Message d’Olivier Assayas, cinéaste, lu lors du colloque du 29 septembre 2008, Paradoxes du cinéma français.
J’ai toujours été convaincu, et j’ai souvent essayé de transmettre cette idée, que le cinéma français offrait aux autres cultures un exemple viable d’une alternative non pas au cinéma américain mais au cinéma hollywoodien en tant qu’esperanto de la culture de masse.
Le cinéma est le dernier art authentiquement populaire et a, de ce fait, une responsabilité à l’égard de l’identité même de ses spectateurs. Autant un spectateur européen, asiatique ou bien africain peut avoir envie de voir à l’écran les divertissements spectaculaires – souvent réussis – que propose Hollywood, autant il est intellectuellement, politiquement, spirituellement aussi, vital qu’il puisse aussi avoir accès à des oeuvres relevant de ses propres racines culturelles.
Si ce n’est pas le cas, il perd le contact avec celles-ci et, pour les plus jeunes, finit par les considérer comme coupées de la modernité en tant que vecteur du devenir de la société à laquelle il appartient.
En somme le modèle, y compris économique, que propose le cinéma français est porteur d’enjeux internationaux bien au-delà de ce qu’on croit généralement – il est une authentique réponse au nivellement, un repère précieux pour tous les pays soucieux de l’effrayant recul de leur identité historique sur l’un des fronts les moins bien compris du conflit contemporain entre les valeurs du marché et celle de l’humain, dans sa richesse, sa complexité, tel qu’il s’exprime à travers l’art.
C’est pourquoi le cinéma français ne doit certainement pas se contenter de donner l’exemple d’une réussite industrielle. Il est aussi de son devoir, et avant tout, de maintenir des valeurs d’exigence, d’ambition, des valeurs morales, éthiques. Il se doit d’être aux côtés des autres cultures soumises aux mêmes interrogations, de répondre à leurs attentes, d’être digne de celles-ci.
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