L’Europe devant la Chine-Amérique : quelle stratégie ?
Intervention de Hakim El Karoui, banquier d’affaires, auteur de « Réinventer l’Occident » (Flammarion, 2010), au colloque « Radiographie et perspectives de la crise » du 13 décembre 2010.
Si je parle de « désoccidentalisation du monde », c’est que je pense que la crise est culturelle avant d’être économique. Elle correspond à la perte de plusieurs monopoles : l’histoire, l’avenir, mais surtout l’enseignement, l’éducation supérieure. Nous croyions avoir le monopole de l’intelligence et nous réalisons – et c’est une bonne nouvelle – que ce n’est pas le cas. Cette réalité conditionne un certain nombre de changements particulièrement perceptibles dans la relation entre la Chine et les États-Unis d’une part, et la Chine et le reste du monde d’autre part.
Je commencerai par un bref rappel historique.
1997 fut l’année de la crise asiatique, causée, déjà, par une spéculation monétaire extrêmement forte. Cette crise a amené les pays asiatiques à remettre en cause le modèle qui leur avait été imposé : libéralisation de leurs économies, ouverture des exportations, lutte extrême contre l’inflation. Ils ont eu le sentiment que ceux qui leur avaient imposé cette vision de l’organisation de leurs économies avaient failli à leur mission, ne les avaient pas soutenus, à commencer par les États-Unis. À partir de 1997, les pays asiatiques (la Corée, Taiwan – avant la Chine qui n’était encore qu’une puissance naissante) ont eu un seul objectif : accumuler des dollars, pour gagner leur souveraineté, pour s’insérer dans l’économie internationale en se spécialisant et en ayant la maîtrise de leur destin.
Cette accumulation de dollars s’est faite en réduisant les coûts de production et en misant tout sur l’exportation. Les pays asiatiques ont mis en place le modèle mercantiliste que nous connaissons aujourd’hui (qui n’est pas du tout la spécificité de la Chine).
L’Occident hypnotisé par la Chine
Face à cette nouvelle réalité asiatique, les Occidentaux, Américains et Européens, ont vu d’abord l’opportunité de fabriquer à bas coûts. Aujourd’hui encore, 60% des exportations chinoises sont le fait d’entreprises occidentales qui exportent en Chine des biens qu’ils assemblent là-bas avant de les réexporter. L’Occident a vu la Chine comme une plate-forme de production.
L’Occident a aussi vu la Chine comme un marché, une sorte d’eldorado de 1,3 milliard d’habitants derrière lequel se profilent d’autres marchés, à commencer par le marché indien. Ces perspectives ont justifié l’acceptation des politiques unilatérales chinoises qui n’allaient d’ailleurs pas contre l’intérêt des entreprises, notamment des plus grandes, pour qui il était plus important de pouvoir vendre à moyen terme en Chine, quand le marché s’ouvrirait, que d’essayer de faire respecter une forme de réciprocité. Cela pose aujourd’hui problème.
Les Occidentaux ont cru que la Chine avait besoin de nous pour consommer ses produits et qu’elle allait financer ad vitam æternam notre dette, privée et publique. Il est vrai que, grâce aux Chinois, le financement de la dette s’est fait à un coût très bas, les Chinois étant les premiers bénéficiaires de ce financement de la dette car la machine à consommer occidentale continuait à tourner.
La fabrication d’un déséquilibre
Il en est résulté un système de spécialisation internationale de plus en plus polarisé entre les plates-formes de production asiatiques d’un côté et de l’autre les plates-formes de consommation européennes et plus encore américaines, les États-Unis étant devenus les consommateurs en dernier ressort du système économique international.
Cette spécialisation a fabriqué du déséquilibre. Alors que nous pensions qu’ils allaient se spécialiser dans le travail peu qualifié, où ils avaient la dotation en facteurs la plus forte, les Chinois ont continué à étendre leurs capacités de production sur tous les segments de la chaîne de la valeur, de la plus basse à la plus élevée. Je travaillais auprès du Premier ministre au moment du démantèlement des accords multifibres qui protégeaient l’industrie textile européenne. À l’époque nous nous rassurions en pensant que nous leur vendrions nos airbus tandis qu’ils nous vendraient leurs tee-shirts. Or, aujourd’hui, ils continuent à nous vendre leurs tee-shirts mais ils ont aussi construit des capacités à fabriquer le concurrent de l’airbus (avec l’équipementier Safran) et le concurrent du TGV. Ils ont l’ordinateur le plus puissant du monde. Ils envoient des fusées dans l’espace et demain des hommes ! Les Chinois ne se sont pas spécialisés dans le bas de gamme.
Alors que nous voyions dans le marché chinois un el dorado, la spécialisation autoritaire décidée par le pouvoir chinois pour des raisons de souveraineté a conduit à maintenir le marché intérieur dans un état d’anémie. La protection sociale est extrêmement faible (même si une protection retraite commence à exister). Le taux d’épargne est aussi considérable que le taux de réexportation par les entreprises occidentales : les Chinois épargnent entre 55% et 60% de leur salaire, contre 15% à 17% en France et 0% aux États-Unis juste avant la crise (et même, certaines années, un taux négatif). Cela explique que le marché intérieur chinois ne s’est pas développé et que les Chinois achètent peu de produits occidentaux.
Le protectionnisme chinois, multiforme et multicarte, explique en partie le déséquilibre. Il se traduit par des marchés publics réservés, par des normes qui spécialisent et encouragent les entreprises chinoises, par des interdictions d’investissements etc.
Dans ce système, la relation entre la Chine et le reste du monde, entre la Chine et l’Occident, s’est construite sur des malentendus sur les perspectives et sur la réalité. Cela conduit à un système totalement déséquilibré, notamment entre la Chine et les États-Unis, ce dont témoigne la balance commerciale.
Quelle place pour l’Europe dans cette réalité ?
Nous restons (même s’il faut aujourd’hui relativiser cette représentation) dans un schéma d’organisation du monde à trois : l’Europe, les États-Unis et une Asie polarisée par la Chine. Cette réalité nous impose de considérer la convergence d’intérêts entre les Chinois et les Américains. On a beaucoup parlé d’un G2. On parle aussi d’un conflit potentiel entre les États-Unis et la Chine.
Sur le climat, sujet planétaire, Les Chinois comme les Américains ont intérêt à ce que rien ne change, à ce qu’il n’y ait pas de garanties, pas d’objectif chiffré, par exemple, de réduction des gaz à effet de serre. Les raisons sont différentes. Les Américains consomment énormément de carbone et ils ne sont pas prêts à changer de mode de vie. La croissance chinoise est très gourmande en carbone et les Chinois n’ont pas envie d’obérer les chances de leur croissance en respectant des quotas d’émissions, d’autant plus qu’ils considèrent que les Occidentaux sont les vrais responsables de la dégradation actuelle.
Sur la monnaie, le dernier G20 était extraordinairement instructif. Chinois et Américains manipulent leur monnaie.
La courbe du yuan, totalement plate depuis 2005, compte tenu des excédents chinois, traduit une manipulation, même si à un moment il y a eu une petite évolution.
Les Américains ne cachent pas que le premier objectif de leur assouplissement quantitatif est de faire baisser la valeur du dollar pour redonner de la compétitivité à l’industrie américaine, à l’économie américaine en général.
Ce sont les Européens qui paient la manipulation des deux autres grandes monnaies mondiales. Malgré tout, Chinois et Américains ont un intérêt convergent à ce que l’Europe ne tombe pas dans une récession trop importante.
En effet, l’Europe est encore aujourd’hui le plus grand marché du monde avec ses 500 millions d’habitants. Compte tenu de leur spécialisation vers les exportations, les Chinois ont besoin d’un marché européen relativement vaillant. Ils ont compris pendant la crise que si jamais ce marché devait vraiment tomber en récession, ils seraient les premiers à en souffrir.
Les Américains ont besoin d’être soutenus par les Européens, notamment pour financer leur dette.
Aujourd’hui, si certaines formes de convergences entre Chinois et Américains sont anti-européennes, en tout cas excluent l’Europe, d’autres vont plutôt dans le sens de l’Europe.
Mais cette réalité est en train de changer.
La stratégie chinoise
La première et grande leçon de la crise, d’un point de vue plus géopolitique, est que la stratégie chinoise est en train de changer.
En 2009, s’est produit un événement absolument considérable. Pour la première fois, les Chinois ont lancé leur marché intérieur. Nous évoquions tout à l’heure des plans de relance : le plan de relance américain (5,5% du PIB), français (0,8%), allemand (3%). Le plan de relance chinois a atteint 13% du PIB, 13% de 5 000 milliards de dollars ! C’est absolument considérable. Cette décision politique vient de la prise de conscience par les Chinois qu’ils étaient trop exposés aux exportations, donc à la croissance des pays occidentaux. Ils ont donc décidé pour la première fois de commencer à changer de modèle. Mais la Chine est un grand paquebot qui, pour virer, a besoin de temps. Réalisant qu’ils prenaient des risques à trop dépendre de la croissance du reste du monde, ils ont accumulé un matelas de devises, de dollars notamment (près de 3 000 milliards de dollars) dont ils maîtrisent la valeur. [C’est l’histoire du banquier et du débiteur : la banque « tient » le petit débiteur mais le très gros débiteur « tient » la banque.] La valeur du dollar étant encore en principe fixée aux États-Unis, les Chinois ont compris le danger de cette accumulation de dollars qui permet aux Américains de dicter en partie leur politique économique. Ils sont donc en train d’utiliser ces dollars. Ils investissent massivement en Afrique, par exemple. Leur croissance économique exige des matières premières, agricoles et énergétiques. Ils les achètent en dollars (une monnaie sur la valeur de laquelle ils peuvent agir). Ils sont capables de payer des primes très importantes pour acheter les matières premières qui vont assurer leur croissance future. Et ils dépensent leurs dollars dont ils savent que la valeur n’est pas infinie.
Les Chinois sont en train d’intégrer économiquement et politiquement l’Asie autour d’eux.
L’exemple de Taïwan est très frappant. En dépit des dissensions politiques que nous connaissons, les Chinois ont massivement investi à Taïwan et ont aidé encore plus massivement les Taïwanais à investir chez eux. Ils viennent d’ailleurs de signer un accord de libre-échange. Ils ont développé les prêts, les échanges commerciaux, les échanges universitaires. 700 vols hebdomadaires relient Taïwan et la Chine. L’explication n’est pas seulement économique. Comprenant que, pour des raisons stratégiques, les Américains ne laisseraient pas tomber Taïwan sur le plan politique et militaire, les Chinois ont choisi d’intégrer Taïwan sur le plan économique pour faire glisser progressivement ce pays dans leur orbite politique.
Cet exemple montre que les Chinois sont en train de réorienter leur croissance autour de l’Asie. Ils agissent de même avec la Corée et le Japon avec qui, historiquement, les relations sont assez complexes. Le fait que leurs entreprises aient délocalisé massivement en Chine pour utiliser les bas coûts de production, rend les Japonais dépendants des Chinois.
Au-delà de cette simple vision économique régionale, il apparaît que l’émergence de la Chine est une émergence de l’Asie.
Les Chinois se distinguent des Américains dont la volonté est de régenter et d’organiser le monde. Quand ils vont en Afrique, ils ne cherchent pas à imposer leurs valeurs mais veulent commercer, travailler avec les Africains. De ce point de vue-là, l’idéogramme qui représente la Chine (une muraille) est intéressant, l’idéogramme de la Chine, c’est l’Empire du milieu. Les Chinois sont en train de constituer un empire du milieu autour duquel les autres nations, les autres continents, vont tourner. Il ne s’agit pas de les dominer mais de les satelliser, de les rendre périphériques.
Peut-on les dénoncer, les critiquer ? Oui, probablement.
Ont-ils raison de leur point de vue ? Oui, probablement.
Si l’émergence de la Chine n’est pas forcément « pacifique », elle a un objectif, une stratégie, une ambition (la puissance) et une vision du monde (un monde qui va s’organiser autour de la Chine).
La réalité américaine
Bien plus qu’une crise économique, bien plus qu’une crise financière, les États-Unis sont en train de subir une crise du modèle économique, pour ne pas parler de la crise morale déjà évoquée.
Avant la crise, la croissance économique des États-Unis a été fondée d’abord et avant tout sur l’immobilier. Dans les années 2000, au moment de la bulle internet, on parlait de « la fin de la brique et du mortier ». Or la réalité de l’économie américaine, c’était la spéculation sur la brique et le mortier. Des conditions d’endettement de plus en plus souples et de plus en plus accessibles accordées à des emprunteurs insolvables ont permis l’augmentation de la valeur des biens immobiliers et celle des cours de bourse. Les crédits-revolving qui permettent de se réendetter en fonction de la valeur de ses actifs sous-jacents ont permis d’augmenter le sentiment d’effet de richesse. Mais un sentiment n’est pas une réalité.
Avec l’éclatement de la bulle du crédit, les États-Unis sont en train d’expérimenter la réalité de la valeur de leurs actifs, donc la réalité de la valeur de leur économie. L’immobilier ne croît plus, les États-Unis perdent leur réputation de place la plus sûre pour investir, donc la capacité d’attirer les milliers de milliards de dollars de capitaux avec lesquels ils gagnaient de l’argent en les investissant.
Andy Grove, ex-patron d’Intel, l’une des entreprises les plus innovantes de la Silicon Valley disait lors d’une interview: « Nous avons perdu la capacité de maîtriser toute la chaîne de la valeur. Nous avons fait créer en Asie des entreprises, comme Foxconn, qui font le même chiffre d’affaires qu’Apple ou Microsoft (60 milliards de dollars), avec un peu plus de salariés (800 000) » et prédisait que, à l’image de ce qui s’est passé pour la fabrication de l’ordinateur, les sous-traitants allaient devenir des constructeurs, créer des marques et, maîtrisant le savoir-faire, ils deviendraient demain les concurrents des entreprises américaines là où elles pensaient pouvoir se spécialiser : le marketing, l’innovation, les activités qui génèrent les plus grandes marges.
Le modèle économique américain lui-même est en danger. Le comportement actuel de la réserve fédérale qui crée de la monnaie après avoir créé de la dette publique et encouragé la dette privée, ne dit pas autre chose. On ne sait pas comment faire repartir la machine économique américaine, parce que le cœur de cette machine, la consommation, est bloqué depuis qu’on ne sait plus produire aux États-Unis.
La réalité européenne
L’euro devait créer de la convergence politique. Il a créé de la divergence économique. Avec l’euro, les économies se sont spécialisées. Les Allemands ont fait de l’ajustement structurel pour se spécialiser dans la production à l’exportation tandis que les pays aujourd’hui géographiquement périphériques se sont spécialisés dans la consommation. Ils ont utilisé le taux bas de l’euro pour s’endetter à bas coût, ce qui a créé les bulles immobilières (espagnoles ou irlandaises) et ils ont consommé.
Les marchés, souvent critiqués à juste titre, révèlent aujourd’hui une réalité et une question :
La zone euro existe-t-elle encore ?
La dévaluation compétitive n’est plus possible. Avant l’euro, les Espagnols, les Irlandais, les Grecs, auraient comprimé leurs coûts pour essayer de regagner en compétitivité et, pour aller plus vite, parallèlement, ils auraient baissé la valeur de leur monnaie. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus le faire.
S’ils font de l’ajustement structurel, ce que leur suggèrent les Allemands, ils ne vont pas gagner suffisamment en compétitivité … et ne vont plus consommer de produits allemands ! [En effet, les excédents commerciaux allemands sur la Chine ne dépassent pas 5% du commerce extérieur allemand. L’Europe représente toujours les deux tiers du commerce extérieur allemand.]
Si nous sortons de l’euro, tout le monde sera perdant. Les Allemands subiront un change défavorable (à 1,80$) et les pays du sud verront le coût de leur dette augmenter de 20% ou 30%.
L’autre solution est d’aller jusqu’au bout de l’intégration politique. C’est là, Monsieur le ministre, que j’aurai peut-être une petite différence avec vous : je pense que l’intégration économique peut conduire à l’intégration politique.
C’est la question que nous pose la crise de l’euro. Serons-nous capables de mettre en place une solidarité ? Irons-nous jusqu’au bout du raisonnement qui a abouti à la création d’une monnaie unique (donc à la fois de capacités de consommation et de blocages structurels dans l’évolution des économies) ?
À mon avis, ce sera le grand sujet, non seulement de l’année 2011 mais de la campagne de 2012. Aujourd’hui, dans l’organisation du monde, soit l’Europe existe et elle est forte face aux Américains et aux Chinois, soit elle n’existe pas et elle est condamnée à jouer en deuxième division, avec des divergences économiques à l’intérieur de la zone euro, des individualismes, des particularismes.
On évoquait les Bretons en France, on pourrait aussi parler des Flamands et des Wallons, des Catalans et des Castillans, des Italiens du nord et des Italiens du sud. En France, nos pouvoirs politiques jouent avec avidité de l’opposition Français / immigrés. Plus largement, nous avons vu les Allemands contre les Grecs et demain, peut-être, les Allemands contre tout le monde !
Irons-nous vers une intégration politique qui nous donnerait une chance de nous en sortir en redéfinissant l’intérêt général européen, en redéfinissant l’intérêt de toutes les nations dans leur solidarité ?
Irons-nous vers un éclatement de l’euro, un éclatement des pays européens qui seront condamnés demain à regarder la Chine et les États-Unis et demain l’Inde et le Brésil jouer en première division ?
Jean-Pierre Chevènement
Merci, Monsieur El Karoui.
Avant de donner la parole à Dominique Garabiol, je voudrais rappeler le fil de ce qui s’est dit. En effet, dans les exposés sur cette crise infiniment complexe ont été introduits des éléments très divers, économiques, financiers et politiques.
M. Heyer a montré que nous étions quasiment au bord du gouffre.
Jean-Luc Gréau a attiré l’attention sur le fait que la crise venait des États-Unis. Initialement une crise du crédit hypothécaire, ce fut aussi une crise de confiance (un élément éminemment politique), et d’abord de confiance entre les banques. Elle a pris la forme d’une crise interbancaire. Les banques ne se prêtaient plus. Sans être culturelle ou politique, elle revêt donc un caractère tout à fait particulier.
M. Juvin nous a invités à décentrer notre regard et à prendre en considération des puissances qui ne sont pas vraiment économiques. Dans l’univers mondialisé, ces puissances politiques, dans toute leur diversité, se saisissent des technologies modernes pour s’affirmer. Selon lui, l’Europe, en état d’apesanteur, est un maillon faible. Elle n’est pas présente au monde.
Je ne veux pas à cet instant rentrer dans un débat sur l’intégration politique et sur les formes qu’elle peut prendre. Je pense simplement que, dans la construction de l’Europe, Jean Monnet, grand architecte de cet univers, a occulté un élément fondamental du point de vue de l’identité de l’Europe qui est la réalité nationale : on peut bâtir l’Europe à partir des nations mais on ne peut pas faire l’Europe en les occultant ni, a fortiori, contre elles.
J’aimerais que nous repartions de la crise de l’euro pour évaluer les possibilités d’un « atterrissage », même si je ne pense pas qu’il puisse se faire « en douceur ». Ceci me ramène au système de la confiance, au système des banques, à l’intrication entre les banques et les États que nous a décrite Jean-Luc Gréau car, au cœur de la crise de l’euro, il y a les engagements des banques (françaises, allemandes) sur un certain nombre de pays, comme l’Espagne, il y a la faillite du système bancaire, comme en Irlande.
Si la crise revêt la forme économique, elle est beaucoup plus profonde, ses racines anthropologiques, civilisationnelles, l’ancrent dans l’histoire longue. La Chine, à l’évidence, prend une revanche sur l’histoire. On peut penser qu’elle n’a pas de vision impérialiste, qu’elle veut simplement redevenir l’Empire du Milieu et donc satelliser les pays qui sont autour d’elle. Il serait intéressant de connaître le point de vue des Vietnamiens. C’est une question pour la suite.
Je me tourne maintenant vers Dominique Garabiol parce qu’il faut revenir à l’Europe, au système financier européen : non seulement l’euro, mais aussi la spéculation, les marchés financiers, les engagements des banques et la manière dont tout cela tient encore ensemble.
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