Deuxième table ronde : Exigence républicaine et construction européenne

Intervention de Loïc Hennekinne, ambassadeur de France, ancien secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères et membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica, au colloque « Le moment républicain en France ? » du 11 décembre 2017.

Mesdames,
Messieurs,
Chers amis,

Je vous souhaite la bienvenue à cette table ronde qui traitera des questions européennes au regard de l’exigence républicaine, un sujet ambitieux, compliqué parfois, mais, heureusement, nous avons la chance d’accueillir quatre intervenants qui connaissent particulièrement bien le sujet.

Écoutant ce matin la brillante intervention de Jean-Pierre Chevènement sur ce que représentent la vocation républicaine et le fonctionnement de l’Union européenne, je mesurais à quel point les choses ont évolué depuis qu’en 1956, les ministres des Affaires étrangères des six pays fondateurs avaient conçu le Traité de Rome. On pouvait alors parler d’un dessein véritablement républicain : créer un organisme nouveau qui permettrait de dépasser les déchirements de la Deuxième guerre mondiale, d’apprendre à vivre ensemble et de lancer de grands projets. C’était une grande affaire.
Malheureusement, au fil des années, cette grande affaire et sa vocation républicaine ont rencontré des écueils :

Le général de Gaulle avait très bien compris que mettre le Royaume-Uni dans l’affaire c’était introduire le loup dans la bergerie. Cela signifiait l’alignement sur Washington, ce dont il ne voulait pas. Malheureusement – fut-ce par désir de se distinguer ? – son successeur a rompu avec cette position en 1971, ce qui a permis, le 1er janvier 1973, l’adhésion à la CEE du Royaume-Uni (et avec lui de tous les paradis fiscaux de la Mer des Caraïbes et de la Manche). Le Brexit a montré que le général de Gaulle avait peut-être raison.

Le deuxième écueil a été l’extension extraordinaire de l’Union européenne. Des 6 pays fondateurs on passa à 9 en 1973. Les élargissements des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix aboutirent à l’Europe des 12 puis des 15 sans que cela posât de problème car il s’agissait de pays relativement proches des pays fondateurs et les différences entre les politiques économiques, sociales, étrangères n’étaient pas énormes. Les choses ont changé après la chute de l’URSS quand les autorités de Bruxelles et un certain nombre de pays ont fait le choix d’un élargissement à 19 puis à 25, 27 et enfin 28 de l’Union européenne. François Mitterrand avait bien vu le risque lorsqu’il avait prôné la création d’une confédération européenne qui aurait permis dans un premier temps à ces pays qui n’avaient connu que le joug soviétique de se familiariser avec le système européen. Or ils furent admis très vite et sans transition. Bien entendu, ils voyaient l’intérêt de bénéficier des fonds de soutien de l’Union européenne mais leur adhésion a créé une situation très compliquée. On constate aujourd’hui encore que le vouloir vivre ensemble n’est pas le même chez tous les membres de l’Union européenne.
Il faut garder à l’esprit que l’Union européenne, en 2017, n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était dans les vingt ou vingt-cinq premières années.

Nous allons débuter cette table ronde en écoutant Gabriel Robin.
C’est à la sortie de l’ENA que Gabriel Robin a choisi la carrière diplomatique. Entré au Quai d’Orsay à la fin des années cinquante, il a eu au cours de sa brillante carrière une longue familiarité avec les problèmes européens. En effet, dans les années soixante, il a passé sept ans à la Représentation permanente de la France auprès de ce qui n’était pas encore l’Union européenne mais la Communauté économique européenne (CEE). Par la suite il est entré au cabinet du Premier ministre Jacques Chaban Delmas puis au secrétariat général de l’Élysée, à l’époque de Valéry Giscard d’Estaing, avant d’être nommé Directeur politique du Quai d’Orsay, fonction qu’il exerça de 1979 à 1981. Je peux témoigner que Gabriel Robin a été l’un des plus remarquables directeurs des Affaires politiques de la deuxième partie du XXème siècle. En 1981 il décida de quitter le Quai d’Orsay pour prendre un peu de distance et, en 1986, il publia un ouvrage intitulé : « La diplomatie de Mitterrand ou le triomphe des apparences » [1]. Je m’étais dit à l’époque qu’il prenait quelque risque pour sa carrière mais je me trompais car en 1987 il fut nommé pour cinq ans ambassadeur auprès de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord). Étant moi-même pendant une partie de cette période conseiller diplomatique de François Mitterrand, j’avais observé que le Président appréciait toujours les analyses de la représentation française auprès de l’OTAN. En général, ces analyses correspondaient à ce que nous ressentions nous-même à l’Élysée. C’est en 1993 que Gabriel Robin a été élevé à la dignité d’Ambassadeur de France par le Président de la République François Mitterrand. Gabriel Robin répondra à la question : Comment construire une entité stratégique européenne à partir des nations ?

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[1] La diplomatie de Mitterrand ou le triomphe des apparences 1981-1985, Gabriel Robin, éd. De la Bièvre, 1986.

Le cahier imprimé du colloque « Le moment républicain en France ? » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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