Intervention de Patrick Quinqueton, Conseiller d’Etat et membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica, au colloque « Nouveau pacte social : mode d’emploi » du 21 mai 2013
Dans le prolongement de ce qu’a dit Jean-Pierre Chevènement, je voudrais souligner d’abord le fait que nous sommes face à une situation – industrielle notamment – extrêmement difficile. Le rapport de Louis Gallois tenait compte des échéances et des besoins qui nous pressent. Notre commerce extérieur s’est beaucoup détérioré. La situation exige un regain d’industrie. En effet, s’il n’y a pas que l’industrie qui crée de l’emploi, il y a rarement d’emploi dans des pays industriellement affaiblis. C’est un processus global.
De ce fait, parce que nous devons améliorer la compétitivité de notre industrie, une question s’impose : comment redonner à notre industrie les marges de manœuvre qui permettront à la France de faire valoir ses atouts comme site de production ?
Bien entendu, ce ne sera possible que si les conditions en sont réunies. Certaines de ces conditions relèvent de la politique monétaire (un euro trop « fort » asphyxie la croissance) ou de la politique industrielle. Précisées dans le rapport Gallois, un certain nombre d’entre elles ont été reprises par le Premier ministre, dans le cadre du « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ».
Les entreprises, ce sont, certes, des chefs d’entreprise qu’on souhaite les plus dynamiques possible mais ce sont aussi des salariés qui y apportent leur énergie, leur compétence. Un tel redressement de notre pays ne sera donc possible que s’il associe toutes les forces vives du pays, dans le cadre d’un nouveau pacte social.
Bien entendu, comme vient de le dire Jean-Pierre Chevènement, notre « modèle » économique et social est la construction de notre histoire et ne doit pas être compris au sens où il serait exemplaire. Il s’agit donc de le densifier et de le faire progresser.
Bien entendu, comme vient de le dire Jean-Pierre Chevènement, notre « modèle » économique et social est la construction de notre histoire et ne doit pas être compris au sens où il serait exemplaire. Il s’agit donc de le densifier et de le faire progresser.
J’ai essayé d’identifier quelques sujets, que nos interlocuteurs enrichiront à leur gré. Il me semble qu’il y a au moins trois sujets sur lesquels il y a matière à discussion pour fixer les choses, dans la perspective de la conférence sociale de la fin du mois de juin, mais aussi d’échéances ultérieures, afin d’avoir des idées claires sur les compromis possibles.
Le premier ordre de questions est la participation des salariés aux grandes décisions stratégiques des entreprises.
Sur ce sujet très délicat, abordé dans la négociation initiée par la dernière conférence sociale, tout n’est manifestement pas dit. Pour se référer à des exemples étrangers – non qu’ils soient plus exemplaires mais ce sont d’autres façons de faire – il est clair qu’un élément de la force de l’industrie allemande est la capacité de parler des sujets industriels et d’en tirer quelques conséquences dans les rapports d’employeurs à salariés et à organisations syndicales.
Un sujet emblématique est réamorcé : la participation des représentants des salariés aux conseils d’administration des grands groupes. Mais ce n’est évidemment pas le seul. La négociation sociale qui vient de se terminer abordait aussi le sujet de l’information en continu des représentants des salariés, pas seulement lors d’échéances prévues dans des calendriers mais chaque fois que cette information est nécessaire.
Le deuxième ordre de questions me paraît être un sujet nommé différemment par des interlocuteurs différents : la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels que la CGT appelle « sécurité sociale professionnelle » et les plus libéraux la « flexisécurité ». Comment articule-t-on la nécessité d’une certaine souplesse dans la gestion des affaires industrielles et le besoin légitime de sécurité et de stabilité des salariés ? Il y a là un ensemble de sujets qu’il nous faut revisiter, sans la volonté – qui serait sans doute vaine – de chercher le dernier état de la question mais en recherchant les compromis possibles.
Un troisième sujet, la recherche d’un nouvel équilibre entre le salaire direct et les cotisations et contributions sociale, mérite réflexion dans la période que nous traversons. Il était clairement énoncé dans le rapport de Louis Gallois. Le gouvernement y a apporté des éléments de réponses sensiblement différents mais qui se réfèrent à la même perspective : comment peut-on, dans le respect des droits légitimes des salariés, retrouver des formes de compétitivité-coût qui permettent de faire face à l’international ? Plus globalement, comment assure-t-on le financement des prestations sociales ? Avec quel type de prélèvements et quel type de garanties pour ceux qui en sont les bénéficiaires ? Je parle de l’assurance-vieillesse, sujet par nature récurrent puisque nous ne sommes jamais dans la situation où on peut s’assurer que nous pourrons financer l’assurance-vieillesse de façon durable, mais aussi de l’assurance-maladie et des allocations familiales, puisque le sujet est actuellement discuté.
Les syndicats sont plutôt favorables à la cotisation, conçue comme étant dotée directement d’une contrepartie, les prestations, dont on escompte un secours dans les difficultés de la vie.
Depuis un peu plus de deux décennies, d’autres modes de financement de la protection sociale (CSG, CRDS) se sont développés, un ensemble de financements plutôt de type fiscal si on les analyse dans leur construction qui, s’éloignant de la logique cotisations/prestations, permettent dans certains cas d’élargir l’assiette et de peser aussi sur les revenus de la rente, au lieu de ne toucher que les revenus du travail. Il y a là un ensemble de débats sur les moyens de financer notre protection sociale, débat qui porte sur l’assiette et sur le mode de contribution.
Ces quelques sujets, et sans doute d’autres – je pense notamment à la qualité de vie au travail et à l’organisation du travail – conduiront nos intervenants à débattre des pistes possibles d’un nouveau pacte social.
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