Introduction de M. Claude Martin, ambassadeur de France en Chine de 1990 à 1993, au colloque « La Chine et ses défis: vers un nouveau modèle de développement? » du 14 décembre 2015.

Jean-Pierre Chevènement
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Nous avons eu récemment l’occasion, avec une petite délégation de la Fondation Res Publica, de faire un voyage d’étude en Chine. Nous nous interrogions sur les limites du modèle de développement chinois, sur son avenir. Rien n’est plus intéressant que de confronter ce que nous avons entendu et les réponses qui ont été apportées à nos questions avec l’avis des meilleurs experts ici réunis.

Je vais laisser le soin de présenter les intervenants et de mener les débats à M. Claude Martin, qui connaît bien la Chine, pour avoir été ambassadeur à Pékin il y a une douzaine d’années, avant de représenter la France à Berlin.

Claude Martin
Merci, Monsieur le ministre. Revenant de Chine, vous avez les nouvelles les plus fraîches et surtout vous avez vu. Selon un dicton que répètent volontiers les Chinois : « Mieux vaut voir une fois qu’entendre parler cent fois ».
Je jouerai dans cette rencontre un rôle de modérateur.

Pour fréquenter la Chine depuis cinquante ans, j’ai appris qu’il faut être en Chine en permanence pour pouvoir juger. J’ai mis les pieds à Pékin pour la première fois en 1964, j’y ai passé, en additionnant mes séjours successifs, plus de seize ans. J’ai connu la révolution culturelle, le mur de la démocratie [1], j’étais sur la Place Tian’anmen quand les chars sont arrivés… Un concours de circonstances a fait que si mes séjours en Chine ont été intermittents, ils ont toujours coïncidé avec des moments importants de la vie de la Chine. Je suis convaincu que nous sommes à nouveau à un moment très important.

Vous avez intitulé la discussion de ce soir : « La Chine à la recherche d’un modèle de développement ». Depuis cinquante ans la Chine a en effet beaucoup changé de modèle. Elle a aussi servi de modèle. Ce sont plutôt les étrangers qui cherchent à définir un modèle chinois : un modèle stratégique, un modèle idéologique, un modèle économique… On cherche aujourd’hui à savoir ce que la Chine nous propose ou prétend elle-même avoir comme modèle. S’il y avait un Chinois à cette tribune, il serait bien en peine de définir le modèle chinois tant la Chine change en permanence et tant elle porte en elle-même de contradictions.

Il est bon pour débattre de la Chine d’opposer les points de vue afin de construire une idée contradictoire et peut-être une synthèse. Mon rôle d’organisateur de ce débat a consisté surtout à réunir de grandes compétences à cette tribune :
Joris Zylberman, journaliste et chercheur, est directeur et rédacteur en chef de la publication en ligne Asialyst, l’équivalent aujourd’hui de ce qu’a été pendant très longtemps la célèbre Far Eastern Economic Review (FEER). Cet organe d’information, que je vous invite à consulter, applique son regard et ses analyses à l’ensemble de l’Asie, du Pakistan au Japon. La Chine, compte tenu de son importance, de son poids, de sa dimension, y occupe une place tout à fait centrale. M. Zylberman ouvrira la discussion en campant le paysage chinois d’aujourd’hui. On parle aujourd’hui de la Chine de Xi Jinping. Qui est M Xi Jinping ? Quel est le système chinois auquel Xi Jinping donne son visage ? Quels sont ses principes ? Quelles sont ses difficultés ? Quelles sont ses priorités ? Quelle est, en particulier, l’ambition que la Chine porte à travers ce personnage que l’on décrit beaucoup comme le nouveau Mao, plus puissant qu’aucun dirigeant chinois ne l’a été depuis Mao ?

Nous en viendrons ensuite au morceau de choix de ce débat : l’économie. Cette année la Chine s’est illustrée par un certain nombre d’événements économiques et c’est surtout par l’économie que vit aujourd’hui l’intérêt pour la Chine.

Je n’ai pas besoin de présenter Patrick Artus, économiste et directeur de la recherche et des études de Natixis, professeur à la Sorbonne.

Je passerai ensuite la parole à Jean-François Di Meglio, président d’Asia Centre. Ce centre de recherches qui ne cesse de croître en importance, et que je recommande à tous, regroupe un certain nombre de compétences sur la Chine et sur l’Asie en général. Jean-François Di Meglio, que j’ai connu là-bas en d’autres temps, est un grand expert de la Chine.

Après le numéro d’analyse en duo de l’économie chinoise aujourd’hui, nous écouterons un dernier orateur : Antoine Bondaz, docteur et professeur associé à Sciences-Po, membre associé de l’Asia Centre, se chargera de la dimension politique étrangère dans ce portrait de la Chine d’aujourd’hui. Que veut la Chine dans le monde ? A-t-elle une ambition ? Est-elle simplement une très grande puissance passive, qui se cache un peu derrière les autres ? Quoi qu’il en soit, on ne peut l’ignorer, ne serait-ce qu’en raison de son poids, de sa pollution, du rôle qu’elle joue dans les marchés mondiaux. Le rôle d’Antoine Bondaz sera de nous dire si la Chine a une politique étrangère au-delà de la politique de ses marchés, de ses contrats et de ses intérêts.
J’essaierai de faire la synthèse de ces interventions en essayant de déterminer quelle sorte de regard nous pouvons porter sur la Chine d’aujourd’hui et quel ajustement nous pourrions apporter à la relation que nous avons avec elle.

Je passe la parole au premier orateur pour nous camper le décor politique. Joris Zylberman va nous parler de la situation politique chinoise aujourd’hui.

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[1] Le mur de la démocratie 西单民主墙 (Xidan Minzhu Qiang) est un long mur de briques, érigé en 1978 sur la rue Xidan, sur lequel étaient placardées de nombreuses affiches (ou dazibao) qui critiquaient ouvertement les dirigeants chinois, jusqu’à ce que, le 6 décembre 1979, la municipalité de Pékin interdît l’affichage sur ce mur.

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Le cahier imprimé du colloque  »La Chine et ses défis: vers un nouveau modèle de développement? » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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