Introduction par Marie-Françoise Bechtel, présidente de la Fondation Res Publica, lors du colloque "Occident collectif, Sud global : qu'est-ce à dire ?" du mardi 20 février 2024.

Mesdames, Messieurs,

Monsieur le Président fondateur,

Messieurs les intervenants,

Chers amis,

Nous sommes heureux de vous voir nombreux ce soir.

“Occident collectif et Sud global : qu’est-ce à dire ?” Ce colloque se comprend comme le premier volet de deux. Le second colloque, qui aura lieu le 21 mars prochain, sera consacré à ce que pourrait être une politique étrangère pour la France aujourd’hui. Mais nous n’avons pas cru pouvoir aborder ce sujet lourd sans avoir auparavant largement déblayé le terrain et sans nous être situés par rapport à un contexte dont tout le monde voit bien qu’il nécessite d’être interrogé.

Nous chercherons donc aujourd’hui à interpeller deux notions qui se sont imposées depuis quelques années – je laisserai aux intervenants le soin d’en analyser l’origine et le succès – et apparaissent maintenant de manière récurrente : dans la presse, dans les médias, sur les réseaux sociaux, dans les discours diplomatiques, il n’est question que d’« Occident collectif » et de « Sud global ».

L’origine de ces deux notions est sans doute inséparable de leur succès. Mais de quoi au juste sont-elles porteuses ? Qu’y a-t-il de pertinent – et jusqu’à quel point – dans ce qu’elles suggèrent aujourd’hui de l’ordre du monde ?

Très sommairement, il semble que nous soyons passés du monde bipolaire, celui des blocs – que beaucoup d’entre nous ont connu – dans lequel, y compris avec les non-alignés, une forme d’ordre des grandes entités se manifestait, au monde unipolaire qui a été marqué pendant quelques années par le triomphe de la mondialisation économique et de ce que Hubert Védrine a nommé « l’hyperpuissance américaine ». Je n’aurai garde entre les deux d’oublier le dialogue Nord-Sud qui a eu lui aussi sa fortune et posait directement la question du développement. On pense par exemple aux accords de Lomé en 1975.

Et nous voilà aujourd’hui non plus dans un monde bipolaire finalement ordonné mais dans un monde unipolaire éclaté, un monde fragmenté, à propos duquel je ne mentionnerai dans ce propos liminaire que quelques éléments frappants :

D’abord le lien qu’entretient cet éclatement d’un ordre ancien avec les prémices d’une mise en cause ou d’une relativisation de l’ordre économique qui a régné jusqu’ici. Selon l’essayiste américain Fareed Zakaria, la mondialisation économique arriverait à son terme et ne serait pas pour rien dans la nouvelle vision de l’ordre du monde qui se profile aujourd’hui. Nous ne parlerons pas beaucoup d’économie aujourd’hui, c’est la raison pour laquelle je mentionne cette idée intéressante selon laquelle depuis l’appropriation par Trump du néoprotectionnisme – que le mandat de Joe Biden n’a pas démenti et qui risque de durer quel que soit le président élu – nous sommes, comme par hasard, arrivés à une fragmentation du monde. Cela donc à partir du moment où l’ordre économique lui-même semble s’éloigner de la globalisation supposée parfaite et totale.

Deuxième constat, c’est à partir de la guerre d’Ukraine que surgit ce double concept d’Occident collectif et de Sud global. On notera que la polarisation n’est pas symétrique, l’Occident ne s’opposant pas plus au Sud que le Sud ne s’oppose à l’Occident, du moins en termes géographiques. De même, le « collectif », traduction du russe, n’est pas du tout la même adjectivation de l’entité que le « global ». Le « collectif » suppose la cohérence, la solidarité, c’est un terme quasiment sportif (ce n’est pas Pascal Boniface, fin connaisseur de la « géopolitique sportive », qui me démentira) tandis que le « Sud global » ramasse tout. On y met un certain nombre de pays, des réalités hétérogènes. Le « global » et le « collectif » ce n’est donc pas du tout la même chose. Il y a déjà un soupçon sémantique à avoir devant la fausse symétrie, me semble-t-il, de ces deux notions.

C’est cette cohérence que nous essaierons d’interroger avec nos intervenants.

Nous entendrons d’abord l’intervention de Bertrand Badie, professeur émérite des universités à Sciences Po, auteur, notamment, de Pour une approche subjective des relations internationales (Odile Jacob, 2023) qui a fait récemment l’objet d’une note sur le site de la Fondation Res Publica[1].

Il sera suivi de Pascal Boniface, docteur en droit public, fondateur et directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), directeur de La Revue internationale et stratégique et de L’Année stratégique, auteur, notamment,de Guerre en Ukraine, l’onde de choc géopolitique (Eyrolles, 2023).

Pour finir nous entendrons notre ami Jean De Gliniasty, ancien ambassadeur de France à Moscou (2009-2013), directeur de recherche à l’Iris, auteur, notamment, de La Russie, un nouvel échiquier (Eyrolles, 2022) et de France, une diplomatie déboussolée (L’inventaire, 2024). Je vais donc pour commencer donner la parole à Bertrand Badie qui, en développant les principales analyses de son dernier ouvrage, nous exposera l’origine de ces concepts assez nouveaux que sont « l’Occident collectif » et « le Sud global », les raisons pour lesquelles ils semblent aujourd’hui s’imposer, appliqués notamment à la guerre d’Ukraine et combien ils sont inadaptés pour demain à la réalité nouvelle, qu’il appelle joliment « l’union libre des diplomaties », qui est pour lui la réalité actuelle de l’état du monde.


[1] « La France est-elle finie ? », Note de lecture de l’ouvrage de Bertrand Badie, Pour une approche subjective des relations internationales (Odile Jacob, 2023), par Lucas Lusseau.

Le cahier imprimé du colloque “Occident collectif, Sud global : qu’est-ce à dire ?” est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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