Une situation singulière
Intervention de Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), lors du séminaire « Immigration et intégration – Table ronde autour de Pierre Brochand » du mardi 2 juillet 2019.
Je voudrais revenir sur la situation singulière de la France dans ce système en crise que vient de décrire François Lucas [1]. En effet, dans le panorama européen, nous avons des particularités qui expliquent l’augmentation constante de la demande d’asile en France. Alors que globalement en Europe la demande d’asile a diminué par rapport à 2015 de plus de 50 %, elle a augmenté de 20 % en France, et depuis le début de l’année elle continue d’augmenter à hauteur de 20 % comme l’année dernière.
Il y a plusieurs raisons à cela.
D’abord notre pays, contrairement à d’autres, a une très longue tradition d’immigration. François Héran a une formule que je trouve assez juste : notre rapport à l’immigration est celui d’un processus qui insuffle notre pays sur une longue durée. Ce n’est pas un phénomène récent et c’est ce qui fait que, sur deux générations, le quart des personnes résidant sur le territoire français ont un rapport avec l’immigration de longue durée. Nous avons donc aussi une longue tradition d’accueil qui fait, je le rappelle, qu’entre les années 1955-1964, avant qu’ils aient recommencé à s’ouvrir à la migration, la France recevait, en proportion de sa population, plus d’immigrés que les États-Unis. La présence de cette immigration de longue durée explique les flux constants de migrants, en particulier du Maghreb, auxquels s’ajoute comme jamais auparavant la demande spécifique d’asile qui frappe à la porte de la France.
L’autre remarque est que l’immigration de longue durée que nous accueillons a connu une évolution substantielle qui en a changé la physionomie. En effet, jusque dans les années 1980-1990, plus d’un immigré sur deux était d’origine européenne ; aujourd’hui plus d’un immigré sur deux vient du continent africain, du Maghreb bien sûr, mais ces dernières années avec une très forte progression du nombre de personnes venant de l’Ouest africain. Cette immigration qu’on pourrait désigner comme « traditionnelle » est à l’origine des 255 000 titres de séjour en 2018 dont il faut retrancher les 80 000 étudiants. François Lucas vient de nous donner un tableau de la délivrance des titres de séjour et de son évolution. Et la dynamique de notre immigration s’explique notamment par la venue de personnes qui savent compter sur l’existence de communautés de résidents, qui sont autant de communautés d’accueil et de solidarité. Parfois aussi d’exploitation.
C’est une immigration qui résulte d’un droit acquis au séjour au titre du « regroupement familial » en particulier mais pas seulement. Ce droit acquis est conféré par les textes que nous avons signés dans le cadre des conventions internationales, comme ceux garantissant le droit à une vie privée et familiale.
Il résulte de tous ces éléments une situation singulière de la France, avec ses avantages et ses difficultés, comparée à d’autres pays d’Europe (Espagne, Italie, Allemagne, pays de l’Est ou du Nord de l’Europe). Ces pays n’ont pas la même histoire ni le même rapport à l’immigration que le nôtre. Ils ont été, pour certains, des pays d’émigration avant de devenir récemment des pays d’accueil sans avoir l’habitude de l’accueil, ou des pays qui, considérant que leur identité est mise en péril du fait de l’immigration, refusent cette immigration.
La demande d’asile en France.
Au flux migratoire que nous connaissons sur une longue durée dont je viens brièvement de décrire les dynamiques, s’ajoute une demande d’asile qui n’a jamais été aussi importante en France (plus de 150 000 demandes en cours en juillet) liée aux désordres mondiaux actuels mais pas uniquement comme nous le verrons.
C’est cette demande d’asile qui focalise aujourd’hui l’attention et aussi les incompréhensions publiques. En quoi notre demande d’asile est-elle particulière, au regard de celle d’Outre-Rhin par exemple ? Pour résumer, on pourrait dire que, depuis la crise de 2015, qui a vu l’arrivée massive de Syriens en Europe, paradoxalement, notre pays a accueilli en demande d’asile quatre fois plus d’Africains de l’Ouest que de Syriens, trois fois plus d’Algériens que d’Irakiens, trois fois plus de Géorgiens que de Soudanais.
C’est une demande d’asile où dominent ceux qui fuient des difficultés sociales ou économiques. Venant des pays d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb ces personnes tentent par le biais du dépôt d’une demande d’asile d’obtenir un titre de séjour qu’elles savent ne pas pouvoir obtenir par d’autres motifs. Ainsi, en 2018, ceux qui ont traversé le détroit de Gibraltar pour rejoindre l’Espagne puis la France, étaient d’abord des Marocains, plus de 10 000, puis des Africains de l’Ouest, des Guinéens en particulier, dont beaucoup se déclarant mineurs.
Il en va de même pour ceux qui ont débarqué en Italie pendant la même période. Malgré une baisse très sensible des traversées à travers la Méditerranée centrale (25 000 au lieu de 140 000), un quart de ceux qui ont débarqué à Lampedusa ou ailleurs dans la Botte en 2018 étaient des Tunisiens. Les autres étaient essentiellement des Africains, en particulier des Africains de l’Ouest, même si les personnes venant de la Corne de l’Afrique sont celles qui attirent le plus l’attention. Le dernier épisode médiatique, au moment où je parle, confirme ces proportions. Sur les quarante personnes demeurant à bord du Sea-Watch [2] , à part deux Egyptiens, tous les autres sont des Africains de l’Ouest (Maliens, Guinéens, Ivoiriens, Camerounais, Gambiens, Ghanéens…). Les nationalités les plus présentes sont les Ivoiriens, les Guinéens et les Burkinabés.
La France assiste aussi à une arrivée nouvelle de demandeurs d’asile venant du Mali et, plus marginalement, du Burkina Faso. Tout cela résulte bien sûr de situations locales, et de nos liens historiques comme de la francophonie. Au bout du compte, il résulte que peu de Syriens arrivent en France à part ceux que nous allons chercher nous-mêmes. Non que la France n’en veuille pas, mais n’ayant pas de lien particulier avec la France, ils se rendent là où ils pensent leur avenir meilleur. En Allemagne en particulier, où la première nationalité en demande d’asile depuis 2015 demeure la nationalité syrienne.
La deuxième particularité de notre demande d’asile est l’importance des nationalités venant de pays « sûrs » selon les critères de l’Ofpra, en particulier d’Europe de l’Est. Les Albanais et les Géorgiens sont depuis deux ans en tête de la demande d’asile en France, et la France concentre l’essentiel de la demande d’asile qui s’exprime en Europe à partir de ces pays. Cette demande est motivée par l’attrait qu’exerce notre système de protection sociale, en particulier notre système d’accès aux soins. Car il existe, en particulier à partir de ces deux pays, une demande d’asile motivée par un besoin de soins réel au moment où les personnes arrivent sur le sol français, mais qui ne relève pas d’un besoin de protection au sens de la convention de Genève. D’où des taux de protection qui restent très inférieurs à 10 %, même ce pourcentage est supérieur à celui reconnu en Allemagne, aux alentours de 1 %.
Ainsi, l’attrait qu’exerce le système français, explique que de nombreuses personnes arrivent de manière très organisée, par l’intermédiaire de filières, pour se faire soigner dans les hôpitaux français : les passeurs ayant vendu l’idée que notre système est beaucoup plus bénéfique, plus facile d’accès qu’ailleurs en Europe. Et aussi que la qualité des soins y est meilleure et l’accès à certains médicaments plus facile que dans le pays d’origine, ce qui peut être exact mais pas toujours [3].
L’absence d’attrait de la France peut s’expliquer aussi par le fait qu’à la différence des pays d’Europe du Nord ou de l’Allemagne, nous avons un système qui n’a pas mis en place des filières spécifiques d’accès pour des personnes très qualifiées. Ainsi les Allemands ont mis en place ce type de filière de manière systématique, allant chercher en Grèce ou dans d’autres pays les personnes les plus qualifiées – repérant les médecins syriens par exemple – pour les ramener en Allemagne et leur donner des cours spécifiques de langue afin de répondre aux besoins de l’Allemagne en matière de démographie médicale. Il y a aujourd’hui, et ce n’est pas étonnant, plus de médecins syriens en Allemagne qu’en Syrie.
La montée de la demande d’asile particulière à la France est aussi liée à la venue de nationalités qui jusqu’à présent ne demandaient pas l’asile tout en venant en France. C’est le cas de personnes venant du Mali dont j’ai déjà parlé. C’est le cas d’Algériens, qui ne demandaient plus l’asile ces dernières années mais qui recommencent à la solliciter, une demande qui résulte là encore très peu d’un besoin de protection comme c’était le cas dans les années 90. Dans ces cas Maghrébins ou de l’Ouest africain, le dépôt d’une demande d’asile apparaît comme une solution plus pratique que la clandestinité, puisqu’un demandeur d’asile est en situation régulière et, du fait des délais de procédure incluant les recours, une situation régulière qui peut dépasser l’année, tout en bénéficiant d’une allocation, avant d’être définitivement débouté.
A contrario, les personnes venant de pays d’origine déclarés sûrs par les pays d’Europe du Nord ou de langue germanique, sont déboutés plus vite de leur demande d’asile. En Allemagne, la liste des pays sûrs inclut les pays du Maghreb ce qui n’est pas le cas de la France [4].
Enfin, la France voit arriver d’autres pays européens des personnes déjà déboutées qui, se retrouvant démunies, tentent en France de faire aboutir une nouvelle demande d’asile. Elles le tentent d’autant plus que dans certains pays d’Europe, en Suède par exemple, dès lors qu’un débouté n’a pas charge de famille, comme c’est le cas des hommes célibataires arrivés nombreux en Europe, les prises en charge sociale deviennent plus que faibles. La France est d’autant plus devenue un pays de recours et même de rebond des déboutés européens que les différences d’appréciation dans le besoin de protection la font apparaître comme plus généreuse. Ce qu’elle est indéniablement pour certaines nationalités. C’est ce qui explique la présence importante aux portes de Paris de nombreux jeunes Afghans dont certains parlent plus ou moins bien l’allemand ou le suédois. Ils sont restés plusieurs années dans ces pays où, au départ, ils trouvaient des conditions de premier accueil effectivement meilleures que les nôtres mais où, après avoir été déboutés, ils se sont trouvés dans une situation beaucoup plus rude et donc tentent la France. Car la France accorde une protection à plus de 80 % des Afghans alors qu’en Suède ou en Allemagne les taux varient entre 30 et 40 %. C’est ainsi que la France est devenue le premier pays de la demande d’asile Afghane.
Les divergences européennes accentuées par le droit.
Il n’y a pas qu’en matière de protection que les écarts entre la France et son environnement expliquent notre attrait. Il y a aussi l’évolution des législations des principaux pays d’accueil qui vont vers une réduction des droits pour ceux qui bénéficient d’un titre de séjour. Les pays d’Europe du Nord et de langue germanique ont ainsi décidé de durcir les conditions permettant de prétendre au regroupement familial pour les personnes bénéficiant d’une protection « subsidiaire », statut distinct du statut de réfugié prévu par la Convention de Genève et plus largement pour les immigrants. Conditions de connaissance de langue du pays d’accueil pour les personnes avant même leur arrivée comme aux Pays-Bas. Durcissement des conditions de logement et d’emploi que doivent présenter les personnes qui souhaitent faire venir un proche. En France, quand on est bénéficiaire d’une protection internationale, la réunification familiale est un droit sans condition. Les Italiens, par exemple, viennent de décider qu’on ne peut bénéficier d’un regroupement familial si l’on n’est pas titulaire d’un contrat de travail et d’un salaire supérieur à notre SMIC, cela dans un pays où le chômage est important.
Les durcissements de nos voisins transalpins expliquent ainsi le passage à travers les Alpes non seulement de personnes qui ont débarqué récemment en Italie mais aussi de personnes qui pouvaient y séjourner depuis plusieurs années et qui décident de passer la frontière parce que même l’accès à ce qui est théoriquement leur droit dans le cadre de la législation italienne devient plus difficilement accessible du fait du durcissement des administrations et d’une partie de la population.
La difficile intégration.
La première cause des difficultés d’intégration est la difficulté à accéder à l’autonomie dans un processus d’intégration qui ne peut être que plus ou moins long.
Cette autonomie passe par deux choses : le logement et l’emploi.
Dans le domaine du logement nous connaissons une tension importante, en particulier dans les grands centres urbains où les personnes pensent pouvoir trouver du travail, mais où la rareté rend les loyers élevés. Or, les tensions en matière de logement s’accentuent comme l’attestent les dynamiques démographiques qui éloignent les plus démunis, une partie des classes moyennes et, de manière plus spécifique, les populations immigrées. Paris est l’exemple type de cette évolution. Au début des années 1990, 30 % de la population parisienne était d’origine immigrée au sens de l’Insee (née étrangère à l’étranger). Aujourd’hui ce taux est de 20 %. Paris perd chaque année 10 000 à 15 000 habitants. Cette perte démographique touche les catégories moyennes avec enfants et parmi elles les personnes issues de l’immigration.
Et puis il y a l’emploi. Comme le disait Jean-Pierre Chevènement, jusqu’aux années 1960 ou 1970, le facteur d’intégration était la capacité de notre système industriel, de notre système global, à fournir des emplois peu qualifiés à des personnes qui maîtrisaient mal la langue française, comme dans l’industrie automobile, le bâtiment, etc. Aujourd’hui, même dans le secteur du bâtiment, l’absence de maîtrise du français devient un frein à l’accès au marché du travail même si les besoins existent. En effet les règles de sécurité se sont renforcées, les métiers se sont spécialisés. Or, beaucoup de migrants qui arrivent aujourd’hui en France, même quand ils viennent des pays de nos anciennes immigrations, ont un niveau de qualification inférieur aux besoins du marché du travail et beaucoup ne viennent pas du monde francophone ou ne maîtrisent pas le français. Ces faiblesses dans la formation initiale sont accentuées quand les personnes viennent de pays qui ont été profondément déstructurés par des épisodes de guerres comme ce peut être le cas pour les Soudanais ou les Afghans. Il en va de même pour ceux qui viennent de pays dont les systèmes scolaires se sont dégradés comme de l’autre côté de la Méditerranée. Tout ceci freine l’intégration sur le marché du travail des nouveaux arrivants.
Les efforts de l’État en la matière sont réels mais relèvent de la dentelle : le gouvernement a mis en place des programmes afin de permettre à 1500 réfugiés de rentrer dans l’apprentissage avec l’aide de l’AFPA. Effort important mais qui demeure en deçà des besoins alors que sur trois ans près de 100 000 personnes ont obtenu le statut de réfugié.
Tout cela engendre la paupérisation de certains quartiers ou villes à la périphérie des riches villes centre. Aubervilliers en est l’exemple type. À une station de métro du centre de Paris, vous accédez à une des villes de plus de 50 000 habitants les plus pauvres de France. Il suffit d’y faire un tour pour comprendre comment se noue cette crise où l’absence d’emploi et de logement mène à une surpopulation dans du logement privé dégradé exploité par les marchands de sommeil. Et c’est hélas le lot dans une grande partie de la Seine-Saint-Denis, et où les personnes n’ont d’autre perspective que de vivre d’allocations sociales et où la difficulté des seniors à rebondir dans l’emploi accentue la crise des familles. Et la paupérisation de ces quartiers est accentuée par le départ de beaucoup de ceux qui réussissent.
Enfin dans ce contexte économique et social déjà peu favorable, nous avons à prendre en charge des immigrants dont le décalage entre ce qu’ils sont et ce que nous sommes est beaucoup plus important qu’il ne l’était il y a trente ou quarante ans, avec des comportements sociaux d’autant plus difficiles à contrebalancer que, sur certaines populations, la pression idéologique de courants issus de l’islam en particulier mais d’autres aussi, accentue les difficultés du vivre ensemble.
Nous avons aussi la particularité, notamment dans le cadre de la demande d’asile, de voir affluer de nombreux célibataires. Or on sait que la famille, la présence d’enfants, est un facteur de stabilisation qui accélère les dynamiques d’intégration. Les arrivées d’Afghans concernent plus de 70 % des jeunes célibataires dont les dynamiques d’intégration sont particulièrement difficiles à prendre en charge et demandent un effort accru.
Enfin, le paysage des difficultés ne serait pas complet si on n’y ajoutait l’absence de consensus, en particulier au sein des « élites » et des partenaires de l’État, sur ce qu’il est légitime de faire face aux migrations.
On le constate avec les problèmes de reconduite forcée. En France, le taux de reconduite forcée n’est pas des plus performants. En effet, nous avons un système juridique particulièrement complexe comparé à d’autres pays d’Europe, avec un double système d’analyse de la légitimité de la reconduite, entre le système juridique administratif (le tribunal administratif) et le système juridique judiciaire (le juge des libertés). Nous avons une pratique de reconduite qui ne s’autorise que peu de retours groupés massifs alors que d’autres, telle l’Allemagne, pratiquent ces retours, même en direction de l’Afghanistan. Par exemple, toutes les semaines, des avions ramènent 20 ou 30 Tunisiens d’Allemagne en Tunisie. Nous avons de la difficulté à faire ce genre de chose, non seulement à cause d’un problème de laissez-passer consulaire mais aussi en raison d’un problème de consensus sur l’idée même de retours groupés vers les pays d’origine. En témoignent les commentaires de la presse et de diverses associations qui ont suivi le vol groupé du 28 juin dernier vers la Géorgie, qui avait été décidé par l’administration. On s’indigne de voir reconduites des personnes géorgiennes vers leur pays parfaitement sûr et par ailleurs destination en pointe pour le tourisme français… Mais l’ambassadeur Teixeira parlera mieux que moi des politiques que l’État tente de mettre en œuvre pour améliorer son efficacité en la matière.
Telle est la situation générale. Dans d’autres interventions j’avais pointé le fait que certains de nos tribunaux administratifs refusaient à l’administration la possibilité de reconduire des personnes en Allemagne, en application du règlement Dublin, au motif que ce pays ne garantit plus l’ensemble des droits humains pour les Afghans (puisque l’Allemagne peut reconduire en Afghanistan). Or un tribunal allemand vient de décider qu’il n’était pas légitime de « Dubliner » quelqu’un vers la France, considérant que la France ne garantit plus les droits humains pour les familles. Ainsi, le droit quotidien matérialise très concrètement l’éclatement de l’Europe. Le droit, qui fut pendant très longtemps un facteur de rapprochement entre les pays, devient un vecteur d’éclatement, et exprime une crise de la confiance entre États qui ne cesse de s’aggraver. Il matérialise aussi l’incapacité des pays d’Europe à discuter collectivement de ce qu’il convient de faire vis-à-vis des centaines de milliers de personnes déboutées qui tournent actuellement dans l’espace européen. Par exemple, sur 1,2 million de personnes qui sont rentrées en Allemagne (2 millions sur trois ans), plus de 500 000 ont été déboutées dont beaucoup, en particulier des Afghans, viennent en France. Doivent ils rester à la seule charge de la France ?
J’ai une discussion permanente avec la Direction générale des Étrangers en France (DGEF) qui espère toujours que la demande d’asile retombera « l’année prochaine » (elle avait cette même appréciation les deux années précédentes). Or, elle ne retombe pas, d’où la nécessité de doter de nouveaux crédits l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) pour lui permettre de mieux faire face à une augmentation à + 20 % de la demande d’asile. Il est fort probable qu’en 2020 nous ayons une augmentation de la demande d’asile entre 10 % et 15 %, c’est mon pronostic. Il n’y a en effet aucune raison pour que cette progression ne continue pas dans un système général où la France a un attrait particulier par rapport à l’ensemble des pays.
Jean-Pierre Chevènement
Il faudrait que nous nous mettions d’accord pour savoir si le système français est plus attirant ou moins « répulsif » que les autres systèmes européens. C’est ce que j’ai cru comprendre des exposés aussi bien de M. Lucas que de M. Leschi.
Je donne la parole à Monsieur l’ambassadeur Pierre Brochand dont je rappelle qu’il s’exprime à titre personnel mais que je remercie vivement de l’élan qu’il va donner à notre débat.
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[1] Pour un développement plus important sur ce sujet voir Didier Leschi, « Migration : la France singulière », note de la Fondapol, octobre 2018 et « Migrations : France incertaine, Europe éclatée », Le Débat, n° 205, mai-août 2019.
[2] Le navire humanitaire Sea-Watch transportant 42 migrants, commandé par Carola Rackete, a forcé en juin l’entrée dans les eaux territoriales italiennes et a été bloqué dans le port de Lampedusa.
[3] Voir à ce sujet le rapport présenté au Parlement par l’OFII sur le séjour pour soin : « Procédure d’admission au séjour pour soins », Service médical de l’OFII, 2017.
[4] Voir la liste des pays sûrs sur le site de l’OFPRA : « Décision du 9 octobre 2015 fixant la liste des pays d’origine sûrs », Journal Officiel, 17 octobre 2015.
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