Universités et Grandes Écoles : une question de compétitivité nationale

Intervention de Bernard Ramanantsoa, Directeur général du groupe HEC, lors du colloque « Quelle université française pour demain? », tenu le 13 septembre 2010.

Bonsoir à tout le monde. Merci beaucoup, Madame, de m’avoir invité.

Une précision d’abord : je parlerai ici à titre personnel et, en aucun cas, au titre de la Conférence des grandes écoles.

Merci aussi de me poser la question comme vous venez de le faire, en termes de lien entre les universités et les grandes écoles plutôt que de présupposer, comme, par facilité, on le fait trop souvent, une opposition de systèmes. Il est en effet plus constructif et plus vrai de poser la question du point de vue du lien.

Profitant de ce qui a été (bien) dit par les orateurs précédents, notamment par Axel Kahn et Yves Lichtenberger, je vais plutôt nuancer leurs propos.

Depuis trop peu d’années – c’est une très bonne nouvelle pour les universités comme pour les grandes écoles – on parle désormais de l’enseignement supérieur et on le fait beaucoup plus qu’avant, (même si, à mes yeux, c’est encore insuffisant), en reliant la question de l’enseignement supérieur à celle de la compétitivité du pays. C’est un point important : il y a dix ans, beaucoup d’entre nous, beaucoup de nos concitoyens, ne considéraient l’enseignement supérieur que dans son lien avec la question de l’emploi, les plus négatifs y voyant une sorte de « trappe à chômeurs ». Depuis quelques années, une évolution que je crois très positive pour les grandes écoles et les universités, promeut la question du lien entre enseignement supérieur, recherche et compétitivité du pays.

Rejetant à mon tour l’opposition systématique et un peu facile qui ne sert qu’à faire les couvertures de certains journaux avec de faux débats, je parlerai de ce qui lie les universités et les grandes écoles.

Le premier point commun est la sélection. Axel Kahn l’a rappelé, les universités sélectionnent. Certes, le mode de sélection n’est pas le même. On pourrait – exercice intéressant au plan philosophique – débattre pour décider quelle est, du 100 mètres ou du marathon, la meilleure épreuve. Mais le fait est qu’il y a de la sélection dans les deux cas.

Plusieurs secteurs, plusieurs disciplines de l’université sont sélectives, pour ne pas dire très sélectives et même, les chiffres le montreraient, plus sélectives par rapport aux grandes écoles. Dans les meilleures facultés de médecine, le taux de sélectivité est absolument prodigieux, ce qu’il n’est pas dans les « petites grandes écoles ». C’est une vérité qu’il faut rétablir.

Un deuxième point est trop rarement évoqué, probablement parce qu’on n’arrive pas à l’associer au nom d’un homme politique, c’est le nombre croissant de passerelles entre les grandes écoles et les universités. Il faut savoir que HEC (veuillez m’excuser de prendre cet exemple mais c’est celui que je connais le mieux) vient de signer un accord de double-diplôme avec la faculté de droit de Paris I. Il s’agit bien d’un double diplôme réciproque, ce qui est relativement nouveau. Sans vous imposer le catalogue de toutes les passerelles offertes dans une école comme HEC, je citerai le fait que, depuis quelques années, nous envoyons nos étudiants de première année qui le souhaitent faire une licence dans une université, dans le domaine de leur choix, que ce soient les mathématiques appliquées, l’histoire … ou la musicologie à Paris I, à Paris IV, à l’UVSQ.

Comme l’a rappelé Yves Lichtenberger, depuis plusieurs années, les grandes écoles se sont mises à la recherche. Le véritable clivage n’oppose pas les universités et les grandes écoles mais les établissements qui font de la recherche et ceux qui n’en font pas. Une représentation un peu sommaire selon laquelle les universités feraient de la recherche tandis que les grandes écoles s’en dispenseraient ne résiste pas à l’analyse. Certaines universités sont le site de recherches de très haut niveau, dans d’autres l’activité recherche est assez symbolique. De même, alors que quelques grandes écoles produisent de la vraie recherche, avec de vrais résultats, d’excellentes publications, d’autres n’accordent pas de place (en tout cas de façon subcritique) à la recherche.

Parmi les points communs qui permettent de problématiser notre propos, je citerai l’enjeu international de l’enseignement supérieur et de la recherche qui, lui non plus, ne justifie pas l’opposition entre les universités et les grandes écoles. Il y a des universités, comme des grandes écoles qui participent à cet enjeu international de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il y en a d’autres qui participent plutôt – je le dis sans intention péjorative – à l’aménagement du territoire. Le rêve serait, bien sûr, de concilier une politique d’aménagement du territoire et une politique de compétitivité en termes de recherche mais c’est évidemment beaucoup plus coûteux quand on additionne les objectifs.

Enfin, Axel Kahn le rappelait, il y a un grand problème dont nous – présidents d’université comme directeurs d’écoles – ne parlons pas assez (sommes-nous rentrés dans l’acceptation ?), c’est celui des moyens financiers. En tant que professeur de gestion, j’ai trop souvent entendu le discours qui accompagne systématiquement la diminution des moyens financiers : « Ce n’est pas un problème de moyens, c’est un problème d’organisation ! » Si nous sommes tentés de penser qu’il n’est pas forcément faux, il suffit de regarder les dépenses que les grands pays, nos concurrents, consacrent à l’enseignement supérieur et la recherche. L’évidence s’impose. Peut-être, élément aggravant, sommes-nous collectivement mal organisés. Mais la simple observation des chiffres, à l’étranger, rend insupportables les leçons du type : « Ne me demandez pas plus de moyens, veillez plutôt à mieux vous organiser … »

Jusqu’à une date récente, on m’aurait rétorqué : « Évidemment, tu te réfères au modèle américain… mais est-il le bon ?…». Cette objection m’est épargnée depuis l’apparition du modèle asiatique. Les investissements des grandes universités chinoises ou singapouriennes ont en effet de quoi nous effrayer !

Ce problème des moyens est aussi quelque chose de partagé entre universités et grandes écoles.

Dans la lettre par laquelle vous m’invitiez, vous me proposiez de répondre à une question intéressante que je ne m’étais encore jamais posée (peut-être parce qu’elle est dangereuse !) :
« Quelle est l’utilité des grandes écoles dans l’enseignement supérieur français ? » (autrement dit : « À quoi servez-vous ? »)

Je vais donc parler de l’utilité des grandes écoles. Là encore, j’ai du mal à faire une séparation brutale avec l’université.

Selon ma typologie personnelle, la première grande force des « grandes » grandes écoles est la puissance de feu en matière de recherche. Il sera tout à l’heure question des classements. Dans le domaine de la gestion, nous n’avons aucune chance de figurer un jour dans le classement de Shanghai dont l’un des grands critères est le nombre de prix Nobel obtenus (aucune moisson de prix Nobel en marketing en vue !), même si nous pouvons jouer un peu à la marge en économie. Notre chance (ou notre malchance), c’est que tout le monde – en particulier toutes les business schools – regarde les classements du Financial Times, ‘la’ référence dans le monde des business schools mais aussi dans celui des entreprises. Le point intéressant : le Financial Times a demandé aux doyens des grandes universités et aux directeurs des grandes business schools d’identifier les meilleures revues. Il en est sorti une liste des quarante meilleures revues au monde. Le classement est établi en fonction du nombre d’enseignants et de chercheurs qui ont publié dans ces quarante meilleures revues. C’est une des forces des écoles de gestion françaises, qui sont assez bien classées par le Financial Times : même en recherche, HEC est quatrième européen. Pour être tout à fait honnête, je dirai que les deux premiers (London Business School et l’INSEAD, Institut européen d’administration des affaires) sont très loin devant ; le troisième (Rotterdam School of Management) étant rattrapable. Nous avons donc ce rayonnement, certes sur un segment, celui du management, mais ce n’est pas négligeable. Il serait intéressant de voir ce que le directeur de l’X répondrait sur ce sujet.

Un autre point me paraît très important : nous apportons une légitimité à l’enseignement supérieur par notre savoir-faire dans la professionnalisation. Sur ce critère – et c’est une bonne nouvelle – les meilleures universités sont en train de progresser, suscitant entre elles et les grandes écoles ce qu’Axel Kahn a appelé une « saine émulation » (concurrence reste dans notre milieu un mot tabou). Ce savoir-faire qui légitime l’enseignement supérieur est un point important.

La troisième question portait sur les défis.
J’ai déjà parlé des moyens et de l’internationalisation, enjeux majeurs pour la survie de notre enseignement supérieur. D’aucuns me demandent encore pourquoi nous nous battons pour faire venir des étudiants étrangers. La réponse est cruelle : si nous n’attirons pas les étudiants étrangers dans nos établissements (grandes écoles en l’occurrence mais c’est généralisable à l’université), les meilleurs étudiants français ne resteront pas dans nos établissements. Ils s’en iront. Londres, l’Espagne, sont à notre porte. Ne nous rassurons pas en disant : les États-Unis, c’est loin ! De nombreux pays sont en train d’investir massivement dans l’enseignement supérieur.

Parmi les défis, il est des questions auxquelles il est très difficile de répondre.
La question de la taille est récurrente : « Vous êtes trop petits ! »… Il est intéressant de voir d’où vient ce reproche. L’argument majeur en faveur des fusions apparaît alors : « Ce serait quand même moins cher si vous fusionniez ! ». Ce « moins cher » ne vise pas la réduction du nombre de présidents, de secrétaires généraux ou de directeurs généraux mais, du point de vue des politiques et des stakeholders, une réduction du corps professoral. C’est redoutablement dangereux. Beaucoup d’établissements sont dans une situation très critique en ce qui concerne le taux d’encadrement par rapport aux normes internationales. Sur ce critère du taux d’encadrement, les universités françaises ne sont pas non plus extraordinairement dotées. C’est un vrai problème. Les discours sur la fusion, comme par hasard, préconisent d’additionner les corps d’étudiants : ce sera un « massacre ». La réduction du taux d’encadrement est redoutable en matière de compétitivité, pour les établissements d’enseignement supérieur et pour le pays. La recherche, c’est aussi un problème de puissance de feu et, pour attirer les étudiants, le taux d’encadrement est un critère très important.

Se pose alors la question des alliances ; elle a déjà été remarquablement traitée auparavant. Je ne vous cache pas que certains jours je suis un peu perdu. Yves Lichtenberger, avec beaucoup de brio, nous a expliqué le monde des PRES, reconnaissant d’ailleurs très honnêtement que nous sommes dans une phase d’apprentissage. Certes, mais où cet apprentissage est-il censé nous mener ? Entre la « parano naturelle du monde académique » (j’en suis !) et le flou artistique entretenu par les personnalités politiques de notre pays, une certaine perplexité peut parfois nous étreindre. J’ai apprécié la typologie d’Yves Lichtenberger qui distingue les PRES d’intégration et les PRES de juxtaposition. Certes, il y a les fondations de coopération scientifique (1)… et si, en plus, vous avez la chance, comme HEC, d’être sur le Plateau de Saclay… Le seul message que je puisse faire passer sur ce sujet, c’est qu’il faut des incitations, ce qui nous ramène à la question des moyens. Est-ce par déformation professionnelle ? Je ne pense pas. Je crois qu’il faut des incitations financières. Les incitations organisationnelles ne suffisent pas.

Une ultime question : « Qu’en est-il de la question de la sélection et de la querelle sur les quotas ? » m’était proposée par Madame Bechtel.

Sur la sélection, je serai très bref. Nous avons la chance de pouvoir sélectionner, nous voudrions pouvoir la garder, surtout au moment où – cela a été dit – les universités, elles aussi, sélectionnent. Il est important de préserver cette possibilité de sélection. Je pense que les universités y viendront. La concurrence va s’intensifier entre les établissements académiques. Paris 2, une université déjà très sélective, vient d’inventer le concept de « collège du droit » en son sein : pour moi, c’est une sorte de sélectivité dans la sélectivité.

Une précision importante : on est focalisé sur le « programme grande école » mais la plupart des grandes écoles se sont diversifiées et proposent plusieurs programmes. Si, à HEC, nous sélectionnons à la sortie des classes préparatoires, nous recrutons aussi au niveau de la deuxième année, de même que nous accueillons en mastères spécialisés des étudiants qui ont déjà été « filtrés », sélectionnés par l’université puisqu’ils doivent avoir un M2 pour être admis en mastère spécialisé. Pour ne rien vous cacher, nous examinons leurs dossiers, notamment pour savoir de quel M2, de quelle université, ils viennent. Pour le MBA (2), nous pratiquons le même mode de sélection.

À la question des quotas, je répondrai, là encore, en mon nom propre.

La question de l’ouverture sociale est une vraie question à laquelle il ne faut pas répondre par des fausses options.

Il est intéressant de noter qu’on ne pose la question qu’aux grandes écoles. La publication officielle des statistiques sur le taux de sélectivité sociale tarde. Elles devraient permettre des comparaisons intéressantes entre les grandes écoles et des facultés comme celles de droit et de médecine mais aussi certaines « écoles d’économie » au sein de plusieurs universités. J’aimerais aussi comparer les taux de sélectivité sociale, certes incontestables, à la sortie d’une grande école et à la sortie du M2. Je suis même prêt à prendre les paris !

Je ne balaye pas cette importante et difficile question. La distinction entre boursiers et non boursiers est le critère proposé par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il est en effet intéressant. Dans les épreuves écrites d’HEC, l’épreuve la plus « discriminante » n’est pas l’épreuve de dissertation mais celle de mathématiques. Les langues (que ce soit dans les meilleures écoles d’ingénieurs ou les meilleures écoles de gestion) sont aussi parmi les plus « discriminantes ». On voit bien pourquoi les classes « privilégiées » envoient leurs enfants au mieux dans les summer camps , au pire à Londres. Et on me dit qu’à l’X, l’épreuve de sport est aussi « discriminante ». Et, là aussi, on est capable d’expliquer pourquoi. La classe « privilégiée » organise l’éducation de ses enfants dès le plus jeune âge de façon telle qu’ils pratiquent un ou plusieurs sports, présenté(s), qui plus est, comme une détente. Ceci n’est pas une critique, j’ai moi-même élevé mes enfants sur ce modèle-là (sans savoir, d’ailleurs, que c’était un modèle).

Je reconnais : ma réponse est une non réponse ; mais je ne voudrais pas que ça nous conduise au suicide ! Je pense que la typologie pertinente, opératoire, est celle qui distingue les familles qui investissent dans l’école de celles qui n’investissent pas dans l’école. Si mon hypothèse est bonne, une compensation est nécessaire, à l’école publique, dès le primaire, dès la maternelle. Toutes les études réalisées, notamment par l’IREDU (3) à l’Université de Bourgogne, vont dans ce sens. Il est évident que si on fournissait les moyens financiers nécessaires à cette indispensable compensation, la sélectivité sociale disparaîtrait. C’est sans doute pourquoi on fait plutôt dans le packaging, dans le window-dressing, comme on dit en marketing. C’est dommage.

Encore une fois, ces réponses n’engagent que moi.

Marie-Françoise Bechtel
Merci beaucoup. Plusieurs des propos que vous avez tenus auraient appelé des sous-questions de ma part mais je vais plutôt, avec la permission de Ronan Stephan, demander au professeur Axel Kahn, qui doit impérativement nous quitter, s’il veut réagir rapidement et librement à certains propos qu’il a entendus.

Axel Kahn
Je réagirai très rapidement sur la question de la sélection et de la taille des universités, ce qui m’amènera à aborder plusieurs questions fondamentales qui ont été soulevées.

Il a été dit très justement que les plus grandes universités selon le classement de Shanghai (Harvard, MIT, Oxford, Cambridge etc.) ont entre 12 000 et 20 000 étudiants, rarement plus. Il faut se garder d’une erreur de perspective. Universités sélectives, elles comptent relativement moins d’étudiants de premier cycle que de doctorants. Harvard, par exemple, compte 6 000 doctorants sur 15 000 étudiants environ (on ferait la même observation à Oxford et à Cambridge). En revanche, compte tenu de leur caractère non sélectif, puisque la sélection progressive se manifeste surtout aux niveaux masters et doctorat, nos universités doivent compter des dizaines de milliers d’étudiants pour atteindre quelques milliers de doctorants. Le PRES Sorbonne Paris Cité, par exemple, compte 120 000 étudiants et 6 000 doctorants, nombre qui nous place juste au niveau international.

Pourquoi faut-il être « ventripotent » au niveau du premier cycle ?

Tous les présidents d’universités seraient les plus heureux du monde s’ils pouvaient sélectionner. Cela étant dit, nous sommes investis d’une mission par la collectivité nationale. Il se trouve que, dans ce pays, le premier grade universitaire est le baccalauréat. Or, un certain nombre de bacheliers sont en réalité limités quant à leurs aptitudes à suivre une licence générale. Quelques bacheliers sont dirigés vers les IUT. Ceux-ci sont devenus, de fait, des établissements très sélectifs. A l’origine, en 1966, ils avaient été conçus comme des filières sans sélection, censées offrir une chance d’épanouissement individuel à tous leurs étudiants, certains suivant une formation courte, tandis que d’autres, révélés à eux-mêmes, pouvaient bifurquer vers des études plus longues. Aujourd’hui, la sélection à l’entrée à l’IUT est devenue farouche. Tant que l’on ne créera pas des équivalents modernes des IUT à la mode 66, l’équivalent de collèges à l’anglo-saxonne, que faire de la masse des bacheliers peu aptes aux licences générales ?

Je ne suis pas hostile par principe à la sélection, à condition que l’on prévoie quelque chose pour tous ceux qui ne sont pas sélectionnés. Il est absurde de présenter le bac comme le premier niveau universitaire et de n’offrir de poursuite d’études qu’à 20% des bacheliers. Que fait-on des 80% qui restent ? C’est un problème majeur. Dans mon université, 20% à 30% au moins des étudiants qui s’inscrivent n’ont nullement le niveau leur permettant d’espérer jamais avoir une licence. C’est effarant ! M. Bloch a parlé des baccalauréats professionnels et techniques. En effet, les titulaires d’un bac technique ou d’un bac pro qui ne parviennent même pas à intégrer les filières auxquelles les ont préparés ces baccalauréats arrivent parfois à l’université. J’ai des chiffres : le taux de réussite en licence générale des étudiants venant d’un bac pro est de 0,1%. Il est de 0%, sur trois ans, en Staps (Sciences des activités physiques et sportives) où ils s’inscrivent souvent en s’imaginant que cette spécialité leur est plus accessible. Il faut bien entendu créer des filières adaptées aux titulaires d’un bac pro.

On voit qu’une réforme qui instaure la sélection dans l’enseignement supérieur doit concerner l’ensemble du dispositif faute de quoi, les établissements prestigieux sélectionneront leurs étudiants, refoulant la masse des bacheliers. Où iront-ils ? À Marne-la-Vallée, qui deviendrait donc un College ?
Que veut la nation ? Est-il digne de la part de la nation d’amener 55% d’une tranche d’âge au baccalauréat pour leur imposer ce sort ensuite ?

Je m’éloigne de M. Bloch sur un point : aujourd’hui, on est en train de mettre en œuvre un vrai master en deux ans. Dans mon université, j’ai interdit la sélection entre le premier et le deuxième cycle du master parce que je considère que les universités ne doivent sélectionner qu’aux sorties diplômantes. Il est en effet scandaleux d’accepter un étudiant en première année de master en sachant très bien qu’il ne pourra jamais accéder en seconde année. C’est pourtant une pratique très répandue. Quant aux étudiants, ceux-là même qui crient : « Pas de sélection pour l’entrée au master ! » acceptent d’être engagés dans un véritable cul-de-sac … Actuellement, de nombreux étudiants acceptés en M1 (où il n’y a pas de sélection) n’ont aucune chance d’aller en M2, quels que soient leurs résultats en M1, car le passage de M1 à M2 dépend également de leur note en troisième année de licence ! C’est un scandale !

Par conséquent, on est en train de développer, dans mon établissement, les sorties diplômantes et professionnalisantes à trois ans. Il convient de multiplier les licences professionnelles.

Pour ce qui est de l’orientation-sélection, un examen doit ouvrir le master à ceux qui sont armés pour le terminer. Une nouvelle sortie professionnalisante est proposée à l’issue du M2. S’ouvre ensuite le doctorat.

Obligé de vous quitter, veuillez m’en excuser, je m’en tiendrai à ces quelques remarques.

Marie-Françoise Bechtel
Nous vous remercions beaucoup. Plus que des remarques, vous avez tracé des pistes nous engageant plus loin encore dans le pronostic.

Je vais maintenant donner la parole à Ronan Stephan. Ingénieur de formation, il a présidé l’université de technologie de Compiègne. Il est, depuis 2009, directeur général de la Recherche et de l’Innovation au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

La parole qui vous est donnée est très libre puisqu’elle porte sur le lien entre enseignement supérieur et recherche, une question ouverte dès 1968 et plus encore depuis 1984 .

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1) Le Pacte pour la recherche a établi la possibilité pour la communauté scientifique de créer, avec l’aide financière de l’État, des réseaux thématiques de recherche avancée (Rtra) pour conduire des projets d’excellence scientifique. Pour chaque nouveau Réseau thématique de recherche avancée, une Fondation de coopération scientifique est créée. Créer un Rtra consiste, sur le plan juridique, à créer une fondation.
L’objectif est de mener en commun, entre établissements et organismes, un projet de recherche avec les avantages de la structure juridique de fondation. Cette structure permet de faire appel aux fonds privés.
2) Master of Business Administration ou MBA, diplôme international d’études supérieures du plus haut niveau dans le domaine de la conduite globale des affaires.
3) Institut de Recherche sur l’Éducation : Sociologie et Économie de l’Éducation
4) Loi du 12 novembre 1968, dite Loi Faure.
5) Loi du 26 janvier 1984, dite Loi Savary.

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Le cahier imprimé du colloque « Quelle Université française pour demain? » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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