De la nature de la Sharia: Loi de Dieu ou loi des Hommes ?

Intervention de Naïla Silini, islamologue et professeur de civilisation islamique, Université de Sousse (Tunisie), au séminaire « La Charia : qu’est-ce à dire ? » du 15 avril 2013

Qu’est-ce que la «Sharia » ? Est-ce vraiment l’expression de la loi divine ? Peut-on parler d’une «Sharia » telle qu’elle est écrite dans le Coran? N’est-elle pas, en fait, qu’un produit de ce que les anciens exégètes et jurisconsultes ont perçu du Coran? à travers les époques, les savants ont fini par croire qu’ils sont les messagers de Dieu, rapporteurs de sa parole divine, et les seuls gardiens du livre Saint.

Pour répondre à ces questions, il est indispensable, d’approcher le corpus coranique comme un texte ouvert à toutes les interprétations, qui ne sont, en fait, que des hypothèses de travail proposées par les anciens exégètes influencés par les multiples doctrines, malikite, hanafite, shaféites, hanbalites, chiites…

Il est indispensable de se comporter avec les fragments coraniques, qui ne sont d’ailleurs toujours pas homogènes, comme face à un texte qui a évolué dans un système historique, produit par des phénomènes qui se construisent et évoluent ; ces phénomènes contrôlent les actes sociaux qui se manifestent quotidiennement dans les relations entre les individus et les formes d’organisations culturelles et sociales.

Cette approche fait surgir la question du Relativisme au sens philosophique du mot. Un sens qui aboutit à adopter l’Historicité de l’interprétation, une interprétation qui se produit sous l’effet du relativisme culturel et du relativisme cognitif.

Cette approche nous permettra de disséquer le terme Sharia devenu, depuis, synonyme de « Loi Divine ».
Parlons de codes coraniques plutôt que de lois.

Trois remarques préliminaires pour caractériser le Coran:
– Notons que le Coran, comme tous les livres anciens, tel que l’Ancien Testament, se distingue par un certain nombre de caractéristiques relatives à la période au cours de laquelle il a été transcrit.
– Notons aussi que les manuscrits coraniques, même les plus récents (XIIème siècle de l’hégire/ XVIIIème après J.C.) préservent une « vérité textuelle » qui peut devenir une hypothèse de travail : en effet, pourquoi les anciens coranistes n’accordaient-ils pas d’importance aux versets, et présentaient-ils les sourates comme une entité textuelle? Peut-on dater cette tendance très marquée à diviser les sourates en versets à partir du XXème siècle ? Cette pratique nouvelle nous a révélé une autre « vérité textuelle », qui ne peut être nommée ni allitération ni pléonasme : elle n’est ni plus ni moins qu’une répétition d’un verset quatre ou cinq fois : « c’est Dieu qui a créé les Cieux et la Terre en six jours et s’est ensuite établi sur Son Trône » (Murailles 7/ 54, Jonas 10/ 3, Hud 11/ 7, Discernement 25/ 59, Prosternation 32/ 4, Qàf 50/38, Fer 57/4).
– Il est donc indispensable d’attirer l’attention sur ce phénomène qui n’est que le produit de la transition de l’oralité à la transcription qu’a subie le Coran.

Comment décrire Le Coran?

Le Coran comporte 114 sourates ; l’ensemble des versets contenus dans ces sourates représente 6236 versets qui parlent de croyance (de la foi), qui font les récits des générations antérieures à la révélation du Coran, ainsi que des codes qu’on peut comparer au « Code de Hammou-Rapi », et davantage à « La Halakha » judaïque rabbinique. Les livres des exégètes et des « fuqahas » utilisent le concept de « Ahkam », qui n’est qu’un ensemble de règles de conduites que doit suivre le croyant. Ces règles prescrivent les relations personnelles, notamment les lois sur les mariages, les divorces, le veuvage, les successions…, un ensemble d’obligations auxquelles les musulmans doivent se soumettre dans leur vie quotidienne et dans leurs relations avec les non-musulmans.

Parler de 442 versets organisant la vie des musulmans ne signifie nullement qu’il y a 442 recommandations, car n’oublions pas les répétitions multiples que contient le Coran. Aussi, localiser « le noyau dur des commandements » dans le Coran nécessite-il un travail de groupe très fouillé.

Cependant, tout cela ne nous empêche pas de délimiter les commandements, piliers sur lesquels les règles de conduites avaient été édifiées, et qui sont les suivants :

Les non-musulmans 133V
Les musulmans 116V
Les rites 94V
Mariages 53V
Alimentation 23V
Héritage 9V
Châtiments 6V
Économie 4V
Fortunes de guerre 4V

Il est à noter que les versets ne constituent guère des unités textuelles homogènes. Grâce à la particularité du style coranique, ils acquièrent un fil conducteur et une vision globale qui deviennent clairs à partir du moment où l’on se démarque de toutes les lignes rouges que traçaient les anciens pour instaurer un « hijab » entre ces versets et le lecteur. Ce hijab est tissé d’outils qui permettent d’appréhender le Coran : les anciens exégètes les ont appelés sciences du Coran. Ce « hijab » remplit une mission primordiale : il dresse un mur entre le Coran et le lecteur « dévoué ». Ainsi, toute interprétation « juste » ne doit, en aucun cas, produire un sens différent de celui des sciences de l’abrogation, des variantes de la lecture du Coran « Qira’at » approuvées par les anciens coranistes.

Ainsi, pour instaurer une nouvelle lecture du Coran et précisément de ces 442 versets, il faut avoir le courage de les libérer de ce «hijab » tissé par des récits qui, fabriqués à travers le temps, ont été considérés comme sacrés, parce que, selon les anciens exégètes, « c’est ce que Dieu a voulu dire ». Cette nouvelle approche nous permettra de lire le Coran « tel qu’il est écrit dans le  « Mushaf », d’étudier la parole coranique qui n’est vivante que dans son contexte général ; elle nous permettra de dire si ces règles de conduites sont des règles générales destinées aux musulmans de tous temps, ou si elles ne s’adressaient qu’aux adeptes du Prophète au temps de la révélation.

Le discours coranique fonctionne dans un système sémiotiquement dynamique ; il contient des variantes qui peuvent parfois apparaître inaccomplies et contradictoires : ce système a la force de réunir dans un seul verset ce qui est licite et ce qui est prohibé, ce qui est péché et ce qui ne l’est pas: « Beaucoup de détenteurs des Écritures, après s’être rendu compte de la justesse de votre cause, brûlent d’envie, par pure jalousie, de vous faire abjurer votre foi et de vous ramener à l’impiété. Pardonnez-leur et soyez indulgents à leur égard jusqu’à ce que la volonté de Dieu s’accomplisse » (« La Vache » Al-Baqara« 2/109); « Combattez-les sans répit jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de subversion et que le culte soit rendu uniquement à Dieu » (« la Vache », «Al- Baqara » 2/193).

Le jurisconsulte se trouve souvent très embarrassé, car ce genre de versets renferme d’irréductibles contradictions, surtout lorsqu’il faut procéder à l’élaboration du droit et dégager les dogmes essentiels de l’islam.

Ainsi, dans la sourate « Déconvenue » (Attaghabun 64/ 12), le verset rassemble deux passages confus selon les jurisconsultes, car ils contiennent des répliques contre la véracité de la religion islamique: « Obéissez à Dieu, obéissez au Prophète ! Mais si vous vous en détournez, sachez que le Prophète n’a pour mission que de vous transmettre le Message en toute clarté.. »
Et c’est dans ce contexte coranique, qu’on évoque la relation entre les musulmans et les non-musulmans, qualifiés de gens du livre, « Ahl al-kitab ».

Ces remarques nous permettent de tracer quelques axes pour une nouvelle définition du Coran : reconnaître le dynamisme du système coranique, admettre que le Coran est un texte vivant, ouvert aux interprétations nouvelles, le discours coranique est une réponse aux interrogations des fidèles. Cependant il a souvent été mal interprété par les savants, surtout par les savants musulmans de notre époque. Les lois qu’ils ont produites et l’interprétation qu’ils en ont faite consacrent une rupture, peut-être même une fracture, entre l’institution religieuse et la société.

Redéfinir le Coran permettra de lire le texte « comme il est écrit », d’admettre que les règles de conduite qu’il énonce et qui étaient pratiquées des siècles durant ont été dépassées par le temps. Les sociétés ne reconnurent plus ces règles : elles les remplacèrent par d’autres au gré des circonstances. Elles les approuvèrent et s’y adaptèrent.

Ainsi, le Coran, comme la Bible, a parlé de châtiments corporels et d’esclavage ; mais la nouvelle lecture du Coran permettra de le définir en tant que texte sacré qui était aussi à la recherche d’une approbation par les adeptes au temps de la révélation, et cette approbation n’est acquise que lorsqu’il s’infiltre dans leurs coutumes et se les approprie .

La Sharia est un bon exemple qui démontre le hiatus entre le texte coranique et les lois qu’il a générées. Nous allons essayer d’en faire la démonstration

Qu’est-ce que la Sharia selon les exégètes anciens?

Ces exégètes anciens étaient-ils conscients qu’ils participaient au modelage d’un concept qui, au départ, n’était qu’un simple mot et qui n’avait de valeur que dans un champ linguistique bien déterminé, formant, avec d’autres champs, une sémiotique qui s’articulait dans le système coranique?

Le Coran n’a employé le mot Sharia qu’une seule fois : « Nous t’avons ensuite placé sur la Voie légale qui procède de Notre Ordre. Applique-toi à la suivre ! Ne suis pas les passions de ceux qui ne savent pas », (l’ Agenouillée 45/18). Ce verset a été une occasion pour les exégètes de nous donner quatre sens différents du mot Sharia :

1. Tabbari + 310 h, l’a expliqué par « le droit chemin »
2. tandis que Razi + 604 h, s’est référé au verset 48/17 pour dire que la Sharia n’est autre que « les signes de la prophétie ».
3. Pour El Qortobi +671 h, la Sharia signifie le droit chemin et la religion.
4. Quant à Tahanawi + 1158 h, il nous donne une définition bien particulière par rapport aux approches de ses prédécesseurs : pour lui « ‘la Sharia est la reconnaissance du croyant de son statut d’esclave » : soumission totale à Dieu et au souverain.

D’après les trois premières définitions, on constate que le terme Sharia n’a pas évolué au cours des siècles : il est défini par loi islamique régissant la piété, la croyance et la dévotion. Cependant, Tahanawi par son approche particulière de la Sharia, nous incite à remettre en question la dimension juridique, car quel rapport y a-t-il entre la Sharia et l’esclavage sinon l’obéissance, la soumission et l’obédience? (ou allégeance ?)

Il semble que la définition fournie par Tahanawi n’était que le commencement d’une remise en cause de la définition des ancêtres du terme Sharia. Et depuis, les savants ont cherché à en faire un ensemble de règles morales et de sanctions pénales régissant la vie des musulmans.

Et la Sharia devint alors l’obligation d’appliquer les sanctions édictées dans le Coran, par la tradition du Prophète (Sunna), et par le consensus des oulamas. À partir de là, le Coran fut recouvert de tissus textuels, qui ne sont en réalité que production humaine, influencée par des facteurs multiples d’ordres politique, économique, coutumier… Pour ces savants, personne ne peut prétendre que la Sharia est un ensemble de phénomènes complexes, produit de la conscience collective pour sauvegarder l’équilibre social. Pour ces mêmes savants, la Sharia est devenue, comme par miracle, synonyme d’un ensemble d’interdits liés à la Femme, et rien que la Femme, des interdits qui emprisonnent ses actes et ses pensées, ses envies et ses désirs. En résumé, la Sharia a fait de la femme, bien malgré elle, la « protectrice » des valeurs de l’islam et le bouc émissaire pour sauvegarder la omma des musulmans.

Grâce à la Sharia, l’institution religieuse a pu conserver la répartition pyramidale de la société et la division horizontale des classes sociales, basée sur une ségrégation entre mâle et femelle, libre et esclave, riche et pauvre…Dans ce contexte, je voudrais citer la définition de la ségrégation donnée par Simone de Beauvoir : « L’idée de ségrégation… s’appuie sur le slogan « égaux mais différents ». On sait que l’idée d’égalité dans la différence en fait, manifeste toujours un refus de l’égalité. La ségrégation a souvent produit la discrimination ». C’est dans ce champ sémantique que nos islamistes agissent et argumentent. Et pour comprendre cette hypothèse, il faut s’arrêter sur un exemple significatif qui, selon nous, est au cœur de l’émancipation de la femme, de son égalité avec l’homme, et de sa citoyenneté pleine et entière.
C’est ce que nous examinerons dans la deuxième partie.

L’héritage: violence « légitime » exercée sur les femmes

Nous avons choisi d’étudier la question de l’héritage pour les raisons suivantes :

À chaque fois qu’il est question de reconsidérer certains articles du Code du statut personnel, le problème de l’héritage fait l’objet d’une vive polémique entre des personnes de sensibilités différentes.

À chaque fois que sont abordés des concepts ayant un rapport avec les préoccupations de la société civile et de l’État moderne, comme l’égalité et la liberté, la question de la succession refait également surface.

À chaque fois que la question du mode de partage de l’héritage est évoquée, des sensibilités très diverses s’en emparent : elles ont débouché sur des prises de position qui se heurtent les unes aux autres : certains sont favorables au partage tel qu’il est défini par la Sharia, d’autres non ; d’autres encore vont jusqu’à accuser d’impiété tous ceux qui osent poser le problème. C’est à croire que ce mode de partage de l’héritage serait indissociable de la foi et qu’il suffirait de le reconnaître et d’éviter d’en parler pour prouver sa foi en Dieu, l’Unique et en Mohamed son Prophète.

Y a-t-il une relation entre l’héritage en tant que loi et le projet islamique?

Dans cet ordre d’idées, une question s’impose : comment expliquer cette susceptibilité si exacerbée que seul l’étouffement de la voix de la différence pourrait l’apaiser? Pourquoi aborde-t-on, de manière aussi systématique, la question de la foi et de l’impiété dès qu’un mouvement appelle à l’égalité entre l’homme et la femme ? Peut-on réduire, alors, la foi à la personne de la femme, de telle sorte que le salut de la nation serait tributaire de l’acceptation par celle-ci de cette injustice « légitime » et de sa soumission au postulat que Dieu aurait exprimé, à ce propos, dans son Texte Saint ? Adopter une attitude différente serait-elle une hérésie dont l’auteur serait damné et aurait à subir la colère de Dieu et à croupir en enfer ?

C’est ce raisonnement-là qu’on a eu l’habitude de tenir face à toute lecture tendant à traduire l’égalité entre l’homme et la femme en termes de lois et de dispositions. Et, si nous voulons dépasser cet obstacle, nous devons avoir l’audace de tourner en tous sens ces postulats et d’œuvrer à trouver des réponses à ces questions dans la perspective d’un engagement, de notre part à tous, à adopter une attitude sincère qui, par-delà toute idéologie, renforcerait notre détermination à nous entraider les uns les autres en vue de contribuer à ce que notre société puisse accéder à un état meilleur.

Nous pensons, en effet, que la question de la succession est un exemple vivant, parmi tant d’autres, qui devrait faire l’objet d’un examen minutieux afin que l’on puisse entreprendre, une démarche nouvelle dans ce domaine, susceptible de nous dégager de ce faux-semblant de lecture innovante. Ce n’est ni plus ni moins qu’une duperie, un trucage qui nourrit, chez l’homme, une crainte maladive d’un « ennemi » imaginaire qu’on a créé et gardé dans notre conscience collective.

Nous sommes conscients qu’il s’agit là d’un sujet assez complexe, du fait même que ce mode de partage de l’héritage est resté renfermé sur lui-même durant quinze siècles. Ne vous attendez pas à ce que nous vous présentions une recette préétablie à ce propos. Nous nous contenterons, tout simplement, de mettre l’accent sur deux questions : Comment les Anciens ont-ils lu les Versets portant sur l’héritage ? Et comment de notre côté, les lisons-nous aujourd’hui ?

L’analyse de chacune de ces questions pourrait faire l’objet de plusieurs livres. Nous nous limiterons, par conséquent, à un certain nombre de remarques propres à engager la réflexion :
Interrogeons directement les sources, ayons le courage de franchir l’obstacle de la « sacralité prétendue des textes anciens », que seuls les oulamas s’arrogent le droit d’aborder. Ces textes n’attendent que d’être interrogés : ils sont vivants malgré l’étouffement qu’ils ont subi des siècles durant :

Pour une reconsidération du mode de partage de l’héritage

Commençons par dire que nous refusons les spéculations qui sont toujours dans la bouche de ceux qui parlent d’héritage et qui se contentent d’énumérer les cas de figures citées par le Coran dans les Versets 11 et 12 de La Sourate des Femmes car, en ne citant que ces seuls cas, on en écarte d’autres qui pourraient donner lieu à des interprétations plus humaines.

En effet, le Coran concerne aussi bien le domaine de la vie privée que celui de la vie publique. Partant de là, si nous admettons le postulat qui stipule qu’il est ouvert sur toutes les époques, nous devons admettre aussi, qu’il est porteur d’autant d’idées et de significations susceptibles d’apporter des réponses aux préoccupations des gens, quelle que soit leur époque. Ainsi, nous pourrons nous appuyer sur ce genre de Versets, susceptibles de constituer une source de législation, pour répondre aux besoins des sociétés contemporaines.

Nous ne nions cependant pas que les jurisconsultes et les exégètes se soient appuyés sur ces Versets pour soutenir l’idée que les prescriptions qui régissent la jurisprudence relative aux successions et qui figurent dans les Versets 11 et 12 de La Sourate des Femmes 4, constituent, dans ce domaine, la règle divine originelle rejetant, ainsi, catégoriquement, toute possibilité d’en faire un objet de discussion sous prétexte que ces Versets et leurs significations sont établis une fois pour toutes. [1]

Nous nous contenterons, à ce propos, de citer les Versets 7 et 8 de La Sourate des Femmes : « 7. Aux héritiers mâles est assignée une portion déterminée de ce qu’ont laissé leurs parents et proches, et aux femmes de même est réservée une part de la succession de leurs parents et proches, quelle qu’en soit la quantité. 8. Au cas où des proches non héritiers, des orphelins et des pauvres assisteraient au partage de la succession, on leur en donnera quelque chose, et l’on usera de bons procédés à leur égard. »

Nous citerons aussi la séquence coranique qui figure dans les Versets 11 et 12 de La Sourate des Femmes 4 et qui s’apparente à une recommandation adressée à l’ensemble des musulmans « après que les legs et les dettes du défunt auront été acquittés » : «11. En ce qui concerne vos enfants, Dieu vous prescrit d’attribuer au garçon une part égale à celle de deux filles. S’il n’y a que des filles, et qu’elles soient au moins deux, il leur sera attribué les deux tiers de ce que laisse le défunt ; mais s’il n’y en a qu’une seule, elle en prendra la moitié. Si le défunt laisse un enfant, les ascendants, père et mère, auront chacun un sixième de l’héritage. Mais s’il ne laisse pas d’enfant, et que ses père et mère soient ses seuls héritiers, la mère aura droit au tiers. S’il laisse des frères et des sœurs, sa mère aura le sixième, après que les legs et les dettes du défunt auront été acquittés. De vos ascendants ou de vos descendants, vous ne savez pas lesquels vous sont les plus dévoués. C’est là une obligation divine à observer. Dieu est Omniscient et sage.

12. La moitié de ce que laissent vos épouses vous revient, si elles n’ont pas d’enfants ; mais si elles en laissent, vous n’aurez droit qu’au quart de ce qu’elles laissent, après que les legs et les dettes grevant la succession auront été acquittés. Vos épouses ont droit au quart de ce que vous laissez, si vous n’avez pas d’enfants ; mais si vous en avez, elles n’auront droit qu’au huitième de ce que vous laissez, déduction faite de tout legs ou dette grevant la succession. Quand un homme ou une femme meurt sans laisser d’ascendants ou de descendants, à la survivance d’un demi-frère ou d’une demi-sœur d’une même mère, chacun de ces derniers aura droit à un sixième ; mais s’ils sont plus nombreux, ils se répartiront le tiers de l’héritage, déduction faite de tout legs ou dette non préjudiciable aux héritiers. C’est ce que Dieu vous recommande, car Il est Omniscient et Plein de mansuétude ».

Les exégètes et les jurisconsultes, les Anciens comme les nouveaux, auraient-ils été insensibles à ces constantes du Coran ? Certainement pas, mais ils continuent de s’efforcer de chercher des solutions leur permettant d’éviter de regarder la réalité en face.

– Certains, parmi eux, considèrent en effet, que Dieu a prescrit le legs bien avant le partage de l’héritage [2]. C’est comme si la parole divine nous était parvenue par bribes sorties de leur contexte et qu’il fallait, ensuite, que les exégètes interviennent pour remettre dans leur contexte les mots mêmes qui composent le Verset. Les deux Versets 11 et 12 de la sourate les femmes 4 se caractérisent, en effet, par un style assertif dont la signification est claire : Dieu aurait, ainsi, ordonné clairement le recours au legs.

– D’autres soumettent le Texte divin à la réflexion et agissent sur la structure même du Verset 8 de La Sourate des Femmes : « 8. Au cas où des proches non héritiers, des orphelins et des pauvres assisteraient au partage de la succession, on leur en donnera quelque chose, et l’on usera de bons procédés à leur égard. » Et ils ajoutent une anecdote qui, relative à la jurisprudence, est lourde de conséquence, puisqu’elle change complètement le sens du Texte coranique en posant la condition suivante : « si la fortune est abondante » [3]. Nous sommes donc en droit de conclure que si Dieu avait voulu poser cette condition, il l’aurait tout simplement fait.

– D’autres encore se sont rendu compte du caractère dangereux d’un tel dérapage : ils se sont permis de considérer le legs comme une prescription définitive et de reconnaître que l’homme/ la femme est libre de léguer sa fortune à qui il veut, homme ou femme, parent, pauvre ou même quelqu’un de passage. Et il semble que la meilleure interprétation est celle que les exégètes ont retenue d’Ibn Joubeir et d’El Hassen. Ibn Joubeir dit en effet : « Les gens n’ont pas profité de l’opportunité que pouvait leur offrir ce Verset ». Et El Hassen de répondre : « Mais les gens deviennent avares !? », et dans une autre version : « Certains prétendent que ce verset est un faux, il n’en est rien, j’en suis sûr, mais il fait partie de tant d’autres qui ont été occultés. » [4]

– D’autres, enfin, s’efforcent de jouer aux conciliateurs. Ils adoptent, pour ainsi dire, l’attitude communément partagée par les différentes tendances des jurisconsultes : ils reconnaissent la légitimité du legs mais en le faisant dépendre d’une condition fondamentale puisée dans un propos attribué au Prophète : « Point de legs aux héritiers » auquel ils ajoutent l’expression suivante : « Il n’est de legs que dans les limites du tiers de la succession. » Il n’est nullement question, dans cet article, d’étudier l’originalité de ce propos attribué au prophète. Aussi, nous nous contenterons de renvoyer à nos travaux assez approfondis sur la question [5]. Le fait est que les musulmans se sont détournés de leur Texte Sacré et qu’ils se sont contentés d’appliquer ce propos au lieu d’examiner de près ce que Dieu leur a prescrit.

Néanmoins, ce propos devint dans l’approche des jurisconsultes un postulat lié quasi nécessaire pour le partage des parts de succession entre homme et femme. L’Imam Malek disait, comme si c’était une prescription divine, que la femme ne dispose que du tiers de son héritage ; et d’ajouter que seul le tuteur de la femme (père ou mari ou fils) est juge pour lui céder le tiers qui n’est qu’une opportunité limitée par une condition «  s’il s’avère qu’elle (la femme) est brave » [6].

Qu’y a-t-il de sacré dans tout ce que nous avons exposé ?

Les institutions religieuses excellent dans l’art d’adopter les positions des Anciens et de les légitimer. Elles se sont érigées en représentantes de la parole de Dieu auquel elles attribuent tout ce qui correspond à leur propre conception du Texte Sacré, enchaînant ainsi les esprits et traitant d’impies tous ceux qui cherchent à connaître le sort dévolu à certaines dispositions qu’on ne voit plus dans le texte coranique. Nous nous contenterons de citer, comme exemple, l’héritage du grand père. Tout chercheur ayant abordé ce sujet afin d’en comprendre les origines historiques a été considéré comme un fauteur de troubles. Et tous ceux qui se sont interrogés sur les conditions dans lesquelles les Versets comportant des prescriptions ont été révélés, ont été accusés de vouloir générer des dissensions entre les musulmans, bien que les Anciens eux-mêmes se soient interrogés là-dessus, donnant lieu à une polémique interminable et sans issue. [7]

Par ailleurs, le Coran n’a pas fait état de tous les cas de figure relatifs à l’héritage. C’est pourquoi les jurisconsultes ont eu besoin, à travers l’histoire, de concevoir toute la jurisprudence traitant des successions et dont les dispositions furent assez complexes à l’image de la complexité structurelle de la société. Puis, ces dispositions se sont transmises de génération en génération, sans que l’on tienne compte des situations des sociétés et de leur dynamique interne. Cette « science » est ainsi devenue obsolète et anachronique car la structure de notre société d’aujourd’hui ne peut plus supporter, dans le domaine des successions, des questions du genre « La mère des veuves » qui relèvent d’autres dispositions liées à la polygamie : le mari qui meurt laissant trois veuves, deux grands-mères, huit demi-sœurs d’un même père et quatre demi-sœurs d’une même mère. Et Al Karafi de faire le commentaire suivant : « Dix-sept femmes ont hérité dix-sept dinars qu’elles ont dû partager en raison d’un dinar par personne » [8]. Cela n’est pas sans rappeler non plus l’histoire d’ « El Minbariya » qui a poussé Ali Ibn Abi Taleb à monter sur la tribune et à crier en parlant d’une femme dont le mari vient de décéder: « Neuf « dinars », c’est ce que vaut chaque femme maintenant ! » [9].

Ce qu’il y a, pourtant, de positif dans ces cas juridiques sur lesquels les juristes fouqaha s’étaient penchés, c’est que ces textes n’ont cessé de nous démontrer que l’approche des Anciens n’est qu’un produit culturel, et n’ont, en effet, rien à voir avec le Texte Saint ; que ces cas juridiques cherchaient leur légitimité en se basant sur les coutumes comme source du droit musulman.

C’est pourquoi nous pensons qu’il est légitime d’envisager la reconsidération du mode de partage des successions. Nous tenons à préciser, cependant, que l’institution du legs comme une pratique fondamentale est loin d’être considérée comme une perspective idéologique. Notre souci majeur, c’est de pouvoir contribuer à restituer à l’individu sa liberté à disposer de ses biens et à juger par lui-même qui mérite d’en hériter, abstraction faite de toute considération phallocrate ou tribale. Cela est loin d’être une hérésie, c’est une prescription qui nous est imposée par Dieu.

La succession est, comme toutes les autres lois, fruit de «  l’ijtihad des fouqahas », l’histoire nous fournit la preuve que les fouqahas ne pouvaient pas, et ne pourront pas d’ailleurs, penser en dehors du système jurisprudentiel. Celui-ci détient les commandes que le consensus de l’institution religieuse approuve ; ce système jurisprudentiel impose les conditions de l’interprétation du juriste, le Faqih
.
En outre, si l’on se fie aux sources de fiqh, nous constatons un fait troublant : l’absence d’une quelconque organisation sociale ; car, durant les dix premiers siècles de l’hégire, les sociétés ne se sentaient guère obligées d’appliquer ces lois, fruits de l’ijtihad ; d’ailleurs l’exemple de l’héritage a bien démontré que les sous-lois, si l’on peut dire, que les Anciens nommaient ruses juridiques, frayent des voies de sortie qui évitent les confrontations avec un ijtihad difficile à appliquer. Ce phénomène social ne peut être interprété que par le dynamisme social, réputé pour sa tendance à dépasser les lois qui réglementent la vie quotidienne et empêchent de réaliser l’équilibre social.

Toutefois, à partir du XXème siècle, les sociétés arabo-musulmanes furent confrontées à des défis nouveaux, avec une forte coloration idéologique, tendant à réaliser le projet conçu par Hassen El banna, chef des frères musulmans depuis les années 40. C’est le projet islamiste.

Un tel projet est difficile à réaliser, surtout en plein XXème siècle; il a fallu que les frères musulmans s’arment de patience et d’audace, vivent dans la clandestinité dans l’attente du moment propice pour réaliser ne fut-ce qu’une partie de leur projet en espérant des jours meilleurs.

Le premier tournant historique de ce projet fut La constitution. Comment injecter les principes fondamentaux du projet islamiste dans les constitutions des pays arabes ? Y a-t-il un concept, autre que la Sharia, ayant une signification aussi large, qui tende vers la sacralité ? Ce concept serait certainement appelé à investir la vie quotidienne des gens, notamment leur vie intime. Grâce à ce concept, le projet des Frères musulmans, ikhwan, serait réalisable dans de courts délais ; ainsi, les fidèles de Banna concrétisent le rêve de leur chef.

La Sharia référence des Constitutions arabes

Nous présentons dans le tableau suivant la position des constitutions arabes envers la Sharia :

Pays Sharia
Djibouti X
Somalie
Iraq X
Oman X
Palestine X
Qatar X
Koweit X
Liban
Libye X
Tunisie
Egypte X
Jordanie X
Emirates X
Bahrain X
Algérie
Yemen X
Syrie X
Maroc
Mauritanie
Arabie X
Sudan X

Légende:
le « X » indique que la Sharia existe dans la constitution
Le blanc indique que la constitution ne se base pas sur la Sharia

Pour commenter ce tableau nous nous contenterons d’attirer l’attention sur les points suivants :

  • La constitution tunisienne a été instaurée en 1959, bien après le CSP.
  • La constitution égyptienne instaurée au temps du président Abd Nasser ne comprenait pas le mot Sharia.
  • C’est à Sadate que revient le mérite d’avoir introduit le mot Sharia en 1971, Il entretenait une sorte de « flirt politique avec les Frères musulmans » : il en paya le prix en tombant sous leurs balles un certain 6 octobre 1981.
  • Depuis, le mot Sharia est devenu un élément fondamental dans la constitution égyptienne.
  • La Libye utilise le Coran à la place de Sharia.
  • De son côté, l’Arabie Saoudite utilise Coran et sunna pour désigner Sharia. « Deux revers pour une seule médaille ».
  • La Syrie emploie le terme Fiqh pour parler de la Sharia.
  • L’Iraq emploie Islam pour qualifier la Sharia.
  • Il y a divergence entre les pays du Maghreb et l’Orient.
  • La constitution égyptienne est le modèle d’acte juridique des pays de l’Orient.
  • Seulement, ne pas introduire Sharia dans la constitution ne signifie pas que la constitution ne s’inspire pas de l’esprit général des principes fondamentaux de l’Islam : le code du statut personnel algérien, par exemple, se base encore sur les principes de la Sharia. Et même la nouvelle constitution marocaine, qu’on considère comme un des modèles à suivre, n’a pas le courage de se libérer de la Sharia et de décréter l’abolition de la polygamie ; quant au CSP tunisien, il contient encore des dispositions très proches de la Sharia qui sont « ‘les droits de partage ».
  • Tout comme introduire la Sharia dans la constitution ne veut pas dire s’engager à l’application de toutes les lois prescrites par les anciens savants : Beaucoup des pays cités évitent, du moins en apparence, d’appliquer les châtiments corporels préconisés par ces savants et les remplacent par des lois positives.En conclusion : nous pouvons déterminer les différentes positions arabes envers la Sharia par le constat vivant : Les constitutions arabes sont contrariées par la Sharia, morfondues par sa présence lourde, dérangées par ce mot qui ne peut que porter atteinte à l’État civil.

    Le Printemps arabe n’est autre qu’un printemps islamiste pour le monde arabe.

    Se dessine un rapport de force entre une tendance islamiste qui se cache derrière des slogans tels que « islam modéré », « nouvelle approche de l’islam libéral », « égalité entre hommes et femmes mais dans la différence », « dialogue entre les religions », « tolérance religieuse »… et une tendance libérale qui réclame l’institutionnalisation de l’État, l’égalité complète entre hommes et femmes, une égalité qui ne se divise pas, et qui est une condition indispensable pour instaurer la dignité humaine et inciter la société à appliquer la citoyenneté sous toutes ses formes.

    Ce rapport de force se traduit dans le contenu de la constitution : il faudrait mettre en exergue les phrases et les énoncés qui auraient pu avoir des conséquences juridiques sur les lois positives.

    La relation entre ces deux tendances devient tendue. Les islamistes ont senti que le projet islamiste est menacé, et il a fallu que l’Union Internationale des Savants Musulmans, constituée par les Frères musulmans dont Ghannouchi est l’un des membres actifs, vienne à leur secours : citons le manifeste rédigé par l’UISM et envoyé à l’ONU à l’occasion de la tenue de sa 57ème assemblée.

    Rappelons que ce rapport présente « une réflexion sur les stratégies de prévention de la violence à l’égard des femmes et des filles, ainsi que des recommandations sur l’action à mener à l’intention de la commission ».

    Il est vrai que les informations délivrées à ONU-Femmes par les pays montrent que la violence à l’égard des femmes/filles est un phénomène universel. Mais, l’UISM a interprété cette violence dans ses formes très variées : violence dans le couple, mariages précoces ou forcés, mutilations génitales féminines, violence tolérée par l’État… Toutes ces violences ne sont, pour l’UISM, qu’une atteinte à la Sharia, une remise en cause des concepts fondamentaux de la jurisprudence et la qawama en premier lieu : la qawama est une tutelle tyrannique qui a poussé l’homme a transformer la femme/fille en une propriété. Selon eux, la Qawama trace la destinée de la femme comme Dieu l’a voulu.

    En résumé, l’UISM considère que la convention de « L’élimination et la prévention de toutes les formes de violence contre les femmes et les filles » est une violation de la volonté divine, conçue et représentée par les savants musulmans.

    Le conseil islamique s’est mobilisé au mois de mars 2013, peu avant la 57ème assemblée de la Commission des Nations Unies, pour débattre de la condition de la femme. Il rédigea un manifeste qui dénonça et rejeta la convention de la CEDAW. L’introduction de ce manifeste est très révélatrice car elle considère que le monde a été conçu par Dieu à partir de deux composantes Mâle et Femelle. Il est important d’insister sur les différents sens de ces deux mots, qui sont des prolégomènes nécessaires pour comprendre les références juridiques qui guident la jurisprudence islamique : ces deux composantes se caractérisent par une différence sexuelle basée sur un « sexe doué du pouvoir de fécondation » et un autre « qui reproduit l’espèce en produisant des ovules fécondées par le mâle ». De ce fait, on peut parler de bouc mâle et de chèvre, comme on peut parler de l’homme mâle et de la femme.

    Face à ce projet islamiste, dans quel contexte juridique et social se situe la femme ? A-t-elle atteint véritablement le niveau de la dignité humaine ? Pourrons-nous dialoguer avec ces savants qui se sont arrogé le monopole des droits et des devoirs humains? Sommes-nous en mesure de les convaincre, eux qui se présentent comme des messagers de Dieu et gardiens du temple de la Sharia ?

    Je me contenterai de citer quelques passages d’un commentaire écrit par un Frère musulman, pour dénoncer l’initiative de la commission de la femme au Nations unies. Il s’adresse à ses frères en ces termes : « i

[les troupeaux de corruption et de perdition au sein de l’ONU, qui sont les ennemis de l’humanité, œuvrent pour miner les peuples arabes et les priver des éléments les plus précieux qu’ils possèdent : leur honneur et leurs valeurs, leur identité arabe et islamique, et leur divine charia. Ce sont leurs principales sources de force et de fermeté et leur raison de vivre. La soi-disant ONU n’est [rien] qu’une petite porte pour prendre le contrôle des sociétés et des peuples et un outil dans les mains des puissances impérialistes et du sionisme mondial, qui veulent vaincre nos pays arabes et islamiques]i »…Ce Frère (musulman) n’est autre que Mohammed Dib, membre de l’UISM : il emploie tous les moyens pour empêcher l’application de la convention, et se permet même de s’adresser aux fidèles des autres religions du livre : « C’est une intifada, non seulement au nom de l’islam, mais au nom du judaïsme et du christianisme. (Le document) est une attaque et une insulte non seulement à Mahomet, mais aussi à Jésus et à Moïse ».

Puisse cette réflexion contribuer à vous réconcilier avec un islam libéral et contemporain. Puisse-t-elle contribuer à réconcilier les musulmans avec un islam qui met fin à toute dépendance, qui n’entraîne pas la démission de l’esprit, la peur de toute idée nouvelle et la crainte que la foi soit mise en péril.

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[1] Cf. à titre d’exemple, Al Tabari, Traité de rhétorique pour interpréter le Coran, tome 3, pp. 604-631.
[2] Cf., en guise d’exemple, Al Kortobi, Traité des prescriptions du Coran, Tome 5, p. 49.
[3] Cf., Ibidem, p. 48.
[4] Cf. Ibidem.
[5] Cf. Naila Silini Radhoui, L’Historicité de l’exégèse du Coran : Problèmes de la famille et interprétations divergentes: étude sur le mariage, divorce, allaitement et successions, Centre culturel arabe, 1ère édition, 2002, pp. 205-251.
[6] Il est à noter que, parmi ceux qui défendent le caractère saint des prescriptions relatives aux successions, nombreux sont ceux qui arguent que dans plusieurs cas la part de la femme est supérieure à celle de l’homme. La plupart des jurisconsultes affirment que « la fille » n’a pas à gérer son argent car son tuteur est responsable d’elle, Sahnoun, El Moudawana Al Kobra, Tome 3, pp. 222 ; ibidem, pp. 35. Certains, parmi eux, pourraient nous rétorquer qu’ils n’adoptent pas cette attitude. Nous leur répondrons que nous n’avons pas à en accepter une partie et à en refuser une autre. Nous sommes devant l’alternative suivante : nous soumettre entièrement à ces référentiels ou les considérer comme étant une œuvre humaine qui ne nous engage pas forcément car nous devons concevoir nos propres référentiels.
[7] Cf. Il est curieux que les trois versions rapportent le même incident. La consultation des biographies de ceux qui ont fait l’objet de ces Versets, Saad Ibn Rabii, Thabet Ibn Kais et Abderrahmane Ibn Thabet, révèle que Saad Ibn Rabii a laissé une fille unique et non plusieurs, comme le laisse entendre la version du contexte de la révélation, cf. Al Asqallani, De la justesse de distinguer les compagnons du prophète, tome 3, pp. 59, et que Thabet Ibn Kais a été tué à El Yamama, ibidem, Tome 8, pp. 285. Quant à Abderrahmane Ibn Thabet, Assuddi, il a affirmé qu’il n’est autre que le frère de Haasen Essaidi, qu’il est mort sans laisser de fille après lui, ce qui est en contradiction avec le contexte de la révélation. Et Al- Asqallani nous surprend en disant que les spécialistes de généalogie n’ont pas fait état d’un frère à Hassen se nommant Abderrahmane. Nous pouvons, par conséquent considérer cette personnalité comme étant fictive, Ibidem, Tome 4, pp. 293.
[8] Cf. Al Qarafi, La Réserve (Al Dhakhira), Tome 13, pp. 76.
[9] Cf. Ibidem, et les exemples qui vont dans ce sens abondent ; voir: Al Qarafi, Ibidem, Ibn Rochd, « Bidayet al Mojtahid wa Nihayet Al Moqtassid », Tome 2, pp. 373-394 ; Al Cheikh Nadhdham, » Al Fatawa Al Hindiya », Tome 6, pp. 473-478.

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