Une Allemagne « kantienne » : le refus du « leadership et l’impossible pilotage par les règles

Intervention de Édouard Husson, Président de la Fondation Robert de Sorbon, directeur de l’Institut Franco-Allemand d’Études Européennes, professeur en histoire de l’Allemagne et de l’Europe à l’Université de Cergy-Pontoise, auteur de Paris-Berlin : la survie de l’Europe (Gallimard, octobre 2019), lors du colloque « L’Allemagne et la construction de la stabilité européenne » du mercredi 10 février 2021

Merci beaucoup, Monsieur le président.

Je reprendrai la réflexion que j’ai esquissée dans mon livre Paris-Berlin : la survie de l’Europe en 2018 et jusqu’à sa publication à l’automne 2019. Même si nous avons l’impression que le Covid 19 a gelé un certain nombre de questions il faut noter des avancées qu’il va falloir évaluer. C’est d’autant plus important que nous arrivons à la fin de la « période Merkel ».

Il faut d’abord prendre acte du fait que Mme Merkel a sans doute eu plus de pouvoirs que bien des chanceliers allemands pour influencer la situation européenne. Malheureusement, comme je vais essayer de le résumer brièvement, nous devons déplorer une série d’occasions manquées.

À partir de là, il nous faudra nous interroger sur ce qui va se passer avec le successeur de Mme Merkel. M. Laschet ? M. Söder ? Peut-être aurons-nous une surprise : les Verts pourraient faire une percée, la CDU chutant considérablement. Je ne le crois pas parce qu’il y a des stabilités dans la politique allemande. Mais nous sommes à la merci de beaucoup d’imprévus dans les années qui viennent.
Il faut donc penser les questions fondamentales que la France et l’Allemagne peuvent – ou devraient – résoudre ensemble. Je tenterai d’en préciser les enjeux.

Pour finir, puisque le sujet de notre colloque est la contribution de l’Allemagne à la stabilité de l’Europe, j’essaierai de placer tout cela dans une perspective plus large. Vous avez évoqué les États-Unis et la Chine. Un certain nombre de questions géopolitiques se posent, mais aussi des défis, en particulier des défis industriels. L’une des idées que je développerai concerne le retard pris par l’Europe, par rapport aux États-Unis et à la Chine, en matière de révolution industrielle (la troisième ou la quatrième, comme on voudra).

Sans vouloir ternir le tableau ni prendre forcément le contre-pied de ce qui a été dit, je pense que les historiens auront un regard critique et sans doute mitigé sur le bilan européen de Mme Merkel.

Certes, comme cela a été dit, nous avons récemment enregistré des avancées. Malgré tout, je me permets de souligner que, lors des nombreuses crises européennes auxquelles nous avons assisté pendant les mandats de Mme Merkel, nous avons eu souvent le sentiment que – par tempérament ou pour ménager l’opinion allemande ? – la chancelière est toujours restée en arrière de la main. Cela rejoint la question de la prépondérance de l’Allemagne en Europe que nous nous posions tout à l’heure.

Quelques exemples :
Il est assez étonnant, tout le monde en convient, qu’après la crise financière de 2008 il ait fallu quasiment quatre ans pour que la chancelière Merkel commence véritablement à pousser les réponses européennes, avec le mécanisme européen de stabilité et avec le début d’un quantitative easing que Mario Draghi mènera d’ailleurs beaucoup plus loin que ce qu’avait pensé la société allemande. C’est quelque chose de tout à fait significatif.

Le deuxième exemple est celui de la sortie solitaire du nucléaire par l’Allemagne. « Solitaire » parce que le grand voisin français n’a été ni consulté ni même prévenu. Cette décision univoque va beaucoup plus loin que les compromis trouvés par les gouvernements Schröder sur le nucléaire et le panachage énergétique en Allemagne. Mais surtout, ce faisant, Mme Merkel a rendu l’Europe beaucoup plus dépendante des approvisionnements énergétiques extérieurs. On se souvient des débats autour de Nord Stream 2 et, pendant la période Trump, des menaces brandies par les États-Unis à l’encontre d’une Allemagne qui s’obstinerait à vouloir s’alimenter en matière énergétique auprès de la Russie. Le bilan énergétique de l’Allemagne révèle une production de CO2 beaucoup plus importante qu’elle ne l’était au début de la période Merkel. Cela est dû au retour du charbon et du lignite pour pallier l’intermittence et les limites des énergies renouvelables. C’est l’exemple d’une décision unilatérale qui n’a pas été pensée dans une perspective franco-allemande ni dans une perspective européenne.

Autre exemple : le Brexit. Ce qui est très frappant c’est d’abord l’incapacité de Mme Merkel à comprendre les avertissements de David Cameron qui lui expliquait pourquoi, depuis l’adoption du traité de Lisbonne, l’opinion britannique était en train de se radicaliser. Ensuite, le Brexit a été voté, à la grande surprise d’un certain nombre de partenaires européens de la Grande-Bretagne qui n’y croyaient pas. Les négociations ont duré très longtemps. Peut-être l’opinion britannique était-elle divisée. Mais fondamentalement, pendant ces trois ou quatre ans qui ont mené à un Brexit effectif, Mme Merkel, qui était potentiellement l’arbitre du débat, n’a jamais voulu arbitrer ! L’Allemagne était divisée entre deux courants : un courant que j’appellerai « punitif » qui voulait faire payer au peuple britannique cette volonté inouïe de sortir de l’Union européenne et surtout dissuader toute nouvelle sortie, d’où l’idée d’un Brexit très dur (d’ailleurs, Emmanuel Macron n’était pas loin de cette ligne-là), et un courant plus pragmatique qui prenait en compte l’importance du marché britannique pour les exportations européennes et en particulier pour les exportations allemandes. Ce qui a fait s’éterniser le débat c’est la manière dont Angela Merkel n’a pas voulu trancher entre ces deux options. En fait Mme Merkel ne tranche jamais entre des options différentes. Elle attend, pour prendre parti, de voir laquelle se dessine et devient la plus forte. Or c’est le sujet par excellence sur lequel les milieux économiques allemands étaient très divisés. Cette interminable négociation s’est donc terminée, si je me place du point de vue de ceux qui craignent pour l’intégrité européenne, par une grande victoire pour les Britanniques qui ont montré que, en s’obstinant, on obtenait la possibilité de sortir de l’Union européenne, ce qui n’est pas sans conséquences pour l’avenir de cette dernière et pour sa stabilité.

Je prendrai un dernier exemple que j’essaierai de décrire de la manière la plus neutre possible. À propos de la grande crise de l’Ukraine, on peut discuter sur la politique de la Russie. Arguant qu’il y a un cadre, à savoir les accords de Minsk, on peut se demander si la Russie a vraiment joué le jeu… Mais il y avait une position commune franco-allemande au départ et la France et l’Allemagne avaient la possibilité de reposer la question des relations avec la Russie. En effet, géopolitiquement parlant, l’Europe que nous voulons construire ne peut pas se faire dans une hostilité systématique à l’égard de la Russie. D’ailleurs les Allemands le savent bien puisqu’ils ont fait le choix de sortir du nucléaire et de devenir plus dépendants énergétiquement de la Russie.

On peut aussi parler des questions qui traînent et n’ont pas été résolues. On pourrait malheureusement multiplier les exemples. Je citerai la grande crise migratoire de 2015-2016. Mme Merkel, sentant que l’opinion allemande basculait, est passée du côté de ceux qui voulaient accueillir alors qu’auparavant elle avait été du côté de ceux qui voulaient maîtriser les flux migratoires. Là encore, elle a pris une décision unilatérale, sommant ensuite les partenaires européens d’accueillir des contingents de migrants et réclamant un accord européen ! Comme cela n’a pas marché elle a trouvé en catastrophe un accord avec la Turquie pour éviter que la situation devienne encore plus immaîtrisable.

Nous sommes dans une situation extrêmement curieuse où, de facto, jamais un chancelier allemand, sauf, peut-être, Helmut Kohl au moment de la réunification et de l’élaboration du traité de Maastricht, n’avait disposé d’une telle influence potentielle sur l’ensemble des problématiques européennes. Et, paradoxalement, jamais un chancelier allemand n’aura accumulé une telle série d’occasions manquées. Je ne crois pas que le progrès sur le plan de relance européenne suffise à rééquilibrer le bilan de Mme Merkel, d’autant que les discussions sur ce sujet, très âpres, ne sont pas complètement terminées.

Je vais arrêter là le bilan et la critique parce que je crois que nous devons maintenant nous tourner vers l’avenir.

Mme Merkel va probablement passer la main à quelqu’un de son parti (la CDU) ou du parti-frère bavarois (la CSU). Vraisemblablement le prochain chancelier sera soit Armin Laschet soit Markus Söder. M. Blume semble croire davantage aux chances d’Armin Laschet. Il a peut-être raison. Pour l’instant je constate que Markus Söder reste plus populaire dans l’opinion. Mais, restons prudents, il faut attendre de voir.

Que fera ce chancelier pour l’Union européenne ?

Que peut attendre la France ?

Y aura-t-il une continuité dans l’hésitation allemande, dans le refus du leadership, ou, au contraire, une rupture, une volonté de relance ?

Telles sont les questions qui se posent.

Je voudrais insister sur un point qui me semble très important pour clarifier nombre de débats français sur les relations franco-allemandes. Depuis la réunification on se pose la question d’une éventuelle volonté de puissance allemande, du poids allemand dans les institutions européennes. Indéniablement, l’Allemagne réunifiée a plus de poids. Le traité de Nice, le traité de Lisbonne, ont accru la représentation de l’Allemagne dans les institutions européennes. Les présidents français, Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy, y ont consenti. Je veux insister sur ce qui est selon moi à la racine du malentendu franco-allemand actuel qu’Emmanuel Macron a essayé de lever avec un succès mitigé. Au fond – je ne pense pas que M. Blume me contredira – depuis 1945, pour des raisons évidentes, l’Allemagne (la RFA puis l’Allemagne réunifiée) s’est méfiée de la notion de leadership allemand en Europe. La vieille Allemagne de l’Ouest a tout fait pour se fondre dans un ensemble européen et l’Allemagne réunifiée, jouant le jeu de l’Union européenne, a accepté le traité de Maastricht, montrant qu’elle n’était pas une puissance hégémonique en Europe et qu’elle voulait exercer son influence par le truchement des institutions européennes.

Je dirai, d’une formule un peu lapidaire par rapport à ce que je développe dans mon livre, que, de 1870-1945, les Allemands, fascinés par Hegel, par le rôle de l’État, avaient vécu une tentation impériale (qui fut même criminelle pendant les années 1933-1945). Puis ils ont abandonné Hegel pour revenir à Kant : l’important c’est la règle, c’est la norme qui doit être partagée. Ce qui fait à la fois la force et la faiblesse de la construction de l’Union européenne depuis les années 1990, depuis qu’on est passé à des stades d’intégration fédérale plus poussée, c’est que si les Allemands ont pris acte de leur prépondérance en Europe ils n’ont pas voulu l’exercer comme une hégémonie, souhaitant que tous les Européens partagent les mêmes règles, les mêmes normes. C’est ce qu’on appelle l’ordolibéralisme. Il en est de même pour la monnaie européenne. L’appartenance à la zone euro consiste à adhérer à des règles communes contraignantes. Jean-Pierre Chevènement évoquait la réaction d’un homme politique allemand convaincu que le « Schwarze Null » (la règle du zéro déficit) est « bon en soi » ! Comment nos voisins pourraient-ils ne pas adhérer à quelque chose qui est « bon en soi » ? s’étonnait-il.

Plusieurs réflexions découlent de là :

D’abord on est en droit de critiquer les dirigeants français successifs qui n’ont pas pris cette approche suffisamment au sérieux. « Il y a les traités européens et il y a la pratique », disait Jacques Chirac qui, sur ce point, s’entendait bien avec Gerhard Schröder. C’est à ce moment que l’Allemagne avait enfreint les règles de déficit de Maastricht. Ces deux grands politiques, qui rivalisaient de ruse mais finissaient toujours par s’entendre, ont joué avec ces règles, dans certaines limites pour Schröder. Nous ne prenons pas assez au sérieux le fait que la France, en signant les traités de Maastricht, de Nice, de Lisbonne, a accepté que soit transféré au niveau européen le système allemand de gouvernement par la norme. Je comprends souvent l’agacement de nos amis allemands quand ils nous reprochent, à juste titre, de ne pas respecter les règles.

Le gouvernement par la norme fonctionne-t-il en situation de crise ? Cette question explique l’insistance française pour instaurer un vrai leadership européen, si possible franco-allemand. Mme Merkel n’avait pas dérogé au respect de la norme lors de la crise de 2008 ni dans des crises ultérieures, même sur le Brexit : les Britanniques ont choisi de sortir de l’Union européenne mais les traités prévoient des procédures de sortie (par exemple l’article 50) qui doivent être respectées ! Et si la négociation doit durer, elle durera ! C’est le grand défi qui se pose à l’Allemagne depuis la grande crise financière de 2008 : Peut-on se contenter, en situation de crise, du gouvernement par la règle, par la norme ? Les Allemands, qui se sont éloignés de Hegel et de Carl Schmitt, ne veulent plus avoir recours à l’arbitraire et à la notion de souveraineté de l’État telle que ces philosophes l’avaient exprimée. On voit bien le dilemme. À partir de là les Allemands essaient d’établir un consensus autour d’une évolution lente de la norme. Si on fait évoluer la pratique elle ne doit pas s’éloigner des principes.

Ce sera le défi du successeur de Mme Merkel. C’est un vrai défi pour l’Europe et c’est le défi des relations franco-allemandes face aux situations de crise financière, migratoire…, face au risque d’une nouvelle sortie d’un pays de l’Union européenne.

M. Blume faisait allusion aux tensions politiques internes aux États-Unis. On peut imaginer demain de fortes tensions politiques en Asie si, par exemple, la pression de la Chine sur Taïwan devenait trop forte. Comment l’Union européenne réagirait-t-elle à cela ? En situation de crise la norme ne suffit plus.

Mais alors comment faire ? La tendance française est de dire que la politique est là pour ça et que, au besoin, en situation exceptionnelle, on s’affranchit des règles. « Mais on ne peut pas s’affranchir des règles, c’est dangereux ! », rétorqueront les Allemands.
Je crois que nous touchons là un point extrêmement important qu’il va falloir clarifier.

En entrant dans le XXIe siècle, nous sommes entrés non seulement dans une série de crises, même si la crise du coronavirus a quelque chose de systémique pour l’Europe et pour le monde, mais, plus largement, dans une série de défis fondamentaux qui éprouveront la capacité des institutions européennes actuelles à s’adapter à ce monde. Les défis technologiques énormes que nous lancent les États-Unis et la Chine, mais aussi, demain, l’Inde, le basculement du pouvoir économique vers la zone Asie-Pacifique relèvent de mouvements structurels très profonds dont nous sentons bien qu’ils pourraient aboutir au déclassement définitif de l’Union européenne. Tel est l’enjeu qui est devant nous.

En matière géopolitique, il y a beaucoup plus de continuités que de ruptures d’Obama à Trump et de Trump à Biden, observait Jean-Pierre Chevènement. Nous allons nous en rendre compte.

Mais pourquoi l’Union européenne a-t-elle dépensé autant d’énergie à critiquer Trump, qui ne faisait qu’accompagner et poursuivre le mouvement de désintérêt vis-à-vis de l’Europe, alors que cette évolution lui donnait une occasion extraordinaire de revenir à « l’Europe européenne » telle que l’avait imaginée le général de Gaulle, à l’idée d’une autonomie stratégique européenne ! Nous avons vu de timides tentatives. La France essaye de taxer les GAFAM. On perçoit l’ébauche une volonté d’avoir une attitude commune vis-à-vis de la Chine : moins protégés par les États-Unis, nous essayons de ne pas devenir pour autant dépendants de l’autre géant mondial. On sent bien que quelque chose monte…

Ce défi va très loin. Nous devons prendre conscience des grands enjeux de ce que l’on peut appeler la troisième ou la quatrième révolution industrielle : l’investissement dans les nouvelles technologies, le basculement lié au Big data, à la digitalisation de toutes les économies, la nouvelle économie industrielle où la fabrication des produits inclut une forte portion de services, la révolution des nanotechnologies, des biotechnologies, etc.

Nous serons tous d’accord pour dire que les réalisations européennes ne sont pas à la hauteur des défis internationaux. Bien sûr, le plan de relance préconise d’investir dans ces nouveaux secteurs. Bien sûr, la France, l’Allemagne et leurs voisins européens essaient d’être présents dans l’innovation en matière environnementale… Mais cela suffira-t-il à faire surgir de grands champions européens dans ces domaines ?

Le voulons-nous vraiment ? Allons-nous maintenir des règles de la concurrence dictées par l’ordolibéralisme allemand à une autre époque, avec une autre référence économique ? Nous contenterons-nous de taxer les GAFAM sans nous demander pourquoi l’Europe est incapable de produire des géants numériques du même acabit ? Voulons-nous vraiment acquérir une souveraineté numérique européenne ? Sur ces défis absolument gigantesques nous tâtonnons. L’Allemagne elle-même est très mal à l’aise. Son intérêt la pousse à trouver sans tarder des arrangements avec la Chine alors que l’intérêt de l’Union européenne est de développer une stratégie globale cohérente vis-à-vis de la Chine comme partenaire commercial, comme rival géopolitique. Quelles sont nos positions sur les nouvelles routes de la soie ? Quelles seraient nos positions face à une crise majeure en Asie du Sud-Est, à Taïwan ou ailleurs ?

En conclusion, je dirai que l’Allemagne a instauré une forme de stabilité européenne au risque de l’immobilisme. Or, ce dont l’Union européenne a besoin, ce dont la France a besoin si elle continue à s’investir autant dans l’Union européenne, c’est que cette Union européenne redevienne synonyme de mouvement, d’initiative, d’investissements massifs. Avons-nous renoncé à l’ambition de la construction européenne des années 1950-1960 ou encore des années 1980 : faire en sorte que les nations qui constituent l’Europe pèsent dans le monde ?

L’Union européenne semble être devenue une entité très difficile à gouverner, à piloter. Alors que la Grande-Bretagne a pu fabriquer et acquérir des vaccins très vite, l’initiative commune de l’Union européenne secrète beaucoup de lenteurs.

Si l’on continue à prendre au sérieux l’Union européenne, si, comme le gouvernement français actuel, on continue à penser qu’il n’y a d’avenir pour la France qu’au sein de l’Union européenne, en partenariat étroit avec l’Allemagne, alors il va falloir réviser complètement notre politique, surtout avec un nouveau chancelier allemand. L’arrivée d’un nouveau gouvernant est l’occasion de tout remettre à plat.

Je vous remercie.

Jean-Pierre Chevènement

Merci, Édouard Husson de cet exposé que, pour ma part, j’ai trouvé extrêmement fin psychologiquement parce qu’il tient compte de cette conception allemande de la primauté de la norme et de cette idée française qu’en politique on se retrouve toujours et que la décision dépend de la situation. Ce sont deux approches psychologiques assez différentes qu’il faut faire converger.

Édouard Husson a posé une juste question sur les dix-sept ans au pouvoir de Mme Merkel. Ne se sont-ils pas traduits au niveau européen par un certain immobilisme (au niveau allemand c’est probablement différent) ? Nous avons perdu du temps. Nous nous sommes enlisés dans une politique déflationniste, en tout cas manquant d’ambition.

En même temps, par rapport aux enjeux de la nouvelle révolution industrielle que M. Husson a décrits, on se rend bien compte qu’une nouvelle donne est nécessaire qui implique une discussion politique, non pas pour une réaction ponctuelle mais pour une vision organisée sur le long terme. Par exemple, nous manquons de circuits imprimés, de puces électroniques. Il est quand même tout à fait frappant de voir que les industries automobiles européennes sont à l’arrêt parce qu’elles manquent de composants électroniques ! Cette aberration illustre un grave défaut dans la manière dont l’Europe a pensé son avenir.

Il est nécessaire d’identifier les enjeux dans trois ou quatre domaines. C’est là que l’idée de nation, comme brique de base de la construction européenne reprend son sens. C’est en effet au niveau de la nation que l’on prend conscience de ces exigences, de ces défis. On peut imaginer que l’Europe à 27 continue mais que, peut-être, sur des dossiers distincts, les choses peuvent être changeantes selon les domaines. Un rapprochement s’opère entre les grandes nations mais aussi celles qui ont un esprit d’initiative propre à faire progresser des réponses adaptées aux défis du XXIe siècle.

Si nous voulons réellement exister comme tiers-acteur face aux États-Unis et à la Chine nous devons faire preuve d’imagination, d’initiative, pour mettre en mouvement des politiques à géométrie variable qui répondront à la question de manière dynamique, et non de manière ronronnante comme cela risque d’être le cas si nous en restons à la conception de la prévalence de la norme, source de débats interminables. On voit bien que la construction européenne est assortie d’un certain coefficient de lenteur. Ne faut-il pas imaginer une formule qui suscite la vitesse ?

Je me tourne maintenant vers M. Cayla qui va nous exposer librement sa manière de voir les choses.

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Le cahier imprimé du colloque « L’Allemagne et la construction de la stabilité européenne » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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