Introduction par Marie-Françoise Bechtel, présidente de la Fondation Res Publica, lors du colloque "L'avenir de l'Europe : que penser de la Communauté politique européenne ?" du mardi 28 janvier 2025.

Mesdames, Messieurs,

Monsieur le Président fondateur,

Messieurs les intervenants,

Chers amis,

Nous vous saluons et nous réjouissons de vous voir nombreux sur un sujet qui a mobilisé une bonne partie d’entre vous depuis de longues années et qui est en relation avec notre dernier colloque consacré aux rapports Draghi et Noyer. Nous nous sommes interrogés principalement sur la portée politique du rapport Draghi. La question est de savoir s’il pouvait conduire, s’il devait conduire, s’il entendait conduire, s’il pouvait être le prétexte à une sorte de fédéralisation de l’Europe d’autant qu’il a coïncidé à peu près avec la nomination d’Andrius Kubilius, commissaire lituanien à la défense et à l’espace. Le rapport Draghi prévoit aussi une sorte de surveillant général des finances publiques des États européens car, comme on le sait, ces finances ne sont absolument pas surveillées : nous avons déjà le TSCG, le premier semestre et le deuxième semestre européens, la mise sous contrôle du budget par la Commission… il faut encore ajouter une couche supplémentaire !

Voilà l’ambiance générale dans laquelle nous nous trouvons.

Nous avons conçu le présent colloque comme la suite d’un premier chapitre, celui consacré aux rapports Draghi et Noyer, un second chapitre donc consacré à l’aboutissement des projets qui sont aujourd’hui sur la table en ce qui concerne l’avenir de l’UE

Tel est donc l’objet du colloque de ce soir.

Que faut-il attendre de la notion de « Communauté politique européenne » (CPE), apparue il y a peu sur la scène, dans un contexte géopolitique qui n’a jamais été aussi difficile, qu’il s’agisse de la guerre d’Ukraine et surtout de ses retombées, que ce soient ses retombées économiques et énergétiques ou que ce soient les retombées dans la relation transatlantique. En effet, il est bien joli de dire que Donald Trump va peut-être œuvrer à la paix en Ukraine mais en attendant nous avons été poussés depuis quelques années à nous armer de notre côté de l’Atlantique. Tout cela a ou aura des conséquences. Enfin, la candidature de l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne, acceptée en théorie, est quelque chose qui interpelle.

C’est le premier bloc de questions.

Le deuxième bloc d’interrogations sur l’avenir de l’Europe aujourd’hui est évidemment la menace transatlantique d’une concurrence débridée pouvant mener jusqu’à l’affaissement de l’Union européenne si elle ne réagit pas. Hier, c’était la menace sur les droits de douane ; aujourd’hui, c’est le Stargate du président Trump auquel il alloue généreusement au moins 500 milliards qui s’ajoutent aux 450 milliards de l’IRA (Inflation Reduction Act) de Joe Biden. C’est en raison de cette agressivité nouvelle de la politique commerciale américaine, mais aussi des projets d’avenir de ce grand pays, en matière spatiale, en matière numérique, en matière d’intelligence artificielle, que le rapport Draghi avait proposé de mobiliser plus de forces au sein de l’Union européenne, en chiffrant un emprunt commun (autour de 800 milliards annuels) qui pourrait permettre de répondre aux défis américains.

C’est ce qu’il faudrait pour répondre a minima à la menace commerciale américaine. Mais bien entendu tout cela va se heurter assez probablement à la religion austéritaire qui marque un certain nombre de pays d’Europe, à commencer par notre plus grand voisin. On se tient donc dans un entre-deux où l’on ne sait pas si le rapport Draghi sera mis en œuvre, ne serait-ce que partiellement. S’il était mis en œuvre totalement peut-être présenterait-il alors une menace de fédéralisme européen comme gage de la mise en œuvre de la solidarité dans l’emprunt. Mais il faut aussi répondre au défi américain, peut-être en définissant une forme d’organisation européenne plus efficace.

Voilà à peu près le socle sur lequel nous proposons le colloque de ce soir.

La « Communauté politique européenne » qu’est-ce à dire ? Tel eût pu être l’intitulé de ce colloque.

Ce qu’est et ce que n’est pas, tout d’abord ce projet.

Proposé par le président Emmanuel Macron en été 2022 lors de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, le projet de « Communauté politique européenne » a été bien accueilli et commence à porter quelques fruits, du moins quelques apparences de concrétisation.

La Communauté politique européenne n’est pas une confédération politique. Elle n’a rien à voir avec la confédération politique du plan Fouchet que le président Mitterrand lui-même, dans un instant de remords après Maastricht, avait évoquée comme une voie qui pouvait être éventuellement envisagée dans le futur.

Il ne s’agit pas de la confédération d’États-nations qui serait peut-être le modèle souhaitable de la future Union européenne.

La Communauté politique européenne est l’ensemble que constituent les pays de l’Union européenne auxquels s’ajoutent les pays candidats ou potentiellement candidats. On a pu y voir une manière d’esquiver le problème : puisque l’Ukraine a le statut de candidat, puisque d’autres l’ont ou l’auront bientôt, puisque les pays des Balkans l’ont déjà depuis un certain nombre d’années, autant « noyer le poisson » en inventant une sorte de formule d’avenir dont la réalisation demandera de longues années, d’autant qu’on ne connaît pas très bien encore son contenu.

Cette Communauté politique européenne a eu, je le disais, un certain succès : elle a donné lieu à un sommet quasiment annuel : le sommet de Prague, le 6 octobre 2022 ; le sommet de Moldavie, le 1er juin 2023 au Château Mimi, à Chisinau ; le sommet de Grenade, le 5 octobre 2023 ; le sommet du 18 juillet 2024 à Woodstock, au Royaume-Uni ; la CPE s’est réunie pour la cinquième fois le 7 novembre 2024, à Budapest, en Hongrie. Le prochain sommet se déroulera au printemps 2025 en Albanie, afin d’alterner entre États membres de l’UE et pays n’y appartenant pas.

Ce projet semble pris au sérieux par les dirigeants européens. Peut-être est-ce d’ailleurs le lâche soulagement qui pousse à fuir en avant et, lorsqu’une question se pose, à l’englober dans une forme plus large dont on se dit qu’elle a au moins les vertus de la plasticité et que le temps ne manque pas pour sa mise en œuvre…

Supposons un instant que cette Communauté politique européenne se mette un jour en œuvre. Quelles en seront les étapes ? Quel en sera le prix à payer ? Et, c’est la question centrale, nous conduira-t-elle vers une union de caractère plutôt confédéral ou bien accentuera-t-elle les tendances fédéralistes de l’Europe en prévoyant des cercles concentriques au sein même de son architecture ? On voit bien qu’il peut y avoir des débouchés différents.

Encore tout ceci reste-t-il théorique parce que les rapports de force viendront jouer à un certain moment. Ils jouent déjà bien sûr, notamment sous la pression de la crise géopolitique. On voit bien que, selon que la guerre d’Ukraine sera ou ne sera pas achevée dans un proche avenir, la Communauté politique européenne aura un avenir plus ou moins dense.

Je n’en dirai pas plus à ce stade parce que nous avons invité deux intervenants très éminents et très « sachants » sur la question européenne. En effet, à la Fondation Res Publica, nous n’avons jamais – je le dis sous l’œil vigilant de son président fondateur – cherché à céder à la facilité, à privilégier les grandes envolées du futur sur les réalités du présent, sacrifiant par-là les moyens que donne la politique par rapport aux fins. En même temps nous sommes très ouverts à l’idée de dire des choses qui ont une force pour l’avenir, même pour le long terme.

Nos deux invités pourront intervenir sur ce sujet d’une manière que nous avons conçue comme non conflictuelle mais forcément différente. Je donne la parole à Jean-Louis Bourlanges, ancien député au Parlement français et au Parlement européen, auteur, en 2023, d’un rapport à la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale.

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Le cahier imprimé du colloque « L’avenir de l’Europe : que penser de la « Communauté politique européenne » ? » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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