Débat final

Débat final lors du colloque « L’avenir des relations germano-américaines » du 18 septembre 2017.

Jean-Pierre Chevènement

Merci, Monsieur le professeur, pour cet exposé passionnant qui a le mérite de conclure dans un sens.

Je m’interroge quand même.

D’abord je constate que l’immigration de réfugiés venus du Moyen-Orient n’est pas une solution, pour des raisons qui tiennent à la faible qualification de cette immigration très difficile à absorber et par ailleurs aux réactions de la société allemande dont les capacités d’accueil ne sont pas infinies. J’ajoute que tout cela se passe dans un contexte géopolitique sensible. C’est pourquoi je pense que ce n’est pas cette immigration qui sera la solution pour l’Allemagne. A l’inverse, que ce que vous avez dit sur l’Ukraine est beaucoup plus réaliste. Il y a un million d’Ukrainiens qui travaillent en Europe, notamment en Pologne, et deux millions de Polonais qui travaillent hors de Pologne en Europe. Il y a donc des mouvements de population importants. De même, des gens venus d’Italie, d’Espagne, du Portugal, de Grèce, vont travailler en Allemagne mais en nombre moins important. Le gros de l’immigration vient donc encore des Balkans, des pays de l’Est et, d’une manière non négligeable, des pays de l’Europe du sud. Néanmoins je pense que cela ne suffira pas. Selon les études qui ont été faites, notamment par l’IFRI (« Entre vieillissement et migrations : la difficile équation allemande » [1]), la population active diminuera de 2,5 millions d’ici 2025, ce qui n’a rien de catastrophique parce que le nombre d’Allemands actifs approche 50 millions – c’est considérable – et parce qu’ils travaillent longtemps et, en général, pas mal. Il y a là une force intrinsèque à l’économie allemande.

Je ne pense pas qu’il y ait un choix binaire entre l’alliance américaine et l’Eurasie. En politique étrangère les choses sont toujours plus compliquées, on « mange à tous les râteliers », si je puis simplifier ainsi ma pensée.

Je pense que les Allemands sont très intéressés par le marché chinois qui ne leur donne pas tout à fait ce qu’ils en attendaient : ils enregistrent quand même un déficit proche du nôtre (16 ou 17 milliards) sur la Chine. Mais ils exportent plus vers la Chine (pas loin de 80 milliards) que nous (45 ou 46 milliards), c’est-à-dire que les importations sont plus fortes aussi en Allemagne qu’en France. Et les Allemands se méfient du rachat par les grands groupes chinois, par les fonds chinois, d’un certain nombre de fleurons de leur industrie. On l’a vu avec l’entreprise de robots Kuka [2].
Dans les rapports germano-américains il y a la dévaluation du dollar ou la réévaluation de l’euro (presque 20 % depuis le début de l’année). M. Bourgeot, dans un article [3], soulignait le fait que la France sera prise en étau entre cette réévaluation qu’elle peut difficilement supporter étant donnée sa faible compétitivité qu’illustrent les chiffres de notre commerce extérieur (-65 milliards en 2016) et un déficit croissant au niveau des importations qui traduit la désindustrialisation de notre pays. La réévaluation de l’euro a atteint, je le rappelle, à certaines époques 1,60 dollars !… On est à 1,20, il y a de la marge. Si on devait retourner vers ces zones de parité, ce serait très fragilisant pour l’industrie française, notamment pour nos industries aéronautique ou automobile. Il faut avoir cela présent à l’esprit.

Le problème se posera pour la France si, au niveau de la politique européenne, l’Allemagne ne fait pas des choix décisifs, mais je connais beaucoup moins bien l’Allemagne que Monsieur l’ambassadeur de Montferrand. Si la règle est un certain immobilisme et la persistance dans la politique que j’ai appelée « du bas de laine » l’économie française risque de souffrir beaucoup. C’est un problème qui se posera. Les corrections qu’on attend se produiront-elles avec l’ampleur nécessaire ?

L’affaire de la crise ukrainienne et des relations avec la Russie est évidemment un problème majeur pour l’Allemagne qui, du point de vue de ses approvisionnements énergétiques, dépend principalement de la Russie. Or celle-ci est quand même un pays plus sûr que le Qatar ou l’Iran compte tenu de ce qu’est la situation au Moyen-Orient, qui ne semble pas s’arranger, avec la perspective du référendum sur l’indépendance au Kurdistan irakien. En effet chacun mesure qu’un État kurde indépendant constitue une menace pour un certain nombre de pays et d’abord pour la Turquie. J’ajoute que cela pose le problème du devenir des sunnites, très minoritaires, dans un Irak qui serait réduit à sa composante chiite majoritaire et à sa composante arabe sunnite. Nous ne sommes donc pas tout à fait sortis des difficultés ! La Russie était pour l’Allemagne un débouché trois fois plus important que pour la France. Il y a des complémentarités évidentes et les perspectives du marché russe n’étaient pas inintéressantes. J’évoquais tout à l’heure une possible relation entre la crise ukrainienne et l’émergence des BRICS. C’est l’avis de M. Karaganov, un expert russe des affaires internationales. Selon lui la crise ukrainienne était un coup d’arrêt donné par les États-Unis, en 2013, par Russie interposée, à la montée des BRICS, essentiellement la Chine. Cette thèse mérite d’être discutée. Si elle s’avérait ne serait-ce qu’à demi fondée elle aboutirait à repousser la Russie vers la Chine… peut-être pas dans les proportions que M. Husson a dites parce que je pense que la Chine n’est pas un substitut à l’Europe pour la Russie. Néanmoins c’est une évolution sensible. Et il n’y a pas que la Chine. Il y a le Japon, la Corée, l’Inde, Turquie, l’Iran… Incontestablement, cette politique contribue à rapprocher la Russie de l’Asie et à l’éloigner de l’Europe. Est-ce une bonne chose ? Peut-on fonder la perspective de développement de la politique européenne sur un conflit durable, un abcès purulent au cœur de l’Europe ? Personnellement j’en doute fort et il y a là un élément de tension potentiel entre les États-Unis et l’Allemagne. Parce que l’intérêt de l’Allemagne est quand même de purger l’affaire et de faire en sorte que cette plaie ouverte puisse cicatriser.

Donc je m’interroge, je pose ces questions, sans y apporter de réponses à ce stade. Vous avez exprimé des avis qui ont leur force. Il y a de puissants arguments en leur faveur. Je pense toutefois que nous rentrons dans une zone de grande incertitude, pour nous en particulier. Là encore, ce problème est très peu abordé dans les médias.

Marie-Françoise Bechtel
Merci à tous les intervenants pour ces développements d’une grande densité qui, nous l’avons bien noté, ne vont pas tous dans le même sens. Ainsi votre conclusion, Édouard Husson, était quelque peu dissonante et même un peu inattendue eu égard à l’ensemble de votre propos.

Je voudrais rappeler l’enjeu de ce colloque pour notre fondation.

Pourquoi nous intéresser, nous Français, aux relations germano-américaines ? L’enjeu de cette question, bien identifié par l’ensemble des orateurs, est qu’elle met en cause l’avenir de l’Europe elle-même, l’avenir d’une relative indépendance européenne et, au sein de cette Europe, l’avenir de la France et de la relation franco-germanique.

Ne sommes-nous pas historiquement devant un dilemme qui est le suivant : nous avons une grande puissance qui après avoir connu des accidents historiques extrêmement profonds est en train de se reconstituer comme nation, avec les attributs de la puissance d’une nation. C’est un enjeu pour l’Allemagne. D’un autre côté cette puissance est unie au plus grand État du monde, l’État d’outre-Atlantique, l’État américain, par des liens économiques profonds mais aussi par des liens culturels, des liens anciens, très forts, des liens de valeurs. D’où peut-être un mouvement de balancier qui crée le dilemme : soit l’Allemagne s’affirme comme une puissance forte et à ce moment-là, je ne dis pas qu’elle s’essuiera les pieds sur l’Europe mais enfin l’Europe sera plutôt un instrument de sa puissance, qu’elle l’utilise en direction de la Russie, de la Chine ou ailleurs, soit l’Allemagne refuse de s’autonomiser comme puissance nationale tout en restant la « quasi puissance globale » dont parlait Brzeziński en demeurant alors un pays largement subordonné à l’impératif américain, qui va de l’OTAN jusqu’à l’extraterritorialité.

Là est le dilemme pour l’Europe et pour la France. Aurons-nous, au cœur de l’Europe, à notre frontière, une nation forte qui va écraser l’Europe, écraser notre propre avenir, non pas à l’ancienne manière mais cette fois avec des armes économiques ? Ou bien devrons-nous compter avec un État qui restera fondamentalement subordonné aux États-Unis – malgré l’espoir qu’avait pu faire naître Schröder au moment de la guerre d’Irak – et empêchera, verrouillera l’indépendance future de l’Europe ?

D’autant que – et le point n’a pas été abordé – il y a quand même au sein de l’Europe trois pays, et non des moindres, qui ont un lien majeur avec les États-Unis, un lien organique pour deux d’entre eux. Outre l’Allemagne, le Royaume-Uni a avec les États-Unis un lien totalement organique que ne sauraient remettre en cause les aléas dans leurs relations (nous avons tenu un colloque sur ce sujet [4] avec l’ambassadeur britannique). Et puis il y a un troisième État dont nous n’avons pas parlé dont le lien est moins organique mais qui est fortement lié aux États-Unis par l’histoire : la Pologne qui joue d’ailleurs un rôle extrêmement important dans beaucoup de blocages de l’Union européenne et qu’on trouve toujours en train de voter avec le Royaume-Uni lorsqu’il s’agit de questions qui toucheraient à l’indépendance de l’Europe, qu’elles soient économiques ou de défense.
Si l’on regarde ce panorama, ne sommes-nous pas pris dans un dilemme où nous serions toujours perdants, que l’Allemagne s’affirme comme une puissance sur le socle de l’Europe ou qu’elle empêche l’Europe de prendre son indépendance en raison du lien organique qu’elle continuerait à entretenir avec les États-Unis ?

Bernard de Montferrand
Vous posez la vraie question. Mais nous n’en trouverons pas la réponse en observant ce qui va se passer en Allemagne. Nous trouverons cette réponse en nous regardant nous-mêmes. La force de l’Allemagne est notre faiblesse… ou notre faiblesse est dans nous-mêmes.

Depuis les années 2000 nous avons systématiquement perdu vis-à-vis de l’Allemagne en matière de compétitivité, de position et surtout, ce qui est beaucoup plus grave, en matière de crédit. Les Allemands ne nous croient plus. Ils ne nous tiennent pas pour des gens sérieux. Donc, si nous voulons avancer, il faut faire les réformes nécessaires, c’est-à-dire remettre en ordre nos comptes publics et nos comptes sociaux. Quand les Allemands constatent que la France a, cette année encore, un budget en déficit de plus de 80 milliards, ils sont atterrés et s’interrogent : Que fait ce pays ? Ensuite, une attitude française de déni a consisté à attribuer la compétitivité allemande non au fait que les Allemands travaillent plus mais à l’avantage que leur confère l’euro. Je me permets de rappeler que, pour 60 % de notre commerce extérieur, qui se fait dans la zone euro, nous sommes exactement dans les mêmes conditions que les Allemands. Donc, soit la France se reprend et il y aura un rééquilibrage entre la France et l’Allemagne, soit la France ne se reprend pas, il n’y a pas de rééquilibrage et nous continuerons à perdre de l’influence car ce n’est pas uniquement avec de la politique que nous pourrons agir.

Après mes années en Allemagne, j’avais écrit un livre [5] pour évoquer une sorte d’heure de vérité entre l’Allemagne et la France. Soit nous continuons à décrocher, soit nous nous reprenons. Nous avons toutes les capacités pour le faire et les Allemands ont beaucoup de faiblesses, comme on l’a dit. Leur faiblesse démographique est une faiblesse structurelle. Ils ont des faiblesses dans le domaine financier, leur système bancaire est en très mauvais état. Ils ont des faiblesses énergétiques et de dépendance extérieure vis-à-vis de la Russie, comme vous l’avez rappelé, ce qui les met dans une situation difficile et leur modèle énergétique pour l’avenir est tout de même relativement incertain (ils ont installé en capacités d’énergies renouvelables l’équivalent de leur énergie nucléaire, mais ce parc gigantesque ne produit que 25 % de ce que produisait le nucléaire !). L’Allemagne a donc de graves faiblesses. Néanmoins les Allemands font tout ce qu’il faut pour les compenser.

S’agissant d’immigration on a peut-être trop peu souligné qu’un Allemand regarde les phénomènes d’immigration et les réfugiés avec une mentalité totalement différente de la nôtre. Tout Allemand a eu dans sa famille ou dans son entourage d’anciens réfugiés de l’immédiat après-guerre, ce qui fait que, quoi qu’il arrive, en Allemagne, on aide un réfugié. D’autre part, les Allemands pensent que l’intégration a des chances de réussir en mettant beaucoup d’argent au niveau de l’éducation, du logement etc.

Je dirai qu’aujourd’hui la clef du futur des relations franco allemandes est entre nos mains.

Marie-Françoise Becthel
Je ne veux pas prolonger ici un débat qui nous éloignerait du sujet et ferai donc deux brèves observations. L’intégration en Allemagne ne peut pas être conçue de manière totalement dorée et ignorer les nombreux cas de violences qui, chaque semaine, les statistiques en témoignent, ciblent des foyers ou des lieux d’accueil d’immigrés. On ne peut pas non plus ignorer la forte montée de l’AfD.

Je crois que le rétablissement de la France est une question mais, personnellement, je ne la ramènerais pas à l’imitation de l’Allemagne, c’est le point sur lequel je ne pourrai pas être d’accord avec vous, Monsieur l’ambassadeur. Mais que le redressement de la France soit une question qui se pose, certainement. Faut-il la poser dans les termes où vous l’avez posée ? Là-dessus, j’avoue que je ne serai pas d’accord… mais c’est un autre débat.

Edouard Husson
Je voudrais répondre à Marie-Françoise Bechtel sous forme de boutade : Qu’est-ce qu’une Europe sans la Grande-Bretagne et sans la Russie ? Est-ce encore l’Europe ?

Stéphane Rozès
Merci de toutes ces riches interventions. En dressant un tableau des relations germano-américaines et de leurs évolutions possibles, vous avez chacun structuré votre propos dans une tension entre les déterminants culturels et historiques, et les déterminants géopolitiques et économiques. L’échange entre M. l’ambassadeur de Montferrand et Mme Bechtel pose finalement la question de l’avenir de l’Europe et des relations franco-allemandes. Mais, pour revenir sur la question de la relation entre l’Allemagne et les États-Unis, je voudrais vous soumettre cette idée. Ma conviction, issue de mes travaux pour les grandes entreprises, États, gouvernants et territoires, est que les questions culturelles prédominent sur les questions économiques. Tout procède de l’imaginaire de chaque peuple, de la façon dont en s’assemblant il s’approprie le réel et ses modes d’organisation par la pensée. Ainsi, les questions culturelles enchâssent les questions politiques et économiques qui modèlent le rapport à l’Autre / au Monde.

Pour des raisons historiques radicalement différentes, les États-Unis et l’Allemagne ont en commun l’idée que l’économie fait la société. Pour les Américains, l’économie se déploie par un utilitarisme et un mercantilisme qui, du fait de leur universalisme, déterminent leur conception même d’une bonne économie et de bonnes relations internationales. C’est ce trait culturel qui fonde leur pragmatisme et leur adaptabilité. Au contraire, depuis la guerre de Trente Ans (1618-1648) et la guerre des Paysans (Deutscher Bauernkrieg 1524-1526), les Allemands ont sans cesse dû trouver des modalités culturelles pour que le peuple ne se divise pas, au travers d’épreuves qui les réunissent. En 1945, suite au nazisme, ils ont trouvé dans l’économie cette épreuve commune qui doit fusionner le peuple. Par leur exigence même, les politiques budgétaires et monétaires sont perçues comme un moyen d’agréger le peuple. Ainsi, ils mettent l’économie au service de leur Nation. D’où le refus catégorique des Allemands de brader leur industrie ou de déconnecter la marque de la production et de la commercialisation.

Une conception différente du leadership a suscité l’incompréhension entre les administrations Obama et Merkel, avant même l’élection de Donald Trump. Obama pensait qu’il fallait lier les intérêts des États-Unis à leur vision de la bonne marche du monde. Pour lui, si l’Allemagne est leader en Europe, alors elle devrait utiliser ses excédents pour favoriser une relance européenne. D’où l’interrogation du président américain sur ce que fait Merkel.

De fait, les politiques économiques allemandes mettent en cause l’avenir de l’Europe car elles asphyxient l’imaginaire des autres peuples. D’où la montée du repli sur soi au sein de chaque peuple. Si je diverge d’avec M. l’ambassadeur sur la réponse qu’il faut donner aux Allemands, celle qui consisterait à leur donner des gages, c’est justement parce que je pense que les questions culturelles dominent les questions économiques. Or les Allemands semblent attendre des autres peuples qu’ils deviennent allemands. Pour eux, les Français seraient des Allemands en moins sérieux, en moins disciplinés. Et chez beaucoup de nos élites, y compris au sommet de l’État, prévaut l’idée que les Allemands seraient des Français en plus disciplinés !

Telle n’est pas ma conception de la France. Pour travailler depuis trente ans sur l’articulation entre les questions culturelles, politiques et économiques, ma conviction est que la compétitivité et le bien-être d’un pays sont le fruit d’une cohérence entre son imaginaire, ses modalités d’organisation politiques, institutionnelles et sociales pour se gouverner et sa conception des bonnes politiques économiques.

L’Europe décline économiquement depuis quinze ans tandis que partout en Europe montent le nationalisme et le populisme. Il serait illusoire de croire que l’heureuse victoire d’Emmanuel Macron en serait la négation. Il a dit lui-même que le premier mandat que lui avait confié le peuple était de restaurer la souveraineté de la Nation. À ce titre, j’invite chacun à réécouter très attentivement son discours à Bucarest où il explique pourquoi les Français refusent la réforme quand elle leur semble être imposée de l’extérieur. C’est une adresse à Angela Merkel [6] à qui il explique qu’une politique visant tous les ans à descendre en-dessous de 3 % de déficit empêche la France de se transformer car nous ne fonctionnons pas de cette façon. L’universalisme français fait que le pays a besoin d’une profondeur de champ pour se mettre en mouvement et se transformer. Nous sommes donc obligés de tenir ensemble les questions d’imaginaire culturel, les questions politiques et les questions économiques.

Selon moi, l’avenir des relations entre les États-Unis et l’Allemagne dépend, Mme Bechtel l’a dit à sa façon, de deux questions. D’une part, les États-Unis revendiquent-ils toujours une position de leaders dans le monde ? D’autre part, quelle sera l’attitude de l’Allemagne sur la scène européenne et internationale ?

En effet, empêchée dans l’affirmation de son leadership politique européen par le spectre du nazisme, l’Allemagne se raconte à elle-même qu’elle ne fait pas de politique en Europe, qu’elle ne fait que de l’économie. Pourtant, contrairement à ce qu’elle pense, le fait que l’imaginaire allemand ait peu à peu prévalu dans les gouvernances et politiques européennes lui a conféré une influence éminemment politique en Europe. Or c’est cette gouvernance et ces politiques européennes d’inspiration allemande qui déstabilisent chacun des imaginaires des peuples européens. D’où la montée des nationalismes, populismes et radicalismes religieux, et d’un anti-germanisme partout en Europe… sauf en France [7].

Soit l’Europe, aidée en ce sens par la France, parvient à dépasser son auto-enfermement économiciste et attentiste pour porter une vision d’ensemble de l’Europe et de sa diversité et elle sera alors un interlocuteur qui pèsera à nouveau sur la scène internationale, soit elle persiste et elle ne sera pas en situation de peser au plan géopolitique. On assisterait alors à la poursuite du déclin et à une dislocation de l’Europe par le bas.

PIerre-Emmanuel Thomann
Chercheur français en géopolitique je réside à Bruxelles et suis ces questions du prisme bruxellois.

Ce qui se passe à Bruxelles dans les instances de réflexion, notamment en matière de géopolitique et de politique étrangère, est extrêmement inquiétant. Pour tous les think tanks (Martens Centre for European Studies, European Ideas Network, la Konrad Adenauer Stiftung, German Marshall Fund of the United States (GMFUS) etc.), subventionnés par l’Union européenne (ils le sont tous plus ou moins), notamment ceux issus du PPE, les Allemands et les Américains marchent de concert.

D’un côté, M. Trump est haï mais, en même temps, les Allemands et les think tanks subventionnés par les États-Unis (mais qui, plutôt globalistes et pro-Clinton, souhaitent la destitution de Trump pour revenir à la situation « normale ») pensent que la relation germano-américaine restera le pilier de l’Europe. Et l’Allemagne ne veut pas perdre sa position géographique, le Mittellage (position centrale), la plus favorable qu’elle ait eu dans l’histoire, au centre de l’Europe après l’unification, depuis laquelle les Allemands dominent l’Europe. Les Allemands pensent donc l’Europe en des termes euro-atlantistes exclusifs.

Ce que je trouve inquiétant, c’est qu’avec la crise ukrainienne les think tanks allemands et les Allemands proches de la CDU d’Angela Merkel (ce n’est pas forcément le cas des autres partis), font de la Russie le bouc émissaire de la faillite du projet européen, ce projet globaliste et euro-américain. Et tous les milieux à Bruxelles pensent que cette dispute germano-américaine, avec Trump, est temporaire et qu’on va revenir à la situation précédente.
Quel rôle la France peut-elle jouer là-dedans ?

La France n’a plus un millimètre d’influence dans les think tanks à Bruxelles. Tout est décidé par des experts allemands et américains et les experts français, s’ils ne s’alignent pas sur cette doxa euro-américaine, ne sont pas invités.

Les plans de Macron de relance franco-allemande sont une illusion totale, sur la défense notamment, parce que les Allemands ne consentent à relancer la défense que pour vendre leurs propres matériels à l’OTAN et aux pays de l’Est afin de faire contrepoids vis-à-vis de la Russie. Ils ne songent nullement à intervenir au Sahel sinon pour faire de la logistique.

En ce qui concerne la zone euro, Macron s’aligne sur les positions allemandes sur la règle de Maastricht des 3 % de déficit par rapport au PIB et sur la réforme du marché du travail mais il n’obtiendra rien sur l’approfondissement de la zone euro parce que les Allemands savent bien qu’un gouvernement économique d’inspiration française viendrait contrebalancer les Allemands. D’ailleurs, M. Junker, dans son discours sur l’état de l’Union 2017 (13/09) [8] vient de contrer la position française. Avec son chef de cabinet, M. Selmayr, à Bruxelles, M. Junker est en réalité le porte-parole de Mme Merkel.

Ne serait-il pas temps que la France réalise que la phase d’intégration de l’Union Européenne, est terminée ? Faute de quoi nous aurons une Europe germano-américaine. Il est temps de refaire de la géopolitique, de recréer un équilibre. En ces temps de Brexit c’est la rivalité franco-allemande qui va monter et non l’approfondissement européen car les Britanniques faisaient contrepoids avec l’Allemagne. La France a évidemment besoin d’une relation franco-germanique forte mais elle devrait se rapprocher de la Russie pour contrebalancer cette vision germano-américaine atlantiste exclusive qui est en train de se dérouler actuellement.

Edouard Husson
Vous soulignez très justement la part d’illusion qui peut exister dans l’idée qu’il serait possible de rétablir un partenariat franco-allemand vraiment privilégié. D’abord les bases ne seront pas posées tant qu’il n’y aura pas un discours de vérité face à l’Allemagne. On sent bien qu’avec son instinct politique Emmanuel Macron esquisse le début d’une interrogation. Mais quand on a l’habitude de négocier avec les Allemands on sait que les choses doivent être dites explicitement.

À propos de la question posée par Obama de la non-utilisation des surplus allemands, de leur non-réinvestissement (j’ai un peu de mal à penser que les larmes d’Angela fussent autre chose que des larmes de crocodile… mais c’est une autre question), si les Français parlaient ce langage, on pourrait espérer que, peut-être, quelque chose se passe.

Pour le reste, je suis très frappé par l’aveuglement stratégique français. La sortie de la Grande-Bretagne est un signe extrêmement fort et inquiétant pour l’Union européenne. Le Brexit, selon moi, frappe les trois coups d’un effondrement à venir. Et la seule chose que la France devrait faire pour préparer l’avenir et le préserver serait de servir de médiateur entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne. Je ne comprends pas que cette carte, évidente, ne soit pas utilisée.

Jean-Pierre Chevènement
C’est une mission qu’on a confiée à M. Jouyet, notre ambassadeur au Royaume-Uni…

Jean-Michel Quatrepoint
(s’adressant à Stéphane Rozès)
Obama est keynésien, comme Krugman, les autres ne le sont pas. Là est la divergence.

Il est vrai que l’agenda de Merkel avait pour objectif de porter l’Allemagne au sommet de l’Europe. Elle l’a fait. Et maintenant vous avez raison de dire que les Allemands considèrent que les autres n’ont plus qu’à se couler dans leur moule, y compris institutionnel. Et si jamais il y a des réformes au niveau de l’Europe elles se feront en calquant le modèle allemand.

Si les Allemands ont finalement accepté des sanctions contre la Russie c’est parce que, quoi qu’on en dise, le PIB de la Russie est l’équivalent de celui de l’Italie. La Russie est un grand pays historique, elle a une armée forte, un pouvoir fort mais, économiquement, elle ne pèse pas.

En ce qui concerne le budget de la défense, les Allemands vont tendre vers les 2 %. D’ores et déjà le budget de la défense allemand est supérieur en valeur absolue au budget de la France. Cela montre qu’ils souhaitent que leurs industriels de la défense profitent de cette augmentation du budget. Quant à notre budget de défense, il va baisser à nouveau cette année et nous ne sommes pas près d’atteindre les 2 %.

Rémi Bourgoeot
Je suis très largement d’accord avec la plupart des choses qui ont été dites.

M. Thomann a soulevé le point de la crise intellectuelle qui entoure cette situation.

Par ailleurs, je crois qu’il faut avoir à l’esprit la sorte de crise latente que connaît l’Allemagne qui s’est engagée dans de graves déséquilibres pour se sortir de la crise qui, pendant les années 2000, avait suivi le processus de réunification (mais dont les causes dépassaient ce processus). Il y a plus généralement une véritable crise des modèles économiques. L’Allemagne a tiré son épingle du jeu par les politiques mises en place, notamment par Schröder, dans les années 2000. Mais tout cela reste assez fragile. Malgré le quasi plein emploi, les excédents commerciaux très importants et l’excédent budgétaire, on ne peut ignorer une réelle situation de fragilité sous-jacente et l’Allemagne va être obligée de s’inscrire dans une réflexion plus générale sur les modèles industriels, d’autant qu’elle est très engagée dans la logique de délocalisation, de rupture du lien entre conception et production… Je sais que beaucoup de gens en Allemagne réfléchissent à ces questions mais cela ne se reflète pas du tout dans les environnements que vous décrivez, euro-atlantique et autres. Toutefois ces gens-là, aussi enfermés qu’ils soient dans leurs conceptions, vont être amenés à bouger en comprenant que les événements actuels ne sont pas une simple parenthèse, un accident électoral mais que de véritables questions se posent.

Je pense comme vous que la question du Brexit est extrêmement importante. Avec le chaos qui entoure les négociations on pense que les Anglais se sont tiré une balle dans le pied mais je ne pense vraiment pas que cette situation puisse durer indéfiniment. Elle pose en arrière-plan des questions de modèle économique, de modèle industriel, qui concernent tout le monde, qu’on ait ou non des excédents commerciaux, qu’on soit la Chine, les États-Unis ou l’Allemagne.

Jean-Pierre Chevènement
Je crois qu’une certaine convergence d’opinions se manifeste. Les problèmes qui étaient posés le restent. Il y a une logique des situations qui fait qu’à un certain moment il y aura une heure de vérité. Mais il faut laisser les choses se décanter, il faudra du temps.

Dans la salle
On a évoqué l’importance fondamentale d’une vision reposant sur des modèles économiques qui permettent par leur dynamique non seulement de créer de la valeur mais de s’accaparer de manière opportuniste de la richesse créée ailleurs. Le problème n’est-il pas qu’il n’y a pas de vision économique partagée en Europe et que les Allemands, qui œuvrent à leur façon sur des principes qui ne sont d’ailleurs pas forcément explicites, ont une cohérence que nous n’avons pas, avec une conscience du pouvoir que donne la dynamique du modèle économique créateur de valeur, ce qui est totalement absent du débat français ?

Devrions-nous en vouloir aux Allemands de notre inculture ?

Dans la salle
Je m’adresse spécialement à Édouard Husson, tout en remerciant tous les orateurs.

Vous avez décrit une Allemagne hésitante. Vous avez notamment mis l’accent sur les contradictions, les divergences entre l’intégration et la concurrence. De même sur la politique en Ukraine. Vous m’avez fait penser à la fameuse citation de Goethe sur les deux âmes qui habitent dans le sein allemand [9], l’un qui tire l’Allemagne vers les idées abstraites, l’autre qui la tire vers les choses charnelles et terrestres. N’est-ce pas là une clef de lecture qui nous permet de comprendre et les désaccords avec la Russie et les désaccords avec les États-Unis, surtout dans la mesure où le « pays des poètes et des penseurs » a tendance à prendre des idées pour la réalité ?

Les Allemands, après la Guerre, nous le savons tous, se sont américanisés. Ils ont voulu non seulement se dénationaliser mais dénationaliser l’Europe tout entière. L’idée de nation et plus encore l’idée de politique de puissance sont profondément répugnantes pour eux, nous le savons. Et le coup de force de la Russie en Crimée, l’emploi flagrant d’une politique de puissance a été pour les Allemands un vrai choc qui les a secoués au plus profond de leur être parce que cela incarne pour eux le contraire absolu de ce qu’ils veulent incarner eux-mêmes. Il en est de même pour Trump qui, véhiculant un nationalisme affiché, est à l’opposé de ce que toute l’Allemagne veut incarner avec son post-modernisme et dans sa post-historicité. Autrement dit, l’Allemagne ne s’est-elle pas laissée séduire, une fois encore, par une idéologie, en l’occurrence son idéologie européiste et post-nationale ? N’est-ce pas cela qui l’amène à se brouiller maintenant avec Moscou comme avec Washington ? Des « deux âmes » qui tirent l’Allemagne dans tous les sens, n’est-ce pas, de nouveau, son faible pour les idées qui fait qu’elle va actuellement droit dans le mur ?

Edouard Husson
On aurait pu aussi citer le Second Faust et cette fascination pour le grand espace où il est possible de tout faire ; Faust devenu âgé rêve d’Amérique… C’était évidemment l’observation que Goethe faisait de ce qui était en train de démarrer aux États-Unis à la fin des années 1820.

Je parle presque des « années Merkel » au passé parce que, depuis 2015, c’est autre chose qui se passe, même avec Angela Merkel. Mais les années 2005-2015 ont été des années d’illusion profonde, d’auto-illusion de la société allemande qui a cru que la fin de l’histoire était arrivée.
Tout allait bien, l’euro avait tué la concurrence européenne … Je maintiens contre M. de Montferrand qu’il ne faut pas se battre la coulpe et se demander comment on pourrait mieux faire, il faut se demander pourquoi on a accepté que la concurrence européenne soit tuée par l’euro parce qu’on ne se bat pas à armes égales… Tout allait bien et – j’aurai une vision un peu plus pessimiste que certain tout à l’heure – Angela Merkel, dans une espèce d’extraordinaire continuité, avait changé de protecteur et de grand frère : après le grand frère soviétique il y avait le grand frère américain. Il n’y avait pas trop de questions à se poser, on savait où on allait, on savait où on s’insérait.

Ce qui est terrible, c’est le réveil de l’Histoire. Et l’Allemagne devient hésitante. En même temps ce pays vieillissant ne va pas nous remmener là où il a voulu nous emmener dans les années trente. D’ailleurs la réaction profondément a-historique à la crise des réfugiés (ouvrir complètement la frontière) nie la réalité et l’Histoire mais montre bien le malaise. En fait, paradoxalement, Angela Merkel a rouvert la porte à l’Histoire. Comme si la RDA, où Madame Merkel a passé la plus grande partie de son existence, n’avait finalement su produire que des responsables politiques qui ne maîtrisent pas les conséquences de l’ouverture des frontières. Je fais allusion à l’ouverture non maîtrisée du Mur de Berlin au soir du 9 novembre 1989 par Günther Schabowski, secrétaire du Comité Central du Parti Communiste est-allemand ; et je compare l’ouverture totale, annoncée de même comme par inadvertance, de la frontière allemande aux réfugiés affluant depuis la Hongrie et l’Autriche par Madame Merkel dans la nuit du 4 septembre 2015.
C’est la raison pour laquelle j’avais tendance à penser, à la différence d’autres orateurs, que l’Allemagne va plutôt être absorbée par sa crise intérieure.
Peut-être, si la porte est ouverte, aurons-nous l’audace de sortir.

Jean-Pierre Chevènement
Beaucoup d’interrogations se sont fait jour.

Quel est le choix de la France, dans tout cela ?

Les Français, sans manifester leur attachement à la monnaie unique, ne voient pas, selon les sondages, comment on pourrait en sortir à moindres frais. Mme Le Pen les a définitivement convaincus que cette voie était une voie sans issue si elle procédait d’un choix unilatéral délibéré. Elle ne peut donc procéder que d’une secousse venue d’ailleurs. Je n’en dis pas davantage mais il faudra que nos dirigeants, avec les moyens dont ils disposent – car le système institutionnel français est quand même très particulier par rapport à tous les autres – prennent à un moment donné le taureau par les cornes.
Encore faudrait-il que les Français comprennent que pour eux il n’y a pas d’autre voie que la voie de l’effort car nous nous sommes laissé glisser le long d’une pente fatale depuis déjà très longtemps. L’histoire du décrochage de la France par rapport à l’Allemagne mériterait d’être reprise. Je pense qu’elle est un peu moins simple qu’on nous l’a dit. Mais les marges sont très étroites, si on veut rétablir la compétitivité de l’économie française.

Je ne veux pas donner une note excessivement pessimiste à la fin de ce colloque extrêmement stimulant, très enrichissant, à travers les exposés de tous les intervenants que je veux remercier très sincèrement. Il n’y a pas de fatalité dans l’Histoire.

Ceux qui ont choisi la voie de la post-histoire vont se réveiller parce que l’Histoire va frapper à nouveau à la porte.

—–
[1] Entre vieillissement et migrations : la difficile équation allemande, Notes du Cerfa, n° 138, Ifri, juin 2017.
[2] Le chinois Midea avait annoncé le 8 août 2017 détenir 94,55 % des actions Kuka. Berlin avait essayé dans un premier temps de limiter le poids du groupe chinois dans Kuka à 49 %, la société étant considérée comme un champion national dans le secteur stratégique des robots. En vain. « L’étude du dossier n’a mis au jour aucune raison de croire que le rachat menacerait l’ordre public ou la sécurité nationale en Allemagne. »
[3] Pourquoi la remontée de l’euro est insoutenable pour les pays de la zone euro… à l’exception de l’Allemagne, de Rémi Bourgeot, paru sur la site d’Atlantico le 10 août 2017.
[4] Le Royaume-Uni et l’Europe, colloque organisé par la Fondation Res Publica le 8 décembre 2014.
[5] France-Allemagne : l’heure de vérité. Le choc des modèles, de Jean-Louis Thiériot et Bernard De Montferrand, éd. Tallandier, novembre 2011.
[6] « … Se réformer pour ressembler aux autres, se réformer pour répondre à un chiffre, à une contrainte autour d’une table, notre pays n’est pas fait ainsi. Par contre, se transformer en profondeur pour retrouver le destin qui est le sien, retrouver la capacité à emmener l’Europe vers de nouveaux projets, être à la hauteur du combat qui est aujourd’hui le nôtre dans un monde en train d’éclater, où les régimes autoritaires émergent, où ce qui a été pendant des décennies le camp de l’Occident est en train de se fracturer, où le doute s’est installé, ça, c’est un combat ! Ça, c’est un combat qui fait rêver les Français !
Ça, c’est une nouvelle frontière grâce à laquelle nous pouvons convaincre le pays, non pas de se réformer, mais de transformer pour porter cette universalisme parce que ça a toujours été cela qui a fait notre pays…
»
[7] L’Imaginaire national à l’épreuve, article de Stéphane Rozès pour la revue Commentaire N° 157, printemps 2017 / Emmanuel Macron, Aladin de l’imaginaire français, Stéphane Rozès, épreuves de l’entretien pour le Débat de septembre-octobre 2017 avec Marcel Gauchet. / Stéphane Rozès: L’imaginaire allemand s’est peu à peu imposé à Bruxelles, entretien pour Figarovox, 25/09/2017.
[8] Voir le discours du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker sur l’état de l’Union 2017.
[9] « Hélas ! deux âmes habitent dans mon sein. Je veux les séparer : l’une, dans son ardent désir de vie, s’attache, se cramponne à ce monde avec ses organes ; l’autre s’élève violemment, du sein de la nuit, vers les domaines des sublimes ancêtres. » Faust (Goethe, trad. Porchat).

Le cahier imprimé du colloque « L’avenir des relations germano-américaines » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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