Les enjeux du droit de la mer

Intervention d’Élie Jarmache, Chargé de mission au secrétariat général de la mer, dirige la délégation française à la commission des limites du plateau continental à New York, membre de la commission juridique et technique de l’Autorité internationale des fonds marins, au colloque « Les enjeux maritimes du monde et de la France » du 20 mars 2017.

Monsieur le ministre,
Monsieur l’ambassadeur,
Mesdames, Messieurs,
Chers collègues.

J’imagine qu’aux Nations Unies on va fêter le cinquantenaire du discours d’Arvid Pardo du 1er novembre 1967. Sans doute y a-t-il déjà dans les plans un appel aux contributions volontaires des États membres pour organiser une grande cérémonie.

Comme beaucoup, j’ai longtemps fait une référence incantatoire à Arvid Pardo. Je le citais, je ne l’avais jamais lu. Étudiant en 1967, j’en avais beaucoup entendu parler mais je n’ai vraiment lu qu’il y a deux ans ce discours impressionnant [1], un événement comme on n’en voit plus aux Nations Unies, comme l’a dit M. l’ambassadeur. Il occupe la tribune pendant des heures sous la présidence de l’Égyptien Fahmy. Trois choses caractérisent son discours. C’est d’abord cet appel au « patrimoine commun », puis le souci du désarmement (dans ces années, le désarmement des fonds marins était une préoccupation importante). Enfin on trouve dans son discours le plus bel hommage rendu à l’océanographie française, à sa technologie de l’époque (il exhorte à prendre exemple sur ce que fait la France). Si j’étais directeur général de l’Ifremer, je publierais à nouveau des extraits du texte du discours de Pardo ! Cette évocation permet de mesurer le chemin parcouru.

Chacun a sa définition des enjeux. Ils peuvent être économiques, militaires, diplomatiques.
Il y a un enjeu en soi – M. Pancracio l’a laissé entendre de manière implicite – c’est celui de l’évolution du droit de la mer lui-même. Tout cela peut-il conduire un jour à une évolution profonde du droit de la mer ?

L’enjeu écologique s’impose de plus en plus. On ne peut pas parler de l’enjeu économique des ressources en mer sans y associer de plus en plus l’enjeu de type écologique. Je montrerai qu’il est aujourd’hui quasiment un frein à toute tentative d’exploitation des ressources. C’est un élément important qu’il faut garder en mémoire.

Je suis d’une école où l’on considère qu’il faut toujours replacer un texte aussi important que la Convention dans son contexte. Elle naît en 1973-74 (début des négociations). Si j’en parle, c’est qu’en mai 1974 se tenait la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la souveraineté permanente, sur les ressources naturelles… où l’on voit la porosité des thèmes, des idées. C’est au même moment (1972-73) que le Conseil des ministres de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) arrête et consolide sa position sur ce qui allait devenir une des grandes révolutions de la Convention, la zone économique exclusive (ZEE). Certes, certains États d’Amérique latine avaient commencé dans les années cinquante à réclamer une juridiction vers le large ; mais, pour la première fois, un groupe d’États réunis dans une institution consolident une position qui sera portée aux Nations Unies : il y aura une ZEE et cela n’ira pas au-delà de 200 milles nautiques.

Tout cela mis ensemble donne une coloration à la façon dont cette Convention allait se structurer, allait être élaborée.

Les débats sur la zone économique exclusive commencent en 1973-74 et la notion est adoptée en 1976, alors que les négociations internationales devaient encore se poursuivre pendant six ans.

Monsieur l’ambassadeur a cité le nom de M. de Lacharrière, chef de la délégation française à cette époque. Aussitôt rentré en France, en mai 1976, celui-ci avait souhaité une loi française adoptant la ZEE dans le système juridique national.

On voit que tout ceci dessine un ensemble de passerelles intellectuelles et d’enjeux qui se mettent en place.

Sur le terrain des ressources, la Convention des Nations Unies a également une autre origine à laquelle on ne pense pas souvent parce qu’elle paraît plus lointaine et étrange quand on évoque le nationalisme économique, c’est la doctrine Truman. Le 23 septembre 1945, Truman s’approprie le plateau continental adjacent à son État et ses ressources naturelles. Cette notion, en 1945, n’avait aucune vie juridique. Elle est née juridiquement avec la Convention de de Genève de 1958 sur le plateau continental, confirmée en 1982 par la grande Convention dont vient de parler M. Pancracio.

Ceci pour dire que c’est à la fois beaucoup d’innovations, beaucoup d’évolutions mais sur des fondements que je viens d’indiquer. Il y a là des choses permanentes dans la revendication d’intérêts et de souveraineté.

S’agissant des enjeux de type économique, notamment les ressources naturelles, un des enjeux qui s’est imposé est la possibilité d’extension du plateau continental. Un État côtier, dans des conditions déterminées, pouvait aller jusqu’à un maximum de 350 milles de ses côtes. Il pouvait compléter son plateau continental en revendiquant des droits souverains sur les ressources naturelles de ce plateau. À cette époque, on ne pensait pas aux ressources biologiques parce qu’elles ne paraissaient pas la préoccupation majeure. Les ressources minérales, pétrolières, gazeuses étaient l’enjeu, l’objectif poursuivi par les demandes d’extension.

De ce point de vue, la Convention du droit de la mer est une « boîte à cadeaux » pour les États côtiers qui apparaissent comme les gagnants de la conférence modifiant l’ordre juridique de la mer. En effet, jusqu’à 200 milles des côtes, l’État n’a rien à démontrer s’agissant de ses droits souverains, sous réserve de délimiter sa zone, dans les conditions que prévoit la Convention avec les États voisins ou faisant face. Une fois que ces questions sont réglées, il dispose de sa zone économique jusqu’à 200 milles qui emporte déjà avec elle un plateau continental, quelles que soient la nature ou la qualification des fonds. De plus, l’État côtier en question peut demander d’étendre la limite du plateau à 350 milles, sous réserve de mettre en œuvre la procédure prévue par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (son article 76, l’annexe II). Cette procédure fait intervenir une institution nouvelle, la Commission des limites du plateau continental (CLPC). La France, par exemple, a porté une série de dossiers concernant l’extension de son plateau continental. C’est ainsi que nous avons étendu notre plateau continental au-delà des 200 milles de près de 580 000 km2, ce qui n’est pas négligeable, à tel point qu’à un moment donné, les gazettes s’interrogeaient : Sommes-nous devenus la première superficie maritime au monde ? Non, répétais-je, car ce n’est pas la colonne d’eau qu’on a augmentée mais le fond des mers. Il faut distinguer le classement en fonction des ZEE (environ 10,5 millions de km2 pour la France) et le classement en fonction du plateau continental (la ZEE + 580 000 km2). Et, dans cette dernière hypothèse, cet espace maritime terrestre prolongeant le territoire terrestre serait le premier. Je ne suis pas un grand supporter de la notion de « la France, plus grand domaine maritime international ». En effet, la réalité est beaucoup plus nuancée et il faut tenir compte de ce que nous pouvons faire. Gérer un espace aussi important confère autant de devoirs que de droits.

Vous me demandiez, Monsieur le ministre, ce que nous faisons de l’atout que constitue ce plateau continental. Pour avoir participé à toutes les réunions, en format franco-français, dans lesquelles on a défini la liste des territoires pour lesquels nous allions très certainement déposer un dossier d’extension, je vous avoue que nous n’avons pas pensé immédiatement en termes de développement des ressources qui semblent à portée de main parce que, précisément, elles ne sont pas à portée de main, elles sont très loin et dans des grandes profondeurs.

J’ai toujours expliqué, aux journalistes, aux étudiants comme dans diverses enceintes, que l’État faisait son devoir en garantissant un titre juridique incontestable, conformément au droit international. Le devoir de l’État était de ramener en France un titre enregistré par les Nations Unies précisant que, s’agissant des fonds marins, la France a des droits souverains sur les ressources naturelles, qu’elle a l’exclusivité de ces droits et telles sont les coordonnées dans tel ou tel océan. Ensuite, les opérateurs privés intéressés, nationaux, étrangers ou consortiums, qui connaissent les limites du plateau français, qui ont mené des études économiques montrant qu’il recèle des ressources susceptibles de les intéresser, peuvent tout à fait, selon la procédure qui existera le moment venu, déposer des demandes de permis auprès des autorités françaises, et d’elles seules. C’est la raison pour laquelle ce travail a été fait, cet effort engagé. Le gouvernement s’y est prêté en mettant en place, dès 2002, un comité et un budget dédié, sanctuarisant ainsi ce programme. Cela doit être souligné : c’était assez rare pour avoir déclenché l’envie de beaucoup d’organismes qui n’avaient pas, comme le programme Extraplac (programme français d’extension du plateau continental), la chance de disposer d’un budget sanctuarisé. Et nous avons eu la chance d’avoir deux instituts : l’Ifremer, appuyé sur l’expertise du Shom (Service hydrographique et océanographique de la Marine) [2].

Tout cela a permis que le plateau continental français étendu bénéficie de la garantie d’un titre juridique.

Il est important de souligner que l’exclusivité de ces droits souverains n’est frappée par aucune date limite. Dans cent ans, elle sera toujours valable. Aucune disposition ne nous oblige à utiliser nos droits de ressource avant telle date.

Quel est l’intérêt du plateau continental ?

On aurait tort de penser que ce n’est qu’une affaire d’États industrialisés. Le vrai moteur est celui de la souveraineté économique et des droits souverains.

De ce point de vue, on a toute la panoplie étatique de la planète :
Les grands États industrialisés, les puissances qui ont un appétit de souveraineté maritime… à ce titre, ce n’est pas un hasard si les premiers États à avoir fait une demande d’extension ont été la Russie (l’Union Soviétique était déjà présente dans les fonds marins), suivie du Brésil puis de l’Australie.

Des demandes conjointes ont été faites par des États insulaires.
Des États de la côte ouest de l’Afrique se sont réunis pour préparer un grand dossier. Par exemple, un dossier a été déposé par 7 États de la côté ouest africaine, trois francophones (Sénégal, Guinée, Mauritanie) deux anglophones (Gambie, Sierra Leone) et deux lusophones, (le Cap vert et la Guinée Bissau).

Il existe une diplomatie du plateau continental étendu prise en charge par la Norvège. La Norvège, avec son chéquier, a trouvé là un champ extraordinaire d’aide à ces États. On imagine que si un jour il y a des retombées en termes d’accès aux ressources naturelles du plateau, les Norvégiens sauront le rappeler ; ils l’ont fait dans le cadre d’une diplomatie norvégienne « en faveur de la paix ». C’est ainsi que l’État somalien, en quasi déliquescence, a déposé un dossier grâce à la diplomatie norvégienne.

Derrière les enjeux immédiats, perceptibles, qui relèvent de l’analyse économique, on voit que l’enjeu d’une présence dite de souveraineté économique est une des expressions de la souveraineté au sens strict : Il faut être présent et ne pas laisser partir cette question de l’extension du plateau continental.

Les délimitations maritimes, qui se font dans le cadre de relations de bon voisinage, sont aussi un critère de l’importance des enjeux. La liste des exemples est impressionnante où on voit bien que derrière une opération de délimitation – qu’elle se fasse par négociations bilatérales ou par voie judiciaire (tribunal, arbitrage…) – il y a toujours la volonté de fixer des espaces qui vont permettre à un État de déployer ses droits souverains en octroyant des licences, en faisant des concessions etc.

Le nombre des délimitations, notamment cette dernière décennie, est un indicateur sérieux de ces questions d’enjeux. La délimitation est l’opération qui permet de tracer la limite respective en-deçà de laquelle chaque État va pouvoir exercer sa compétence. L’enjeu est donc l’exclusivité des droits.

J’en donnerai quelques exemples récents :
Dans le Bassin méditerranéen, le Liban est toujours en état de guerre avec Israël. Les Israéliens sont accusés par les Libanais de commencer à explorer, voire exploiter le domaine maritime au-delà de la ligne d’armistice de 1949, ce qui met les Libanais hors d’eux parce qu’ils n’ont pas les moyens de riposter ni d’occuper des puits qui peuvent avoir été concédés. De l’autre côté, Chypre, qui a un accord avec les deux États, a pu le ratifier avec les Israéliens mais n’a pas pu aller jusqu’au bout de la procédure du fait des Libanais. C’est un exemple d’une délimitation partiellement réussie entre Israël et Chypre et qui est dans l’impasse entre Israël et le Liban comme entre Chypre et le Liban.

Sur la côte ouest africaine, une série de délimitations sont intervenues ou sont en cours. Par exemple le litige frontalier maritime entre la Côte d’Ivoire et le Ghana est actuellement dans l’attente de la décision du tribunal international du droit de la mer à Hambourg (les plaidoiries ont eu lieu le mois dernier). En même temps ces deux États, le Ghana et la Côte d’Ivoire se retrouvent devant la Commission du plateau continental pratiquement dans les mêmes termes. La Côte d’Ivoire a commencé à présenter sa demande d’extension de son plateau continental. Cela montre que les questions sont parfois enchevêtrées. Il en est de même pour le Cameroun et le Nigéria (quand on dit Nigéria, on pense forcément au pétrole, à la péninsule de Bakassi, on voit le poids des intérêts en jeu). Après une longue résistance du Nigéria, c’est la CIJ (Cour internationale de justice) qui a finalement reconnu la souveraineté et les droits du Cameroun sur la péninsule et la province de Bakassi.

Je ne vais pas multiplier les exemples mais je voulais montrer que, lors de ces différends de délimitations maritimes, le conflit finit heureusement par se résoudre de manière pacifique. Les tensions ne vont pas jusqu’à l’incident armé. Le droit, de ce point de vue, est un facteur qui permet de calmer certaines pulsions.

La dernière illustration que je voudrais donner des enjeux liés aux ressources des fonds marins concerne les fameuses ressources minérales des grands fonds marins, situées selon les termes de la Convention dans la « Zone internationale » (souvent appelée « Zone »), c’est-à-dire toutes les ressources minérales du grand large, au-delà des ZEE et du plateau continental. Ce n’est pas un domaine de non-droit. Un régime est installé, qui fonctionne plutôt bien. Il est moins médiatisé que les différends maritimes qui opposent des souverainetés nationales et qui trouvent leur solution devant une juridiction internationale ou par les moyens de la diplomatie bilatérale. Les sujets concernant les grands fonds marins se discutent au sein de l’Autorité internationale des fonds marins, là aussi nouvelle institution créée par la Convention et qui répond au vœu de l’ambassadeur Pardo dont nous avons parlé pour commencer cet exposé. Ils se traitent aussi au sein de sa commission juridique et technique à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir (parce qu’un jour le Quai d’Orsay a bien voulu présenter ma candidature). C’est à cette Autorité que sont adressées les demandes émanant d’États, de sociétés industrielles qui prétendent disposer de contrats sur ces ressources minérales bien identifiées (nodules polymétalliques, encroûtements de cobalt, sulfures hydrothermaux etc.).

A priori on peut se dire que leur exploitation n’est pas pour maintenant et s’interroger sur l’utilité de ces contrats. Jusqu’à présent les demandes émanaient d’États qui revendiquaient une place sur ce grand échiquier des fonds marins dont la France, pionnière dès les années 1970. Aujourd’hui, on voit arriver les demandes de contrats d’une filiale de Lockheed, d’une filiale de l’Union minière du Congo (avec la Belgique comme État patronnant). On peut penser que ces industriels ont fait un calcul économique qui les incite à passer au stade de l’exploitation. J’étais en séance (2013) quand on a vu arriver le Britannique United Kingdom resources, filiale de Lockheed. « Dans cinq ou six ans, nous passons à l’exploitation, si ce n’est pas rentable, nous partons », nous ont dit ses représentants mais en attendant ils mettent tout en œuvre pour que cela puisse être rentable. Ils sont tellement « gourmands » qu’ils ont créé un mécanisme par lequel ils attirent des États en développement qui leur servent de « faux nez ». C’est ainsi qu’on a vu un faux État en développement (Singapour) sans aucune expérience des fonds marins, de la technologie, de la science marine, venir demander un contrat. L’exposé du délégué singapourien révélait que la demande concernait pratiquement les mêmes zones que la demande britannique, que leur calendrier d’exercice d’exécution était systématiquement le jour d’après etc. C’était vraiment surprenant… Bien sûr on ne fait pas de peine à Singapour qui, officiellement, est un État en développement (il appartient au G77). L’Union minière du Katanga, avec sa filiale en Belgique, a fait la même chose avec un État insulaire du Pacifique. Cela montre l’appétit renouvelé pour les ressources minérales des fonds marins. Les opérateurs économiques nous pressent : « Où en êtes-vous de la rédaction du code minier ? Nous avons besoin de sécurité juridique ». La « sécurité juridique » c’est pour eux un code minier qui leur dit quelles sont les conditions financières auxquelles les contractants vont être assujettis, à quelle sauce ils vont être mangés quant aux obligations écologiques, comment on va taxer la tonne de métal selon qu’on la pèse au fond de l’eau ou sur le pont du navire, quel sera le régime de responsabilité encouru du fait de ces activités minières marines, etc. Comme M. Pancracio l’a dit, on voit la Chine déposer tous les ans une nouvelle demande de contrat. Elle en est déjà à quatre sur les trois principaux minerais, deux dans le Pacifique, (zone de Clarion-Clipperton), et deux dans l’Océan Indien. La Russie n’est pas loin. La Brésil y est venu. On retrouve les mêmes États que sur le plateau continental et ils sont vraiment très entreprenants.

L’enjeu écologique est devenu pour beaucoup d’ONG la nouvelle frontière sur laquelle elles se battent. Frontière et étendard en même temps. Au-delà de l’idéologie, au-delà des aires marines protégées, il s’agit de faire en sorte de contraindre l’activité minière dans les fonds marins, au point, in fine, de la rendre impossible. Quand leurs représentants participent aux travaux internationaux, comme ils le font régulièrement, on se demande s’ils veulent vraiment aider à faire du développement durable des fonds marins (dont il faut rappeler qu’il a un pilier économique) ou si leur objectif est d’arriver au constat qu’il faut interdire.

Cette pression écologique, qui s’observe partout, commence là à faire sentir ses effets dans l’exercice de rédaction du code minier. Les ONG entendent obtenir la possibilité d’être une partie prenante à la rédaction du code minier international, ce qu’un certain nombre d’experts voire d’États ne souhaitent pas. Des débats assez difficiles, voire houleux, pourraient ponctuer cet exercice. On pourra alors mesurer la capacité (ou la volonté) de résistance des États.

Jean-Pierre Chevènement
Merci, M. Jarmache.
Vous n’avez pas parlé du pétrole offshore. Or celui-ci représente à peu près 30 % du volume du pétrole extrait chaque année dans le monde. Où extrait-on du pétrole ? Dans le golfe de Guinée ?

Elie Jarmache
Dans le golfe de Guinée, dans le Golfe persique, dans le golfe du Mexique (on se souvient de l’explosion et de l’incendie considérable déclarés, le 20 avril 2010, sur la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon)…

Je n’en ai pas parlé parce que, pour le moment, le pétrole offshore est exploité dans des espaces qui ne posent pas, ou peu, de problèmes, à l’intérieur des zones sous juridiction nationale. Chaque État est maître de sa ressource pétrolière, octroie des licences aux majors pétrolières. Il n’y a pas de problème particulier à souligner de ce point de vue. C’est pourquoi je ne suis pas parti sur ce chemin-là. Les chiffres sont connus, il suffit de lire les articles de Nicolas Sarkis [3]…

Jean-Pierre Chevènement
Il y a la Guyane au large de laquelle on a repéré des réserves…

Elie Jarmache
Il y a même une plateforme immense qui s’est déplacée vers cette zone. Le plateau continental et la ZEE française ne sont absolument pas contestés de ce côté-là. Le département de la Guyane et le conseil régional ont même réussi à instituer une taxe particulière au bénéfice de la Guyane en cas d’exploitation. Le plateau continental étendu de la Guyane est un des premiers que nous ayons fait valider au plan international en 2009. Nous avons là une très belle superficie d’extension au large de la Guyane.

Jean-Pierre Chevènement
Nous avons quand même appris une chose, c’est que le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer a pour doctrine de ne pas donner de permis d’exploration ni d’exploitation. Voici qui contredit un peu les discours vantant l’étendue gigantesque de notre domaine maritime.

Elie Jarmache
Il n’y a pas de contradiction si on veut n’en faire qu’une aire maritime protégée mondiale.

Jean-Pierre Chevènement
C’est en effet une vision tout à fait écologique.

Elie Jarmache
Je n’ai jamais dit que c’était la mienne, Monsieur le ministre.

Jean-Pierre Chevènement
Est-ce la vision du gouvernement actuel ?

Elie Jarmache
Je ne sais pas mais cela a pris un certain relief depuis quelques mois.

Jean-Pierre Chevènement
Merci d’avoir bien voulu nous en instruire.

——
[1] Le texte peut être consulté ici : http://www.un.org/depts/los/convention_agreements/texts/pardo_ga1967.pdf
[2] Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, (EPIC,) créé en 1984 succédant au CNEXO, combinant la recherche fondamentale et la recherche appliquée des ressources vivantes à la technologie marine ; opérateur de la flotte océanographique française. établissement public administratif (EPA) sous tutelle du ministère de la Défense, le Shom est l’opérateur public pour l’information géographique maritime et littorale de référence. Il a pour mission de connaître et décrire l’environnement physique marin dans ses relations avec l’atmosphère, avec les fonds marins et les zones littorales, d’en prévoir l’évolution et d’assurer la diffusion des informations correspondantes.
[3] Nicolas Sarkis, Directeur du Centre arabe d’études pétrolières et de la revue Pétrole et Gaz arabes.

Le cahier imprimé du colloque « Les enjeux maritimes du monde et de la France » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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