La crise de l’euro et l’économie mondiale

Intervention de Dominique Garabiol, Directeur de Banque, membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica, au colloque « L’euro monnaie unique peut-il survivre? » du 24 septembre 2012.

Je commencerai par situer ce qu’on appelle la crise de l’euro dans le contexte de l’économie mondiale.

Lors des colloques qui se sont succédé au sein de la Fondation Res Publica, on a bien vu que la crise financière globale, mondiale, est née de déséquilibres financiers sans cesse croissants depuis des décennies. Ces déséquilibres ont généré de l’endettement qui a été utilisé pour alimenter des bulles spéculatives. En 2007 le taux d’épargne des ménages américains (qui n’avait cessé de baisser depuis 1945) était tombé à zéro. C’était un signe de rupture.

L’endettement était la contrepartie financière de deux phénomènes :
– un phénomène de déséquilibres réels : balances commerciales mais aussi déséquilibres financiers internes aux pays.
– le gonflement des prix des actifs financiers.
L’endettement a atteint un niveau très élevé, ce qui a généré une crise.

La crise est arrivée sur un type d’actifs particulièrement pervers : les subprimes. Mais la crise aurait pu tout aussi bien être déclenchée par un autre produit. Comme pour un phénomène physique, une tension croissante finit toujours par provoquer une rupture. Le point de rupture lui-même n’a guère d’intérêt, ce qui est déterminant, c’est la croissance de la tension qui finit fatalement par atteindre un niveau insoutenable.
Avec la crise, on s’est donc rendu compte qu’il fallait entamer un processus de désendettement, ce qui a été fait progressivement.

Le processus de désendettement a évidemment eu un effet dépressif sur l’économie. Cet effet dépressif a été traité par des plans de relance des États européens, américain et même asiatiques. Mais ces plans de relance ont privilégié le maintien des prix des actifs financiers au détriment de la croissance économique. Aujourd’hui, les actifs financiers ont retrouvé leur prix de 2008. L’immobilier, qui fait la liaison entre les actifs financiers et la sphère réelle, reste toutefois très déprimé. Et si les déséquilibres réels sont moindres qu’il y a trois ans, c’est d’une façon marginale.

La crise de l’euro, dans ce contexte, est un peu étonnante.

On parle d’une crise de la dette. Or le taux d’endettement des États de la zone euro est inférieur à ceux des États-Unis, de l’Angleterre et du Japon. La zone euro a, grosso modo, une balance commerciale équilibrée. La monnaie se porte bien. Il n’y a pas de défiance particulière à l’égard de la monnaie en tant que monnaie unique.

La vraie question est celle de la cohérence de la zone euro. On constate un équilibre de la balance commerciale globale de la zone euro. Or l’Allemagne dégage quelques 160 milliards d’euros d’excédent ! Ces 160 milliards se résument donc à des déséquilibres internes de la zone euro.


D’où proviennent les déséquilibres internes à la zone euro ?

Il y a deux explications alternatives proposées par les économistes et par les politiques.

La première explication est la déficience de la gouvernance de la zone euro.
Ce thème est très développé par les fédéralistes dans la mesure où il permet de promouvoir des avancées sur la création de nouvelles institutions européennes :
– le gouvernement économique transformé en surveillant du traité budgétaire alors qu’initialement le gouvernement économique était conçu, du moins par la France, comme une coordination des politiques destinée à veiller à la cohérence des conjonctures dans les différents pays.
– l’union bancaire, c’est-à-dire la création d’institutions européennes de régulation et de supervision des banques.
La déficience de la gouvernance suffirait à expliquer l’ensemble des incohérences de la zone euro.

Une autre explication, évoquée à l’instant par Jean-Pierre Chevènement, a de plus en plus de poids. C’est l’aspect structurellement déséquilibré de la zone euro.
Une monnaie unique imposée à des régions différentes sur les plans de la spécialisation industrielle, de la productivité, de la démographie, contrairement à un discours répandu, n’entraîne pas spontanément une convergence des économies. Elle entraîne une spécialisation des économies.
L’intégration économique, facilitée par la monnaie unique, correspond à une spécialisation accrue des régions, donc un accroissement des divergences. Du fait de ce processus à l’œuvre depuis une dizaine d’années, l’Allemagne, qui bénéficiait d’une position industrielle très forte, s’est renforcée et les pays périphériques, initialement plutôt faibles, se sont encore affaiblis.

C’est tout le débat actuel. Les différentes solutions proposées sont sur la table. Le débat sera spectaculaire et peut-être dramatique parce que le traité budgétaire est en réalité une continuation de la logique initiale de l’euro, il n’y a pas de rupture. La volonté de rentrer dans une logique différente supposerait une solidarité financière réelle et la recherche de ressorts de rééquilibrage des balances commerciales internes à la zone euro dans le but de réindustrialiser les pays périphériques. C’est à cette condition que la zone euro trouverait un équilibre interne durable. On n’en prend pas le chemin.

Peut-être les orateurs qui vont me succéder nous expliqueront-ils comment on peut y parvenir.
Merci.

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Le cahier imprimé du colloque « L’euro monnaie unique peut-il survivre? » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation

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