« Les sept visages de l’écologie politique. Pour dépasser enfin l’écologie antimoderne et punitive »

Intervention de Luc Ferry, philosophe, ancien ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche, auteur de Les sept écologies (Éditions de l’Observatoire, 2021), lors du colloque « Écologie et Progrès » du mercredi 24 novembre 2021.

Merci, Madame.

Monsieur le ministre, cher Jean-Pierre,
Mesdames et Messieurs,

Lorsque j’ai introduit dans mon livre, le Nouvel Ordre écologique, en 1992, les catégories de l’écologie politique qui nous venaient d’Allemagne et des États-Unis, Jean-Marie Cavada m’a invité dans son émission, « La Marche du siècle ». Au cours du débat qui s’ensuivit, les deux contradicteurs qu’il avait invités comme il se doit, rivalisant de créativité, me firent don de deux images qui caractérisent parfaitement l’opposition entre révolutionnaires et réformistes qui traversait à l’époque l’écologie politique. Antoine Waechter, très en verve, déclara : « Lorsque la baignoire déborde, les imbéciles mettent des serpillières et des serviettes autour, les gens intelligents ferment le robinet ». « Fermer le robinet », c’était par excellence une métaphore « fundi », une allusion à la croissance zéro. À l’époque, on ne parlait guère encore de décroissance, un terme que Meadows lui-même, l’auteur du fameux rapport « sur les limites de la croissance » paru en 1972, trouvait par trop répulsif. On parlait plutôt de « croissance zéro », une réponse à la conviction qu’une croissance infinie est impossible dans un monde fini, que le développement économique tel que le conçoivent nos sociétés libérales/productivistes n’est pas tenable, les notions de « développement durable » et de « croissance verte » n’étant aux yeux des « fundi » que des impostures réformistes destinées à ralentir l’inévitable prise de conscience révolutionnaire. À son tour, Mme Susan George, la patronne de Greenpeace France, intervint pour préciser la thèse de Waechter, indiquant dans quel type de tournant révolutionnaire il fallait s’engager, en l’occurrence celui d’une révolution conservatrice : « Quand vous êtes sur l’autoroute, me dit-elle, que vous voulez aller à Marseille ou à Nice et que vous voyez constamment des panneaux ‘Lille – Bruxelles’, c’est que vous êtes dans la mauvaise direction. Dans ces conditions, ralentir ne sert à rien, il faut faire demi-tour. ». L’imbécile réformiste qui s’accroche aux mirages du développement durable et de la croissance verte ralentit, le révolutionnaire intelligent fait demi-tour. Du reste, le mot « révolution » désigne bien selon son étymologie un tournant, un « u-turn » comme me disait Susan George dans sa langue maternelle, plus imagée que le français.

Juxtaposées, les deux images, celle de la serpillière et celle de la conversion révolutionnaire, marquaient parfaitement la différence entre Fundi et Realo, entre écologistes radicaux et réformistes. C’est alors clairement l’opposition de ces deux grands courants, qui dominait le paysage. Sous un autre vocable, on retrouvait aux États-Unis une scission analogue à celle des Verts et de Génération Écologie entre des deep ecologists (des écologistes « profonds », équivalents des Fundi allemands) et des shallow ecologists (des écologistes « de surface », proches des Realo). Favorables à une social-démocratie modérée œuvrant à un « développement durable » et à une « croissance verte », les Realo et les Shallow n’étaient pas radicalement hostiles aux bienfaits de l’économie de marché, ni même à certains aspects du système de production capitaliste, ils voulaient seulement en corriger les effets pervers. Au contraire, les Fundi et les Deep militaient pour une révolution anticapitaliste. Les Realo et les Shallow parlaient « d’environnement » plutôt que de « nature », un langage anthropocentriste et humaniste « superficiel » qui exaspérait les Deep et les Fundi, partisans d’un droit de la nature, voire d’une « Terre-Mère » personnifiée, érigée en sujet de droit comme le voulait la fameuse « hypothèse Gaïa » de James Lovelock.

Les sept visages de l’écologie politique contemporaine

Aujourd’hui, l’écologie politique a beaucoup évolué. Elle a gagné du terrain dans tous les secteurs de la société comme en a témoigné la façon dont la jeune Greta Thunberg a été accueillie en majesté pas les chefs d’État et de gouvernement du monde entier. L’écologie politique n’est plus, ou à tout le moins plus seulement, la petite secte gauchiste qu’elle était encore dans les années 1970 et 1980. Elle a pris une importance philosophique et politique dans tous les pays occidentaux, y compris à droite de l’échiquier politique où elle était plutôt malvenue à cause de son anticapitalisme viscéral il y a peu encore. Elle a au passage acquis (parfois, pas toujours hélas) des lettres de noblesse sur le plan scientifique. Du coup, elle ne se structure plus, ou plus seulement, en deux grands courants. Bien que l’opposition entre Fundi et Realo, Deep et Shallow, conserve une grande part de sa pertinence, ce sont maintenant sept options fondamentales, sept visions du monde qui s’opposent entre elles, parfois radicalement, même si elles se rejoignent pour l’essentiel quand il s’agit du constat que le monde va mal, qu’il s’abîme et qu’une réponse forte est devenue nécessaire.

1) L’alarmisme révolutionnaire : pour une décroissance tous azimuts !

Le premier courant, sans nul doute le mieux représenté encore aujourd’hui chez les Verts, est un héritage du rapport Meadows. C’est celui des « alarmistes révolutionnaires », héritiers des Fundi et des Deep des années 1980. Ils plaident pour la décroissance tous azimuts : décroissance énergétique, déconsommation, réduction de la population, du temps de travail, des voyages en avion, des voitures, du niveau de vie, y compris celui des pauvres, comme y insiste, non sans honnêteté, Jean-Marc Jancovici. Les alarmistes révolutionnaires s’opposent à la fois aux effondristes (ou collapsologues) dont je vais vous parler dans un instant (parce qu’ils pensent qu’il n’est jamais trop tard pour agir afin d’empêcher la catastrophe), et aux réformistes, (parce qu’à leurs yeux, une croissance infinie est impossible dans un monde fini, seule une décroissance massive pouvant éviter une effroyable fin du monde dont ils ne rejettent pas la possibilité pourvu qu’on passe tout de suite à l’action).

Sur un plan politique, il faut selon eux, sinon suspendre tout à fait la démocratie, du moins remettre en question un certain nombre de ses principes fondamentaux si l’on veut réussir la transition écologique. En effet, il va falloir se serrer sérieusement la ceinture et les peuples y sont rarement favorables. Leur analyse repose sur la conviction que nos démocraties sont plombées par le court-termisme alors qu’il faut « penser long-terme » pour aborder sérieusement les questions environnementales. Or, qu’on le veuille ou non, ce sera pénible, difficile, mais inévitable, de sorte que c’est de gré ou de force qu’on devra imposer des restrictions dont les peuples a priori ne voudront pas, des décisions qui seront donc prises, comme le voulait Hans Jonas en parlant de « tyrannie bienveillante », contre leur gré, mais pour leur bien, dans leur intérêt. Arrivés au pouvoir dans certaines grandes villes, les décroissantistes voulant interdire les sapins de Noël et briser les rêves d’enfant, se sont distingués par une haine de la liberté qui en dit long sur les arrière-pensées de ceux qui dénoncent « vertement » la croissance. Comme l’a dit le prix Nobel William Nordhaus, un des fondateurs du mouvement écomoderniste dont je vais vous parler dans quelques instants aussi, « quand les gens critiquent la croissance, je leur demande après quel aspect de celle-là ils en ont : la nourriture, le logement, les soins de santé, l’éducation, les voyages, les téléphones portables » ? Rien de tout cela, bien évidemment, ce qui prouve s’il le fallait qu’il va falloir concilier croissance et protection de l’environnement, ce qu’à ses yeux (comme aux miens), seul la théorie écomoderniste permet d’envisager.

2) L’effondrisme : la catastrophe est à la fois imminente et inévitable

Le deuxième courant, le plus radical, est celui des effondristes, catastrophistes ou collapsologues. Comme le dit en riant (jaune) notre ancien ministre de l’environnement, Yves Cochet, contre les alarmistes révolutionnaires : « Ne vous alarmez pas, c’est la catastrophe ! ». Pablo Servigne, à qui on prête l’invention du mot « collapsologie » et dont les livres rencontrent un large succès, fait partie lui aussi des fondateurs de ce mouvement. L’opinion de Cochet est aussi claire que tranchée. Selon ses calculs (n’oublions pas qu’il est mathématicien de formation), « l’effondrement de la société mondialisée est possible dès 2020, probable en 2025, certain vers 2030 à quelques années près…La période 2020-2050 sera donc la plus bouleversante qu’aura jamais vécue l’humanité en si peu de temps. À quelques années près, elle se composera de trois étapes successives : la fin du monde tel que nous le connaissons (2020-2030), l’intervalle de survie (2030-2040), le début d’une renaissance (2040-2050). » . Pour les collapsologues, non seulement les notions de « croissance verte » et de « développement durable » chères aux Realo relèvent d’une mauvaise plaisanterie, à vrai dire de l’imposture idéologique la plus noire, mais la révolution de la décroissance elle-même arriverait de toute façon trop tard. Du reste, elle est invendable en démocratie. L’effondrement est donc programmé, inévitable, le coup est déjà parti. Comme Yves Cochet le répète à l’envi, il est bel et bien certain en 2030. Alors, privés de tout ce que nous offre encore le monde moderne, quatre milliards d’individus au moins mourront – ce qui, bien évidemment, rendra obsolètes les prévisions de l’ONU en matière de démographie autant que celles du GIEC dans le domaine du climat. C’est en ce sens qu’il est inutile de s’alarmer, la seule chose à faire étant de préparer le « monde d’après », l’éventuelle « renaissance » d’une humanité post-effondrement, une humanité résiliente qui devra, si du moins elle ne veut pas disparaître entièrement, se réorganiser de fond en comble sous forme de « biorégions politiques » enracinées dans le local sur tous les plans, de l’alimentation à la mobilité en passant par l’énergie.

Il faut bien comprendre la différence entre les alarmistes révolutionnaires et les effondristes. Tous ont en commun de se prononcer quoi qu’il arrive en faveur de la décroissance et du retour aux low-tech. Ils partagent non seulement l’idée que le monde est menacé d’effondrement, mais aussi la critique du productivisme au nom d’une réduction de la voilure à laquelle il faudra se résoudre un jour ou l’autre, de gré ou de force. Leur opposition se situe ailleurs : les alarmistes, fussent-ils décroissants, se placent avant la catastrophe sur le modèle de ce que Jean-Pierre Dupuy a appelé le « catastrophisme éclairé ». En clair, il s’agit d’utiliser l’hypothèse de la catastrophe à venir, non pas comme une excuse pour ne rien faire, mais au contraire comme un aiguillon pour agir. Les catastrophistes pensent au contraire que la fin du monde tel que nous le connaissons est inévitable. Ils ne cherchent donc nullement à l’éviter, ce qui serait contradictoire, mais à penser le monde d’après, à préparer une éventuelle renaissance. Leur reprocher, comme le fait parfois Jean-Pierre Dupuy, d’être incohérents parce qu’en annonçant le caractère inévitable de la catastrophe ils empêcheraient l’action, désespéreraient Billancourt et démobiliseraient les troupes, est donc hors sujet. C’est confondre l’avant et l’après, un effondrement catastrophique possible qu’on cherche à prévenir par la décroissance, comme le veulent les « alarmistes », et un effondrement catastrophique considéré comme rigoureusement inéluctable, une attitude effondriste qui, par définition même, ne cherche pas à éviter l’inévitable, ce qui n’aurait aucun sens, mais à préparer autant qu’il est possible la suite, c’est-à-dire l’après fin du monde.

3) L’alarmisme réformiste : le développement durable et la croissance verte

Le troisième courant forme comme l’antithèse des deux premiers : c’est celui des « alarmistes réformistes » héritiers des Realo et des shallow des années 80, des écologistes qui pensent que l’hypothèse de l’effondrement relève d’un délire paranoïaque et que la planète peut encore s’en tirer si l’on parvient à limiter les atteintes à la biodiversité, à décarboner l’industrie, à maîtriser le réchauffement climatique, la consommation d’énergie et de matières premières ainsi que la pollution des eaux et des sols. Ils opposent donc aux effondristes et aux décroissants la croissance verte et le développement durable, deux expressions que les fondamentalistes considèrent ainsi que je l’ai déjà dit comme des impostures simplement destinées à maintenir le plus longtemps possible la logique capitaliste/productiviste. Le problème c’est que la plupart du temps, et sur ce point les décroissants n’ont pas tout à fait tort, les mesures proposées par les réformistes restent cosmétiques et n’engagent à peu près à rien. Le « développement durable » est sans doute moins nuisible aux libertés et au pouvoir d’achat que la décroissance dure, reste que trop souvent, il s’apparente malgré tout à une espèce de décroissance molle pénalisante pour les libertés sans être efficace pour autant : on interdit les trajets courts en avion, on augmente le prix des carburants, on stigmatise certaines publicités, certaines voitures, etc., mais au final, ces mesures ne représentent pas l’épaisseur du trait en matière de réchauffement climatique. À preuve le fait que les décisions prises de manière autoritaire par Emmanuel Macron et Édouard Philippe pour limiter « un peu » la vitesse et augmenter « un peu » le prix des carburants n’ont pas eu d’autre effet que de mettre les Gilets Jaunes dans la rue et de pourrir la vie des Français pendant deux ans jusqu’à ce que les auteurs de ces décisions ineptes capitulent en rase campagne.

4, 5 et 6) Ecoféministes, décoloniaux et véganes

Ici j’irai plus vite, car il s’agit de mouvements minoritaires qui ne sont guère que des variations au sein des courants majoritaires qui prônent la décroissance. Leur thèse est au fond la suivante : les femmes, les colonisés/racisés et les animaux ont été tous trois victimes du même bourreau : le mâle, blanc, moderne, occidental et capitaliste, de sorte que sans une critique de cette domination patriarcale, aucune émancipation des victimes, mais plus encore aucune politique écologique sérieuse n’est possible. Je vous renvoie à mon livre pour une analyse détaillée de leurs thèses.

Contre la décroissance

Tous ces courants de l’écologie ont un point commun : l’hostilité plus ou moins radicale à la croissance. Certes le développement durable et la croissance verte sont moins radicaux, mais ils n’en sont pas moins contaminés par les idéologies de la décroissance dont ils ne parviennent à s’émanciper que partiellement et dans la culpabilité. Nous allons dans un instant examiner le dernier courant, l’écomodernisme. Non seulement il assume pleinement la croissance, mais il va jusqu’à défendre l’idée qu’il n’y aucun scénario écologique tenable qui puisse se passer de croissance, attendu que sans croissance il n’y a pas d’innovations technologiques et, sans ces innovations, il n’y a aucune sortie possible de la crise. Mais avant d’examiner leurs arguments, il faut en finir avec l’héritage du rapport Meadows sur les limites de la croissance. Car, comme le montre un de nos meilleurs économistes, bien que ses conclusions soient fausses et clairement démenties par les faits, il fait encore impression et illusion auprès de théoriciens de la décroissance comme Jean-Marc Jancovici, Aurélien Barreau et Dominique Bourg, des politiques comme Delphine Batho et Sandrine Rousseau ou des people comme Nicolas Hulot.

La grande thèse des idéologues de la décroissance stipule que la croissance économique ne peut pas ne pas consommer de plus en plus d’énergie, de matières premières non renouvelables tout en émettant sans cesse davantage des gaz à effet de serre (GES) qui restent dans l’atmosphère pendant des milliers d’années – ce qui rend la lutte contre le réchauffement climatique impossible si l’on ne renonce pas à la croissance et si l’on ne revient pas aux low-tech. Bien plus, comme le prétendait le rapport Meadows, la croissance finira de toute façon par s’effondrer en raison de l’impossibilité de fournir assez d’énergie et de matières premières pour l’alimenter. Cette thèse est encore aujourd’hui partagée par la majorité des écologistes, ce qui est, il faut l’avouer honnêtement, assez compréhensible puisqu’en effet, le lien entre croissance et consommation d’énergie est incontestable s’agissant premières révolutions industrielles, donc pour le XIXe et même le XXe siècle. On ajoutera même, afin de ne pas se faciliter la tâche, que ce lien reste hélas vrai encore aujourd’hui au niveau mondial.

Le problème, comme le montre l’économiste Éric Chaney dans un remarquable article (« Une critique de la raison décroissantistes », septembre 2001, revue Telos), c’est qu’il existe des disparités remarquables entre les différents pays, des disparités que les décroissantistes ignorent ou refusent volontairement de prendre en compte, car elles rendraient leurs discours catastrophistes infiniment moins convaincants. Pour dire les choses clairement, sur les trois points essentiels sur lesquels s’appuie leur idéologie, la consommation d’énergie, l’usure des matières premières et les émissions de GES, il y a dans les pays qui associent à la fois préoccupations environnementales et progrès technologiques un découplage de plus en plus marqué entre une croissance qui progresse de manière massive et les trois fléaux qu’on vient d’évoquer. Ce qui prouve, comme ne cessent de le dire les écomodernistes, que les innovations scientifiques et technologies peuvent rendre la croissance, le développement industriel et la sobriété compatibles. Et Chaney nous en donne un aperçu tout à fait convaincant à travers les chiffres qu’il ne manque pas de citer. Il est bon de les avoir présents à l’esprit :

– Sur l’énergie : « Le plus intéressant est l’évolution de la consommation d’énergie par tête dans le plus énergivore des grands pays, les États-Unis : elle a baissé de 15 % au cours des vingt dernières années alors que le PIB par habitant augmentait de 25 %, les mesures étant prises entre 2000 et 2019 pour éviter les données perturbées en 2020. C’est l’inverse de la tendance mondiale, ce qui prouve que le lien entre consommation d’énergie et PIB n’est pas la loi d’airain invoquées par les décroissantistes ». Et ce découplage, bien entendu, est directement lié aux innovations technologiques dans les transports, l’agriculture, l’industrie, l’architecture, etc. mais aussi aux diverses taxes sur les hydrocarbures… Ce découplage entre consommation d’énergie et PIB est encore plus frappant en Europe : « Alors qu’aux États-Unis, la consommation d’énergie était pratiquement stable entre 2000 et 2019, ce qui implique une forte baisse par habitant, elle baissait de 5,6 % dans l’union européenne, et de façon spectaculaire au Royaume Uni (-19 %) ou en France (-12,5 %). La relation PIB-énergie s’est donc complétement inversée en Europe », réalisant sans décroissance, et même avec une croissance forte, très exactement ce dont les décroissantistes rêvent au prix effroyablement coûteux de la décroissance !

– Sur la consommation de matières premières : « Dans son livre « More from less » publié en 2019, Andrew McAfee, professeur au MIT montre que, comme pour l’intensité énergétique, la consommation primaire nette (en tenant compte des échanges extérieurs) de métaux comme l’aluminium, le nickel, le cuivre ou l’acier a baissé aux États-Unis depuis le pic de 2000 alors que la croissance se poursuit. Pour le cuivre, souvent cité comme sujet d’inquiétude, la chute fut de 40 % de 2000 à 2015, la consommation d’aluminium baissant elle de 32 % ». Ce découplage, plus intéressant si possible, s’observe aussi dans l’agriculture : « Alors que les récoltes de céréales ont significativement augmenté depuis 1999, le tonnage d’engrais utilisés a baissé de 25 % et la quantité d’eau pour l’irrigation de 22 % »

– Sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) : « Pour les émissions de GES la divergence (entre croissance et émissions) est plus forte encore dans les pays les plus avancés : ainsi les émissions territoriales ont baissé de 33 % entre 2000 et 2019 au Royaume Uni, de 24 % en Italie, de 22 % en France, 21 % en Allemagne et de 12,5 % aux États-Unis. Pour l’ensemble de l’OCDE, elles ont baissé de 7,5 % alors que le PIB augmentait de 42 % » !

Bien entendu, il reste vrai que les émissions au niveau mondial ont augmenté de 44 % durant cette période, mais c’est de 106 % hors OCDE, les plus grosses émissions venant de la Chine (+192 %), de l’Inde (+157 %), du Kazakhstan (+137 %), d’Arabie Saoudite (+108 %) ou d’Iran (+106 %) !

Conclusion : non seulement la décroissance ne ferait pas baisser plus vite les trois niveaux de détérioration de la planète qu’on vient d’évoquer, mais c’est tout l’inverse : en nous privant des ressources et de la logique même de l’innovation, la décroissance tournerait à la catastrophe mondiale. Il faudrait un livre entier pour citer les innovations dont il s’agit ici, des nouvelles mobilités à la réduction des terres agricoles rendue possible par les nouvelles technologies en passant par le nucléaire et l’électrification des usines comme des cuisines. Les effets concrets son aussi incontestables que visibles. Pour n’en citer qu’un seul, je vous donnerai celui de la pollution de l’air à Paris. Comme le souligne Laurent Alexandre dans son dernier livre (Jouissez Jeunesse !), « un récent sondage de l’IFOP montre que 88 % des Français pensent que la pollution de l’air augmente dans les villes, seuls 3 % estiment qu’elle régresse. Emmanuel Macron a déclaré le 27 novembre 2018 : ‘Toutes les dix minutes, un Français meurt prématurément du fait de la pollution de l’air et notamment des particules qui proviennent de la combustion des énergies fossiles. Cette hécatombe, c’est 48000 décès par an, c’est plus que tous les accidents de la route, tous les suicides, tous les meurtres, tous les accidents domestiques réunis.’ Or ce chiffre insensé est un pur mensonge politique ». Et Laurent Alexandre, dont il faut préciser qu’il se dit pourtant résolument « macronien », de démontrer, en s’appuyant sur une documentation solide, que nos villes des années 1950, 1960, 1970 étaient en réalité infiniment plus polluées qu’aujourd’hui, comme en témoigne d’ailleurs, pour ceux qui ont connu le Paris des années 60, la noirceur sinistre des immeubles en pierre de taille à cette époque : « Depuis le Moyen âge, Paris, comme les autres grandes villes était noire à cause de l’utilisation du bois pour le chauffage et la cuisine. Dès le XIVe siècle, les cathédrales étaient devenues noires. Avec le chauffage au charbon la situation s’est aggravée au XIXe siècle… Les particules fines qui sont responsables des fumées noires ont chuté de 80 % depuis 1950. Airparif admet que ‘depuis les années 1950, les niveaux moyens des fumées noires ont quasiment été divisés par 20 à Paris’ ».

L’exemple de Londres est plus frappant encore : en 1952, le « grand smog » recouvrit la ville pendant cinq longues journées de décembre, tuant 12 000 personnes et en rendant malades plus de 100 000. Le smog est principalement dû au SO2, un gaz incolore très toxique, qui se transforme en acide sulfurique au contact de la vapeur d’eau contenue dans le brouillard. Or, comme le montrent, là encore, les enquêtes d’Airparif, si effondrement il y a, c’est bien s’agissant des émissions de SO2 : 200 microgrammes par mètre cube en 1960, 10 en 2000 et zéro en 2016. Bien que le ravalement soit déjà ancien, « en 2020, les façades des immeubles et des cathédrales n’ont jamais été aussi claires. Si l’on transportait les écologistes parisiens de 2020 en l950, ils seraient stupéfaits ! L’air de nos villes n’a donc jamais été aussi pur mais cette excellente nouvelle médicale est cachée à la population. Il s’agit bien d’un scandale politique puisque pour lutter contre la pollution atmosphérique qui ne cesse de chuter, les gens sont prêts à sacrifier le confort moderne. Les écologistes ont convaincu l’opinion que le progrès tue alors que ce sont la science et la technologie qui ont fait disparaître la pollution ». Et de fait, ces résultats excellents sont dus à l’action des humains adossée à des technologies nouvelles qui ont permis de réduire les émissions industrielles, les taux de plomb, de benzène et d’oxyde d’azote dans l’atmosphère ou encore les taux de souffre dans le gazole. Cacher ces réalités relève d’une stratégie de la peur, hélas efficace, mais néanmoins mensongère et porteuse d’effets pervers tout simplement désastreux puisqu’elle accrédite l’idée qu’on pourrait se passer de la science et de la technique pour aller mieux, qu’il suffirait de se priver et de revenir en arrière.

Mais il y plus encore, voire beaucoup plus. À l’encontre de ce que les décroissantistes nous racontent depuis des années, nous n’allons pas vers la surpopulation, mais au contraire vers une baisse de la population mondiale.

Vers une baisse de la population mondiale

Telle est du moins la thèse défendue dans le passionnant livre de deux chercheurs canadiens, John Ibbitson et Darrel Bricker (Planète vide, Les Arènes, 2020) qui démontrent en s’appuyant sur les recherches les plus récentes en matière de démographie, le caractère inexorable de la décrue de la population mondiale. Selon leurs conclusions, elle ne devrait jamais dépasser les 8,5 milliards d’individus, à peine plus que son montant actuel, avant de commencer à décroître. Comme cette prévision contredit tout ce que nous disent les écologistes (et pas seulement eux…) depuis un demi-siècle, il est bon d’étudier de près les arguments de ces deux chercheurs avant de se faire une opinion. À les en croire, en effet, la stabilisation, puis la baisse de la population seraient liées à trois lames de fond planétaires : l’urbanisation qui fait bondir le coût du logement et de l’éducation des enfants, l’affaissement du pouvoir des religions un peu partout dans le monde malgré l’entrée en résistance de l’islam (une réaction qui en est du reste la conséquence), mais plus encore l’émancipation des femmes : « Plus une société s’urbanise, plus les femmes ont le contrôle de leur corps, moins elles choisissent d’avoir beaucoup d’enfants. Dans la majorité des pays occidentaux, comme aux États-Unis et au Canada, 80 % de la population vivent aujourd’hui dans des villes où les femmes bénéficient d’une maîtrise presque totale de la procréation ». On objectera aussitôt que ce qui vaut pour les Occidentaux n’est pas vrai pour le reste de la planète. Pourtant, comme le montrent nos deux auteurs faits et arguments à l’appui, « la baisse de la fécondité n’est pas réservée aux seuls pays développés. L’urbanisation et l’autonomisation des femmes sont des phénomènes mondiaux. Nous savons que la Chine et l’Inde sont au seuil de remplacement ou même en dessous. C’est aussi le cas d’autres nations émergentes : le Brésil (1,8), le Mexique (2,3), la Malaisie (2,1), la Thaïlande (1,5) ». Certes, les taux de natalité sont encore très élevés en Afrique et dans certaines parties du monde arabo-musulman, mais la tendance générale n’en est pas moins à la baisse. Jorgen Randers, un des scientifiques co-auteurs du fameux rapports Meadows qui, en 1972, alertait sur les dangers d’une surpopulation qu’il jugeait inéluctable, avoue avoir changé d’avis et rejoindre désormais le même point de vue que nos deux canadiens : « La population mondiale n’atteindra jamais 9 milliards assure-t-il aujourd’hui. Elle culminera à 8 milliards en 2040 puis commencera à baisser ». Dans le même esprit, un rapport de la deutsche Bank publié déjà en 2013 prévoyait un pic de 8,7 milliards en 2055, puis une baisse à 8 milliards à la fin du siècle. L’ONU elle-même, sous l’influence de ces recherches, revoit ses prévisions à la baisse. La vérité, c’est que, par peur, à moins que ce ne soit par intérêt, nous refusons de voir que, dans 100 ans, le monde n’aura plus grand-chose de commun avec celui que nous connaissons.

7) L’écomodernisme et l’économie circulaire : croissance infinie, zéro pollution. La parabole du cerisier

Pour toutes ces raisons, à l’opposé des fondamentalismes verts, le dernier courant, celui des « écomodernistes », propose un projet radical, celui de l’économie circulaire dont le mot d’ordre est « croissance infinie, zéro pollution ! », un slogan qui exaspère littéralement les décroissants. Le courant écomoderniste, que je défends depuis des années, est favorable à l’économie de marché, opposé à la décroissance comme à toute suspension de la démocratie. Mais le projet de l’écomodernisme va plus loin que les idéologies ordinaires du type « développement durable » et « croissance verte » chères aux alarmistes réformistes. Il représente en effet une rupture radicale avec la logique linéaire dévastatrice des premières révolutions industrielles capitalistes. Il repose sur trois idées réellement novatrices qui se déclinent en une série d’applications particulières tout à fait concrètes touchant les différentes branches de l’industrie et de la vie humaine : le découplage, l’économie circulaire et l’idée que les politiques écologiques doivent s’appuyer sur l’intelligence, l’intérêt bien compris, plutôt que sur la culpabilisation moralisatrice et punitive.

Reprenons.

La notion de « découplage » constitue le premier pilier du programme écomoderniste : découplage entre quête du progrès, croissance, consommation et bien-être humain d’un côté et, de l’autre, la destruction de l’environnement par l’impact négatif que les activités humaines lui font subir. Comme on peut le lire dans le « Manifeste écomoderniste » rédigé par Michaël Shellenberger, un militant écologiste qui fut salué en 2008 à la Une du magazine « Time » comme un « héros de l’environnement » : « Intensifier beaucoup d’activités humaines, en particulier l’agriculture, l’extraction énergétique, la sylviculture et les peuplements de sorte qu’elles occupent moins de sols et interfèrent moins avec le monde naturel est la clef pour découpler le développement humain des impacts environnementaux. Ces processus technologiques et socio-économiques sont au cœur de la modernisation économique et de la protection de l’environnement. Ensemble, ils permettront d’atténuer le changement climatique, d’épargner la nature et de réduire la pauvreté mondiale ». Shellenberger rappelle à l’appui de ses propos une statistique particulièrement frappante : déjà aujourd’hui,
4 milliards d’individus vivent dans des villes qui ne représentent que 3 % de la surface du globe ! En d’autres termes, en poursuivant la logique de l’urbanisation, voire en l’intensifiant, nous pourrions laisser de plus en plus de place à la nature sauvage afin de reconstituer des réserves d’absorption des gaz à effet de serre, mais aussi de la biomasse et de biodiversité. Bien entendu, cela ne signifie pas que les individus ne pourraient plus aller dans ces grandes réserves. Au contraire, elles leur seraient largement ouvertes pourvu que les activités polluantes y soient prohibées. Cela supposerait aussi que l’on repense de A à Z l’architecture de nos villes afin de les rendre infiniment plus agréables à vivre en parvenant au plus vite à la « ville du quart d’heure ».

Le deuxième pilier du mouvement écomoderniste vient soutenir et renforcer le premier : il s’agit de mettre en place une « économie circulaire », un projet lui aussi novateur selon lequel, à l’encontre exact de ce que prétendent les décroissants depuis le rapport Meadows, une croissance et une consommation infinies sont tout à fait possibles dans un monde fini car elles peuvent, si l’on s’y prend bien, être non polluantes, voire dépolluantes. Il suffit pour cela qu’on conçoive en amont de la production industrielle la possibilité non seulement d’un désassemblage permettant un recyclage complet des produits industriels, mais aussi d’une utilisation systématique d’ingrédients favorables à l’environnement. L’économie circulaire veut faire en sorte que nos produits industriels soient enfin conçus pour aller du « berceau au berceau » et non plus du « berceau au tombeau ». C’est cette alternative à la décroissance que William McDonough et Michael Braungart, un architecte américain et un chimiste allemand, présentent de manière remarquablement argumentée et forte dans leur livre intitulé Cradle to Cradle, du berceau au berceau, créer et recycler à l’infini (traduit chez Gallimard en 2012).

Comme y insiste McDonough, « la nature n’a pas de poubelles », la notion de déchet n’y a aucun sens, tout y est recyclable, de sorte qu’en la prenant, sur ce point au moins sinon sur d’autres, pour modèle, on pourrait réduire les coûts et faire des profits, ce qui rendrait cette écologie autrement plus réaliste et plus acceptable que celle de la décroissance. On pourrait construire ainsi un avenir écologique qui, en s’intégrant à l’économie, ne viendrait brimer ni l’innovation, ni cette consommation dont les Khmers verts veulent à tout prix priver l’humanité. Pour y parvenir, il faudrait « seulement », mais c’est en fait une révolution, « fabriquer tous les produits en vue de leur désassemblage. L’avantage d’un tel système serait triple : il n’engendrerait aucun déchet inutile et possiblement dangereux ; il permettrait aux fabricants d’épargner dans le temps des milliards de dollars de matériaux précieux ; des « nutriments techniques » circuleraient en permanence, l’extraction des substances brutes comme des produits pétrochimiques diminuant ainsi que la fabrication de matériaux potentiellement nocifs… en quoi ce projet va plus loin que le refrain environnemental habituellement négatif à l’égard de la croissance, un refrain d’après lequel nous devrions nous interdire les plaisirs que nous procurent des objets comme les voitures…».

Les écomodernistes proposent volontiers une allégorie, celle du généreux cerisier qui, à l’opposé des modèles décroissantistes, produit beaucoup plus de cerises qu’il ne lui en faut pour se reproduire, ce qui lui permet de nourrir des oiseaux, des insectes, des petits mammifères et au passage aussi, de réjouir le cœur (et l’estomac) des humains tout en enrichissant les sols à la fin de la saison. Il ne faut donc ni cesser de faire des enfants, encore moins pousser les gens au suicide ou cesser de les soigner pour réduire la population mondiale afin de « sauver la planète », ni renoncer à la technique et à l’innovation, pas davantage à la croissance et à la consommation pourvu qu’au lieu de chercher à être moins mauvais, on s’efforce « tout simplement » d’être bons, voire excellents, en utilisant dans la production des ingrédients qui pourront être dispersés dans la nature sans dommage. Si les reliefs papiers gras, canettes en alu, plastiques et autres saletés que laisse en général dans la nature un pique-nique indélicat avaient été conçus dès l’origine comme des ingrédients susceptibles d’enrichir l’environnement et de fertiliser les sols comme les cerises du cerisier, ils ne poseraient plus le même problème. Leur dissémination dans les terres ou dans les eaux ne serait plus catastrophique, elle serait même bénéfique, ce qui suppose toutefois une révolution complète dans la manière de concevoir nos produits industriels. Non seulement croissance infinie et zéro pollution ne seraient plus inconciliables, mais il y a plus sur un plan philosophique et anthropologique : au lieu de la décroissance, du refus de l’innovation, du retour au terroir et aux low-tech, une perfectibilité infinie redeviendrait possible pour une espèce humaine dont on peut légitimement douter qu’elle puisse s’en passer.

Le plus important peut-être dans ce projet, c’est que l’écologie n’y est plus une affaire de morale, de punition, de passions tristes et de culpabilité, mais « seulement » d’intelligence et d’intérêt bien compris. Dans son Projet de paix perpétuel (1795), un texte que j’ai traduit autrefois dans la « Pléiade », Kant déclarait que « même un peuple de démons pourrait parvenir à établir une république paisible pourvu seulement qu’il soit doué de quelque intelligence » et qu’il comprenne ses intérêts. Toutes choses égales par ailleurs, on pourrait en dire autant de l’écologie si l’on se place du point de vue non moralisateur de l’écomodernisme : même un peuple de démons devrait pouvoir restaurer une planète en bon état pourvu seulement que ses industriels et ses politiques soient doués de quelque intelligence et que les peuples, eux aussi, comprennent leurs intérêts, ce qui, soyons un peu optimiste, n’est pas à terme totalement inimaginable.

Merci.

Marie-Françoise Bechtel

Merci beaucoup pour cet exposé magistral, affirmé avec une force de conviction et quelques formules qui nous ont tous beaucoup frappés.

La nature, disiez-vous, n’est pas un modèle moral. Je ne puis pour ma part qu’être mille fois d’accord avec ce que vous avez dit là. Il faut compter sur l’intelligence, forme de vertu, plutôt que sur la culpabilisation, un thème qui, indiscutablement, parcourt le tout écologie dans sa version excessive et mal centrée que vous avez magistralement décrite.

Je donne tout de suite la parole à Louis Gallois.

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[1] Voir à ce sujet le colloque organisé par la Fondation Res Publica le 13 avril 2021 : « Comment penser la reconquête de notre indépendance industrielle et technologique ? » ; et le rapport remis au Premier ministre par le commissaire à l’investissement Louis Gallois le 5 novembre 2012, où étaient présentées 22 mesures pour améliorer la compétitivité de l’industrie française. (NDLR)
[2] Depuis 2018, l’Union européenne a lancé une classification des activités économiques en fonction de leur impact sur le climat, appelée « taxonomie » verte, qui, peu à peu, s’est étendue à des impacts environnementaux plus larges. Les entreprises seront soumises à partir de 2022 à une obligation de déclaration de leurs activités qui sont alignées avec la taxonomie européenne. Les sociétés de gestion d’actif européennes auront également une obligation de déclaration. (NDLR)
[3] Guillaume Pitron (préface Hubert Védrine), La Guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique, Paris, éd. Les liens qui libèrent, 2018. Lire à ce propos « La dépendance aux métaux rares et les contradictions de la transition énergétique et numérique », note de lecture de Joachim Imad, publiée par la Fondation Res Publica.

Le cahier imprimé du colloque « Écologie et Progrès » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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