Exposé de M. Alain Dejammet

Exposé d’Alain Dejammet, ambassadeur de France, représentant de la France au Conseil de Sécurité des Nations Unies de 1995 à 2000, ancien président du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica, lors de la table ronde « Autour des idées de Francis Fukuyama et de Samuel Huntington » du mardi 25 octobre 2022.

Je remercie Marie-Françoise Bechtel de nous avoir entraînés à revisiter ces personnages – dont l’un, Francis Fukuyama, n’a que soixante-dix ans (Samuel Huntington est décédé en 2006) –, de les avoir invités à notre table pour essayer de réfléchir aux jugements qu’ils ont portés, étayés, chez Fukuyama comme chez Huntington, de travaux considérables. Ils ont été formés à la bonne école, celle des universités américaines, où l’on enseigne le grec et le latin, où l’on apprend donc à manier des concepts (mais peut-être était-ce avant le « wokisme »).

Leur débat, qui fut très vif voilà presque une demi-génération, était stimulant.

Merci donc à Marie-Françoise Bechtel d’avoir pensé à revenir sur cette période.

Ce que nous allons faire brièvement. Mais, désormais très âgé, je suis probablement moins capable de discerner les grands mouvements qui parcourent en ce moment notre planète. Aussi, attendons plutôt des remarques que vous ferez. Cette introduction sera suivie d’une libre discussion à propos donc de personnalités que certains d’entre vous connaissent, parfois personnellement ; Sami Naïr a rencontré Huntington voilà quelques années et Thierry de Montbrial connaît bien Fukuyama. Nous sommes donc ici en bonne compagnie pour essayer d’en apprendre un peu plus et porter sur la situation actuelle un jugement équilibré.

Il y a vingt-cinq ans, le débat Fukuyama-Huntington tournait autour de deux idées simples :

L’une était la thèse de Francis Fukuyama : l’histoire du monde converge vers une fin, une fin probablement ennuyeuse mais assez heureuse, la démocratie libérale. Le livre de Fukuyama, précédé d’un article en 1989, et publié en 1992 sous ce titre : La fin de l’histoire, décrit cette marche irrésistible vers la démocratie.

Samuel Huntington défendait une thèse très différente : l’histoire du monde est, selon lui, celle de la remontée depuis les profondeurs des sociétés, de leurs vieux fonds de sauce : les origines ethniques, les langues, les traditions, les coutumes, les religions, surtout les religions… bref, les civilisations. Celles-ci sont peut-être mortelles mais en attendant, selon la thèse de Huntington, elles se frottent, voire se combattent : c’est le choc des civilisations.

Un bref rappel des thèses en présence. S’impose donc.

Mais le choc des civilisations appelle un deuxième point : comment éviter que cette confrontation, ce choc s’envenime en conflit ? Tâche, peut-être, des acteurs, des diplomates. Tâche en tout cas de l’ONU, créée essentiellement pour éviter les guerres, la guerre, c’est-à-dire l’usage de la force, bien avant tout ce que l’on dit et écrit sur la coopération économique, sociale, les droits de l’homme… Comment contrôler la force ? C’est le thème majeur de la charte des Nations Unies. La fin de l’histoire, le choc des civilisations : ce second point, plus concret, plus technique, conduira à rechercher comment éviter que ces deux évolutions se combattent, au prix d’inévitables dommages. Comment éviter le recours à l’agression, à la rupture de la paix, à la force ?

Les faits, donc d’abord et les thèses en présence

Fukuyama : La fin de l’histoire

L’avant-dernière décennie du dernier siècle vit les décès successifs et rapides de Brejnev (1982), Andropov (1984), Tchernenko (1985).
Les dirigeants occidentaux se retrouvent aux obsèques sur la Place Rouge : Bush, Kohl, Mitterrand, Mauroy, Cheysson. Au moment de se séparer, tout guillerets, ils se donnent rendez-vous à l’an prochain, même place, même heure, froid glacial.

À la mi 1985 Gorbatchev dîne avec François Mitterrand. Celui-ci l’interroge : depuis quand en URSS l’agriculture va-t-elle mal ? Réponse de Gorbatchev : depuis 1917. Le même Gorbatchev, à l’automne, aux Nations Unies, annonce une nouvelle ère, celle de la coopération de l’URSS. Signal donné à la reprise des travaux du Conseil de sécurité jusque-là bloqués par les vétos soviétiques.

Dans L’Empire éclaté [1], Mme Carrère d’Encausse avait prédit que l’URSS se déferait par la périphérie, Mais, perspicace, elle retenait aussi la définition de Lénine : « Le communisme, c’est les soviets plus l’électricité » (Discours au 8e Congrès des Soviets, 1919). Or l’électricité, c’est Tchernobyl (1986). Tchernobyl explose. Tout va mal.

La fin est cependant remarquablement policée, peu de procès, peu de morts, hors plus tard, en Tchétchénie. Nos collègues russes regretteront sur un ton assez malheureux, timide, que cette dislocation tranquille, benoîte, de l’URSS n’ait pas été accompagnée d’un peu plus de témoignages de satisfaction et de reconnaissance de la part des pays occidentaux.

Début 1989, l’URSS se retire en bon ordre de l’Afghanistan qu’elle avait envahi dix ans plus tôt. Les talibans feront-ils mieux à sa place ? On peut en discuter.

À New York, en 1997, en bonne entente avec les quatre autres membres permanents du Conseil de sécurité, le représentant russe, Iouri Vorontsov (qui avait été ambassadeur à Paris), travaille six mois durant, sur injonction du secrétaire général de l’ONU de l’époque, Pérez de Cuéllar, à imposer aux Irakiens et aux Iraniens une résolution d’arrêt des combats. En juillet 1997 Bagdad accepte, Téhéran non. Mais Téhéran, cible une année entière (1997-1998) des tirs indiscriminés, aléatoires, de missiles irakiens sur la population civile, Téhéran, fière de ses Pasdaran, de ses Bassidji, de son âpreté au combat contre déjà les canons français (utilisés à l’époque avec gloire par l’armée irakienne), Téhéran finit par céder. Donc, cessez le feu et début d’une négociation entre Irak et Iran qui aboutira en juillet 1988, à la paix.

En Chine, en mai-juin 1989, un coup d’arrêt est donné à la belle histoire : Tian’anmen.

Mais en France, à Paris, à Valmy, c’est l’exaltation du bicentenaire de la Révolution française. Nos ambassades sont mobilisées. Tout le monde doit suivre et s’associer. F. Fukuyama le prouve qui, dans son livre, célèbre les révolutions française et américaine, la liberté et l’égalité, les deux facteurs essentiels de cette marche en avant vers la fin bienheureuse de l’histoire.

En septembre 1989 les Arabes eux-mêmes s’assagissent et, à Taëf [2], mettent fin à une guerre de près de quinze ans au Liban.

Et puis, en cette fin d’année 1989, inutile d’insister, c’est la déferlante des mouvements de foule abattant les murs en Europe de l’Est ! Au Caire, mon conseiller d’alors, Bruno Delaye m’avertit. Il adore l’Égypte mais il ne veut pas rater la fin de l’histoire, il file à Berlin.

L’événement est donc mondial. Mais il est traité individuellement, unilatéralement, par les chefs d’États, les dirigeants des pays européens et parfois, comme c’est signalé par des auteurs présents ici, en secret. Pour traiter de ce qui va succéder à l’écroulement des murs, pas de réunions dans les enceintes consacrées, ONU, OTAN, CSCE. Certes des discussions sont menées par les 4 + 2, les pays qui, depuis 1945, avaient la charge de l’occupation de l’Allemagne et les deux États allemands, mais c’est une tâche menée quand même essentiellement par les dirigeants… rôle des hommes et des femmes dans la diplomatie, rôle des individus.

Le chancelier allemand, Helmut Kohl, annonce seul et mène à bien le train de la réunification allemande. François Mitterrand propose la création d’une confédération européenne allant de Brest à l’Oural, sans les États-Unis (rien à voir, contrairement à ce qu’écrivent certains, avec le projet actuel d’Emmanuel Macron, qui inclut les États-Unis). Et fureur d’ailleurs de plusieurs de nos partenaires d’Europe centrale et orientale, notamment Vaclav Havel qui, de Prague, empêche le projet de François Mitterrand – qui rappelait un peu l’idée gorbatchévienne de « maison commune » – de se concrétiser. Les souvenirs de Munich sont encore très présents dans l’esprit des acteurs, écrivains, intellectuels, tels que Vaclav Havel.

À Bruxelles, un ambassadeur russe invité, demande que l’on modifie le procès-verbal de la réunion. « L’URSS, corrige-t-il, n’existe plus ». Avis d’obsèques  combien symbolique !  de l’adversaire de l’Occident, publié au siège même de l’OTAN, quarante ans après le début de l’affrontement.

Alors où s’arrêtera l’OTAN ? Question importante puisqu’on sent bien que la fin de l’histoire doit avoir un sceau américain. Bush et Baker négocient en secret avec Gorbatchev. Et il semble bien  on n’a pas de trace écrite  que l’accord se soit fait sur une idée simple : des ex-satellites (Pologne, Hongrie, Roumanie, etc.) pourront rejoindre l’OTAN mais pas les Républiques fédérées de l’URSS, telle l’Ukraine.
Un an passe. Paris réussit à mettre un coup de tampon sur cette évolution en accueillant en novembre 1990 le sommet de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) qui couronne le succès final des négociations entamées en 1975. Selon la « Charte de Paris pour une nouvelle Europe » adoptée à l’issue de ce sommet, les États désormais européens pourraient choisir l’alliance, le système de sécurité qui leur convient. Thierry de Montbrial s’en est offusqué récemment avec assez de raison. En effet, à ce prix, pourquoi aurait-on contesté à Cuba le droit, en 1962, de faire appel aux Soviétiques pour assurer leur sécurité ? Cette formule, qui se trouve dans la Charte de Paris en 1990, se retrouve également dans les conclusions du sommet de l’OTAN de 1991. La solution consiste évidemment à souligner qu’un accord de sécurité ne doit pas menacer la sécurité des autres.

À l’automne 1991, les Européens et les Américains consacrent le succès de leurs idées, les principes mêmes de Fukuyama. La fin de l’histoire, c’est le couronnement de la démocratie libérale. La démocratie libérale, c’est l’économie sociale de marché, c’est le capitalisme, c’est la liberté, les droits de l’homme. C’est aussi – Fukuyama le dira plus tard dans ses articles mais c’est une idée encore très présente à son esprit aujourd’hui – la satisfaction, chez les hommes et chez les pays, d’un besoin de reconnaissance par les autres d’eux-mêmes et de leur identité.

Donc, accord unanime, tout va très bien. Fukuyama est assuré de son diagnostic. Les vieilles idéologies, le communisme, le fascisme, sont mortes, sauf peut-être à Pyongyang et Cambridge (Massachusetts). Place à la démocratie libérale. Fin donc de l’histoire ? Francis Fukuyama met quand même un point d’interrogation à son livre en 1992.

Huntington, le choc des civilisations

Fin de l’histoire ? Pas du tout, juge celui qui avait été d’ailleurs, à Harvard, un professeur de Francis Fukuyama, Samuel Huntington. Certes les idéologies sont mortes mais les vieux tropismes qui animent depuis des siècles les blocs de nations, ici, en Occident, la chrétienté, catholique ou protestante à l’Ouest, orthodoxe à l’Est, là, en Asie, le bouddhisme, le confucianisme, le shintoïsme, là encore, dans le monde arabe, l’islam, ces principes, traits de comportements, de cultures – Huntington parlera avec talent de la cérémonie du thé qui se perpétue au Japon – sont toujours bien vivants et ils se renforcent, notamment l’islam dans les pays arabes. Et ces civilisations peuvent se combattre.

« L’histoire n’est pas finie », écrit Samuel Huntington dans un article de 1993 [3] qu’il reprend et développe dans un livre en 1996 [4].
Et le cours des événements, à partir, précisément, de cette fameuse apothéose libérale de 1991, va sur le terrain, non par des joutes philosophiques mais des empoignades militaires, dans le sens d’un monde en guerre.

C’est à l’été 1990 la brutale invasion du Koweït par l’Irak, puis en 1991 la soudaine volonté de sécession de plusieurs des Républiques fédérées qui composaient la Yougoslavie, et, un peu partout, en Afrique comme en Amérique centrale et latine, des révolutions internes qui mettent à bas les régimes. Et un peu partout, au demeurant, des répliques armées de grands pays qui n’aiment pas du tout ces éruptions désordonnées de liberté.

Alors on peut débattre des descriptions faites par Samuel Huntington de ces sept, huit ou neuf grandes civilisations qu’il distingue. Huntington ne prétendait d’ailleurs pas avoir découvert ce qu’il décrivait. Il s’inspirait des travaux du grand professeur français, Fernand Braudel [5]. Parallèlement, Fukuyama se disait inspiré dans ses livres, des réflexions sur Hegel et Marx d’un autre Français, d’origine russe, Alexandre Kojève. Mais on ne peut pas reprocher à Samuel Huntington d’avoir dressé une hiérarchie entre ces civilisations ou, pis, de rendre certaines plus coupables que d’autres d’un éventuel choc. Huntington multiplie les données, les statistiques, notamment celles de la démographie car celles-ci soulignent l’expansion de l’islam, mais il ne juge pas, il n’invite pas au combat. Il pense assurément que la démocratie libérale, en honneur en Occident, en particulier aux États-Unis, est un excellent système. Il juge ce système « unique ». Il voudrait conserver cette unicité. Il récuse donc le multiculturalisme. Mais il est totalement opposé à l’idée d’imposer ou de prêcher par la force ce type de civilisation à d’autres pays. Il est incontestablement en 1996, date de parution de son livre, l’adversaire, et un adversaire extrêmement énergique, des néoconservateurs, l’adversaire de ceux qui, tels Dick Cheney ou Paul Wolfowitz, veulent propager le mode occidental de pensée et de vie à l’extérieur. Lui-même, en revanche, avant son décès, exaltera de plus en plus les traits bénéfiques du système unique américain d’une manière que certains d’entre vous ont pu juger quelque peu excessive (je pense à Sami Naïr). Mais s’il décrit une Amérique paradisiaque il ne veut pas voir exportée à l’univers cette civilisation américaine. Pas d’universalisme.

Que pensent de tout ceci les diplomates ?

Au Conseil de sécurité ils sont quinze, venus de tous les continents – du temps de Pierre Michon ils étaient onze [6] – ils sont censés connaître leur civilisation. Ils sont surtout censés éviter que les évolutions décrites par Fukuyama et Huntington se contredisent, que les civilisations s’entrechoquent. Ils sont là pour faire la paix.

Alors, comment éviter le chaos, le recours à la force ?

Comme le rappelait Marie-Françoise Bechtel, Kofi Annan, secrétaire général des Nations-Unies, eut l’idée de faire réfléchir sur ces questions les quinze ambassadeurs membres du Conseil de sécurité en 1999, d’associer à ses réflexions ses plus proches collaborateurs. Il les invite donc deux jours durant à quitter New York, à faire retraite à Glassboro, à mi-chemin entre New York et Princeton, autour du Pr Huntington.

Huntington parle, il déplie des cartes, il expose ses idées au tableau noir, il déroule des statistiques. Les ambassadeurs sont agnostiques, ils sont chrétiens, ils sont bouddhistes, hindouistes, juifs, musulmans… Ils ne sont pas choqués. Voilà l’impression que je garde de ces deux jours de discussion très libre, très amicale entre les diplomates et Huntington, lui-même un petit bonhomme tout à fait adorable  je pense que Sami Naïr et Thierry de Montbrial ne vont pas contester ce portrait  avec des lunettes rondes, la « tête d’œuf » telle qu’on l’imaginait autrefois (mais l’expression n’existe plus).

Je garde donc de ces deux jours passés à Glassboro un souvenir aimable où des gens de toutes origines, venus de toutes parts, corroborent, veulent bien accepter la description du monde telle que faite par Huntington.

Deux décennies plus tard, en 2020, dans le but de vérifier une date, je cherche à interroger ces participants au séminaire de Koffi Annan. Je téléphone un peu partout – notamment dans le Périgord qui semble être un asile pour pas mal de diplomates anglais  et je découvre avec stupéfaction qu’ils ne se souviennent absolument pas de cette réunion ! Il y a d’ailleurs ici présent ce soir à cette table quelqu’un de très important, Bernard Miyet, qui a été très haut fonctionnaire aux Nations Unies mais également ambassadeur à Genève, auprès de l’Office européen des Nations Unies qui, objectivement, ne garde pas souvenir de cette réunion. C’est quand même effarant ! Quelque chose s’est passé et personne ne s’en souvient !

Pourquoi ? Parce qu’à New York on est submergé chaque jour de la semaine par les problèmes permanents de dysfonctionnements des sociétés : troubles internes, révoltes, révolutions, troubles externes, rivalités, conflits avec l’étranger… Alors les réflexions panoramiques, la marche vers la société libérale, le choc des civilisations… ne sont pas de grand secours pour tenter de se rapprocher un peu des objectifs de notre organisation : la paix, la sécurité internationale.

La paix et le recours à la force

Comment éviter le choc ? Quels contrôles légitimes de la force ?

C’est donc vers une autre machinerie, celle de la Charte, celle du Conseil de sécurité, celle de l’Assemblée générale ou celle des instances de la justice pénale internationale que nous avons créées qu’il faut se tourner pour essayer d’apporter une esquisse de solution.

Retournons donc à l’essentiel, les textes des Nations Unies. L’objectif cardinal de la Charte, exprimé dans le préambule [7] (œuvre d’Archibald MacLeish, poète, ami d’Alexis Léger, autrement dit Saint-John Perse), est de nous préserver du fléau de la guerre. C’est d’ailleurs la seule fois où le mot « guerre » figure dans la Charte des Nations Unies alors qu’il revient régulièrement dans le texte du Pacte de la Société des nations.

Que faire pour neutraliser la guerre, éviter l’usage de la force ? Que faire de la force ? Peut-on la supprimer dans les relations entre États ? Peut-on la contrôler si l’on est le Conseil de sécurité ? Dans la Charte, le mot « force », à la différence du mot « guerre », est fréquent.
Toute la charte, qui est un texte politique essentiellement créé pour maintenir la paix est fondée sur ce qui apparaît comme la prohibition absolue de la force. Mais, en fait, comme on le verra, la Charte légitime un usage convenu de la force.

L’article capital est l’article 2, paragraphe 4, de la Charte : « Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. » Cette phrase, vous l’entendez répéter en boucle dans la petite salle des consultations privées des Nations Unies, avec une vigueur particulière, par ce bon connaisseur de la Charte qu’a été dix ans durant l’ambassadeur de l’URSS puis l’ambassadeur de la Russie aux Nations Unies, Serguei Lavrov, ministre des Affaires étrangères de son pays depuis 2004. Dieu sait s’il répétait, en anglais, en russe, en tamoul, l’article 2 paragraphe 4 de la Charte.

Théoriquement donc nous serions désarmés : pas de recours permis à la force.

Non ! Parce qu’il faut regarder de plus près et constater que la Charte bâtit en réalité un système de codification de l’usage légitime de la force.

À la vérité, ce qui est prohibé c’est ce qui est incompatible avec les buts des Nations Unies. Or précisément, les buts des Nations Unies (article premier de la Charte), c’est le maintien de la paix et de la sécurité internationales « et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces… » Les mesures collectives et efficaces, la force, c’est le privilège du Conseil de sécurité.
Retour donc au Conseil de sécurité. Oui, on peut utiliser la force. Et oui, il faudra l’utiliser pour empêcher la force des autres, pour contrôler, pour apaiser, mais il le faudra par le biais du Conseil de sécurité des Nations Unies et non pas à la libre initiative, unilatérale, des États.

Mais quelles forces utiliser ?

Il y a deux types de forces : La force armée qui offre la possibilité de convaincre, mais à la pointe des baïonnettes. La force non armée, qui est le recours à la sanction économique, politique, culturelle.

Le recours à la force armée, c’est-à-dire le déploiement de militaires, autorisé, a contrario, par l’article 2 paragraphe 4, est expressément prévu par le chapitre VII de la Charte des Nations Unies qui en fait le privilège exclusif, comme je viens de le souligner lourdement, du Conseil de sécurité. Mais ce recours à la force armée a été très peu utilisé par les Nations Unies, du fait de la pratique longtemps existante et redevenue d’actualité, du droit de veto des cinq permanents.

Donc innombrables tentatives, innombrables vétos, et finalement très peu de cas d’emploi de la force armée par l’ONU :
1950 : Guerre de Corée. La Corée du Nord agresse la Corée du Sud. L’URSS a décidé depuis plusieurs mois de ne plus participer aux travaux du Conseil. Les autres membres du Conseil en profitent pour adopter une résolution qui autorise le déploiement d’une force des Nations Unies pour soutenir la Corée du Sud contre la Corée du Nord.

1990 : réplique armée de l’ONU à l’agression de Saddam Hussein contre le Koweït. Bush, le président américain aurait pu très bien répliquer de lui-même, arguant de la solidarité de son pays avec le Koweït. Mais l’époque était, autour de 1990, à un monde nouveau où les cartes des Nations Unies paraissaient jouables. Bush, donc, au lieu de choisir de réagir comme un allié du Koweït, s’adresse aux Nations Unies, encouragé dans ce sens par plusieurs pays dont la France. Une nouvelle action militaire est décidée à partir de 1991 par le Conseil de sécurité. Politiquement, c’est une autre affaire. Les arguments diplomatiques qui auraient pu déboucher sur une issue pacifique, et que Jean-Pierre Chevènement recommandait, n’ont pas vraiment été épuisés.

2011 : le régime de Kadhafi est décrit comme menaçant sa propre population. Les Occidentaux se tournent vers le Conseil de sécurité qui monte une opération armée de protection du peuple libyen mais qui, rédigée dans l’ambiguïté, aboutit à un changement de régime et au déclenchement de nouveaux désordres.

Voilà les exemples nets, clairs, de recours à la force armée par les Nations Unies.

Les opérations de maintien de la paix

Mais il y a aussi le recours par les Nations Unies à une force armée dégradée où toute la gamme des moyens militaires ne sera pas utilisée. On fera appel à des troupes légèrement équipées. Ce sont les opérations dites de maintien de la paix. L’idée n’est pas de combattre, de supprimer ou de réprimer l’agression, comme le permet la Charte, mais de s’interposer entre les parties, de dégager une zone neutre pacifiée d’interposition à l’abri de laquelle les diplomates, les négociateurs s’efforceront de trouver une formule pour apaiser un conflit. Ces opérations de maintien de la paix sont très nombreuses, près d’une centaine. Elles ne sont pas une invention spectaculaire. Elles me paraissent tout à fait conformes à l’esprit et même à la lettre de la Charte qui, dans son article 42 [8] prévoit que les Nations Unies peuvent se doter de toutes forces possibles, faire des démonstrations…. Il s’agit d’ailleurs souvent du déploiement d’individus équipés de simples armes individuelles mais qui vont s’efforcer de prévenir, débattre, parlementer, travail ingrat, méconnu, assez rarement couronné d’un vrai succès, mais comptant quand même de belles réussites, comme au Cambodge après la fin de l’ère Khmer rouge.

La force non armée

Il s’agit des sanctions, vraie force dans la mesure où les décisions prises contraignent un État jugé délinquant à changer d’attitude. Sans obtenir l’aval de l’ONU, les pays, notamment occidentaux, établissent unilatéralement des batteries de sanctions. Se conforment-elles à l’article 2, paragraphe 4 de la Charte ? On peut en débattre, mais ce qui est sûr c’est qu’obligatoires pour les pays qui les ont décidées, ces sanctions unilatérales ne le sont pas pour le reste de l’humanité. Leur portée est donc limitée.

En revanche, quand les sanctions sont décidées par le Conseil de sécurité, ce qui revient à les rendre légales au sens de l’article 2, paragraphe 4 de la Charte et conformément au chapitre 7, les sanctions peuvent être une arme efficace. Elles conduisirent à la fin du régime de l’apartheid en Afrique du sud et facilitèrent la décolonisation. Elles poussèrent le régime libyen à modérer son attitude jusqu’à cesser d’envisager un statut nucléaire, mais certaines capitales décidèrent de supprimer Kadhafi lui-même, issue qui n’était pas dans le texte de la résolution adoptée en 1971.

Ces instruments sont utilisés pour ramener la paix entre des États. Mais troubles, rivalités, discordes affectent de plus en plus l’intérieur des États.

Que faire donc lorsqu’on traite des conflits intraétatiques ? On bute là sur une disposition de la Charte, article 2 paragraphe 7, qui interdit de se mêler des affaires intérieures d’un État (Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte ;). Que faire face à une situation limitée à des troubles intérieurs ? Que faire lorsque nous sommes confrontés à cet obstacle qu’est l’article 2 paragraphe 7 ?

On réussit, au sommet de l’ONU en 2005, à trouver une formule grâce à Kofi Annan et au groupe de diplomates qu’il avait réunis, en inversant la lecture des textes :

L’organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres dit la charte des Nations Unies. Mais qu’est-ce que la souveraineté des États ? Selon la philosophie même de la Charte, l’essence de la souveraineté des États est de rendre les populations heureuses, de les protéger. Si un État souverain ne protège pas ses citoyens, se dérobant donc à ce qui est son essence même, c’est aux Nations Unies de se substituer à lui, en quelque sorte, pour lui apprendre son métier, pour le convaincre de sa responsabilité de protéger. Ce principe de la responsabilité de protéger, consacré par le sommet de l’ONU en 2005, a constitué un progrès. Devant des situations graves (épurations ethniques, crimes contre l’humanité …) qui menacent une population, si l’État souverain ne protège pas sa population, il est de la responsabilité des Nations Unies d’intervenir. À condition, bien évidemment, que le Conseil de sécurité le décide, donc qu’il n’y ait pas de veto.

On a essayé de le faire à propos de la Libye en 2011. Kadhafi, à la tête d’une armée, marche sur Benghazi. Le sang va couler. Il faut faire quelque chose, alertent des commentateurs.

On décide qu’on va protéger la population. On va interdire à l’aviation libyenne de frapper (en fait il y avait très peu d’aviation). C’est technique, c’est précis, c’est rigoureux. En même temps on prend l’engagement de ne pas débarquer des troupes au sol. C’est plus ambigu.

La mise en œuvre de cette résolution est votée bien que les Allemands, alors membres du Conseil de sécurité, s’abstiennent … ce qui prouve qu’il est assez difficile de s’entendre entre Européens sur tous les sujets. Dans ce cas, s’il y avait eu nécessité d’un avis unique pour l’Europe, visiblement il y aurait eu problème ! Les Allemands s’abstiennent et les Russes (Medvedev est au pouvoir) sont encore beaucoup moins convaincus. Mais, malgré tout, ils ne mettront pas de veto. Pas plus qu’ils n’en avaient mis durant l’affaire de la Yougoslavie qui leur tenait pourtant à cœur.

Au bout de quelques semaines, de quelques mois, les uns et les autres découvrent que cette résolution est bien ambiguë et que certains ont à l’esprit de changer le régime en Libye, de se débarrasser de Kadhafi. La confusion est telle que beaucoup disent que c’est la fin du système de la responsabilité de protéger. L’arme ne sera plus utilisée.

Toujours au chapitre des instruments légitimes, mais non armés, du maintien de la paix on peut enfin citer le moyen de pression qu’est la justice pénale internationale.

Là le débat est véritablement ouvert.

Pensez au sort de Gbagbo, ancien président de la Côte d’Ivoire : acquitté et relâché en 2019 après plus de sept ans de prison préventive à Scheveningen. Non coupable !

Pensez aujourd’hui au sort de Hashim Thaçi, qui fut un premier ministre du Kosovo adulé par Madeleine Albright et par un ancien ministre français. Actuellement, lui aussi attend son jugement à Scheveningen, cette prison peu sympathique à côté de La Haye.
Un ancien directeur au département Afrique du ministère des Affaires étrangères, pourtant très proche de M. Kouchner, constatait que la justice pénale internationale inquiète tellement les autocrates africains qu’ils préfèrent se cramponner par tous les moyens possibles au pouvoir plutôt que de subir une arrestation et être déférés à la Cour de La Haye. Bref, l’effet est inverse de celui souhaité.

Incidemment, ce thème du recours à la justice pénale internationale souligne à quel point des civilisations peuvent être divergentes. On touche là un point de rupture entre Occidentaux et Asiatiques ou certains pays d’Amérique latine ou d’Afrique. L’Occident est pour le jugement, il est pour le châtiment si crime est démontré. En Asie, en Afrique (Nelson Mandela), en Amérique latine, pendant un temps, on a préféré une autre voie qui est d’essayer d’établir des faits, de réunir les gens pour leur faire prendre conscience de leur responsabilité. Mais on n’ira pas jusqu’au jugement, jusqu’au châtiment. On laisse à ceux qui ont été ou qui se sont reconnus auteurs, acteurs, le poids du repentir. On laisse à tous la possibilité de réconciliation. C’est ce qui s’est passé, avec des nuances, en Afrique du sud, en Amérique latine, au Cambodge. Là on a véritablement révélation de l’écart entre les civilisations

La force et l’exception du droit de défense individuelle

Tout ce qui vient d’être dit devrait convaincre de ce que les Nations Unies, de par la Charte, la lecture qui en est faite, les interprétations que j’ai rappelées, sont détentrices du pouvoir légitime d’user de la force. Mais cette vision ne rend compte malheureusement que d’un aspect de la réalité. L’autre volet c’est le recours unilatéral à la force, le recours parfaitement désordonné sans aucune sanction du Conseil de sécurité, le recours à partir de l’interprétation donnée par les États de leur droit naturel de légitime défense individuelle et collective. On aura reconnu l’article 51 [9] de la Charte, article dont le sort, la fortune, ont totalement modifié le recours à la force.
Au départ de la rédaction de la Charte, à Dunbarton Oaks à l’automne 1944 on n’avait même pas pensé à évoquer ce droit de la légitime défense individuelle et collective. C’est à San Francisco, beaucoup plus tard que certains pays, s’avisant qu’ils avaient signé des accords de défense, pour les États-Unis avec l’Amérique latine, pour la France avec la Russie…, ont souhaité que soit consacré leur droit naturel de légitime défense individuelle et collective. À la bonne heure ! Tout le monde s’est rué sur cette possibilité et on a assisté à un déferlement de recours à la force sans aucune sanction du Conseil de sécurité, un peu partout, un peu toujours. Les exemples sont innombrables.

On clame aujourd’hui à la violation du droit international, on se scandalise des événements que vous avez tous à l’esprit : agression éventuelle ! violation du droit ! Invasion de l’Ukraine ! …

Oui, mais regardons un peu le passé.
1948 et années suivantes : Les Arabes sont-ils allés demander l’autorisation du Conseil de sécurité pour s’en prendre à Israël ? Israël est-elle allée au Conseil de sécurité pour s’en prendre aux Arabes ?
1956 : Sommes-nous allés frapper à la porte du Conseil de sécurité avant de nous parachuter avec les Anglais sur Suez ?
1974 : Les Turcs ont-ils demandé l’autorisation du Conseil de sécurité avant d’aller protéger leurs coreligionnaires, leurs compatriotes, au Nord de Chypre ?
1975 : Les Marocains ont-ils demandé l’autorisation au Conseil avant de faire déferler la Marche verte sur le Sahara occidental ?
Les Américains ont-ils consulté les Nations unies avant d’intervenir au Liban, en Iran, à Grenade, en République dominicaine, à Panama, en Irak, etc.
Les Indonésiens ont-ils demandé l’autorisation du Conseil avant de se débarrasser de marxistes timorais, portugais, etc. ? Tous les jours on envahit, on s’empare, on viole le droit international. La vérité est qu’il suffit d’invoquer l’existence d’un désordre, d’une menace sur vos frontières, sur votre « étranger proche » pour, sans coup férir, prendre les armes, agir préventivement sans le moindre égard pour le Conseil de sécurité. La réalité est la violation constante du droit international.

À ce compte on s’éloigne évidemment de la lecture de Fukuyama et d’Huntington. Mais ni l’in ni l’autre n’était angélique. Ils étaient si peu angéliques qu’ils parlent très peu des Nations Unies. Fukuyama les évoque dans quelques lignes de son livre mais sans conviction. Huntington est un peu plus généreux, quelques paragraphes sur des centaines de pages.

Mais ils réfléchissent. Fukuyama avait décrit les traits essentiels de la civilisation occidentale : égalité, liberté. Mais il empruntait beaucoup à Kojève.

Il faudrait d’ailleurs s’intéresser un peu plus à Alexandre Kojève. Il fut dans les années 1930 en France un commentateur de Hegel. Et après la guerre, en 1947-1948, on le retrouve vivant dans l’anonymat le plus total (un destin à la Lawrence d’Arabie ?). Il travaille dans un petit bureau de la Direction des relations économiques extérieures (DREE), Quai Branly, à côté de fonctionnaires qui, auprès de Robert Marjolin, de Pierre Uri, réfléchissent à la construction européenne et sont admirateurs d’Alexandre Kojève. Mais « c’était un espion russe infiltré en France ! » lira-t-on des années plus tard dans la presse anglaise. À vous de juger. Mais Kojève commentant Hegel avait souligné à juste titre ce désir de reconnaissance de soi qui est le moteur de l’humanité. Les gens veulent être reconnus. C’est ce qu’on appelle en grec le thymos. Ce sentiment peut donner lieu à la méga-thymos c’est-à-dire l’Hybris, mais il peut inspirer aussi une certaine équité de tempérament.

Quelle reconnaissance de soi et d’autrui ?

Fukuyama a donné la réponse dans un livre récent : Identity [10] où il parle des identités car il voit sans plaisir que ce désir de reconnaissance peut être exprimé par des individus mais également par des groupes de toute nature : des groupes politiques, des groupes religieux, des groupes sexuels…, avec les dangers évidents de dérive.
Fukuyama propose comme solution de se convaincre des mérites des autres, en faisant droit à leur demande élémentaire de dignité. Réconciliation par l’acceptation de l’autre. Réconciliation par le respect de la dignité de ceux qui viennent frapper à votre porte.

Les « biens communs »

Huntington, pour sa part, était embarrassé de terminer sur ce tableau de civilisations qui s’entrechoquent. Alors, dans les dernières pages de ses livres et de ses articles il se demande si on ne peut pas quand même isoler dans les civilisations des biens communs, des points communs, des valeurs communes et les relier ensemble, de civilisation à civilisation. On voit bien ce que cela voudrait dire aujourd’hui : le climat, l’environnement, la santé …, autant de points communs à toutes les civilisations, de risques que l’on essaye de combattre ensemble. Et on verra les grands apôtres de cette entente des cultures, tels les dirigeants successifs de Singapour, énumérer ce qui pourrait être des biens communs, en Asie, d’abord le respect de la famille mais aussi de l’individu, et rechercher s’il n’est pas possible de s’entendre sur ce terrain avec les Occidentaux.

L’honnête négociation

Il y a peut-être, très modestement, une autre voie, une dernière voie, celle qui consisterait à prendre au sérieux ce que l’on a agréé, ce que l’on a accepté, à prendre au sérieux la Charte des Nations Unies. Aujourd’hui, les textes des résolutions font quatre-vingts pages. Personne ne les lit bien sûr. Tout y figure parce qu’il faut tenir compte de tout le monde. Résultat : personne ne lit les résolutions, personne ne les respecte. Les gens s’engagent au bout d’heures et d’heures de négociations, de travail, sur des textes dont ils ne connaissent pas la portée dont ils ne voient pas ce à quoi ils devraient véritablement les entraîner. S’ils avaient lu sérieusement les résolutions prises au début de l’affaire du Rwanda ils auraient peut-être agi différemment par la suite.

Alors, l’ultime solution possible, elle est modeste, consisterait à faire en sorte que tout le monde sache vraiment ce que veulent dire les textes que l’on concocte et que tout le monde se convainque de ce quelque chose de simple mais d’irréfragable qu’est l’article 25 [11] de la Charte des Nations Unies aux termes duquel les États membres acceptent et exécutent les décisions du Conseil de sécurité prises conformément à la Charte. C’est tout. Se rappeler que ce texte, différent de ceux qui existaient dans le pacte de la SDN, nous fait obligation d’être sérieux quand on négocie et de prévoir l’effet de ces résolutions.

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[1] Hélène Carrère d’Encausse, L’empire éclaté, éd. Flammarion,1978.
[2] Signés le 22 octobre 1989, comme additif à la Constitution Libanaise, destiné à mettre fin à la guerre civile libanaise de 1975 à 1990, des accords ont été négociés à Taëf en Arabie Saoudite sous l’égide d’une commission tripartite arabe formée de l’Arabie saoudite, du Maroc et de l’Algérie.
[3] Samuel P. Huntington, The Clash of Civilizations ? Foreign Affairs, Summer 1993
[4] Samuel Huntington, Le Choc des civilisations (The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order), en français aux éditions Odile Jacob, 1997.
[5] Fernand Braudel, Grammaire des civilisations, éd. Arthaud, 1987.
[6] Allusion au grand romancier Pierre Michon qui, dans Les onze, mêlant fiction et histoire, fait apparaître les membres du Comité de salut public qui, en 1794, instaura le gouvernement révolutionnaire de l’an II (Billaud, Carnot, Prieur, Prieur, Couthon, Robespierre, Collot, Barère, Lindet, Saint-Just, Saint-André) et que François-Élie Corentin représenta dans le célèbre tableau des Onze. (NDLR)
[7] Nous, Peuples des Nations Unies
Résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances,
à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites,
à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international,
à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande,
Et à ces fins à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage,
à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales,
à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt commun,
à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples,
Avons décidé d’associer nos efforts pour réaliser ces desseins
En conséquence, nos gouvernements respectifs, par l’intermédiaire de leurs représentants, réunis en la ville de San Francisco, et munis de pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, ont adopté la présente Charte des Nations Unies et établissent par les présentes une organisation internationale qui prendra le nom de Nations Unies.
[8] Article 42
Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l’Article 41 seraient inadéquates ou qu’elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d’autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies.
[9] Article 51
Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.
[10] Francis Fukuyama, Identity : The Demand for Dignity and the Politics of Resentment, éd. Farrar, Straus and Giroux, 2018.
[11] Article 25
Les Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte.

Le cahier imprimé de la table ronde « Autour des idées de Francis Fukuyama et de Samuel Huntington » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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