« Déconstructionnisme : état des lieux, facteurs de diffusion et conséquences »

Intervention de Hadrien Mathoux, journaliste à Marianne, lors du colloque « La République face à la déconstruction » du mardi 8 mars 2022.

Merci à vous.

Pierre-André Taguieff a décortiqué avec brio les soubassements intellectuels de l’idée de déconstruction, je vais pour ma part tenter d’exposer brièvement la manière dont cette matrice théorique pénètre dans le débat public et la vie politique et associative française, et en premier lieu la gauche, puisque c’est à gauche que le phénomène est le plus massif. Pierre-André Taguieff l’a bien montré, derrière ce concept de déconstructionnisme, de nombreux courants intellectuels s’imbriquent, du décolonialisme à l’intersectionnalité. On aurait donc tort de réduire l’influence du déconstructionnisme dans le monde politique aux références à Michel Foucault et Jacques Derrida. Dans le même esprit, je ne réduirai pas mon analyse de la gauche à celle des partis qui prétendent la représenter : pour avoir une compréhension plus globale, il est nécessaire de se pencher sur l’écosystème tout entier qui constitue la gauche, incluant le monde associatif, culturel, universitaire, médiatique, etc.

Je commencerai mon intervention par un état des lieux. Cette analyse est parfois difficile à établir dans le débat public, car on se heurte à l’hostilité acharnée du monde académique, qui martèle avec assurance que le phénomène que l’on cherche à décrire n’existe pas. Un exemple récent en est donné avec une tribune de Jacob Rogozinski, dans Le Monde, qui écrit que « le wokisme n’est qu’une chimère, un croquemitaine inventé aux États-Unis par des idéologues néoconservateurs afin de discréditer l’antiracisme et la pensée progressiste. » Rappelons-nous également du CNRS, qui avait décrété que l’islamo-gauchisme était un terme « dépourvu de toute réalité scientifique ». Cet argument bien pratique, qui avance qu’aucune donnée chiffrée ne soutient la thèse d’une conversion massive de la gauche aux paradigmes de la déconstruction, est en réalité malhonnête. Chacun sait que les mouvements idéologiques ne se mesurent pas comme le produit intérieur brut d’un pays, mais qu’ils s’appréhendent de manière impressionniste, c’est-à-dire par petites touches et grâce à l’observation quotidienne du paysage politique qui nous intéresse. Commençons donc notre état des lieux.

Du côté des partis politiques de gauche, le Parti socialiste est aujourd’hui relativement préservé de l’influence des thèses déconstructionnistes, mais cela s’explique essentiellement par une réduction considérable de son poids qui le rapproche de plus en plus du statut du Parti radical de gauche. Le Parti communiste est divisé en interne, mais notons que son leader actuel, Fabien Roussel, marque sa volonté de se distinguer de cette grille de lecture du monde.

Europe Écologie Les Verts représente un extrême inverse : la volonté de déconstruction y est hégémonique, comme le montrent les différentes interventions médiatiques de Sandrine Rousseau et des leaders du parti, l’invitation de penseurs décoloniaux aux universités d’été, ou encore les initiatives diverses des maires écolos visant à déconstruire le Tour de France, les sapins de Noël ou encore « les normes de virilité » qui régiraient les cours de récréation à l’école. Cette forte imprégnation des idées postmodernes est le résultat de la sociologie très bourgeoise du parti écologiste, mais aussi de sa sensibilité historiquement libertaire en rupture avec l’héritage idéologique traditionnel de la gauche.

La France insoumise est un cas d’école puisqu’au sein de ce mouvement « gazeux » tenu ensemble par Jean-Luc Mélenchon cohabitent des tendances très diverses. En 2017, c’était encore l’aile jacobine, républicaine et socialiste, qui avait le dessus, mais les années qui ont suivi ont montré que les partisans de la déconstruction bénéficiaient à gauche d’une force supplémentaire pour modifier sensiblement la ligne de la France insoumise. C’est ainsi que les cadres la France insoumise se revendiquent désormais ouvertement de l’intersectionnalité et de la lutte contre l’islamophobie, ont défilé aux côtés de mouvements islamistes en novembre 2019, défendent les réunions en non-mixité raciale et invitent eux aussi des militants décoloniaux lors de leurs universités d’été.

Le monde associatif, syndical et culturel n’est pas en reste. Il serait fastidieux de dresser la liste exhaustive des organisations historiquement ancrées à gauche qui sont désormais majoritairement acquises au corpus intellectuel déconstructionniste. Citons tout de même quelques exemples marquants : le Planning familial, Act-Up, le syndicat SUD, la Ligue des Droits de l’homme, la FCPE, l’Unef, le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, l’Opéra de Paris… on le voit, il ne s’agit pas de cas isolés et sans signification.

Enfin pour terminer cet état des lieux, il est essentiel de s’attarder sur les deux principaux canaux de diffusion de l’idéologie de la déconstruction : l’université et le monde médiatique. C’est dans l’enseignement supérieur que sont transmises ces idées aux jeunes générations. Nathalie Heinich en parlera mieux que moi, mais on connaît les bastions de la déconstruction : Paris VIII, Paris I, Lyon-II, Rennes-II, l’Université d’Aix-Marseille, Sciences Po et les autres Instituts d’études politiques, l’École normale supérieure, notamment à Lyon, l’École des hautes études en sciences sociales … Plus largement, le fait que la tribune du Monde, appelant à la démission de la ministre Frédérique Vidal, dans le cadre de la controverse sur l’islamo-gauchisme à l’université, ait été signée par plus de dix mille universitaires, témoigne de la force des idées intersectionnelles et décoloniales dans le supérieur, notamment parmi les chargés d’enseignement et les jeunes doctorants. Une attaque contre les postcoloniaux est ainsi perçue avec virulence comme une chasse aux sorcières contre l’université tout entière. Antoine Petit, le président du CNRS, a rédigé en novembre 2019 un avant-propos à un ouvrage qui résumait bien l’état d’esprit ambiant : « La race devient la nouvelle grille de lecture du monde sur laquelle s’intègre la grille du genre, et qui s’articule à la hiérarchie homme/femme […] Dans une société non métissée, le social et le genre dominent, mais dans l’espace interracial, le social s’efface derrière le racial. » Précisons enfin que le phénomène ne concerne pas que la production académique et le contenu des enseignements, mais aussi l’entretien d’un climat de peur, d’intimidation, voire de violence, à l’université.

Concernant les médias, on observe la progression de l’idéologie déconstructionniste, qui suit souvent un schéma générationnel : dans les rédactions de gauche, les plus jeunes promeuvent avec enthousiasme ces idées, face à la résistance plus ou moins résignée des anciens encore attachés à la tradition républicaine. Ces tensions internes se retrouvent à Libération, au Monde, à L’Obs. Dans d’autres médias comme Mediapart, Politis ou Regards, le déconstructionnisme est hégémonique. Enfin on note une pénétration de ces idées au sein du service public, France Culture ayant ainsi publié des vidéos assez étonnantes sur la déconstruction du « mythe de la Grèce blanche » ou encore de la galanterie à la française.

Outre le traitement de sujets divers en adoptant un point de vue intersectionnel, voire décolonial, on note que ces titres prennent régulièrement la défense directe de cette idéologie lorsque des polémiques éclatent, dénonçant ceux qui s’inquiètent du phénomène de déconstruction systématique comme des réactionnaires obsédés par des paniques morales venues d’un autre temps.

Après le constat, passons à l’étude des causes du succès des idées déconstructionnistes à gauche.

La première réside selon moi dans le rapport particulier historiquement entretenu par la gauche avec le monde intellectuel. On sait que la figure de l’intellectuel de gauche remonte à l’Affaire Dreyfus, depuis elle a trouvé de nombreuses déclinaisons, de nombreux idéaux-types : l’avant-garde éclairée du prolétariat théorisée par Lénine, l’intellectuel critique en guerre contre l’ordre établi, le compagnon de route du Parti communiste, etc. « Il n’y a pas de mouvement révolutionnaire sans théorie révolutionnaire », disait Lénine, et la gauche a toujours conçu le combat politique en lien direct avec les intellectuels, même si ces derniers se sont parfois détournés d’elle, comme ce fut le cas à l’égard du Parti communiste jugé trop stalinien dans les années 1960-1970. Au-delà des grands noms – Zola, Gramsci, Sartre, Debray, Bourdieu, Badiou, etc., il y a une donnée sociologique incontournable à prendre en compte : la gauche réalise à l’origine l’alliance du prolétariat et des classes moyennes intellectuelles, et donc du monde enseignant.

On comprend donc que lorsque la matrice de la déconstruction s’élabore dans les années 1960 et 1970 via Michel Foucault, Jacques Derrida ou encore Gilles Deleuze, la gauche est en contact direct avec cette pensée : car elle entretient un rapport spécifique et presque fétichiste avec le monde intellectuel.

Ce postmodernisme prospère également en raison de la montée en puissance des préoccupations postmatérialistes. Durant les décennies 1960, 1970 et 1980, sur fond d’ascension du Parti socialiste et de difficultés du PCF, la gauche cherche avant tout à séduire les classes moyennes en pleine ascension démographique. Les deux visages de Mai 68 incarnent les nouvelles préoccupations de ces couches sociales, ce qu’on a appelé un agenda post-matérialiste : les conflits ne visent plus seulement le monde du travail et la répartition des richesses matérielles mais se placent sur le terrain des « valeurs » : la qualité de vie, les droits des minorités sexuelles et ethniques, le libéralisme culturel… Ces revendications seront notamment portées, au niveau politique, par la deuxième gauche de Michel Rocard. Cette deuxième gauche revendique d’épouser les nouvelles conceptions du monde social, et d’être en rupture avec l’orthodoxie marxiste et jacobine centrée sur la notion de classe sociale. On aboutit ainsi à un contexte d’expression idéal pour l’idéologie déconstructionniste, qui a tendance à minorer le poids jugé excessif du social et du collectif pour privilégier une vision du monde centrée sur l’individu et des traits identitaires divers.

Enfin, le troisième facteur découle des deux premiers, tout en les nourrissant, c’est l’embourgeoisement généralisé de la gauche. Il se déroule à trois niveaux : le niveau électoral — aujourd’hui les principaux partis de gauche sont surtout soutenus par des Français diplômés, les classes populaires atomisées et déstructurées se sont très majoritairement réfugiées dans l’abstention ou dans le vote pour le Rassemblement national. Ce phénomène touche tous les partis, moins la France insoumise que les autres, le cas le plus spectaculaire étant EELV. Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach ont montré que lors des dernières municipales, la corrélation entre le prix de l’immobilier dans les grandes villes et le score des écologistes.

Le niveau militant, ensuite, c’est un processus qui a été largement documenté par Julian Mischi pour le Parti communiste et Rémi Lefebvre pour le Parti socialiste : on assiste à la fois à un rétrécissement considérable (le PCF est passé de 500 000 militants dans les années 1980 à environ 40 000 aujourd’hui, le PS de 200 000 à 20 000) et à un embourgeoisement des bases des partis de gauche.

Ceux-ci sont désormais surtout animés par des petites sociétés militantes de diplômés issus de la classe moyenne, davantage préoccupés par les enjeux post-matérialistes et qui, pour beaucoup, ont été directement en contact avec les thèses déconstructionnistes au cours de leurs études. L’endogamie de la sociologie des partis – et au sens large des organisations de gauche – a un impact direct sur les questions qu’ils se posent, c’est presque une tautologie.

On retrouve mécaniquement ce phénomène au niveau des cadres et élus. À titre d’exemple, même la France insoumise a présenté aux européennes de 2019 une liste dans laquelle seuls 16 % des 637 militants volontaires étaient des ouvriers ou des employés. Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon n’est évidemment pas le seul touché, loin de là !

Passons maintenant à l’analyse des conséquences du succès du déconstructionnisme sur la gauche.

En premier lieu, le prisme déconstructionniste remet radicalement en question les fondamentaux idéologiques de la gauche française depuis deux siècles. Alors que l’universalisme républicain cherche à promouvoir l’égalité entre tous, sans distinction de couleur de peau, de religion ou de sexe, sans reconnaître ces distinctions dans l’espace public, les intersectionnels et décoloniaux se proposent d’exalter les identités, dans une essentialisation permanente des individus ramenés à leurs appartenances communautaires et de genre.

L’intersectionnalité est une machine à produire du particularisme, à flatter le narcissisme des petites différences, à exhorter l’individu à penser à soi plutôt qu’au collectif. Raphaël Doan a bien montré comment l’abandon par une partie de la gauche de l’universalisme républicain et du principe d’assimilation des immigrés était lié à la montée en puissance de la pensée de Foucault, Deleuze et Derrida, qui valorise le fait minoritaire, les exclus, les invisibles, les marginaux. En somme, nous avons affaire à une pensée des minorités qui efface la volonté majoritaire, jugée tyrannique voire fasciste.

Alors que la gauche, dans le sillage des Lumières, a promu l’humanisme, la rationalité et la science, le postmodernisme décrète que ces certitudes philosophiques ne sont que des prétentions occidentales, des ruses de dominants en quelque sorte, qu’il faudrait déconstruire d’urgence. La vérité universelle n’existe plus, seul importe le ressenti individuel, érigé en norme sacrée. Enfin, on n’insistera jamais assez sur le fait que, loin d’être une continuation du marxisme comme le proclament de nombreux intellectuels libéraux anglo-saxons, la pensée de la déconstruction se détache du matérialisme historique et de la lutte des classes, s’épanouissant d’ailleurs dans des réseaux universitaires, loin des espaces traditionnels du mouvement ouvrier. « Pour les philosophes postmodernes, toute tentative de reconstruction de la société sur des valeurs partagées est une ambition vaine et dérisoire », écrit Olivier Nay. On comprend d’autant mieux pourquoi le mouvement woke prospère autant dans les sociétés libérales et individualistes des pays anglo-saxons.

En plus de cette incompatibilité conceptuelle, il faut aussi souligner que les adeptes de la déconstruction prennent directement pour cible le républicanisme et ses institutions : la République peut ainsi être qualifiée dans des travaux universitaires de « despotisme bien-pensant », la laïcité assimilée à des pratiques « de relégation et de discrimination », voire de racisme. Jacob Rogozinski que j’ai déjà cité, indique ainsi dans sa tribune pour Le Monde qu’il « serait souhaitable d’étendre la déconstruction à des notions que Derrida n’a pas examinées, par exemple à ces mots fétiches dont la fausse évidence obstrue la pensée et coupe court à tout débat : la République, l’universalisme, la laïcité. » On voit bien que le républicanisme est attaqué sur le fond, mais aussi de front par les mouvements déconstructionnistes.

La deuxième conséquence est évidente : quand la gauche cède aux thèmes de la déconstruction, elle a tendance à placer au second plan, dans le meilleur des cas sur un plan d’égalité, les problèmes économiques et sociaux. C’est arithmétique : quand on parle de déconstruction, d’hétéronormativité, de racisme systémique, de transactivisme… c’est autant de temps passé à ne pas parler de salaires, de services publics, de Sécurité sociale, de retraites, de répartition des richesses, de lutte contre la pauvreté. Et toute personnalité de gauche qui ne serait pas d’accord avec cette mise en avant considérée comme excessive de thématiques identitaires se voit rappelée à l’ordre sur le thème de la non-hiérarchisation des luttes. Ces débats autour de la déconstruction ont, en plus, le défaut de trôner très bas dans la hiérarchie des préoccupations des Français : les études d’opinion montrent qu’une minorité sait ce que signifient des expressions telles qu’écriture inclusive, racisme systémique ou privilège blanc. Dans la dernière étude du Cevipof, seuls 7 % des Français ont fait figurer la question des discriminations au rang de leurs principales préoccupations, ce qui en fait seulement le quinzième enjeu le plus important de la campagne présidentielle.

Les pensées de la déconstruction entraînent la gauche à moins parler de social, mais pire, elles obscurcissent son jugement. Dans ses formes les plus radicales, le mouvement woke plaque une vision schématique du monde, un monde binaire, manichéen, peuplé de victimes et d’oppresseurs qui sont toujours les mêmes. Les sciences sociales, lorsqu’elles sont polluées par le militantisme, ne cherchent pas à comprendre le réel mais à le tordre pour qu’il corresponde à certains présupposés idéologiques. On comprend le danger pour une gauche dont la compréhension de la société serait en permanence brouillée par le filtre des préjugés déconstructionnistes.

Enfin, la troisième et dernière conséquence de cette irruption hégémonique de la postmodernité à gauche est qu’elle entraîne la gauche dans une impasse stratégique : en effet, à terme, l’adoption de cette grille de lecture pousse la gauche à mener des guerres culturelles, dans lesquelles, face à une droite conservatrice et autoproclamée garante des traditions, elle s’attelle à être l’agent de la déconstruction systématique de toutes les normes et valeurs qui structurent la société française : déconstruction de la famille, déconstruction du couple, déconstruction du genre, déconstruction de l’histoire, de la culture française, déconstruction de la République, de la laïcité, de la nation… Toutes les identités personnelles et collectives du pays, considérées comme oppressives, sont ainsi vouées à passer au moulinet de la déconstruction.

Or, comment imaginer que cet imaginaire, qui aboutit à considérer la société comme une addition d’individus dépourvus d’attaches et ne pouvant être définis que par des particularismes communautaires, devienne un jour majoritaire ? Comment peut-on espérer gagner des élections nationales en répétant au peuple que ses traditions doivent être éradiquées, que sa culture ne vaut pas plus qu’une autre, qu’il devrait avoir honte de tout ce à quoi il est attaché, que la créolisation de sa civilisation est inéluctable et devrait être accueillie avec joie ? La mise en avant de ces thèmes identitaires, portés de surcroît par des militants souvent hors-sols dont l’attitude fait office de repoussoir pour les gens ordinaires, est un calcul stratégique douteux. De sorte qu’on ne voit pas quel avenir peut avoir la gauche en France si, pour reprendre l’excellente formule de Philippe Guibert, elle « cesse d’être le parti de la sécurité économique et sociale pour devenir celui de l’insécurité identitaire. »

Marie-Françoise Bechtel

Merci beaucoup.

Vous avez soulevé beaucoup de points intéressants.

Nous nous sommes intéressés avec Pierre-André Taguieff au cercle de civilisation auquel s’adresse l’attentat permanent du « wokisme » et vous avez tracé le cercle interne, au sein de notre pays, en soulignant combien ce sont les milieux intellectuels, ça n’étonne personne, mais aussi les milieux médiatiques et pour partie politiques qui sont pénétrés par les idées « wokistes ». C’est un point extrêmement intéressant. Vous avez souligné que le « wokisme » prospère dans les sociétés libérales, ce qui est aussi un mode de réponse à la question de la civilisation occidentale que nous posions. Vous pourrez lire dans l’entretien que j’ai eu avec lui ce qu’en pense le professeur Rutkevich, déjà mentionné, du point de vue d’une société qui ne se définit pas comme libérale, à quelque moment que ce soit de son histoire.

Vous n’avez pas parlé vraiment du rôle de l’Ecole mais vous avez fait allusion à Bourdieu dans un passage de votre exposé. Je suis très frappée pour ma part par le rôle qu’a joué Bourdieu qui, lui aussi, fut fréquemment invité sur la côte Est des États-Unis. Bourdieu ne s’affiche pas comme déconstructeur mais ses théories ont beaucoup pénétré, me semble-t-il, le milieu universitaire, et notamment sociologique. La posture revendicatrice, réclamatoire de Bourdieu, pourtant auréolé de tous les honneurs dans le monde intellectuel, n’a pas fait de bien à la sociologie, c’est le moins qu’on puisse dire.

Disant cela, je fais une liaison avec ce que va nous dire Nathalie Heinich, sociologue, directrice de recherche au CNRS et à l’EHESS, auteur, récemment, de Ce que le militantisme fait à la recherche (Gallimard, Tracts, 2021) – que nous avons lu avec délectation à la Fondation Res Publica – et de Oser l’universalisme : contre le communautarisme (Le Bord de l’eau, 2021), qui va nous parler des vecteurs de diffusion de la culture woke et du déconstructionnisme à l’université et dans la recherche.

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Le cahier imprimé du colloque « La République face à la déconstruction » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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