut donc raisonnablement estimer que la part de ces maladies liées au stress résultant de la précarisation des emplois et des pressions induites par le risque de délocalisation pourrait représenter de 1% à 3% du PIB en France.
Pour éviter un accroissement du chômage encore plus important que ce que l’on a connu, les gouvernements qui se sont succédé depuis 1991 ont entrepris de subventionner, directement ou indirectement ces emplois. Ces subventions représentent elles aussi un « coût » de l’ouverture en ceci que ces sommes pourraient être allouées différemment dans un autre contexte.
La liste des subventions est longue, et elle inclut celles aux régions qui ont connu des taux de chômage importants. On ne retiendra ici que deux mécanismes, les abattements de charges consentis aux PME – qui atteignent 20 milliards d’Euros en 2006 – et la « prime à l’emploi », dont le coût se monte pour le budget à 4 milliards d’Euros. On atteint alors un total annuel de 24 milliards d’Euros, soit près de 31,4 milliards de dollars au taux de change actuel de l’Euro. L’effet dynamique de ces coûts, que l’on peut à nouveau estimer entre 1% et 2% du PIB, est considérable.
Dans des pays développés, l’impact d’un accroissement de la pression fiscale est plus facilement digérable que pour les PVD. Cependant, il est loin d’être nul. En revanche, et compte tenu du développement des dimensions R&D dans les investissements, toute réallocation implicite des dépenses a des effets cumulatifs très importants. On estime ainsi que pour la France les dépenses induites par les coûts de la libéralisation pourraient s’élever à 32-50 milliards d’Euros. Cette somme doit être comparée aux 2 milliards d’Euros à la recherche dans le cadre des « pôles de compétitivité » créés en 2005 par le gouvernement de Villepin. Le coût d’opportunité calculé si de telles sommes étaient investies en recherche et dans l’enseignement, suggère une perte de 1,5% à 2,5% du PIB.
On arrive donc, entre les coûts directs et indirects, mais aussi les coûts d’opportunités, à des montants compris entre 3,5% et 7,5% du PIB. Il n’est donc plus étonnant que quoique nous soyons nettement plus « riches » que dans les années 1960 nous éprouvions une difficulté croissante à financer nos dépenses sociales.
On n’a ici cherché à calculer que les coûts induits par les effets sociaux de la politique d’ouverture. Il est clair, mais plus difficilement calculable, que des coûts équivalents sont à l’œuvre dans le domaine de la protection écologique.
Il ne fait donc aucun doute que les coûts de la libéralisation des échanges sont considérables. On voit ici que les coûts pourraient bien excéder les gains calculés mêmes par les plus optimistes des modèles.
Ces modèles apparaissent comme présentant une image très favorable au libre-échange, et c’est exactement ce qu’ils sont. On ne peut en effet dissocier la méthode du résultat, et des modèles conçus pour calculer des « gains d’utilité » dans un cadre qui est globalement celui de la pensée néoclassique ne peuvent que donner une image très favorable du libre-échange.
Cependant, la réalité est assez différente de ces modèles. L’ampleur des coûts, directs et indirects du libre-échange peut être estimée entre 3% et 7,5% du PIB rien que pour les conséquences sociales. On admet aujourd’hui que ces coûts ont eu un effet dynamique sur les économies des pays développés, en contraignant à recourir à un endettement sans cesse croissant pour maintenir la demande.
Nature des effets à prendre en compte | Prise en compte par les modèles CGE | Problèmes méthodologiques soulevés |
---|---|---|
Gains de production par accroissement de la demande | Oui, dans tous les modèles CGE | Utilisation des « élasticités d’Armington » soumises à de très fortes incertitudes, dans tous les modèles. |
Gains par accroissement de l’efficacité (spécialisation et taille de marché) et dynamique sur la croissance future | Oui, hypothèses, très favorables dans LINKAGE, plus réalistes dans GTAP | Hypothèse néo-classique de maximisation en information parfaite. Pas de prise en compte de la possibilité de rendements croissants sauf dans le modèle BDS |
Coûts administratifs de mise en œuvre des accords | Non | Aucune difficulté à calculer ces coûts, comme montré par le RIS |
Coûts fiscaux et parafiscaux de la libéralisation des échanges (baisse des revenus publics) | Non | Aucune difficulté à évaluer les coûts. Nécessité d’utiliser une modélisation de type « croissance endogène » pour obtenir une évaluation en dynamique. |
Coûts induits par accroissement, même temporaire du chômage | Non | Données disponibles incomplètes, couvrant essentiellement les subventions aux emplois faiblement qualifiés. |
Coûts induits par des maladies « stress induites » liées à l’ouverture | Non | Absence d’études exhaustives dans le cas de la France. Montant du coût susceptible d’atteindre 1% à 3% du PIB. |
Par ailleurs, les effets distributifs de ces coûts doivent aussi être introduits dans l’équation finale des résultats de l’ouverture.
Le travail de Josh Bivens sur les Etats-Unis montre que ces effets ont été particulièrement importants et peuvent expliquer une large part de l’accroissement des inégalités dans ce pays (28). De tels résultats peuvent aussi être déduits pour les pays européens, et en particulier pour la Grande-Bretagne ou l’Espagne. Le libre-échange aboutit à vulnérabiliser les fractions du salariat les moins qualifiées.
Cependant, avec la montée en puissance de la productivité en Chine et dans les PECO, ce sont aussi désormais les couches à qualification moyenne qui sont désormais touchées.
Dans la majorité des pays européens, les politiques fiscales ont tendu à égaliser – relativement – les effets de ces politiques. Les dépenses en protection sociale ont donc tendu fortement à augmenter. Mais, on peut se demander quel aurait été là encore le résultat si on avait pu se passer de telles dépenses fiscales. Il faut aussi signaler le coût d’opportunité de ces dépenses, soit le « manque à gagner » que l’on observe en raison de leur allocation à des fins de correction des effets du libre-échange.
Au total, il apparaît bien que la concurrence que l’on peut considérer comme « déloyale » en provenance de la Chine et des PECO a eu un effet important sur les pays industrialisés.
Cette concurrence est « déloyale » du point de vue qui est le nôtre, en non pas de celui de l’organisme de règlement des conflits à l’OMC. C’est une concurrence qui se fait par un accroissement relatif en productivité, non équilibré par une hausse équivalente des salaires dans ces économies. Ceci est néanmoins considéré comme normal, et c’est bien là où pêche le système.
Il ne garantit nullement que les gains de productivité, enregistrés dans les pays en voie de développement, donneront naissance à la protection sociale et écologique qui s’impose ; bref, que ces pays feront une récapitulation de la trajectoire qui a été suivie par les pays développés. C’est, avant tout, en raison de la nature de cette protection. Elle ne découle pas d’un compromis qui aurait été passé dans le calme feutré de salles de réunions. Elle a été le produit de luttes sociales relativement intenses dans ces pays et elle fait donc partie intégrante de leur histoire, même si elle correspond au progrès qui ont été faits dans le domaine de la productivité.
Tant que l’on sera dans un système qui considérera comme « déloyal » uniquement des subventions ou des protections, et non des dispositifs institutionnels qui maintiennent les niveaux des salaires et de la protection à ce qu’ils étaient initialement, nous courrons le risque de voir nos propres systèmes de protection être démantelés par les pressions concurrentielles.
3.3. La nécessité d’un protectionnisme social et écologique.
La question d’un double protectionnisme est alors posée pour se protéger contre une concurrence largement « déloyale », dans le sens que nous lui donnons ici.
Il convient de regarder les alternatives qui nous sont ouvertes.
Soit nous imposons, par la force s’il le faut, aux pays en voie de développement dont les niveaux de productivité tendent à se rapprocher des nôtres le même type de règles de protection que nous avons institué. Une telle solution est ici clairement irréaliste tout comme elle est odieuse.
Soit nous laissons nos protections se défaire sous le coup de la concurrence issue de ces pays et nous nous résignons à une convergence sur la base du moins offrant et du moins disant. Une telle solution revient à renoncer à plus d’un demi-siècle de luttes sociales qui sont largement constitutives de notre patrimoine.
Soit, enfin, nous instituons des mesures de protectionnisme social et écologique qui nous permettent à la fois de garantir nos niveaux de protection ET d’organiser une convergence vers le haut dans ce domaine. Telle est évidemment la voie dans laquelle il convient de s’engager. Par ce protectionnisme social et écologique, on peut contribuer dans une large mesure à un processus de convergence. Les pays qui seront taxés le seront à la hauteur de la différence entre leurs gains en productivité et leurs gains en salaires et protection sociale ainsi qu’en protection écologique.
Nous avons vu que l’écart des salaires rapporté à celui de la productivité est de l’ordre de 1,4 pour les ex-PECO et de 1,7 pour la Chine. Ces chiffres, dont il faut rappeler qu’ils ne constituent que des moyennes, doivent encore être affinés. Néanmoins ils permettent de donner un ordre de grandeur des mesures protectionnistes qu’il convient d’adopter.
Il faut enfin rappeler que la situation des ex-PECO n’est pas la même que celle de la Chine. Ces pays font partie désormais de l’Union Européenne. Aussi, dans leurs cas parlera-t-on de montants compensatoires sociaux et non de droits de douane.
Dans un tel système, il convient de citer le « protectionnisme altruiste » imaginé par Bernard Cassen (29).
L’introduction de droits de douane va en effet pénaliser les importations en provenance de ces pays. De tels droits vont jouer comme des écluses qui égalisent les coûts supportés par les producteurs. Mais, ces droits doivent-ils être reversés aux pays qui les ont institués ?
Par ces droits de douane nous retrouvons en effet une capacité d’innovation dans les formes et la nature des protections sociales et écologiques. Il ne semble pas juste de vouloir en plus en retirer un avantage fiscal.
Une solution qui rendrait acceptables de tels droits, du moins en ce qui concerne les pays qui nous sont le plus proches (les PECO) pourrait être de lier ces sommes à des engagements qui pourraient être pris par ces pays dans le domaine de la convergence sociale et écologique. Les revenus issus de ces droits de douanes iraient abonder un fonds social et écologique qui effectuerait des investissements ou qui viendrait contribuer au financement de mesures sociales et écologiques dans les pays concernés. Ainsi, dans cette logique, aurait-on un processus de convergence sociale qui pourrait se mettre en action.
Il convient ici de respecter la volonté des pays considérés. Ces mesures ne seraient nullement obligatoires, et la mise en œuvre des politiques qu’elles impliquent serait laissée à la discrétion de leurs gouvernements. Mais, si ces gouvernements acceptent de rentrer dans une logique négociée de convergence, il conviendra de mettre en place des procédures de reversement des sommes dégagées par ces droits de douanes ou équivalents.
La politique de la protection de la protection sociale et écologique par des droits de douane a pour objet de prévenir les politiques dites de « cavalier solitaire » qui peuvent être mises en œuvre dans les pays en voie de développement. De ce point de vue, elles ne sont pas contradictoires avec un principe de concurrence. Mais, ce dernier doit alors inclure que, pour ne pas être faussé, le commerce ne saurait être libre.
Telle est bien la morale de cette histoire. A vouloir obtenir des effets de concurrence les plus larges possible, on a mis en concurrence des pays dotés d’histoires très diverses. Le principe de la concurrence « libre et non faussée » qui inspire aujourd’hui encore les réglementations européennes est une absurdité. Soit la concurrence est libre, et elle oppose alors des pays dont l’histoire et les réglementations sociales sont très différentes. Soit elle est dite non faussée, et alors elle ne saurait être libre.
Jean-Pierre Chevènement
Merci, Jacques Sapir, pour cet exposé précis qui développe une thèse selon laquelle les gains du libre-échange n’ont pas été aussi importants qu’on l’a prétendu. Et, par delà l’invocation faite aux mânes de Keynes, il y a la tentative de dégager un chemin, praticable ou non (30). Nous sommes là pour en débattre.
Monsieur Hakim El Karoui n’a pu être parmi nous. Son intervenhtion écrite sera lue par Jean-Yves Autexier, directeur de la Fondation Res Publica. Je rappelle qu’ Hakim El Karoui est actuellement directeur à la Banque Rothschild, il a été conseiller de Monsieur Raffarin Premier ministre et de Monsieur Breton, ministre des Finances (31).
———————-
1) D. Dollar, « Outward-Oriented Developeng Economies Really Do Grow More Rapidly : Evidence from 95 LDC, 1976-1985 », in Economic Developemnt and Cultural Change, 1992, pp. 523-554.
2) D. Ben-David, « Equalizing Exchange : Trade Liberalization and Income Convergenge », Quarterly Journal of Economics, vol. 108, n°3, 1993.
3) J. Sachs et A. Warner, « Economic Reform and The Process of Global Integration » Brookings Paper on Economic Activity, 1995, n°1, pp. 1-118.
4) S. Edwards, « Opennes, Productivity and Growth : What we Do Really Know ? », Economic Journal, vol. 108, mars 1998, pp ; 383-398.
5) F. Rodriguez et D. Rodrik, Trade Policy and Economic Growth : A Skeptic’s Guide to the Cross-National Evidence, Department of Economics of University of Maryland et John F. Kennedy School of Government,, mai 2000.
6) A. Amsden, Asia’s Next Giant, New York, Oxford University Press, 1989.
7) R. Wade, Governing the Market, Princeton, NJ, Princeton University Press.
8) G.K. Helleiner, (ed.) Trade Policy and Industrialization in Turbulent Times, Londres, Routledge, 1994.
9) J’ai analysé ce paradoxe, qui est bien connu de tous les spécialistes du développement, dans J. Sapir, Les Trous Noirs de la Science Économique, édition originelle Albin Michel, Paris, 2000. Voir la ré-édition dans la collection « Points » au Seuil, octobre 2003, pp.48-49.
10) P. Bairoch et R. Kozul-Wright, Globalization Myths : Some Historical Reflections on Integration, Industrialization and Growth in the World Economy, UNCTAD-OSG, Discussion Paper n°113, Mars 1996, Genève.
11) F. Ackerman, « An Offer you can’t refuse : free trade, globalization and the search for alternatives » in F. Ackerman et A. Nadal (eds.) The Flawed Foundations of General Equilibrium : critical essays on economic theory, Routledge, New York – Londres, 2004, pp. 149-167.
12) Voir T. Hertel, D. Hummels, M. Ivanic et R. Keeney, « How Confident Can We Be in CGE-based Assessments of Free-Trade Agreements ? », GTAP Working Paper n°26, Purdue University, West Lafayette, Ind., 2004.
13) Ou Computable General Equilibrium model d’où le nom générique de modèle CGE.
14) F. Ackerman et K. Gallagher, « Computable Abstraction: general equilibrium models of trade and environment » in F. Ackerman et A. Nadal (eds.) The Flawed Foundations of General Equilibrium : critical essays on economic theory, op.cit., pp. 168-180. Pour une analyse critique plus générale de la théorie de l’équilibre général, J. Sapir, Les trous noirs de la science économique, Albin Michel, Paris, 2000, chap. 1.
15) F. Ackerman, « The Shrinking Gains from Trade : A Critical Assessment of DOHA Round Projections », Global Development and Environment Institute, Working Paper n° 05-01, Tufts University, Medford, Ma., Octobre 2005.
16) J.E. Stiglitz er A.H. Charlton, « A Development-Friendly Prioritization of Doha Round Proposals », IPD Working Paper, Initiative for Policy Dialogue, New York et Oxford, 2004.
17) M.Ezekiel, « The Cobweb Theorem », in Quarterly Journal of Economics , vol. LII, n°1, 1937-1938, pp. 255-280.
18) Voir J. Sapir, « Les subventions et autres entraves à la concurrence sont-elles nécessaires au bon fonctionnement de l’économie ? » in Perspectives Républicaines, n°4/2006.
19) F. Ackerman, « The Shrinking Gains from Trade : A Critical Assessment of DOHA Round Projections », op.cit ..
20) Idem, p. 8.
21) Voir F. Ackerman et K. Gallagher, « Computable Abstraction : general equilibrium models of trade and environment », op.cit..
22) L. Miotti et D. Plihon, « Libéralisation financière, spéculation et crises bancaires », in Économie Internationale, n°85, 1er trimestre 2001, pp. 3-36.
23) J.A. Ocampo, and L. Taylor, (1998), « Trade liberalization in Developing Economies: Modest Benefits but Problems with Productivity Growth, Macro Prices and Income Distribution », Center for Economic Policy Analysis working Paper n°8, CEPA, New School for Social Research, New York ; D. Rodrik, 1997, « Globalization, Social Conflict and Economic Growth », Prebisch Lecture 1997, UNCTAD/CNUCED, Genève, 24 octobre.
24) www.senat.fr/rap/r06-189/r06-1899.html.
25) P. Lunde-Jensen et I. Levy, « A model for assessing the costs of stressors at national level : socio-economic costs of work stress in two EU member states », European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, Bruxelles, 1996.
26) À la différence de pays comme la Suède ou la Suisse, les pouvoirs publics en France n’ont pas procédé à des enquêtes épidémiologiques complètes sur les coûts du stress au travail. Pour une présentation des sources et des données disponibles voir J. Sapir, La fin de l’Euro-libéralisme, Le Seuil, Paris, 2006.
27) D. Ramaciotti et J. Perriard, « Les coûts du stress en Suisse », Genève, Groupe de psychologie appliquée (GPA) de l’université de Neuchâtel et ERGOrama, 2001.
28) J. Bivens, Globalization, American Wages and Inequality. Past, Present and Future, Economic Policy Institute Working Paper, 6 septembre 2007.
29) B. Cassen, « Inventer ensemble un ‘protectionnisme altruiste’ », Le Monde diplomatique, Février 2000.
30) Voir à ce sujet David Todd « Libre-échange et protectionnisme 1814-1851 », Grasset 2008.
31) Voir Hakim El Karoui « L’avenir d’une exception », Flammarion, 2006.
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