Les questions préalables à la redéfinition de la politique étrangère de la France

Intervention de Thierry de Montbrial, président fondateur de l’Institut français de relations internationales, président de la World Policy Conference, auteur, notamment, de Vivre le temps des troubles (Albin Michel, 2017), lors du colloque "Quelle politique étrangère pour la France?" du jeudi 21 mars 2024.

Merci, Madame la Présidente.

Je salue également Jean-Pierre Chevènement. Nous sommes très heureux qu’il soit avec nous ce soir.

Je voudrais dire d’abord que nous tous ici, sur les sujets dont nous allons parler, ne représentons encore qu’une minorité dans la France d’aujourd’hui. Il est bien difficile aujourd’hui de s’exprimer sur des sujets aussi délicats d’une façon nuancée et surtout d’être entendu.

Je n’essaierai pas de traiter de manière didactique la question de la politique étrangère de la France dans un monde qui se transforme à une vitesse aussi impressionnante. Mais, de façon un peu impressionniste, je vais vous proposer quelques pistes de réflexion. Il y a des questions qu’il importe de se poser.

I – La relation entre politique intérieure et politique extérieure.

C’est un très vieux sujet. Tocqueville en a brillamment discuté. J’ai découvert cette question quand j’étais débutant en lisant Bainville qui, à propos de la Guerre de 1870, rappelait que les Français avaient applaudi à la défaite de
l’Autriche – ennemi héréditaire – à Sadova (3 juillet 1866) sans s’apercevoir que l’ennemi n’était plus l’Autriche mais la Prusse. C’était la thèse de Jacques Bainville.

Ce qui me frappe aujourd’hui, comme sans doute beaucoup d’entre nous, c’est que ce mélange de la politique intérieure et de la politique extérieure est redevenu grave car il conduit à des faux débats et à des propos dangereux, surtout quand ils sont tenus par de hauts responsables, d’une manière suffisamment imprécise pour que leur interprétation puisse avoir des conséquences sur le plan extérieur. Aujourd’hui par exemple on ne peut pas parler à la légère d’un partage de l’arme nucléaire entre pays européens.

Après qu’il fut créé en 1973 le Centre d’analyse et de prévision (CAP) du Quai d’Orsay – devenu plus tard le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) – dont j’ai été le premier directeur, avait été chargé (sous la présidence de Giscard) de mener des discussions secrètes avec son homologue du Foreign Office sur la question d’une éventuelle coopération stratégique nucléaire avec les Britanniques. Mais nous étions rapidement arrivés à la conclusion que ceci ne pouvait mener nulle part pour une raison très simple qui est toujours valable, c’est que l’arme nucléaire renvoie qu’on le veuille ou non à la notion d’« intérêt vital ». Et l’on ne peut pas jouer avec le mot d’« intérêt vital ».

Il est important de revenir à des considérations fondamentales. Parler d’envoi de troupes au sol, si les mots ont un sens, suppose la possibilité d’une mobilisation. Ce qui pose aussi un problème de crédibilité. En effet on peut tout faire dans la vie à condition de se donner les moyens de l’action qu’on entreprend. Dans cette hypothèse il faudrait que l’opinion publique en accepte les conséquences et que l’on augmente fortement les impôts afin d’accroître non pas marginalement mais massivement les dépenses en matière de défense. Encore faudrait-il d’ailleurs un certain temps pour rendre tout cela opérationnel. Toutes choses qui doivent être analysées. Ce qui me frappe aujourd’hui c’est que ces propos ne peuvent vraiment s’interpréter que sous le prisme de la politique intérieure, ce qui a été largement relevé par la presse. Il n’empêche que ça laisse des traces.

Cette question de la confusion entre politique intérieure et politique extérieure est donc extrêmement importante. Et je crois que nous tous, quelles que soient par ailleurs nos analyses sur la Russie ou sur tel autre sujet, nous devrions nous mettre aisément d’accord sur le fait qu’il y a des limites à la confusion entre politique intérieure et politique extérieure.

J’ai parlé de Tocqueville. En effet, il est assez aisé, même à l’époque de la monarchie, de trouver des interférences, certes plus atténuées, entre politique intérieure et politique extérieure. Il faut rappeler aussi que les démocraties ont en général une faiblesse en politique étrangère, c’est qu’elles ont beaucoup de mal à assurer la continuité sur le temps long. C’est un problème tout à fait fondamental. Par exemple, la cohérence entre la défense et l’industrie de défense nécessite des décisions lancées au bon moment et assumées parfois pendant des décennies. Et si chaque nouveau Président de la République – je pense aussi aux États-Unis – change de cap cela peut avoir évidemment des inconvénients considérables.

II – Cela fait depuis longtemps que l’avenir n’a été aussi incertain.

Et je ne parle pas seulement de politique internationale. En témoignent les nouvelles vagues de révolutions technologiques. Concernant l’intelligence artificielle générative, il y a trois ans encore, personne, pas même les spécialistes de la technologie, n’imaginait l’avènement soudain et rapide de ChatGPT (Chat Generative Pre-trained Transformer). Et personne n’aurait imaginé que les conséquences d’une telle technologie, à supposer qu’elle ait été conçue intellectuellement, seraient aussi ouvertes, aussi imprévisibles. J’étais récemment en Corée avec des grands maîtres en matière de technologies, « Nous sommes incapables de prévoir où nous en serons dans cinq ans ! » déclarait M. Sam Altman, co-fondateur d’Open Artificial Intelligence (Open AI), la société qui a fait ChatGPT, ajoutant que dans les dix prochaines années – ce qui n’est pas long en matière de politique internationale – on peut imaginer toutes sortes de scenarii. À cette échelle c’est sans précédent dans l’histoire du monde.

III – La fragmentation du monde est aujourd’hui un fait.

La gouvernance mondiale telle qu’elle s’était développée (en fait au sein du monde occidental) après la Seconde Guerre mondiale est en voie de fort affaiblissement pour de multiples raisons que nous n’avons pas le temps d’analyser.

Je prends trois exemples brefs :

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) se trouve en très mauvais état. On est en train de revenir à de vieilles pratiques que j’appellerai pour simplifier de « guerre commerciale » dans un monde qui, en même temps, est de plus en plus interdépendant.

On ne parle plus de la santé publique pour l’instant éclipsée par toutes sortes d’autres sujets. Mais au lieu d’aller, comme on aurait pu le souhaiter, vers un renforcement de l’OMS et de la gouvernance mondiale en matière de santé, au moins pour prévenir les conséquences de l’avènement d’une nouvelle pandémie, tout cela est parti à vau-l’eau. Aujourd’hui nous sommes dans un état au moins aussi mauvais, de ce point de vue, que lors de l’avènement du Covid en 2019.

Mentionnons aussi le climat et l’énergie (il y a ici quelques maîtres dans ce domaine). Quand on sait ce que représentent les décisions en matière d’énergie, en termes financiers, en termes d’engagements à long terme, on est affligé par les volte-face : pour le nucléaire, contre le nucléaire, de nouveau pour le nucléaire… entre-temps on a démantelé certaines centrales et surtout on a perdu le
savoir-faire. On lit et on entend ces derniers jours que beaucoup de gens sérieux ou réputés tels questionnent le choix de la voiture électrique … d’ailleurs pour des raisons qui ne sont pas totalement idiotes car la simple recharge d’une voiture électrique est presque aussi compliquée qu’il y a trois ou quatre ans. Il y aurait bien des anecdotes à raconter sur ce sujet.

Et quand les agriculteurs manifestent, pour des raisons d’ailleurs légitimes, brusquement on change de cap en matière d’écologie.

Aller dans des directions erratiques, alors que l’argent est rare, quand il s’agit de travailler sur vingt ans, trente ou quarante ans, pose évidemment problème.

Ceci s’applique évidemment aux questions concernant les armements.

IV – La notion de surprise stratégique.

Ayant fait partie de deux commissions du Livre blanc dans ces dernières décennies, j’ai vu émerger cette notion de surprise stratégique sur laquelle Thérèse Delpech avait attiré l’attention depuis longtemps.

Il y a des polémiques sur la prévisibilité de l’agression de la Russie en Ukraine mais pour l’essentiel la guerre d’Ukraine (et non « en Ukraine », car la dimension dépasse très largement les théâtres des opérations) a été une gigantesque surprise stratégique. Les gens qui disent aujourd’hui qu’ils avaient tout prévu s’étaient en réalité, comme nous tous, laissé prendre au dépourvu, y compris les États, donc ne réécrivons pas l’histoire.

Gaza est aussi une énorme surprise stratégique.

Mais on peut toujours en imaginer d’autres. Le propre des surprises stratégiques, c’est justement qu’on les imagine mal. Je vous en cite une possible, sans citer de pays : imaginez que dans les années qui viennent – puisque maintenant la Russie est bel et bien notre adversaire et considère explicitement la France comme son ennemie – la Russie déploie des armes nucléaires dans un pays du sud de la Méditerranée (je ne cite aucun pays en particulier). Que fera-t-on ?

V – Les notions d’« Occident collectif » et de « Sud global » (sujet du dernier colloque de la Fondation Res Publica) sont en effet extrêmement difficiles à définir.

Il y a en réalité beaucoup de Suds et le Sud global n’existe que par un rejet commun de l’Occident collectif. C’est une bonne façon de le définir. Par exemple, la guerre d’Ukraine est définie par les Chinois comme un conflit limité qui oppose la Russie et l’OTAN. Les membres d’une délégation géorgienne de haut niveau politique me relataient l’autre jour leur conversation récente avec de hautes autorités chinoises. « Ce n’est pas notre affaire, c’est une guerre entre la Russie et l’OTAN », leur avaient dit les Chinois. Je pense que n’importe quel pays du Sud global dirait la même chose, à peu de choses près.

Où mettre l’Inde ? Dans l’Occident à cause de la démocratie ou dans le Sud global ? Évidemment dans le Sud global. D’ailleurs ils s’en prévalent car le concept de multi-alignement leur permet de jouer à la fois avec les Occidentaux – y compris en nous revendant du pétrole russe en faisant un gros bénéfice au passage – et avec les pays du Sud.

Ce que je retiens de la notion de Sud global c’est que nous ne devrions pas sous-estimer les conséquences de visions presque définissantes de l’Occident collectif comme le Bien contre le Mal, c’est-à-dire la démocratie contre tout ce qui n’est pas démocratie. Dans cette période précédant les élections européennes on entend d’ailleurs des personnalités connues exiger que l’Europe soit explicitement définie comme l’ennemie des pays qui ne sont pas des démocraties.

Quelles conséquences ?

Le Président de la République parle de la France puissance d’équilibre. C’est un terme qu’il pourrait être intéressant de creuser mais comment le concept de puissance d’équilibre peut-il se conjuguer avec le manichéisme qui distingue les bons et les mauvais, les démocrates et les antidémocrates, les démocratures, les dictatures, etc. ?

VI – L’avenir de l’Union européenne.

Comme il était prévisible, on constate une fuite en avant vers l’élargissement là où d’autres se réjouissent béatement que ces pays qui veulent adhérer à l’Union européenne aspirent à jouer le jeu et donc à en accepter les inconvénients. J’aimerais que ceci corresponde à la réalité mais, regardant d’un peu plus près, je vois bien que nous n’avons même pas encore assimilé le grand élargissement consécutif à la chute de l’Union soviétique, un événement qui date maintenant de trente ans. Et je constate aussi que nombre de membres actuels de l’Union européenne sont ce qu’on appelle dans la théorie des jeux des passagers clandestins (ils profitent d’une action collective sans en payer vraiment le prix). Ils ne veulent pas entendre parler d’une vision globale de l’identité de l’Union européenne. En revanche, ils défendent fort bien leurs intérêts dans un sens finalement très national. On pourrait passer des heures sur ce sujet dont il faut être conscient.

Je n’ai rien contre l’Europe, sinon qu’elle me déçoit. J’ai même écrit, théorisé sur l’Europe, dans une vision un peu prophétique, regardant très loin, recherchant des schémas idéaux. Une Union européenne réussie préfigurerait-elle ce que pourrait être dans deux ou trois siècles une gouvernance mondiale réussie ? Pourquoi pas ? On peut théoriser là-dessus mais en attendant il faut regarder la réalité telle qu’elle est.

Peut-on définir l’Union européenne uniquement par les « valeurs » supposées communes ? Savez-vous, à ce propos, quand le mot « valeur » est apparu pour la première fois dans les textes européens ? Je l’ai moi-même appris récemment d’un ami autrichien philologue qui fait des recherches de ce genre, sur les mots. La réponse est 2000 ! Avant 2000 on ne parlait pas de valeurs communes. On parlait de choses beaucoup plus précises. Je le regrette mais on ne peut pas définir une identité aussi importante que celle de l’Union européenne simplement en se référant à cette notion assez vague de valeurs. En revanche la notion de racines a un sens. Je ne parle pas uniquement des racines chrétiennes, je ne veux pas relancer ce débat, mais la notion de racines renvoie à l’histoire, à la culture. Et la question de savoir si l’Europe au sens large a suffisamment de racines vraiment communes, positives ou positivement interprétées ou transcendées, et de culture commune est une vraie question dont la réponse ne se laisse pas enfermer dans de vagues éléments de langage.

Encore un mot. Je suis navré qu’on taxe immédiatement d’anti-américanisme des personnes qui posent de vraies questions concernant les États-Unis. Depuis 1945 il n’y a pas une seule guerre dans laquelle les États-Unis ont été engagés au premier rang qui ne se soit terminée quand ils l’ont voulu et selon leurs termes. Ce n’est pas être anti-américain que de le constater. Ce n’est pas être anti-américain que d’examiner l’histoire du monde telle qu’elle s’est développée depuis 1945 et même avant. À l’Ifri, nous avons régulièrement des conversations avec le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kouleba, et avec l’actuel ambassadeur à Paris, Vadym Omelchenko, que nous connaissions bien avant qu’il ne devienne ambassadeur. Quand nous parlons en petit comité ils sont les premiers à reconnaître que l’Ukraine ne pourrait pas continuer la guerre sans les Américains. Ils en souffrent d’ailleurs énormément. En termes de pertes humaines, en proportion, leur situation est objectivement dramatique. Si les États-Unis à un certain moment décidaient de s’arrêter, qui pourrait croire un instant que le combat continuerait longtemps et que la malheureuse Europe, dans les deux ou trois années qui suivraient, serait capable de remplacer les États-Unis vis-à-vis de la Russie ? Alors on peut rêver aussi de l’effondrement de la Russie. Que de déclarations malencontreuses ont été faites à ce sujet, en 2022 particulièrement !

Comment cette guerre d’Ukraine se terminera-t-elle ?

D’abord, cette guerre sera dans les années qui viennent un élément déterminant de la suite de l’histoire. Les modalités de la fin de la guerre d’Ukraine seront structurantes pour l’avenir du système européen et du système international dans son ensemble.

Je suis navré quand j’entends des stratégistes réputés s’exprimer en termes de gagnant et de perdant : « Il faut que l’Ukraine gagne ! … Il ne faut pas que la Russie gagne ! » Ce n’est pas de cette façon que la question se posera surtout si on n’a pas défini ce qu’on entend par gagner et perdre. À un certain moment, il faut l’espérer, il y aura des négociations. La perspective s’en est éloignée ces derniers temps mais on verra après les élections présidentielles américaines ce qu’il en sera. Il faut considérer les facteurs objectifs, à commencer par le rapport de forces sur le terrain.

À mon avis, la future négociation portera sur le sujet dont on parle le moins, en tout cas publiquement : la future architecture de sécurité européenne. C’est précisément cette architecture de sécurité européenne qu’il va falloir reconstruire. Une architecture de sécurité n’est pas simplement une question d’alliances. Si on ne raisonne qu’en termes d’alliances, on se fourvoie. La future architecture de sécurité devra reprendre les concepts qui ont réussi, qui ont été élaborés à la fin de la guerre froide avec un immense succès : les concepts d’Arms control, de contrôle des armements. Si la conférence sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) avait perduré, si ses structures n’avaient pas été démantelées (tel l’Arms control nucléaire, le traité nucléaire New Start), une attaque surprise n’aurait pas pu avoir lieu. Il faudra reprendre ce type de concepts mais cela demandera une négociation extrêmement longue. L’Europe en tant que telle, peut-elle avoir une voix importante dans cette future négociation ? C’est une question importante, au moins pour nous. La France elle-même pourrait-elle avoir un poids significatif dans cette future négociation ? Tel est, certainement, le véritable enjeu de ses engagements actuels, au-delà des mots employés.

Je soulève aussi la question du poids économique de la France. Tout à l’heure je mentionnais ma participation passée à des commissions de Livres blancs. J’y ramenais toujours mes interventions à une seule question : quels sont nos moyens ? Or la meilleure façon d’avoir des moyens c’est d’avoir une économie forte. Et la meilleure manière d’avoir une économie forte c’est de faire les bonnes réformes au bon moment. C’est d’ailleurs ce qu’avait fait De Gaulle en 1958 en venant au pouvoir. On parlait ce matin à la radio de la question du financement européen des armes que nous voulons produire en plus grande quantité pour les donner à l’Ukraine et on évoquait un éventuel emprunt à cette fin. Puis, sans transition, sans faire le moindre lien entre les deux questions, on parlait de la situation budgétaire française et de la perspective éventuelle d’une dégradation de notre note par les agences de notation. Cela m’a consterné.

Je conclus. Si nous réfléchissons à la future politique étrangère de la France, il faut garder en mémoire le piège du lien entre politique intérieure et politique extérieure que j’évoquais au début de mon propos.

Il faudra raisonner sur vingt ou trente ans. Or les futurs Présidents de la République quels qu’ils soient – ou quelles qu’elles soient – seront là pour un temps limité, et chacun pourra être tenté de faire une autre politique étrangère. Il faut garder cela en tête.

Quelles sont les grandes questions ?

Quelle Europe ?

Jusqu’ici l’essentiel de la politique étrangère de la France passe par un espoir de succès dans la construction européenne telle qu’elle a été engagée jusqu’ici. Bien sûr nous avons l’arme nucléaire, nous avons encore notre siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU – qui nous sera d’ailleurs de plus en plus disputé – mais on ne peut plus fonder entièrement une politique étrangère sur ces deux « mamelles » que sont l’arme nucléaire et le siège permanent au Conseil de sécurité.

Quelle Europe ? Il faut donc avoir une vraie réflexion courageuse sur cette question. Il ne suffira pas de marteler la locution « défense européenne », sans en mesurer pleinement les implications. On ne donne pas sa vie pour une idée abstraite.

Quelle menace ?

Se baser exclusivement sur une menace venant de la Russie… je ne commenterai pas cette menace en détail, me contentant de dire qu’il faut se mettre dans la tête qu’au-delà de Monsieur Poutine la Russie a peut-être une conception de sa propre sécurité qu’il faut au moins essayer de comprendre. Ce n’est pas seulement une question d’impérialisme, c’est beaucoup plus compliqué que ça. En tout cas il y a bien d’autres menaces que l’on peut imaginer, y compris des menaces de l’intérieur.

Enfin, la sécurité territoriale est, d’une manière générale, la sécurité sur tous les flancs. Nous avons un flanc Nord qui, jusqu’à nouvel ordre, est relativement protégé par l’OTAN et la France n’est pas en contact direct avec la Russie. En revanche nous avons un flanc Sud beaucoup plus vulnérable pour la France qu’il ne l’est pour les membres du Nord de l’Union européenne ou de l’Alliance atlantique.

Je n’ai pas cherché à traiter le sujet de façon exhaustive. J’ai simplement énoncé quelques questions préalables que nous devons approfondir avant de prétendre formuler une nouvelle politique étrangère pour la France.

Merci.

Marie-Françoise Bechtel

Merci beaucoup Monsieur le président, cher Thierry, vous avez développé une pensée très riche et très ordonnée en même temps.

J’avais cité votre ouvrage Vivre le temps des troubles. Il me semble que depuis lors vous vous êtes donné la tâche de jeter une clarté sur les troubles en question, commençant par les analyser, peser leur juste poids pour essayer de voir où tout cela peut aller. Je décèle un filigrane dans ce que vous avez dit, c’est le poids du moyen et du long termes. Qu’il s’agisse des questions politiques et institutionnelles – un quinquennat c’est court – ou qu’il s’agisse plus encore des questions économiques et budgétaires, le moyen et le long termes pèsent d’un poids extrêmement lourd dans ce que doivent être les choix stratégiques d’une nation. Ils pèsent deux fois plus lourd lorsque nous sommes en crise et que sont prises des décisions pour dire : on va produire et offrir des milliers d’obus en plus mais peut-être que demain ce ne sera pas la même chose. On constate quand même une sorte de désordre de la pensée politique très relayé par la pensée médiatique, dont vous n’avez pas parlé. Tout cela peut accentuer le « trouble », pour reprendre l’expression qui fut la vôtre, bien que vous essayiez de balayer devant notre porte et de clarifier les choses.

Je vais passer la parole à Pierre Lellouche.

Monsieur le ministre, j’ai cru lire sous votre plume une forme de rappel de ce que disait le général de Gaulle : « Nous ne voulons pas être entraînés dans des guerres qui ne seraient pas les nôtres, particulièrement dans une crise qui n’est pas la nôtre . » Il me semble que vous avez rappelé cela récemment en vous appuyant sur de nombreux ’éléments de clarification et de bon sens.

Je rappellerai un fait dont je fus témoin à l’Assemblée nationale, à l’époque où j’y siégeais moi-même (mais je n’étais pas à la Commission des affaires étrangères dont vous étiez le vice-président). Vous vous étiez valeureusement battu contre l’extraterritorialité du droit américain, spécifiquement s’agissant d’un traité qu’on exigeait de la SNCF afin qu’elle puisse investir outre-Atlantique. Ayant salué la valeur de votre combat je vous laisse la parole pour dire librement comment vous voyez ce que pourrait être une politique étrangère pour la France en ces temps peu paisibles.

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Le cahier imprimé du colloque « Quelle politique étrangère pour la France ? » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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