Accueil d’Alain Dejammet, Ambassadeur de France, Président du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica, au colloque « Occident et mondialisation » du 21 janvier 2013.
Nous avons organisé ce colloque afin de savoir si nous sommes encore capables de penser.
Aujourd’hui sévit la fâcheuse manie de publier des palmarès. La revue américaine Foreign Policy [1], par exemple, publie chaque année le palmarès des cent meilleurs penseurs dans le monde (Global thinkers). La dernière liste égrène les noms de nombreux Américains, Chinois, Japonais, Allemands … mais ne comporte que quatre Français dont Mme Christine Lagarde (27ème) et Thomas Piketty (24ème) [2].
La Fondation Res Publica est un « réservoir à pensée » (Think tank), ce qui présume que, de temps en temps, on cherche à réfléchir. Il nous en a été donné l’occasion avec un colloque récent, fort intéressant, sur les États émergents [3].
Pour savoir si notre pays est capable encore de penser nous avons choisi un thème aussi général qu’ambitieux : « Occident et mondialisation »… c’est peut-être la même chose, nous le verrons.
Nous n’entendrons que deux intervenants qui, en dépit de leur notoriété, ne courent pas les plateaux de télévision et n’envahissent pas les colonnes des journaux. La Fondation les remercie d’autant plus vivement d’avoir bien voulu venir ici. Ils auront tout le temps d’exposer le fruit de leurs réflexions sans être rappelés à l’ordre par ces petits billets qui circulent sur les tribunes pour accélérer le débit.
Je ne me donnerai pas le ridicule de présenter Régis Debray. Je préciserai simplement qu’à ses titres nombreux, écrivain, philosophe, académicien (furieux que les Goncourt aient dissipé leur fortune en achats de titres russes), Régis Debray ajoute celui d’être fondateur et éditeur de l’excellente revue Médium que je recommande très vigoureusement. Mais vous êtes sans doute nombreux à la connaître. On y apprend des tas de choses et, notamment, que, lorsqu’il ne portait pas un képi, le Général De Gaulle se coiffait d’un chapeau Willoughby [4].
Régis Debray nous parlera surtout de l’Occident.
Avant cela, procédons du général au particulier, Pierre Brochand nous parlera de la mondialisation. Beaucoup d’entre nous le connaissent. Il a été diplomate et a exercé d’importantes fonctions. Je n’en dirai pas plus si ce n’est pour rappeler que certains de nos compatriotes lui sont redevables de leur liberté.
Après l’intervention de Régis Debray, le débat s’ouvrira, sous la présidence de Jean-Pierre Chevènement, entre lui-même, les deux intervenants et la salle.
Je m’en tiens là. Je passe la parole à Pierre Brochand qui a longuement et sérieusement médité sur le thème de la mondialisation.
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[1] http://www.foreignpolicy.com/2012globalthinkers
[2] T. Piketty partage la 24ème place avec Emmanuel Saez ; la 62ème place est occupée par Mme Esther Duflo, économiste elle aussi.
[3]Les États émergents : vers un basculement du monde ? Colloque organisé par la Fondation Res Publica le 10 décembre 2012 avec M. Loïc Hennekinne, Ambassadeur de France, ancien Secrétaire général du Quai d’Orsay, M. Christophe Jaffrelot, Chercheur au CERI (Sciences Po), politologue, M. Hervé Juvin, Président d’Eurogroup Institute, M. Yves Saint-Geours, Directeur général de l’administration et de la modernisation du MAEE et ancien ambassadeur au Brésil et M. Jean-Pierre Raffarin, Ancien Premier ministre, Vice-Président du Sénat
[4] Manque à l’historial Charles de Gaulle, aux Invalides, une mise en ligne et en vitrine de ses couvre-chefs successifs. Elle ne ferait pas qu’honneur à un artisanat en perdition, la chapellerie, elle permettrait une réflexion enfin sérieuse sur le devenir et les ressorts de l’autorité.
Au départ, le shako à casoar blanc du saint-cyrien ; puis le calot minimaliste du capitaine servant la soupe dans son camp de prisonniers en Allemagne ; le képi à galons du commandant en Syrie ; la soupière en cuir ajouré du colonel de tanks, avec les attaches autour des joues (excellent en cas d’oreillons) ; le képi à deux étoiles du général de brigade ; le képi aux feuilles de chêne des grandes occasions, à Londres ; le large béret noir du croiseur au large de Dakar, type chasseur alpin, habituellement porté sur l’oreille, mais ici en plat à tarte informe et malséant ; le casque de liège colonial (emprunté aux Britanniques ?) en Afrique noire ; le chapeau Willoughby à larges bords du président du Conseil en civil…
Si l’on évacue la casquette, le canotier et le feutre mou, attributs plébéiens hors de propos, ne manquent à l’appel du galurin haut de gamme que le melon, le huit-reflets et le bicorne.
La série s’achèverait, non, culminerait avec le crâne déplumé du roi Lear en exil sur une lande irlandaise. Et c’est ce visage à pâte lourde, crevassé, un peu hagard, deux ou trois mèches blanches en bataille sur le caillou, qui nous émeut le plus. Et frappe notre imagination, n’en déplaise à Pascal, mille fois plus que les mortiers et toques de magistrats les plastrons tintinnabulants des maréchaux ou les costumes brodés des académiciens. Une réflexion sur l’ascendant moral y gagnerait beaucoup. Les autorités vont coiffées ; l’autorité va tête nue. Militaire, ecclésiastique, académique ou judiciaire, l’institution se reconnaît à l’uniforme et aux affutiaux correspondants. Le vrai prestige s’en passe et s’en porte mieux. C’est la différence entre un commandant et un leader. Entre être quelque chose et être quelqu’un. Entre le réglementaire et le hors-série. C’est en ôtant son couvre-chef qu’un chef de corps révèle s’il est ou non un chef tout court… »
« Chef et couvre-chef », extrait du « Pense-Bête » de Régis Debray (Médium N° 34, p.213-214)
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