Accueil par Jean-Pierre Chevènement

Accueil de Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation Res Publica au colloque du 17 mars 2008, Le commerce extérieur allemand : l’Allemagne au sommet de l’Europe ?

Mesdames, Messieurs, j’ai plaisir à vous accueillir pour le trentième colloque de la Fondation Res publica.
Son titre « Le commerce extérieur allemand : L’Allemagne au sommet de l’Europe » est inspiré par la réponse que fit Angela Merkel peu de temps après son élection, en septembre 2005, à un journaliste qui lui demandait de résumer son projet : « Je veux mettre l’Allemagne au sommet de l’Europe ».
Notre projet initial visait à analyser le prodigieux phénomène qu’est le commerce extérieur allemand – il a dégagé en 2007 un excédent commercial de 200 milliards d’euros – en le comparant notamment au commerce extérieur français. Le colloque a donc été très largement préparé à partir de cette thématique.
Je remercie les intervenants qui nous ont fait le plaisir de répondre à notre invitation.
Monsieur Edouard Husson, germaniste, maître de conférences à la Sorbonne, a été « le pilote » de ce colloque.
Monsieur Hervé Joly, chargé de recherches au CNRS, traitera du problème des structures économiques, notamment de l’économie industrielle allemande.
Je remercie Monsieur Tobias Seidel d’avoir fait un long voyage pour nous donner son point de vue de chercheur à l’Institut de recherche économique de Münich, la fameuse IFO.
Enfin, nous entendrons deux éminents praticiens :
Monsieur Claude Le Gal, Secrétaire général du Club économique franco-allemand (mon collègue, car j’ai commencé ma vie professionnelle comme conseiller commercial).
Monsieur François David enfin, Président de la Coface, qui conclura l’ensemble des exposés en donnant son point de vue, dont je ne doute pas qu’il sera décapant.

Deux mots pour rappeler l’intention initiale de la Chancelière « Mettre l’Allemagne au sommet de l’Europe ».

C’est un fait que les excédents commerciaux allemands sont antérieurs à l’arrivée au pouvoir de Madame Merkel : on les observe déjà dans les années 2003-2004, moins importants qu’ils ne sont devenus depuis lors.
C’est un fait que depuis son arrivée à la chancellerie, Madame Merkel, en Europe, a largement imposé ses vues : la substance de la constitution européenne a été reprise par le traité de Lisbonne. Celui-ci institutionnalise la pondération démographique des votes au Conseil de l’Union européenne, ce qui fait de l’Allemagne le poids lourd de l’Europe à 27, avec ses 82 millions d’habitants en déséquilibrant la parité fondatrice telle qu’elle avait été établie dans une conversation célèbre entre Jean Monnet et le chancelier Adenauer en 1951. On peut se demander – mais ce n’est pas l’objet de notre colloque de ce soir – si cette parité n’était pas un élément d’équilibre et de succès de la construction européenne dans son ensemble.
J’observe en second lieu que Madame Merkel a très largement imposé ses vues sur le dossier dit de l’Union méditerranéenne, aujourd’hui « Union pour la Méditerranée ». En effet, cette initiative se développera dans le cadre de l’Europe à 27 et dans le cadre communautaire, impliquant l’intervention de la Commission européenne. Un diplomate a dit : « Finalement, l’Union pour la Méditerranée, c’est un Euromed plus ! » (Euromed est le nom donné à l’initiative de Barcelone qui date de 1995 et dont les résultats sont diversement appréciés). J’ajoute que « l’Union pour la Méditerranée » ne dispose d’aucune ligne de crédits supplémentaire.
J’observe encore qu’au niveau de la zone euro, Madame Merkel a préservé le statu quo. Les statuts de la Banque centrale sont restés ce qu’ils étaient. La question de l’euro fort, de l’euro trop cher, a été jusqu’à présent arbitrée dans le sens qu’elle souhaitait, encore que l’on relève de plus en plus d’interrogations, formulées dans une langue de bois assez caractéristique : le dernier conseil européen exprimait sa « préoccupation quant à une certaine instabilité des taux de change nuisible à la croissance économique »… Ca ne va pas très loin !
Enfin, la Chancelière a imposé le respect de la discipline budgétaire, c’est-à-dire du pacte de croissance et de stabilité. L’Allemagne a ramené son déficit de 3,7 à 1,4% du PIB en peu d’années tandis que la France empruntait un chemin parallèle quoique beaucoup plus lent.

Donc, on peut observer que, depuis l’arrivée de Madame Merkel au pouvoir, l’Allemagne a largement imposé ses vues en Europe.
Ce qui permet à l’Allemagne de parler si fort est évidemment son excédent commercial qui contraste avec l’important déficit de tous les autres pays de la zone euro. La France a maintenant un déficit de près de 40 milliards d’euros mais les déficits britannique et espagnol sont encore supérieurs. Il y a également un déficit italien. Il y a un déséquilibre objectif dans la zone euro entre l’Allemagne et tous les autres.

Que traduit cet excédent commercial allemand ?
Certainement la surpuissance industrielle de l’Allemagne dont l’industrie pèse deux fois plus lourd que la nôtre. Il s’agit là d’une caractéristique historique car le même phénomène pouvait déjà être relevé avant 1914.
L’excellence de l’Allemagne du point de vue des exportations est le résultat d’un effet de taille : l’Allemagne compte de nombreuses entreprises grandes et moyennes (deux fois plus d’entreprises de plus de 50 personnes, deux fois plus d’entreprises de plus de 250 personnes en Allemagne qu’en France).
Cette explication cependant ne suffit pas. Il faut également tenir compte de la stratégie mise en œuvre depuis le tournant de l’an 2000 par le prédécesseur de Madame Merkel, le Chancelier Schröder, une stratégie relativement déflationniste qui vise en tout cas à comprimer les coûts salariaux, avec succès car l’Allemagne, nous disait M. Jean-Luc Gréau lors de notre dernier colloque (1), a accru son avantage de compétitivité de 15% à 20% en augmentant la durée des heures travaillées – sans pour autant augmenter les salaires – ou en comprimant l’augmentation des charges salariales. Cette politique qui pouvait se justifier au départ par une certaine surévaluation du DM au sein de l’euro, et donc par un déficit de compétitivité de l’Allemagne, s’est certainement poursuivie trop longtemps

L’objet du colloque est aussi de s’interroger sur la possibilité d’une stratégie économique coopérative en Europe.
Comment y parvenir ?
Notre réflexion s’articule évidemment avec celle menée le mois dernier sur le thème « Quel gouvernement économique pour la zone euro ? »

Je donne la parole à M. Husson pour introduire ce colloque.

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1) « Quel gouvernement économique de la zone euro ? » tenu le 18 février 2008.

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