Italie, France, Europe

Intervention de Christian Masset, ambassadeur de France en Italie, lors du séminaire "Où va l'Italie ?" du mardi 21 mars 2023.

Intervention de Christian Masset, ambassadeur de France en Italie, lors du séminaire “Où va l’Italie ?” du mardi 21 mars 2023.

Merci beaucoup Madame la présidente.

Merci d’avoir pensé à moi pour ce séminaire extrêmement intéressant. Je suis particulièrement honoré d’être à côté de deux grandes figures de référence sur l’Italie et en Italie. Et je suis vraiment honoré de retrouver Monsieur le ministre. Nous avons eu dans le passé l’occasion de nous rencontrer. J’aperçois dans la salle d’anciens collègues. C’est pour moi un grand plaisir d’être parmi vous.

Je commencerai par un mot sur l’industrialisation.

Effectivement, en Italie, la production est assurée par un tissu de petites et moyennes entreprises. Il y a aussi des grands groupes qui ont décliné au fil du temps. Beaucoup étaient d’origine publique et n’ont pas très bien marché.

Les petites et moyennes entreprises produisent sur leur territoire, alors qu’en France le gros de la production est effectué par de très grosses entreprises devenues des multinationales qui ont décidé de produire où se trouvaient les marchés. D’où une énorme délocalisation qui explique la chute de la part de l’industrie dans le PIB français, passé de 20 % à 12 % ou 13 % du PIB alors qu’en Italie ce chiffre est resté au-dessus de 20 % parce qu’il n’y a pas eu ce phénomène de délocalisation. Il y a eu, comme vous le rappeliez, quelques clusters en Roumanie mais cela n’a pas du tout le caractère massif que cela a eu en France. L’Allemagne n’a pas connu non plus ce phénomène de délocalisation massive parce que les entreprises allemandes, pour conserver l’image de la Deutsche Qualität, ont toujours pour objectif d’assembler le produit final ou d’avoir le contrôle de la production finale. Pour les automobiles comme pour beaucoup de produits le made in Germany reste plus attractif que le made in Poland ou le made in China. Les entreprises allemandes y sont toujours attachées. Aussi ont-elles moins délocalisé que les françaises.

Je partirai du constat que faisaient en 2001 deux très grands connaisseurs de l’Italie, Gilles Martinet, qui fut ambassadeur de France en Italie de 1981 à 1984, et Sergio Romano, grande figure du journalisme et de la diplomatie. Ils avaient écrit un livre entretien intitulé Une amitié difficile[1].

Effectivement, toute l’histoire de la relation franco-italienne est celle d’une amitié difficile, et, comme le disait Madame la présidente, cette histoire a connu des orages… C’est donc une sorte de ciel de mars perpétuel, avec des éclaircies, des éclairs, des averses puis des périodes un peu plus calmes. Moi-même, pendant cinq ans en poste, j’ai tout connu, j’ai vu toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et toutes les saisons. J’ai même été rappelé comme ambassadeur de France en Italie, une première depuis 1940 ! Et j’ai connu des moments extraordinaires comme la signature du traité du Quirinal.

Cette relation agitée, ces secousses ne sont pas détachables de la vision que les deux pays ont de l’Europe et de la façon dont ils se projettent dans cette Europe, ce qui peut conduire à des périodes d’idylle comme à des périodes de difficultés et même de crise.

Le paradoxe de tout cela c’est que cette « amitié difficile » recouvre en fait une densité de rapports extraordinaire et que nous sommes probablement en Europe les deux grands pays qui avons le plus d’atomes crochus, le plus d’intimité.

Actuellement notre coopération est extrêmement dynamique.

On le voit dans l’économie puisque nous avons dépassé en 2022 les 100 milliards d’euros d’échanges de biens (80 milliards avant le covid.), chacun étant le deuxième partenaire de l’autre. C’est un bond extraordinaire. On observe aussi un développement spectaculaire des investissements croisés, particulièrement d’ailleurs dans le sens Italie-France, qui opère un certain rééquilibrage au profit de l’Italie.

On le voit aussi dans les échanges universitaires. Quand je suis arrivé en Italie il y avait à peu près 200 doubles-diplômes, cinq ans après il y en a 350. Il y a des classes Esabac[2], c’est-à-dire des sections françaises, dans environ 350 lycées d’excellence italiens, c’est plus qu’en Espagne ou en Allemagne.

Sur le plan culturel c’est clairement la première relation pour l’un et l’autre.

Dans le domaine militaire et de la défense il y a désormais de multiples coopérations sur lesquelles je reviendrai.

Il y a aussi le mouvement des personnes tout simplement : le tourisme a explosé, les échanges d’étudiants sont nombreux. 500 000 Italiens vivent en France et 100 000 Français en Italie. Tout cela révèle une dynamique forte.

Nous avions donc une contradiction que le traité du Quirinal, signé en 2021, visait justement à résoudre.

Je rappelle la façon dont ce traité avait été imaginé. C’était en 2017, à Lyon, lors de l’avant-dernier sommet bilatéral. Après des orages violents durant le mois d’août (la Libye, l’affaire STX- rachat des chantiers navals de l’Atlantique, etc.), c’était à nouveau l’éclaircie, nous retombions sur nos pieds. Un journaliste italien, s’adressant au Président de la République, proposa : « Il y a un traité de l’Élysée, ne pourrait-on pas avoir aussi un traité franco-italien ? ». On pourrait très bien imaginer un traité du Quirinal, avait répondu le Président de la République.  L’expression, sortie d’une façon un peu spontanée, a fait mouche, on y a réfléchi et cela s’est fait. Le nom « Traité du Quirinal » apparaissait pourtant impossible compte tenu de la séparation des pouvoirs en Italie : difficile de concevoir qu’un traité de la compétence du gouvernement soit signé à la Présidence de la république, au Quirinal ! On a fait fi de tout cela et le traité a été signé au Quirinal.

Or ce traité n’est pas le traité de l’Élysée, ce n’est pas un traité de réconciliation. En effet nos deux pays n’ont pas été en guerre. Certes il y a eu l’épisode de 1940 mais ce n’était pas du tout le même rapport qu’avec l’Allemagne. Il ne s’agissait donc pas de réconcilier les peuples. Il ne s’agissait pas non plus, comme dans certains traités d’amitiés, de tisser un lien car la relation franco-italienne, extrêmement dense, est ancienne. Il s’agissait de la structurer et d’essayer de la stabiliser pour éviter ces à-coups qui empêchent cette relation d’exprimer tout son potentiel…

Un deuxième élément, très important, qui ne figurait pas dans le traité de l’Élysée mais figure dans le traité d’Aix-la-Chapelle (avec l’Allemagne) est l’Europe. C’est un traité France-Italie, mais en Europe, avec un horizon européen. C’est un point très important. Si ce traité a été rendu possible c’est aussi parce que l’écart qui pouvait exister entre nos visions sur l’Europe s’est réduit, comme l’ont très bien dit le professeur Cassese et le professeur Mény.

Au départ, en 1957, il y avait un grand écart entre la vision de De Gaulle et la vision des responsables italiens.  

Pour la France, comme l’avait dit Kissinger, l’Europe était une réincarnation, c’était l’État donc la puissance. Il y avait toujours ce rêve de puissance.

Pour l’Italie, l’Europe était davantage vue comme un substitut de l’État, de la bureaucratie, comme un facteur de modernisation. Outre que l’Europe apportait de grands financements elle allait être un moteur de la modernisation de l’Italie. Les Italiens se sont donc extraordinairement investis dans l’idée européenne.

Tout ceci, petit à petit, a changé. L’entente médiocre entre de Gaulle et l’Italie venait en grande partie de cette différence de conception de l’Europe. Les Italiens avaient du mal à faire de grandes choses avec de Gaulle parce qu’ils ne partageaient pas la même conception. La vision française a changé. Il y a eu plus d’engagement dans l’Europe. Les Français ont été les moteurs du traité de Maastricht tandis qu’en Italie, petit à petit, une certaine vision de l’intérêt national a repris ses droits. Ce changement, ce rapprochement comptait pour beaucoup dans la bonne entente entre Mitterrand et Craxi.

Dans les années 1990 – les années Berlusconi – l’effet de substitution a commencé à lasser (l’Europe ne va pas nous dicter ce qu’on a à faire !) d’autant que l’Italie, dans ces années-là, est devenue créditeur net (elle payait plus qu’elle ne recevait).

Ensuite nos deux pays ont subi des à-coups (notamment, en France, le référendum de 2005). Et, en 2018 nous nous nous sommes retrouvés dans une situation inédite avec, en Italie, l’avènement au gouvernement, avec Luigi di Maio et Matteo Salvini, d’une coalition populiste eurosceptique, tandis que le président et le gouvernement français se montraient très allants sur l’Europe (comme en témoigne le « Discours de la Sorbonne »).

Avec la crise du covid nous avons pris conscience l’un et l’autre de notre interdépendance au niveau européen.

Puis vint le programme Next Generation EU dont l’Italie est devenue de très loin la première bénéficiaire et qui, pour une fois, après l’affaire de la crise d’austérité en 2011 et les problèmes liés aux migrations, a montré que l’Italie n’a pas été laissée seule, qu’elle a bénéficié de l’aide de l’Europe. Cela a changé la perception des Italiens sur l’Europe et nous sommes maintenant au niveau des opinions dans une situation assez similaire.

Le traité du Quirinal, totalement inédit, a fait des émules. Le traité de Barcelone, signé avec les Espagnols, est proche du traité du Quirinal. De même l’Italie est en train de négocier des accords moins ambitieux (feuilles de route, mémorandums, etc.) qui s’inspirent du traité du Quirinal avec l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni.

Il est important d’avoir une idée claire des objectifs pour comprendre les ressorts, les difficultés et les opportunités de notre relation.

Le premier objectif est de mieux se connaître. C’est ce qu’on appelle le paradoxe de la proximité. Nous sommes héritiers d’une culture commune. Nous allons souvent en Italie, les Italiens viennent volontiers en France. Mais, en réalité, nous ne nous connaissons pas bien. Parce que nous sommes très proches, nous avons l’impression que nos deux pays fonctionnent un peu de la même façon. Or, comme l’ont très bien dit les deux professeurs, le rapport à l’État est complètement différent.

Le rapport à l’espace national est complètement différent pour des raisons historiques. En Italie il y a eu une juxtaposition d’histoires jusqu’à une époque très récente. Toute ville italienne d’un peu d’importance a été une capitale et s’en souvient.

De plus la girandole des gouvernements en Italie s’oppose à nos institutions fortes. Mais il faut bien voir que derrière ce tourniquet des gouvernements il y a des invariants. La politique étrangère italienne, notamment, est plus stable, plus continue que la nôtre.

Tout cela explique de nombreux préjugés et le fait que nous ne nous comprenons pas nécessairement. Cela ne date pas d’hier. « Il y a des moments où je préfère l’autoritarisme autrichien à la condescendance française » disait Cavour en 1862. Et cela n’a pas totalement disparu. Des préjugés se sont construits de part et d’autre, d’où la nécessité de mieux se connaître. C’est la raison pour laquelle le traité du Quirinal organise toute une série d’échanges entre décideurs, fonctionnaires, jeunes, etc. C’est absolument fondamental. Un peu comme on l’avait fait pour le traité de l’Élysée afin que les peuples se connaissent pour surmonter la haine héréditaire.

Il faut aussi organiser un réflexe franco-italien – actuellement inexistant – face à un problème. Qu’en pense la France ? Qu’en pense l’Italie ? Que pouvons-nous faire ensemble pour le résoudre ? De la même façon nous ne prenons pas nécessairement en compte les intérêts de l’autre alors qu’au niveau européen nous devrions être attentifs à ce qui est important pour l’Italie, pour la France. Chose que nous faisons en franco-allemand. C’est la raison pour laquelle on a organisé toute une série de mécanismes de consultations systématiques à un très haut niveau de façon à obliger les équipes des Italiens et des Français à travailler ensemble. J’ai travaillé au cabinet d’Hubert Védrine qui voyait dans le
franco-allemand une religion d’État ou une machine à fabriquer de la synthèse. Il faut faire la même chose avec l’Italie. Ce qui devrait être plus facile parce que nous avons beaucoup de convergences.  

Tout ce que j’ai indiqué dessine des intérêts communs, donc des convergences, notamment sur la façon dont on doit aborder en Europe la sécurité, l’industrie, etc. Le problème est que jusqu’à présent nous ne travaillions pas assez et n’étions donc pas capables de transformer nos convergences en actions communes. Et nous mettions sous le tapis nos divergences qui apparaissaient totalement déplacées. De là naissaient des malentendus qui se transformaient vite en crise. Alors que dans le franco-allemand on n’est d’accord sur rien au départ mais on essaie de fabriquer de la synthèse.

Des matrices de projets sont en cours d’élaboration (le traité du Quirinal est entré en vigueur le mois dernier), qu’il s’agisse d’accélérateurs pour les projets communs d’entreprises ou des nombreux projets dans le domaine de la défense et de l’armement. S’ajoutent à cela le service civique franco-italien, un grand programme de mobilité des artistes entre l’Italie et la France, à vocation européenne, « Le Nouveau Grand Tour »[3], et le développement dans les lycées des filières dont je vous parlais. Tout cela est en cours mais il faut naturellement poursuivre.

L’an dernier des élections ont eu lieu en France et en Italie. Le gouvernement de Mme Meloni d’une part, le Président et le gouvernement français d’autre part, n’ont pas les mêmes positions sur l’échiquier politique. La question se pose de savoir comment va fonctionner ce traité du Quirinal, notamment par rapport à l’Europe. « Je suis conservatrice et nationaliste », écrit Mme Meloni dans son livre autobiographique paru en 2021 (Je suis Giorgia). En réalité elle est pragmatique. Elle a conscience de l’immensité des défis auxquels nos pays sont confrontés. Comme nous, face à la fragmentation de la mondialisation, à la compétition entre la Chine et des États-Unis, elle concède que l’Europe est l’échelon pertinent pour répondre à ces défis, même si ce n’est pas le seul. Elle a besoin de l’Europe, elle essaie de trouver un compromis entre son affirmation de l’Italie et cette nécessité.

Entre la France et l’Italie apparaissent des convergences et ce que je n’appellerai pas des divergences mais des « questions ouvertes ». 

La première convergence porte sur un point important, l’Ukraine. Mme Meloni a pris un engagement fort. Elle a une position sans ambiguïté de soutien à l’Ukraine, contre ses alliés politiques : on connaît la position de M. Berlusconi et de M. Salvini et il y a dans son électorat un important courant favorable à Poutine. L’Italie n’a jamais vu la Russie comme un ennemi. Nous avons des rapports de puissance avec la Russie, l’Italie n’a pas eu de rapports de puissance avec la Russie. Il y a toujours eu en Italie un courant transpartisan assez favorable à la Russie, qui a critiqué en particulier les sanctions imposées en 2014 après l’invasion de la Crimée.

Mme Meloni le fait parce que d’abord c’est pour elle une question de crédibilité vis-à-vis de ses principaux partenaires européens mais surtout des États-Unis. Or les partenaires européens dont elle se sent le plus proche sont les pays d’Europe centrale et orientale, avec lesquels elle a des liens privilégiés, notamment avec le parti Droit et Justice (PiS) de la Pologne. C’est aussi une conviction profonde parce qu’elle croit à l’émancipation des peuples. Et donc, comme elle s’est engagée par exemple sur la question du génocide arménien, elle appuie l’émancipation du peuple ukrainien.

La deuxième convergence concerne la défense européenne. Jusqu’à il y a quelques années, les Italiens étaient très atlantistes. Seul l’OTAN comptait et ils regardaient la « défense européenne » avec beaucoup de suspicion. Cela a changé. Pendant l’épisode Trump, pour la première fois pointait une interrogation sur la capacité à protéger des États-Unis. À cela s’ajoute le souci de l’intérêt national, notamment en matière d’industrie d’armement. Cela a suscité une évolution importante des Italiens qui aujourd’hui soutiennent la défense européenne et l’autonomie stratégique, en complémentarité avec l’OTAN.

La Méditerranée est longtemps apparue comme un terrain de rivalité entre l’Italie et la France. La question méditerranéenne et la relation avec notre pays ont d’ailleurs déterminé la politique étrangère de l’État italien naissant. L’appropriation de la Tunisie par la France à la fin du XIXème siècle donnant l’impression que la France niait à l’Italie son rôle en Méditerranée a amené celle-ci à se rapprocher de l’Allemagne et de l’Autriche, rejoignant la Triplice, qu’elle abandonnera au moment de la Première guerre mondiale. Cette « rivalité » a duré très longtemps et a subsisté dans l’opinion jusqu’à une période récente, notamment à propos de la Libye. Cette perception de rivalité est dépassée aujourd’hui par les ingérences de la Turquie, de la Russie ou de la Chine, alors même que le retrait des États-Unis se poursuit : un travail en commun prend tout son sens.

Ceci est couplé avec la récente projection de l’Italie en Afrique. Les Italiens ont beaucoup investi dans l’ouverture d’ambassades, dans des programmes de développement, dans une présence militaire au Sahel. Pour l’Italie, le Sahel est désormais la frontière sud de l’Europe. Mais là où nous avons un prisme sécuritaire, très dicté par la lutte contre le terrorisme, les Italiens privilégient le prisme migratoire : comment arrêter les flux de migration qui traversent l’Afrique ?

Sur l’énergie nous nous retrouvons aussi sur l’encadrement des marchés. Les Allemands refusent que l’on touche aux actuelles règles de marché sur le plafond du gaz, sur l’électricité, etc. Les Italiens et nous, au contraire, sommes favorables à un encadrement du marché. Sur le nucléaire, je ne pense pas que l’on construira de sitôt des centrales nucléaires en Italie mais celle-ci a beaucoup de compétences et le nouveau nucléaire peut être un espace de coopération.

Les entreprises françaises et italiennes ont des intérêts communs pour pousser l’Europe à investir et à être présente dans le domaine des technologies : la révolution digitale, la révolution énergétique écologique, la santé, afin de développer des Projets Importants d’Intérêt Européen Commun (IPCEI)[4] . Il y en a plusieurs dans les domaines dont j’ai parlé. Nous avons maintenant des entreprises communes comme STMicroelectronics, multinationale
franco-italienne, une des plus grandes entreprises mondiales de semi-conducteurs.

Pour tout ce que je viens d’énoncer, la défense, la révolution technologique, la santé, il faudra des investissements considérables. Nous nous retrouvons pour promouvoir les financements européens, mais de façon graduée car tout cela est affaire de compromis, et aussi un pacte de stabilité qui permette d’avoir la plus grande appropriation possible par les États de leur trajectoire financière.

Il faut aussi parler des questions ouvertes.

Il y a bien entendu les migrations. Sur la dimension externe nous nous retrouvons sur l’idée qu’il va falloir faire une sorte de contrat avec les pays méditerranéens et africains autour des migrations pour donner un cadre aux migrations légales et mettre en œuvre le retour des étrangers en situation irrégulière.

Mais notre géographie n’est pas la même. Au cœur de l’Europe la France est un pays de mouvements secondaires. Les migrants ne viennent pas d’abord en France, ils entrent par d’autres pays, dont l’Italie. Celle-ci est un pays de premier accueil. On retrouve très vite en France beaucoup des immigrés arrivés en Italie, y compris sur les plages de la Manche pour essayer de gagner l’Angleterre.

Le climat. L’Italie traditionnellement a été un pont entre les moins-disant et les mieux-disant. Dans la précédente législature elle a rejoint les mieux-disant. Aujourd’hui elle revient à sa position d’origine.

Pour Mme Meloni l’avenir de l’Union européenne c’est l’Europe des nations. La politique du gouvernement français correspond à une vision plus intégrée. Sachant que la Présidente du Conseil demande en même temps plus de travail en commun sur les sujets de défense et de politique étrangère, cela signifie-t-il qu’elle va accepter la majorité qualifiée sur ces sujets ? Je ne sais pas. Mais, comme on le voit, ce n’est pas blanc et noir, c’est beaucoup plus complexe.

L’Europe est-elle la garante des droits ? C’est dans les traités. L’Europe n’est pas définie par sa géographie mais par ses valeurs. La question concerne la Hongrie, la Pologne … Le positionnement de Mme Meloni est de dire : nous respectons les valeurs mais nous ne voulons pas que ce soit transformé en outil politique et l’Europe ne doit pas dicter leur conduite aux États. C’est aussi une question ouverte.

Dernière question ouverte, celle des formats, très importante parce que l’Italie n’a jamais aimé le franco-allemand. Va-t-on trouver une sorte d’interaction Italie-Allemagne-France ? Il y a aussi le partenariat privilégié avec les pays d’Europe centrale et orientale voulu par Mme Meloni. Comment tout cela va évoluer ? Ce sera entre ces deux bornes.

Next Generation EU a quand même permis à tous les pays européens de faire face à la crise économique provoquée par le covid. Pour la première fois depuis des années nous avons travaillé ensemble et c’est une proposition franco-italienne qui a fait la différence. Nous sommes donc capables, quand nous sommes ensemble, de changer la donne.

Nous avons des intérêts communs, industriels, sécuritaires, migratoires … qui créent beaucoup de convergences. Il faut utiliser ces convergences pour être plus forts en Europe et faire en sorte que nos intérêts nationaux, qui se retrouvent dans ces intérêts communs, soient défendus et protégés.

C’est peut-être une amitié difficile mais c’est surtout une amitié nécessaire. Par conséquent, même si c’est difficile, il faut travailler.

C’est mon message : une amitié nécessaire qu’il faut cultiver. Merci.

—–

[1] Gilles Martinet & Sergio Romano, avec Michele Canonica Une amitié difficile : entretiens sur deux siècles de relations franco-italiennes, publié par l’Association Dante Alighieri – Comité de Paris, 1999.

[2] L’Esabac permet la délivrance simultanée du baccalauréat français et de l’Esame di Stato italien. Ce diplôme est préparé dans les lycées à section binationale français / italien “Esabac”. Les élèves qui l’obtiennent peuvent accéder à l’enseignement supérieur français et à l’enseignement supérieur italien.

[3] Le Nouveau Grand Tour est un programme de résidences destiné aux jeunes artistes d’Europe et déployé sur l’ensemble du territoire italien. Il s’inspire de la tradition historique du Grand Tour, fondé au 17 e siècle, qui permettait à la jeunesse de découvrir le patrimoine artistique et de parfaire sa formation.

[4] Le Projet Important d’Intérêt Européen Commun (IPCEI) est un mécanisme européen visant à promouvoir l’innovation dans des domaines industriels stratégiques et d’avenir au travers de projets européens transnationaux.

L’IPCEI autorise les pouvoirs publics des États membres à financer des initiatives au-delà des limites habituellement fixées par la réglementation européenne en matière d’aides d’État.

Les opérateurs économiques participants doivent démontrer leur volonté de coopérer avec d’autres leaders européens de l’innovation sur le secteur concerné dans le but de développer l’ensemble de la chaîne de valeur sur le territoire européen.

Le cahier imprimé du séminaire “Où va l’Italie ?” est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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