En s’employant à abolir le statut privilégié du dollar, Pékin espère précipiter sa marche à l’hégémonie mondiale
Intervention de M. Antoine Brunet, économiste, président de la société d’analyse de la conjoncture et des marchés AB Marchés, auteur de « La visée hégémonique de la Chine – L’impérialisme économique » (L’Harmattan, 2011), au colloque « La guerre des monnaies ? », lundi 28 avril 2014.
Merci, M. Mistral, pour cet exposé brillant, cohérent et, il faut bien le dire, teinté d’optimisme. Vous nous proposez rien moins que de renouer avec l’inspiration des pères fondateurs qui était effectivement optimiste. Était-elle réaliste ? C’est un point sur lequel pourra porter la discussion.
Je me tourne vers M. Brunet. M. Mistral vient de nous décrire à grands traits la première mondialisation en soulignant que la deuxième est très différente. Peut-être souhaiterez-vous relativiser ces différences.
Je vous laisse la parole pour que vous exposiez votre thèse que nous avons eu déjà l’occasion de connaître et d’apprécier lors d’un précédent colloque [1].
Antoine Brunet
C’est une très bonne idée que d’avoir organisé un colloque sur la question de la monnaie du monde. Le brillant exposé de Jacques Mistral a déjà commencé à en révéler la grande actualité.
J’ai lu très attentivement le livre de Jacques Mistral (« Guerre et paix entre les monnaies ») mais je ne vous cacherai pas que je n’en partage pas toutes les conclusions.
Je répondrai d’abord à la question essentielle que vient de me poser M. Chevènement.
Je vois une différence majeure entre la première mondialisation et la deuxième mondialisation. Mais au préalable, il faut selon moi distinguer deux périodes distinctes dans la deuxième mondialisation :
La première période, 1975 à 2000, commence avec l’instauration définitive des changes flottants en 1976 et avec l’invitation adressée à un premier groupe de pays émergents (la Corée du sud, l’Asie du sud-est, la Turquie, l’Amérique Latine etc.) à participer au grand marché international que leur ouvraient les pays industrialisés. Dans toute cette période, la Russie et la Chine restaient largement à l’écart.
La deuxième période, depuis 2000, commence quand les États-Unis donnent leur feu vert à l’entrée de la Chine à l’OMC. Elle y entrera effectivement fin 2001, bénéficiant de droits de douane quasiment et définitivement nuls sur les produits made in China qu’importent les pays industrialisés. Et cela alors qu’elle dispose par ailleurs d’un avantage de sur-compétitivité majeur : en 2004, un grand industriel européen m’avait dit que le coût salarial ouvrier horaire en Chine était 80 fois inférieur dans leurs usines chinoises à ce qu’il était dans leurs usines implantées aux États-Unis. Je pense que ce rapport de 1 à 80 en 2004 a migré pour revenir en 2013 aux environs de 1 à 30, ce qui reste encore totalement insupportable et déstabilisateur pour les autres pays.
Cette incroyable configuration, que l’on pourrait désigner comme la sino-mondialisation, se différencie complètement de la première mondialisation : de 1870 à 1914, l’or était de facto la monnaie du monde, ce qui empêchait toute manipulation de change. Il était de ce fait exclu qu’un pays puisse maintenir indéfiniment sous-évalué le cours de change de sa monnaie comme la Chine le fait depuis 1994. Dans la première mondialisation (1870 à 1914), les différences de compétitivité étaient donc beaucoup plus minimes qu’elles ne le sont aujourd’hui.
Par ailleurs la mobilité du facteur capital était quasiment inexistante dans la première mondialisation. Il était exclu que les entreprises britanniques tranfèrent leurs usines et leur savoir-faire dans les pays concurrents. Aujourd’hui, c’est pratique courante pour les capitaux occidentaux.
On a en réalité depuis l’année 2000 un pays, la Chine, qui déstabilise une première fois les pays industrialisés et les vrais pays émergents (Brésil, Inde, Turquie…) en leur infligeant des déficits commerciaux colossaux et répétés, et qui les déstabilise une deuxième fois en concentrant sur son territoire tout l’investissement industriel des grandes multinationales. Apple localise toute sa production en Chine (très récemment Apple a annoncé qu’il envisageait d’implanter pour la première fois une usine aux États-Unis !).
Au total la sino-mondialisation qui s’est instaurée fin 1999 est plus ravageuse encore que ne l’avait été la première mondialisation (de 1870 à 1914). Nous sommes entrés dans une période où, jour après jour, la Chine déstabilise le reste de l’économie mondiale.
Ne pas l’admettre constitue à mon avis une erreur coûteuse et coupable.
J’en viens maintenant à mon propos central, celui que j’avais préparé.
Je commencerai par une remarque : quand il s’agit de parler de système monétaire international, gardons-nous de tout académisme. La monnaie du monde est un enjeu géopolitique majeur. Ce ne sont pas quelques experts économiques qui, faisant table rase du contexte géopolitique, peuvent prétendre définir et faire admettre une monnaie mondiale idéale. Comme l’expérience l’a d’ailleurs montré, ces experts ne pourront pas faire aboutir leurs idées si par ailleurs ils négligent la rivalité géopolitique intense qui oppose, désormais ouvertement depuis 2008, les États-Unis et leurs alliés d’un côté, la Chine et la Russie de l’autre.
Je tiens à vous livrer un mot que se plaisait à répéter Maurice Allais dans son cours d’économie politique à l’école des Mines : « Il n’y a jamais loin du monétaire au militaire ».
Il avait raison : lorsque M. Sarkozy a été nommé responsable du G20 pour une durée d’un an entre octobre 2010 (sommet de Séoul) et novembre 2011 (sommet de Cannes), il a eu l’idée d’inscrire à son agenda de dirigeant annuel du G20, la réforme du système monétaire international. Invités à y réfléchir, beaucoup d’experts, imaginant à tort qu’on était dans un monde multipolaire et coopératif, ont abouti à la proposition que défend Jacques Mistral dans son livre : la création d’une nouvelle monnaie internationale, le nouveau DTS, qui se substituerait au dollar comme monnaie du monde et qui consisterait à inclure dans une monnaie-panier le dollar, l’euro, le yen, la livre sterling et le yuan.
À ce projet, la Chine et la Russie ont applaudi bruyamment, percevant immédiatement l’avantage qu’elles en tireraient : si les États-Unis ne pouvaient plus, comme ils le font actuellement, financer leurs dépenses militaires en émettant des dollars qui sont ensuite conservés et détenus par les banques centrales étrangères, leur capacité de rénovation de leur système d’armement s’en trouverait brusquement amoindrie.
Les États-Unis de leur côté ont perçu l’énorme danger que cette réforme faisait peser sur eux et sur leur capacité à résister au surgissement géopolitique de Pékin. C’est la raison pour laquelle, début 2011, contre toute attente et pour la première fois dans l’histoire du FMI , les États-Unis ont préféré apposer leur veto (veto dont ils sont le seul pays à disposer) à une proposition qui était majoritaire au Conseil du FMI : le projet avait en effet reçu l’aval de Moscou, de Pékin, de Tokyo, de Berlin, de Paris, de Londres et même du secrétariat du FMI. Un enjeu majeur les a amenés à mettre un tel veto : ils ne pouvaient pas laisser passer une proposition qui, comme on le verra, menaçait le maintien de leur suprématie géopolitique face à la Chine.
Tout cela montre qu’il faut refuser l’académisme et, au contraire, mesurer l’enjeu géopolitique de la monnaie du monde dans le nouveau contexte mondial.
Pendant très longtemps la monnaie du monde a été une monnaie marchandise, le plus souvent l’or, parfois l’argent, d’autres fois encore l’or et l’argent (dans des systèmes bimétalliques) mais jusqu’à 1914, la monnaie du monde avait toujours été une monnaie marchandise. De ce point de vue la première mondialisation (1870-1914) était emblématique puisque tous les pays qui comptaient s’étaient successivement ralliés au choix de l’or pour régler les échanges internationaux. On l’a rappelé tout à l’heure, c’est la guerre de 1914 qui a mis fin à cet étalon-or.
Plus tard, en 1945, après la seconde guerre mondiale, les États-Unis tentèrent de mettre en place ce qu’on a appelé « l’étalon de change or » : la monnaie du monde devenait une monnaie-papier, le dollar, mais la banque centrale des États-Unis s’engageait à maintenir la convertibilité en or de ce dollar-papier pour les banques centrales étrangères qui leur présenteraient des dollars au remboursement en or.
En quatre étapes successives, de 1961 à 1976, les États-Unis finirent par rompre leur engagement initial. À partir de 1976 (sommet de la Jamaïque), on entre dans un système monétaire mondial où le dollar devient la monnaie du monde alors qu’il n’a plus aucun lien avec l’or. C’est à partir de cette date que devient légitime la fameuse expression : « le privilège exorbitant du dollar ». Dès lors, en effet, les États-Unis obtiennent le privilège suivant : le dollar-papier qu’émet leur système bancaire est admis comme la monnaie du monde. De ce fait, ils peuvent facilement financer leurs dépenses militaires en recourant simplement à la création monétaire.
Comment les États-Unis ont-ils réussi à faire admettre en 1976 une telle prérogative à leurs partenaires ?
Deux facteurs ont facilité la sortie des États-Unis des accords de Bretton Woods :
D’une part depuis 1944, la Chine et la Russie, par une hostilité absolue au capitalisme, étaient restées complètement en dehors du FMI et de l’OMC
D’autre part, les autres pays occidentaux étaient, eux, soumis à la tutelle des États-Unis qui assuraient leur défense face à la menace militaire émanant de l’URSS et de la Chine.
L’année 1976 marque en tout cas un tournant.
Quatre ans plus tard, en 1980, M. Reagan arrive au pouvoir aux États-Unis et entreprend de défaire l’URSS en amorçant la guerre des étoiles. Tablant sur le fait que leur capacité financière est désormais très supérieure à celle de l’URSS, les États-Unis entreprennent alors d’infliger aux Soviétiques une course aux armements dont ils espèrent bien sortir vainqueurs. À partir de 1980, ils se livrent à de colossales dépenses de recherche militaire. Ils bénéficient pour cela de ce que le dollar est la monnaie du monde : ils financent la guerre des étoiles en émettant des dollars qui viennent s’accumuler dans les pays du Golfe, en Europe, au Japon et dans quelques autres pays. Pendant ce temps-là, l’Arabie saoudite, devenue un allié des États-Unis organise un contre-choc pétrolier pour ruiner les recettes pétrolières de l’URSS. Les États-Unis de leur côté tirent le prix de l’or vers le bas pour ruiner les exportations d’or de l’URSS et déprécier ses réserves d’or. Au total, faute de moyens financiers, l’URSS se trouvera militairement distancée et économiquement déstabilisée. Elle finira par capituler en 1989.
Dans un entretien diffusé sur France 2, M. Gorbatchev répondait à M. Védrine, qui voulait lui signifier qu’il s’était fait duper par des leurres américains, qu’il avait en réalité capitulé parce que les États-Unis avaient mis au point un système satellitaire capable de paralyser du jour au lendemain le système de télécommunications russe, condamnant l’URSS à une défaite inéluctable en cas de confrontation armée. Les États-Unis ont donc gagné la guerre des étoiles en bonne part grâce au privilège de monnaie du monde qu’avait le dollar (et que conserve encore le dollar).
La Russie et la Chine gardent d’ailleurs un très mauvais souvenir de cette période.
Même si la Chine était l’alliée des États-Unis dans la période de la guerre des étoiles, l’effondrement brutal de l’URSS face aux États-Unis a fini par susciter son inquiétude quant à la suprématie militaire que manifestaient les États-Unis. C’est à partir de ce moment-là que la Chine s’est rapprochée à nouveau de la Russie.
La Russie quant à elle considère qu’elle a une revanche à prendre sur les États-Unis et serait très satisfaite de détrôner le dollar pour y substituer une autre monnaie… par exemple le yuan.
Cet épisode de la guerre des étoiles reste en tout cas présent chez tous les stratèges, qu’ils soient russes, chinois ou américains. Les économistes, eux, ont l’immense tort de l’avoir oublié. Si les États-Unis mettent autant d’ardeur à conserver le dollar monnaie du monde et si l’axe Russie-Chine s’attache autant à détrôner le dollar pour le remplacer par le yuan, c’est en raison de l’enjeu géopolitique majeur que constitue désormais la monnaie du monde.
M. Mistral m’a reproché de voir le yuan comme une monnaie agressive. Oui, le yuan est une monnaie agressive. Et ce à deux niveaux :
Premièrement, en maintenant le yuan lourdement sous-évalué contre toutes autres monnaies, la Chine s’arroge un autre privilège, celui de la surcompétitivité. Les autres pays subissent tous de ce fait un déficit manufacturier très important à l’égard de la Chine, ce qui pénalise gravement leur rythme de croissance.
Deuxièmement, Pékin a pris toutes sortes d’initiatives pour promouvoir le yuan aux dépens du dollar, faisant en sorte que le yuan soit de plus en plus utilisé dans les grandes transactions commerciales internationales. Le commerce extérieur de la Chine se fait de plus en plus en yuan. La Russie, l’Australie, l’Amérique du sud adoptent de plus en plus le yuan dans leurs échanges avec la Chine. Les opérations financières internationales en yuan se multiplient et les banques centrales étrangères ont désormais la capacité de déposer des yuans très bien rémunérés à la banque centrale de Chine et de pouvoir en ressortir très facilement.
Et il faut maintenant clarifier dans quelle configuration géopolitique nous sommes.
Ne nous donnons pas le ridicule de parler de multipolarité ! Depuis 2008, la bipolarisation est évidente entre la Chine et les États-Unis. Il y a maintenant parité entre la puissance géopolitique globale des États-Unis et celle de la Chine.
Reprenons ensemble les principaux paramètres qui contribuent à la puissance.
Depuis 2010, la Chine est la première puissance industrielle. Selon les statistiques de l’ONU, sa production industrielle dépasse celle des États-Unis depuis 2010.
La Chine est maintenant la première puissance commerciale, dépassant les États-Unis, l’Allemagne et le Japon. La Chine est le premier partenaire commercial d’une majorité croissante de pays souverains de la planète (États-Unis, Japon, Allemagne, Inde, Brésil…).
La Chine s’apprête à devenir la première puissance économique. Officiellement, pour 2013, le PIB chinois est encore inférieur de 20 % à celui des États-Unis mais le PIB américain est surestimé (car il inclut tous les profits des hedge funds) tandis que le PIB de la Chine est sous-estimé. Je pense que d’ores et déjà le PIB chinois est à parité avec celui des États-Unis. Les conséquences sont importantes : les multinationales sont obligées d’être très complaisantes avec Pékin dès lors que le marché chinois pèse maintenant aussi lourd que le marché américain.
La Chine est de très loin la première puissance financière au monde. Elle vient d’annoncer 3950 milliards de dollars de réserves de change auxquels il faut ajouter les 1200 milliards de ses Sovereign Wealth Funds. Cela nous amène à 5150 milliards de dollars. Et il faudrait ajouter pour être complet les 1200 milliards de dollars de réserves de change que détient Hongkong, qui fait partie de la Chine. La Chine est donc de très loin la première puissance par ses réserves de change (derrière elle on trouverait le Japon et l’Arabie saoudite avec seulement 1500 milliards environ de réserves de change). Le pays qui détient les principales réserves de change est virtuellement le pays créancier du monde. Certes la Chine a déclaré qu’elle ne voulait pas être le banquier du monde mais elle a de telles réserves de change que tous les pays en difficulté se voient contraints de solliciter son aide. Cela confère évidemment un levier diplomatique très important à la Chine.
Or, sur le plan diplomatique aussi, la Chine a accumulé les succès ces derniers temps. Elle a montré combien était solide et robuste son alliance avec la Russie, qui date maintenant d’environ vingt ans. Elle a réussi à faire basculer dans son orbite un Pakistan longtemps partagé entre deux alliés, les États-Unis et la Chine. Et surtout, la Chine a organisé les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) dans un forum géopolitique régulier. C’est un succès diplomatique très important pour elle.
Par ailleurs il faut rappeler que la Chine est depuis très longtemps la première puissance démographique du monde. Sa population reste quatre fois supérieure à celle des États-Unis.
Vous constaterez avec moi que s’il y a encore parité globale entre la puissance géopolitique américaine et la puissance géopolitique chinoise, c’est uniquement parce que les États-Unis conservent encore la suprématie monétaire et la suprématie militaire (nourrie par la suprématie monétaire). En conséquence, si les États-Unis acceptaient que le dollar monnaie du monde fût remis en cause, c’en serait vite fini de cette parité géopolitique globale entre les États-Unis et la Chine : la Chine prendrait sans délai l’ascendant géopolitique au niveau mondial. Avec cet éclairage, on comprend mieux pourquoi Washington a apposé son veto au projet de nouveau DTS qui remettait en cause sa suprématie monétaire.
« La Chine est pacifique », ont longtemps répété, pour nous rassurer, beaucoup d’intellectuels occidentaux, en particulier Niall Ferguson qui expliquait « Ne vous inquiétez pas, nous sommes dans ‘Chinamérica’ », désignant par là un accord de long terme qui aurait été soi-disant passé secrètement entre les États-Unis et la Chine. Selon ce prétendu accord, les États-Unis admettaient la sous-évaluation du yuan et se résignaient à subir des déficits répétés et considérables à l’égard de la Chine. En contrepartie, la Chine s’était soi-disant engagée à assurer des flux de capitaux renouvelés vers les États-Unis et à procéder en particulier à des achats d’obligations du Trésor américain pour des montants très importants. Chacun, nous expliquait-on, y trouvait son compte : la Chine accumulait des réserves de change considérables à mesure de ses excédents commerciaux ; grâce à l’aide financière systématique de Pékin, les États-Unis pouvaient eux pratiquer une politique budgétaire et monétaire laxiste, ce qui leur permettait de maintenir une croissance forte de leur PIB en dépit de l’impact récessif de leurs déficits commerciaux répétés à l’égard de la Chine.
Trop d’observateurs et de dirigeants ont cru trop longtemps à ce ‘Chinamérica’. Mais dès mars 2008, avec l’affaire Bear Stearns, elle-même prémonitoire de la chute de Lehman Brothers (septembre 2008), Pékin, prend conscience de la vulnérabilité de l’économie et de la finance américaines, et lève le masque : Pékin prend dès lors des initiatives qui contredisent l’existence d’un accord ‘Chinamérica’ et qui visent manifestement à accentuer la déstabilisation de l’économie américaine. Entre autres actions menées, la Chine cesse brutalement d’acheter des obligations d’État américaines, elle interrompt brusquement le léger mouvement d’appréciation du yuan qu’elle avait accepté de mettre en place après 2005 et surtout, en même temps que la Russie, elle commence à dénigrer publiquement le dollar : « le dollar monnaie du monde n’est plus légitime…» « il faut passer à autre chose… » « la formidable hausse de l’or est la meilleure manifestation de ce que la suprématie du dollar n’est plus justifiée…». La Chine a sans doute même encouragé et accentué la hausse de l’or pour que les États-Unis et le dollar soient mieux déjugés.
Tout à l’heure, Jacques Mistral a rappelé à juste titre les nombreux points de friction qui aujourd’hui prennent un aspect militaire (en Syrie, en Ukraine, en mer de Chine du sud, en mer de Chine de l’est…). Sur plusieurs fronts, Russie et Chine s’opposent sur le plan diplomatico-militaire aux États-Unis et à leurs alliés. Il en résulte une situation géopolitique très tendue peu propice à une négociation tranquille entre la Chine et la Russie d’une part, les États-Unis et leurs alliés d’autre part.
Dans un tel contexte, une question centrale se pose aux pays européens dont la défense reste assumée par les États-Unis : vont-ils aider les États-Unis à maintenir le dollar monnaie du monde ou bien vont-ils se permettre d’aider la Chine à promouvoir le yuan monnaie du monde au détriment du dollar et de la puissance militaire des États-Unis ?
Pour ma part, en dépit de tous les reproches que l’on peut à juste titre adresser aux États-Unis (la NSA, la deuxième guerre d’Irak, les inacceptables projets de pacte TPP et TTIP, etc.) je pense que de deux maux (dollar monnaie du monde ou yuan monnaie du monde) il faut choisir le moindre. En conséquence, je pense que les pays européens devraient renoncer à faire la promotion du yuan et devraient au contraire s’employer à ce que le dollar demeure la monnaie du monde, en tout cas tant que demeure la menace géopolitique majeure qui nous vient d’une Chine qui reste totalitaire et s’avère maintenant expansionniste.
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[1] M. Antoine Brunet était intervenu au colloque « La France et l’Europe dans les tenailles du G2 » du 18 janvier 2010.
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Le cahier imprimé du colloque « La guerre des monnaies ? » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation
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