Accueil

Accueil par Marie-Françoise Bechtel, présidente de la Fondation Res Publica, lors du colloque « La République face à la déconstruction » du mardi 8 mars 2022.

Monsieur le Président fondateur,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

Bonsoir et merci une fois encore de votre présence.

Je n’ai pas besoin de vous dire à quel point cette présence est précieuse à la Fondation. Elle alimente jusqu’aux sujets que nous choisissons et non seulement les débats. Au-delà elle contribue à maintenir une « identité » qui, me semble-t-il, nous est commune.

Les moments difficiles que nous sommes en train de vivre ne changent rien à ce besoin d’une déclinaison de l’identité républicaine. Il est vital, à nos yeux, de la faire vivre dans toutes ses potentialités, en affrontant le monde réel, les enjeux et les défis de ce monde dans des débats qui ne sont pas académiques, même si nous regardons l’apport de la pensée théorique et universitaire comme une nourriture indispensable, ce dont nous allons d’ailleurs administrer la preuve tout de suite.

Le sujet de ce colloque, que nous avons intitulé « La République face à la déconstruction », n’est pas totalement neuf en ce sens que de nombreux séminaires, et récemment encore un grand colloque à la Sorbonne [1], se sont souciés depuis quelques années de la pénétration en France des idées de la Cancel culture, du « wokisme » et de l’idéologie qui, plus largement, est à la base de tous les combats menés au nom d’un différencialisme qui ne connaît plus de freins, interpellant puis s’attachant à déconstruire (nous reviendrons sur ce concept et sa portée historique) nos institutions, notre histoire, nos positions académiques, le monde de la recherche, celui de l’entreprise, de la politique, de l’école, de la culture et parfois jusqu’à la vie quotidienne. Aucun secteur n’est épargné par ce mouvement d’une rapidité et d’une capacité expansionniste que les réseaux sociaux ont naturellement portée au plus fort.
Ce que nous voulons tester ce soir, précisément, est la capacité de résistance de notre République à cette expansion. Ce qui suppose une question préalable : la République comme armature conceptuelle du civisme est-elle ou non plus attaquée que ne l’est la démocratie dans son ensemble ? C’est une vraie question. Préjudiciable aux conceptions de l’égalité, de la liberté et même surtout d’une certaine conception culturelle de la vie en société, l’extension de la culture de l’excuse et de la dénonciation permanente, l’est-elle parce qu’elle met en cause objectivement ou subjectivement d’abord les valeurs républicaines-clés en s’opposant prioritairement à elles ? C’est possible. C’est ce que nous essaierons de tester en allant au-delà de la seule question de la menace que fait peser le « wokisme » généralisé sur la seule démocratie.

Et, corollaire de cette première interrogation, autre question à laquelle nous tenterons de répondre : la République est-elle finalement mieux ou plus mal armée pour riposter ?

Mais auparavant, de quoi parlons-nous ? Si la culture de la déconstruction se répand en tous domaines, comme je le soulignais, la connaissance précise des fondements sur lesquels elle est apparue n’est pas un détour inutile. Chacun le sait, cette apparition met en cause des influences philosophiques qui ont servi de foyer et ensuite nourri la braise.

C’est pourquoi nous avons demandé à Pierre-André Taguieff – qui était intervenu dans le colloque de la Sorbonne auquel je faisais référence – de nous éclairer sur les origines philosophiques de la French Theory puisque c’est ainsi qu’on a baptisé outre-Atlantique le mouvement dit de la déconstruction. Interrogation nécessaire également sur les dérivations de ce mouvement que l’on regarde généralement comme l’aliment principal de ce nouveau narcissisme de la différence qui s’impose sur fond de contraste entre l’activisme qui le fait vivre et la résignation qui lui permet de survivre et de s’imposer.

Nous tenterons ensuite de faire le point sur l’effet boomerang par lequel les applications de la French Theory nous sont revenues d’outre-Atlantique, autrement dit de mesurer jusqu’à quel point et par quels moyens la déconstruction dans sa version « wokiste » a atteint en retour l’université d’où elle était censée venir, ainsi que la recherche. Par quelles voies ? Avec quels effets ? Nous nous demanderons aussi comment elle a atteint et contaminé le débat public, la vie associative et les partis tout particulièrement progressistes ou supposés tels. Ce sera l’objet des deux interventions successives et complémentaires de Nathalie Heinich et d’Hadrien Mathoux.

Enfin, les deux interventions finales essaieront de répondre à la question spécifique que nous posons à travers ces éclairages fondamentaux : en quoi tout d’abord les valeurs républicaines en elles-mêmes sont-elles particulièrement visées par la destruction déconstructiviste ? Et en quoi ces mêmes valeurs sont-elles porteuses d’une réponse, d’une résistance possible et finalement d’une capacité de produire un dépassement de ce moment noir qu’est un « wokisme » bien digne du capuchon de l’inquisiteur ? Souâd Ayada et Jean-Yves Autexier ont accepté de se charger chacun d’une des deux branches de cette interrogation. En quoi la République est-elle attaquée ? Comment peut-elle répondre ?

Je laisse la parole à Pierre-André Taguieff qui, retenu loin de Paris, nous a fait l’amitié de nous faire parvenir son intervention par vidéo, ce dont je le remercie vivement. Je rappelle que son propos est : qu’est-ce au fond que le « wokisme » sur la base de la French Theory et comment se sont développées les idées déconstructionnistes à travers notamment la façon dont s’en sont emparées les universités américaines.

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[1] Les 7 et 8 janvier, s’est tenu à la Sorbonne un colloque conjointement organisé par l’Observatoire du décolonialisme et le Collège de philosophie, intitulé « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture ».

Le cahier imprimé du colloque « La République face à la déconstruction » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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