De la souveraineté dans le monde d’aujourd’hui

Intervention de Jean-Louis Bourlanges, député des Hauts-de-Seine, lors du colloque « La souveraineté européenne, qu’est-ce à dire ? » du mardi 16 avril 2019.

Je suis ce soir entouré de camarades : Jean-Michel Quatrepoint et moi étions dans la même classe de philo à Jeanson de Sailly. J’ai croisé Mme Bechtel à l’ENA. Quant à Jean-Pierre Chevènement, nous avons rompu quelques lances à différents moments de l’histoire de l’Union européenne. Je ne parle pas de nos deux amis avec lesquels j’échange depuis longtemps des propos amicaux, parfois – mais rarement – opposés.

Jean-Michel Quatrepoint nous a présenté une analyse géopolitique non pas de l’Union européenne mais des États européens, des sociétés européennes, des entreprises et de l’économie européennes. De ce point de vue je n’ai pas de différence majeure d’appréciation à porter par rapport à ce qu’il vient de dire.

De 1950 à l’effondrement de l’Union soviétique, la construction européenne s’était organisée dans un rapport de solidarité à la fois franco-allemande – pour l’essentiel – et atlantique face à l’Union soviétique. La Communauté européenne était alors spécialisée dans les affaires économiques. Non pas parce que les Européens croyaient à l’Homo Œconomicus mais en raison d’un partage des responsabilités entre une communauté européenne qui organisait le redressement économique des peuples écrasés par les deux Guerres mondiales, notamment par la Seconde, et la sécurité vis-à-vis de l’Est puisque les Européens n’avaient plus aucun moyen de se défendre face aux menaces soviétiques.

Dans un second temps, nous avons vécu un moment résumé par la formule – d’ailleurs plus simpliste que sa pensée – de Francis Fukuyama, « la fin de l’Histoire » : à la chute de l’Union soviétique on a pu croire que les valeurs fondamentales de l’Occident libéral l’avaient emporté.

Cette illusion n’est pas une « illusion européenne » puisque – c’est là que mon analyse diffère de celle de Jean-Michel Quatrepoint – elle a au contraire porté au repli sur les États (« Passé le péril, oublié l’ermite »).

En effet, la crise de la construction européenne apparaît clairement dès le milieu des années 1990, quand arrivent au pouvoir en Europe des gens qui ne croient plus du tout à l’Union européenne. On ne peut pas dire que Berlusconi ait été un défenseur acharné de l’Union européenne ; Chirac a pratiqué sur ce point la politique du stationnement alterné, tantôt pro-européen, tantôt anti-européen ; M. Aznar, à la différence de Felipe González, profondément acquis à une renaissance spécifique de l’Espagne, considérait simplement que les fonds de cohésion lui étaient dus en échange de son marché. On pourrait multiplier les exemples. Partout, au milieu des années 1990, l’idée européenne reflue : on estime que l’union monétaire, telle qu’elle se concrétise par la réalisation de l’euro, ne doit pas se traduire par une politique économique et budgétaire commune, position partagée par les Français et les Allemands. Sur le plan institutionnel, on estime que les dispositions du traité de Maastricht, des dispositions de démocratisation à caractère fédéral, doivent être remises en cause. Et les traités, notamment le traité de Nice (qui n’est remis en cause ni par le traité constitutionnel européen ni par le traité de Lisbonne), consacrent une Europe d’esprit intergouvernemental, dont Mme Merkel se fait d’ailleurs la théoricienne (notamment dans un discours à Bruges en 2010). On accrédite l’idée que c’est aux États, à l’unanimité, de décider des choses importantes, ce qui a peut-être sa légitimité mais qui promet une paralysie totale du système institutionnel. Cette intergouvernementalisation s’est concrétisée par la concurrence faite au Président de la Commission par le Président du Conseil européen. Le Conseil européen des chefs d’État ou de gouvernement, qui fonctionne selon une modalité purement intergouvernementale, devient alors l’organe quasiment exclusif de décision sur le plan politique. Enfin, sur le plan militaire et international, on se révèle absolument incapable de donner un contenu aux engagements, aux promesses d’une PESC (Politique étrangère et de sécurité commune), ce qui aboutit politiquement à des situations extrêmement critiques, comme au moment de la guerre d’Irak.

On assiste à ce moment-là à la marginalisation des forces qui ont traditionnellement construit l’Union européenne, notamment les démocrates-chrétiens qui sont en crise générale. En France, mon parti, l’UDF, disparaît. La démocratie chrétienne disparaît en Italie. Elle est profondément amoindrie aux Pays-Bas, elle disparaît en Flandres, et ne subsiste en Allemagne qu’au prix d’une droitisation assez indiscutable. Ceci est suivi – comme le disait justement Régis Debray en Sorbonne ce 11 avril – d’une crise très profonde de la social-démocratie.

On a donc un retrait simultané des forces politiques qui ont porté l’Union européenne et des trois vecteurs de cette Union : le vecteur institutionnel, le vecteur économique et militaire, et l’espérance politique de la solidarité internationale qui se disloque par la discorde suscitée et exploitée par le Président G.W. Bush entre la nouvelle et l’ancienne Europe. C’est aussi à ce moment-là qu’on décide de façon absolument irresponsable – et contre l’avis de la plupart des dirigeants euro-fervents, contre François Bayrou, contre Sylvie Goulard, contre Alain Lamassoure, contre des gens comme moi – d’accéder à la demande d’adhésion de la Turquie, demande portée à l’époque par ceux qui, tel le Royaume-Uni, ne veulent pas d’une Europe forte.

Une rupture très profonde dans l’histoire de l’Union européenne s’est produite à ce moment-là avec un congédiement de ce que j’appellerai « l’annonce faite à Maastricht ».

Cette situation a mené l’Union européenne au bord du gouffre, gouffre matérialisé très logiquement par la crise économique qui a failli faire exploser l’euro et la zone euro. Cette crise a suscité un peu partout en Europe une sorte de ressaisissement, une prise de conscience. Face aux partis hostiles à la construction européenne, s’est opéré un rapprochement assez général des forces de gauche et de droite qui ont accepté de faire ce qu’on appelait dans l’ancienne France de la Troisième ou de la Quatrième République une « concentration républicaine » ou une « convergence centriste ». Le choc premier a été, en 2015, la décision de M. Tsípras que je m’étais permis de prévoir au lendemain du référendum à l’occasion d’une interview dans Les Échos, remarquant que les conditions étaient réunies pour que A. Tsípras accepte l’euro. En effet, ayant gagné son référendum, il en avait la légitimité politique et il était très conscient du danger politique, économique et social que représenterait pour la Grèce l’abandon de l’euro.

Suivent des chocs en cascade. À gauche, une modification de l’attitude de Podemos. À droite, de nets changements d’attitude de Gert Wilders, des populistes néerlandais, des populistes autrichiens.
Pour de tout autres raisons, ce ressaisissement sur l’euro a été confirmé par un resserrement des États face au Brexit britannique.

Si je conteste l’analyse de la chronologie, je ne mets pas du tout en cause ce que Jean-Michel Quatrepoint a dit à propos de la vulnérabilité européenne face aux États-Unis. Mais ceci ne doit pas être imputé à l’Union européenne (pas plus qu’on ne reprocherait à une SCI le comportement des copropriétaires !). On peut en revanche se demander si, dans cette aventure historique, les peuples, les États, les gouvernements, les majorités, les partis politiques de l’Europe d’aujourd’hui ont une capacité à réagir, à se réaffirmer et à s’affranchir d’un allié américain devenu tout autre chose qu’un ami. Je ne suis pas du tout sûr que nous en soyons capables mais je pense que ce défi historique, géopolitique, donne une de ses dimensions à la politique que le Président de la République actuel entend mener. Toutefois, je vois bien que nos partenaires, notamment allemands, ne sont pas nécessairement au rendez-vous de ce défi et je ne serais pas loin de partager, sinon le pessimisme de Jean-Michel Quatrepoint, du moins une grande perplexité.

Je diverge, en revanche, d’avec Jean-Michel sur les solutions et l’analyse institutionnelle qui les sous-tend. Esprit libre et indépendant, je n’adhère pas à une interprétation littérale du discours du Président de la République sur la souveraineté européenne. Je crois qu’il utilise le mot de « souveraineté », un peu comme Jean-Pierre Chevènement vient de le faire, au sens de « puissance » : sommes-nous puissants sur les plans militaire, numérique, commercial … ? En termes théoriques, je reste marqué par l’histoire de ce concept, par Jean Bodin, et pour moi la souveraineté n’est pas la puissance mais un pouvoir qui ne trouve sa limite qu’en lui-même. Or cela n’a jamais été, cela ne sera sans doute pas pendant très longtemps – si tant est que ce le soit un jour – la ligne des Européens. Nous n’avons jamais été sur la ligne d’un transfert de souveraineté des États nationaux vers quelque chose d’européen qui par définition serait un État.

La définition de l’État souverain c’est l’Union américaine d’Abraham Lincoln : Abraham Lincoln, Président des États-Unis, et le Congrès des États-Unis décident si les États ont ou n’ont pas le droit de faire ceci ou cela, a fortiori s’ils ont ou non le droit de sortir de l’Union. Cela explique la délibération douloureuse du général Lee qui, quand A. Lincoln lui propose de prendre la tête des armées de l’Union, passe une nuit en prière pour savoir s’il doit fidélité à l’État de Virginie, qui était le plus fondateur des États de l’Union et qui lui avait donné ses présidents les plus prestigieux, ou à l’Union. Et il fait un choix que je juge regrettable parce que je crois qu’il aurait été un très grand chef des armées de l’Union. L’engagement militaire de A. Lincoln montre que le pouvoir, la compétence de la compétence, en termes de souveraineté, appartient à l’État fédéral américain.

Telle n’a jamais été notre situation. Nous n’avons pas défini l’Union ainsi. Quand M. Harold Wilson était arrivé au pouvoir il avait voulu soumettre au peuple britannique l’adhésion organisée et négociée par son prédécesseur, M. Edward Heath, par la voie du référendum sur le maintien du Royaume-Uni au sein des Communautés européennes (5 juin 1975, peu après son adhésion le 1er janvier 1973). Il n’y avait pas de clause dans le traité pour autoriser ce départ mais tous les États européens s’entendaient pour dire que si le référendum aboutissait à ce qu’on n’appelait pas encore le Brexit tout le monde y consentirait. Depuis, le traité de Lisbonne (ce traité honni par un certain nombre de gens, comme d’ailleurs le traité constitutionnel européen dont il a pris sur ce point la suite) a légalisé, organisé la possibilité pour un État de sortir de l’Union. C’est à partir du traité de Lisbonne que l’Union européenne, en droit et pas seulement en fait, cesse d’être ce qui était présenté comme une maison de force. Et l’ensemble des traités précisent que les compétences de l’Union européenne sont d’attribution. La compétence de droit commun reste fondamentalement celle des États. Lisbonne a organisé un principe de bon sens : personne n’est obligé de rester dans l’Union.

Selon moi, sur la base des traités, cette querelle de la souveraineté n’existe pas et c’est par une certaine sollicitation du vocabulaire que le Président Macron parle de « souveraineté européenne ». Je pense que cela doit s’interpréter simplement comme l’affirmation d’une puissance européenne. La souveraineté appartient aux États qui transfèrent à l’Union l’exercice de certaines compétences et cette Union, qui n’est donc pas un État, fonctionne sur un modèle fédéral.

En vérité, notre problème est de nature différente. Nous vivons aujourd’hui une crise profonde de la volonté générale (comme l’aurait appelée Rousseau), une crise du corps politique, de la solidarité, mais aussi des partis et de la règle de droit. Cette crise emporte simultanément tous les loyalismes politiques : le loyalisme à l’égard de l’Europe et le loyalisme à l’égard des États.

L’exemple le plus frappant est fourni par le Royaume-Uni qui se sépare de l’Union, dans la douleur, par un vote que je crois à peu près indiscutable (je regrette seulement que les Britanniques du Continent n’aient pas pu y être associés). Au moment où s’organise cette séparation, le Royaume-Uni se délite en raison d’une crise identitaire absolument sans précédent. À l’époque où je faisais mes voyages de lycéen au Royaume-Uni, je n’avais jamais envisagé que l’écosse et l’Angleterre se sépareraient. Or Mme Nicola Sturgeon, Première ministre d’Écosse, reçue récemment à l’Assemblée nationale, ne manifestait absolument aucune sorte d’allégeance à l’égard du Royaume-Uni. Au moment où les Britanniques se séparent de l’Union européenne ils vivent une triple crise : une crise d’identité nationale avec les quatre nations qui se regardent en chiens de faïence, une crise sociale anglaise avec l’opposition entre le Bassin de Londres et les régions du Nord et une crise institutionnelle avec une incapacité du système partisan à fonctionner d’où une crise des partis politiques mettant en cause le two-party system. Il y a donc simultanéité entre ces deux crises européenne et nationale.

Nous-mêmes vivons une « archipélisation » de la France absolument impressionnante (je me réfère au livre de Jérôme Fourquet [1]). La comparaison entre les élections de 2002 et de 2017 est intéressante. Au premier tour de l’élection présidentielle de 2002, M. Le Pen fait un score proche de celui de M. Chirac (et dépasse M. Jospin), au second tour M. Chirac fait 82 % des voix parce que, quoi que les gens pensent de Chirac, ils voient en lui quelqu’un qui représente l’essentiel de la nation française en ses forces profondes. En 2017, M. Macron fait mieux que M. Chirac au premier tour de 2002 mais, au second tour, rien ne se passe de la même manière. M. Mélenchon hésite à voter pour M. Macron, M. Bellamy me dit dans un débat à France Inter : « Je n’accepte pas la tyrannie morale qui m’obligerait à choisir entre Mme Le Pen et M. Macron ! » et on voit un développement massif du vote blanc et du vote nul. Nous avons une société qui se décompose. Jérôme Fourquet montre de façon très profonde les ressorts de cette crise. En Espagne, lors d’un débat récent avec M. Benoît Pellistrandi, j’ai pu constater à quel point l’affaire catalane pèse profondément sur la renaissance de l’Espagne démocratique. Derrière la question catalane c’est à la fois le rapport de l’Espagne à ses autonomies, à la démocratie et à l’Europe qui est en cause. En Italie, je pense profondément qu’il y a une très grande fragilité dans les accords gouvernementaux qui unissent les populistes du Nord avec M. Salvini et les populistes du Sud de Cinque Stelle. Nous ne vivons pas la revanche des nations sur l’Europe mais la décomposition générale de tous les corps politiques, une fuite vers le plus petit.

La situation a donc profondément changé et je suis inquiet quand, par exemple, je lis l’ouvrage des deux conseillers du Président de la République qui exaltent l’hyper-individualisme [2]. Le problème fondamental est celui de la solidarité politique, nationale, européenne, locale. Nous vivons une crise, non de la souveraineté, qui ne se transfère pas, mais de la subsidiarité, de la répartition pertinente des compétences. Nous sommes sortis d’un monde néolithique dans lequel toutes les compétences qui intéressaient nos concitoyens étaient exercées dans un cadre territorial précis marqué par la ceinture de fer de Vauban, encadré par la gendarmerie nationale, défendu par l’armée française, incarné par un État démocratique. Il y a trente ans encore ; tous les problèmes qui nous concernaient se réglaient dans ce cadre-là. Les seules questions qui se réglaient à l’extérieur étaient celles des frontières. L’Alsace était-elle allemande ou française ? Où commençait notre souveraineté ? Où s’arrêtait-elle ?

Nous ne sommes plus dans cette situation. Nous sommes chez les autres et les autres chez nous. Nous sommes dans une situation de subsidiarité, d’échelonnement des compétences, ce qui nous pose un grave problème : quel est le niveau approprié d’affirmation de la démocratie ou plutôt quels en sont les niveaux appropriés ? Nous sommes condamnés au pluriel.

Les décisions pragmatiques que Jean-Michel Quatrepoint recommande doivent être prises démocratiquement. Les grands enjeux quotidiens sont nationaux mais les grands enjeux stratégiques, démographiques, migratoires, militaires, de sécurité, monétaires, sont des enjeux transnationaux qui impliquent un relais européen démocratiquement organisé.

Le problème n’est donc pas de promener la souveraineté d’un village à l’autre, de la transférer du village France au village Europe. Le problème est d’organiser une répartition cohérente des compétences. La souveraineté reste nationale. On ne délègue à l’Europe que ce qu’on veut lui déléguer. Les traités ne sont pas satisfaisants parce qu’ils ne permettent pas, notamment en raison du blocage unanimitaire, d’organiser cette délégation de façon rationnelle et intelligible.

Je pense par exemple à l’enjeu fiscal. Une harmonisation de la fiscalité sur les entreprises (elle n’est pas nécessaire pour les particuliers) au niveau européen impliquerait qu’on puisse exercer cette compétence à la majorité qualifiée (la majorité qualifiée a ceci de particulier qu’elle oblige ceux qui sont pour et ceux qui sont contre à aller vers l’autre. C’est une majorité adaptée à la démocratie qui préfère la négociation à la confrontation) pour arriver à quelque chose. C’est là que le blocage apparaît très profond et – je rejoins sur ce point Jean-Michel Quatrepoint – ce n’est pas pour rien. En effet, nous Français, à la différence des autres Européens, sommes porteurs d’une volonté d’organisation et d’indépendance du Continent, qui implique une politique audacieuse de transfert de compétences et la majorité qualifiée. Pascal Lamy raconte que lorsqu’il était commissaire aux affaires commerciales et qu’il négociait des points qui se décidaient à l’unanimité avec un interlocuteur américain, celui-ci ironisait : il lui était facile de se concilier trois, quatre ou cinq États pour parvenir à ses fins. Mais quand il s’agissait de décisions prises à la majorité qualifiée, son interlocuteur le prenait davantage au sérieux. Ce n’est qu’un exemple, mais je le crois très significatif.

Le problème n’est donc pas celui d’un transfert mythique de la souveraineté. Notre problème est de mettre de la souplesse, de l’intelligence dans les modalités de répartition des compétences afin de « mettre ses œufs dans les bons paniers ». De l’intelligence mais aussi de l’efficacité.

En effet je ne crois pas du tout au déficit démocratique dans l’Union européenne. Ou plutôt je crois au déficit de Krátos et non au déficit de dêmos. Son pouvoir est enraciné dans les peuples mais il est paralysé.

Je partage l’inquiétude, l’anxiété et sans doute le pessimisme de Jean-Michel Quatrepoint sur un point : Vox clamans in deserto, comme à notre habitude, nous Français avons du mal à amener nos partenaires européens à reconnaître que, dans le monde du XXIème siècle, l’Europe n’existera que si elle se mobilise solidairement face aux blocs, face aux États-Unis, à la Chine, à la Russie. Cela implique une mobilisation psychologique et politique qui n’est sans doute pas encore à l’ordre du jour.

Mais, comme disait le regretté Guillaume le Taciturne, il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.

Je vous remercie.

Jean-Pierre Chevènement

Merci, Jean-Louis Bourlanges, pour cet exposé très brillant, convaincu et, dirai-je même, d’une certaine manière, convaincant.

L’idée d’une Europe puissance dans un certain nombre de secteurs est derrière l’idée de souveraineté européenne… ou alors je ne comprends pas.

Mais nous ne sommes pas en désaccord sur ce point. Le problème est celui du contrôle démocratique des compétences que nous déléguons. Or à cette question il n’a jamais été convenablement répondu, me semble-t-il. Peu de gens connaissent leur député européen. Le contrôle exercé par le Parlement européen sur la manière dont se gère la « chose européenne » peut-il être donné en exemple de démocratie ?

Il me semble qu’il y a dans votre approche quelque chose d’un peu théorique que votre enthousiasme et vos dons oratoires ne peuvent totalement dissimuler : s’il n’y a pas une volonté d’autonomie stratégique, s’il n’y a pas une volonté d’indépendance européenne, à quoi bon transférer des compétences dont nous savons qu’elles ne seront pas exercées par des gens qui ont en vue une certaine autonomie de l’Europe ? C’est à ce problème-là que nous sommes aujourd’hui confrontés, me semble-t-il. En conséquence, n’est-il pas un peu théorique de déléguer ces compétences, non pas à un pouvoir européen, à une entité qui voudrait réellement les exercer, mais à des oligarchies mues par des appétits essentiellement financiers ? Ne nous berçons-nous pas d’illusions en faisant comme si cette démocratisation de l’Union européenne était possible au stade actuel ?

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[1] L’Archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée, Jérôme Fourquet, éd. du Seuil, mars 2019.
[2] Le progrès ne tombe pas du ciel, Manifeste, David Amiel, Ismaël Emelien, Fayard avril 2019.

Le cahier imprimé du colloque « La souveraineté européenne, qu’est-ce à dire ? » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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