Conclusion de Jean-Pierre Chevènement

Intervention de Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation Res Publica, au colloque du 24 novembre 2008, L’Avenir des Balkans.

Je veux simplement rappeler que les États-Unis ont une base militaire très importante au Kosovo. Ils ont aussi un projet de route qui relierait le port de Durrës, en Albanie, à Pristina. Cette région, de ce point de vue, les intéresse. Les Balkans sont aussi un enjeu stratégique. Monsieur Roubinski nous a rappelé tout l’intérêt porté par la Russie à l’oléoduc qui traverse les Balkans à partir de la Bulgarie vers l’Italie. Le statu quo me paraît malheureusement (car il n’est pas satisfaisant) l’hypothèse la plus probable : il y aura EULEX, des policiers et quelques militaires européens dans le Kosovo. Je ne sais pas ce que deviendra le Nord du Kosovo, où vivent 40 000 Serbes (on compte trois municipalités serbes au nord de Mitrovica). L’accord entre la Serbie et l’ONU est récusé par les autorités de Pristina. La situation paraît relativement inextricable. Se pose aussi la question les lieux saints orthodoxes dont la protection est une nécessité. On ne voit que des perspectives bancales sauf -je retiens ce qu’a dit Monsieur Derens – à demander à ces pays de commencer par se mettre autour d’une table pour examiner la possibilité – sans reconstituer la Yougoslavie – d’une sorte de confédération balkanique, avec un marché commun et des liaisons directes entre tous les pays qui composent la région et, en cas d’accord entre eux, à leur ouvrir la voie de l’adhésion européenne. Mais, soyons sérieux, le traité de Lisbonne est en panne. Ce n’est pas très grave mais plus grave est la crise économique qui va orienter les esprits dans une tout autre direction et ralentir le processus d’adhésion. Monsieur Derens nous a parlé d’un « moment charnière » mais il a ajouté que le statu quo reste une hypothèse. Si le statu quo est une hypothèse qui paraît aujourd’hui devoir être privilégiée, il n’y a pas de moment charnière ou, plus exactement, il y a place pour un homme d’Etat qui s’intéresserait vraiment au problème et ferait la proposition que vous venez d’évoquer : la constitution d’une confédération balkanique comme condition d’entrée dans l’Union européenne.

Mais on ne peut pas résoudre les problèmes des peuples à la place des peuples. Il faut admettre que les peuples ont leur propre chemin de décision, d’autodétermination. On peut regretter la disparition de la Yougoslavie ; je la regrette, considérant que l’Union européenne a montré toute son incapacité quand, fin 1991, Lord Carrington, et, derrière lui, les autres dirigeants occidentaux, Français, Britanniques et sans doute Américains, ont cédé à la pression de Messieurs Kohl et Genscher pour inverser le processus et faire en sorte qu’on entre dans la voie des reconnaissances avant qu’il y ait eu un accord entre les Républiques yougoslaves. Ce fut une erreur majeure qui a enclenché le processus. Je ne vois pas vers quoi nous pouvons aller si ce n’est la prise de conscience qu’il faut rétablir l’ordre de priorité, d’abord un accord entre les peuples balkaniques puis sa reconnaissance et sa consécration par l’Union européenne, avec l’accord de la Russie qui est toujours intéressée par les Balkans pour les raisons que nous a expliquées Youri Roubinski. Il n’est pas souhaitable que les Balkans cristallisent une opposition entre la Russie d’une part et l’Union européenne de l’autre.

Le point de vue que je viens de développer m’est personnel. Il n’engage pas la Fondation Res Publica, reconnue d’utilité publique, qui a été heureuse d’accueillir les intervenants parfaitement qualifiés qui nous ont apporté des points de vue différents mais précieux.

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