Quelle politique énergétique face aux bouleversements induits par la guerre d’Ukraine ?

Intervention d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, ancienne ministre déléguée chargée de l’industrie, lors du colloque « La guerre d’Ukraine et l’ordre du monde » du mardi 27 septembre 2022.

Monsieur le ministre,
Mesdames et Messieurs,

Merci de m’accueillir dans cette conférence.

Je regrette de ne pas avoir entendu les interventions liminaires parce que cela m’aurait permis de rebondir sur ce que vous avez pu exprimer.

Le premier enjeu de la crise ukrainienne est quand même un sujet de valeurs. Je m’écarte un peu du sujet de l’énergie mais cela me paraît absolument essentiel.

Nous connaissons une guerre à haute intensité aux portes de l’Europe, ce qui est assez nouveau. La stratégie de l’agresseur est d’essayer de disloquer l’Europe, notamment dans l’unité que nous montrons en matière de réponses sur un certain nombre de sujets.
Une petite musique laisse entendre que les sanctions font peut-être plus de mal à l’Europe qu’à la Russie, ce sur quoi je veux m’inscrire très clairement en faux. Les sanctions auront un impact massif sur l’économie de la Russie qui, par exemple, a déjà réduit de 96 % sa production d’automobiles faute d’importations de composants nécessaires à un certain nombre d’activités industrielles. Fin juin, l’inflation était de + 15 % en Russie alors qu’elle était de + 6 % en France. Je pourrais continuer à égrener les signaux économiques.

Évidemment nous n’avons pas accès à l’appareil statistique russe – qui n’est peut-être pas celui qui présente les caractéristiques de plus grande indépendance – mais nous savons que ces sanctions font très mal.

Nous savons également que ce qui est en jeu est un modèle démocratique, un enjeu de paix. Quand j’échange avec mes homologues balte, roumain, tchèque, polonais, la guerre, à leur porte, et l’ombre portée de « l’empire russe » sont quelque chose de très concret pour eux. Et quand bien même nous pouvons avoir des divergences ponctuelles entre nous et si parfois des sujets peuvent ralentir des prises de décisions communes, il importe de tenir collectivement et de ne pas faiblir au niveau des opinions publiques.

Vous avez fait allusion à l’époque de la « chasse au gaspi », des grandes mesures d’économie d’énergie et de l’accélération du programme nucléaire avec Messmer. Si je regarde notre politique énergétique face à l’actuelle crise énergétique majeure, la plus importante que nous vivons depuis les années 1970, je ne vois pas beaucoup de changements dans la ligne que nous avons tracée.

Je rappelle que la politique énergétique portée par le Président de la République repose sur un triple enjeu :
Le premier enjeu est de lutter contre le réchauffement climatique en visant la neutralité carbone de notre économie en 2050. Nous avons tenu sur cet objectif en pleine guerre d’Ukraine puisque, à la fin du premier semestre 2022, nous nous sommes donnés pour objectif une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 au niveau européen, avec le paquet climat « Fit for 55 » adopté durant la Présidence française de l’Union européenne. Ce n’est pas seulement un objectif global qui est formulé. Cela a des conséquences très directes pour chaque secteur d’activité : l’automobile, le transport maritime, l’aviation, le bâtiment, les énergies renouvelables, l’industrie… toute l’activité économique a en creux une feuille de route de décarbonation à un rythme extraordinairement soutenu. Nous n’avons pas renoncé à cela.

Le deuxième objectif est notre indépendance. Ce qui se passe aujourd’hui en Russie et en Ukraine nous montre à quel point cet objectif d’indépendance est essentiel.

Le troisième objectif est la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat.

En résumé, notre objectif est de disposer d’une énergie abondante, bas carbone, accessible en prix qui nous permette de développer nos propres ressources industrielles. Une énergie qui permet à notre pays d’être capable, dans le concert des nations, de tenir son rang économique mais également politique et géopolitique.

Le Président de la République a présenté notre politique énergétique à Belfort le 8 février dernier. C’était avant la guerre. Son discours mettait en avant quatre leviers pour réaliser cette ambition :

Les deux premiers leviers sont la sobriété et l’efficacité énergétiques.

La sobriété consiste à ajuster nos comportements pour avoir une consommation de l’énergie plus économe  dans nos manières de nous déplacer, de gérer les locaux… Le plan sobriété n’est pas un plan pour passer l’hiver mais pour aller vers la décarbonation avec une première marche d’économie (10 % d’énergie) qui doit être suivie de marches complémentaires. Les scénarios des experts de l’énergie nous indiquent qu’il faudra réduire notre consommation d’énergie de 40 % pour atteindre zéro carbone en 2050.

L’efficacité énergétique réside dans des technologies (LED, isolation d’un logement, passage d’un véhicule thermique à électrique etc.) qui procurent le même confort (éclairage, chaleur), en consommant moins d’énergie.

Les deux autres leviers reposent sur une massification du déploiement de capacités de production bas carbone en remplacement des énergies fossiles. Ce sont les énergies renouvelables et le nucléaire.

Car nous le savons, il importe surtout de sortir des énergies fossiles, non de savoir s’il faut deux tiers de nucléaire, un tiers d’énergies renouvelables… Nous sommes obnubilés par notre mix électrique alors que les énergies fossiles que nous devons remplacer représentent plus des deux tiers de notre consommation d’énergie aujourd’hui (transports, chauffage, eau chaude sanitaire etc.). Cette dépendance explique qu’aujourd’hui les entreprises sont confrontées à des prix qui s’envolent et que certaines sont obligées d’arrêter leur production. C’est ce qui explique les problèmes de pouvoir d’achat que rencontrent ceux qui ne bénéficient pas directement du « bouclier »  je pense notamment aux entreprises de taille moyenne – et les collectivités locales.

Sortir des énergies fossiles suppose de les remplacer par autre chose. Selon les rapports RTE (deux ans de travail, 40 experts, 4000 personnes interrogées), qui ont tracé différents scénarios, la massification dont nous avons besoin en termes d’énergies renouvelables et le programme de relance en matière nucléaire sont considérables. C’est pourquoi je prends aujourd’hui les décisions permettant de faire le maximum sur ces deux aspects. Le niveau d’ambition pour y parvenir est tel que si je ne mets pas le maximum d’« énergie » pour les pousser nous n’y arriverons pas collectivement.

Un facteur est parfois oublié : notre propre système énergétique a une date de valeur. Les centrales nucléaires construites à la fin des années 1970 et au début des années 1980 avaient initialement été conçues pour durer quarante ans. À l’issue de cette période, les prolonger de dix ans demande beaucoup de maintenance. Même si nous arrivions à les prolonger de dix ans supplémentaires au début des années 2030, rien ne dit que ces centrales nucléaires présenteront à cinquante ans et plus les qualités de sécurité que nous pouvons attendre de ce type d’installation. Il arrivera un moment où il faudra les remplacer. C’est cela aussi qui est en jeu. C’est vrai pour les centrales, pour les installations renouvelables, c’est vrai pour tout notre mix énergétique. Certaines installations peuvent durer quatre-vingts ans, d’autres ont malheureusement des dates plus échelonnées.

Aujourd’hui, notre politique énergétique agit sur ces quatre volets de manière déterminée, organisée.

Au-delà de cette stratégie, avec la crise que nous traversons, nous pouvons nous interroger : la guerre d’Ukraine affecte-t-elle notre politique énergétique ?

Cette guerre est en fait un levier d’accélération pour ceux qui, malgré les rapports très alarmants du GIEC, sont réticents à aborder le sujet du dérèglement climatique.

Selon le GIEC, nous avons trois à cinq ans pour renverser la vapeur en termes de croissance d’émission de gaz à effet de serre. Trois à cinq ans, c’est très court, c’est moins qu’un mandat présidentiel en France et dans beaucoup de pays.

Si nous n’y parvenons pas, collectivement, les différents scénarios décrivent les conséquences désastreuses en termes de montée des eaux, de perte de biodiversité, d’événements climatiques extrêmes… Il ne s’agit pas simplement de périodes de chaleur mais d’inondations, de tempêtes, de cyclones, de phénomènes majeurs, pour ne pas dire apocalyptiques, y compris dans les pays tempérés.
Si nous parvenions à remette la situation sous contrôle, les scénarios prévoient une situation décalée par rapport à il y a un siècle mais nous arriverions à peu près à équilibrer les choses du point de vue de la biodiversité et de l’occupation de l’espace terrestre.

C’est cela qui est en jeu, notre survie. Paradoxalement, la guerre d’Ukraine a l’avantage de fournir un aiguillon supplémentaire : la forte augmentation du prix de l’énergie oblige à accélérer les choses dans les domaines de la décarbonation, des investissements dans des capacités alternatives de production et des économies d’énergie.

Mais cette crise présente aussi des risques.

Le risque, aux niveaux nationaux, de choisir des chemins plus rapides qui passent par les énergies carbonées. Il y a des tentations. On l’observe chez les ménages qui, devant le risque de coupures d’électricité, réinvestissent dans des appareils au fuel ou au gaz. On l’observe dans les entreprises, avec un boom sur les groupes électrogènes qui, fonctionnant au diesel. Nous-mêmes, en tant que gouvernement, pour sécuriser l’approvisionnement électrique en France, nous avons décidé de repousser d’une année l’arrêt d’une de nos centrales à charbon. Décision que nous avons assumée.

Le premier risque est donc la tentation de ne pas choisir la voie de l’accélération de la décarbonation mais d’emprunter des voies de traverse sur des énergies carbonées.

Le deuxième risque se situe au niveau européen : il faut que nous tenions collectivement et que nous prenions collectivement des décisions opérationnelles, rapides, de protection de notre système économique et de nos populations. Pendant la crise covid, j’ai géré l’achat et la mise en place de chaînes de valeur autour des vaccins. Là aussi, tandis que certains travaillaient dans le sens de « l’union fait la force », on observait des tentations plus nationalistes, parfois renforcées par des résultats d’élections installant des partis moins sensibles à la force que représente l’Europe pour chacun d’entre nous. Ma conviction est que l’appartenance à l’Union européenne est une chance extraordinaire pour tenir tête aujourd’hui à la Russie tout en cherchant un chemin de paix. Il ne s’agit pas de souffler sur les braises mais de chercher un chemin de paix qui ne soit pas munichois. Il s’agit de respecter ces valeurs que nous avons portées au niveau de l’Union européenne parce qu’un faux-pas serait probablement le début du détricotage de la force de ce qui a fait l’Europe. Il faut tenir sur cette ligne qui n’est ni une ligne de provocation ni une ligne de défaite des valeurs et de défaite de la pensée.

En matière énergétique, c’est une course contre la montre qui est engagée.

Le plan sobriété livrera ses premiers résultats le 6 octobre. Beaucoup d’entreprises, beaucoup de collectivités locales jouent le jeu. Des fédérations sportives, des acteurs culturels rentrent également dans cette dynamique. L’État se doit évidemment d’être exemplaire. J’assume que ce plan sobriété soit volontaire, qu’il parte du terrain, qu’il ne s’agisse pas d’un travail réglementaire ni législatif. En effet, la façon de changer ses comportements, d’évoluer dans notre façon d’utiliser l’énergie doit partir des usages et des gens. En revanche, concernant les grandes institutions à l’origine des déplacements sur le territoire (domicile-travail, logistique, déplacements professionnels, occupation des espaces, bâtiments du tertiaire…), nous avons, en tant qu’opérateur, en tant qu’employeur, une responsabilité majeure concernant l’utilisation de l’énergie.

Sur l’efficacité énergétique, nous faisons aussi feu de tout bois, notamment sur l’efficacité énergétique des bâtiments (un combat qui va monter progressivement), pas seulement des logements mais de tous les bâtiments, avec des montants d’investissements extraordinairement élevés. En trois ans, les budgets sur l’efficacité énergétique des bâtiments ont augmenté de 40 %. Pourtant on a toujours l’impression que ce n’est pas suffisant. À cette trajectoire, nous devons donc parvenir à arrimer du financement privé conditionné à un certain niveau de performance énergétique.

Sur les énergies renouvelables nous mettons également tout en œuvre en respectant un principe, celui de la neutralité technologique. Je dois faire en sorte que toutes les innovations puissent monter et non les brider en étant trop directifs sur la manière d’atteindre cette neutralité carbone. Cela suppose d’accélérer sur l’ensemble des énergies : la géothermie, le photovoltaïque thermique le photovoltaïque électrique, les éoliennes terrestres ou marines, le biogaz et ses différents avatars, l’hydrogène, la biomasse… C’est ce continuum de technologies qui nous permettra de réussir la décarbonation globale de notre économie.

Un travail de programmation et de planification va démarrer dans les prochaines semaines pour nous donner les trajectoires à cinq ans avec l’idée d’avoir jusqu’en 2050 de véritables trajectoires, des trajectoires où l’on évite les grands angles morts (quand on consomme beaucoup d’énergie sans avoir les capacités énergétiques de production). Cette planification doit savoir respirer dans le temps et tenir compte des ajustements que nous connaissons à la fois en termes d’innovations et de conditions géopolitiques.

Il faut encore construire les filières industrielles. Construire une indépendance énergétique où on ne maîtriserait ni les technologies ni les composants ni même les matières premières serait problématique. Nous ne pouvons pas nous permettre de passer d’une dépendance aux énergies fossiles à une dépendance aux « terres rares ». Terres pas si rares mais qui nécessitent un travail de sécurisation des gisements et de raffinage pour arriver à des gradients utilisés dans les batteries électriques, dans les éoliennes. Or, depuis vingt ans, le principal acteur dans ce secteur est la Chine. À nous, aujourd’hui, de nous retrousser les manches ! Pour construire ces filières industrielles nous devons en avoir une vision complète, de la matière première jusqu’au composant final. Sur certaines filières, je pense à l’éolien marin, nous maîtrisons une grosse partie des composants. Il ne faut pas non plus rougir de nos technologies et de notre industrie.

Sur ces sujets, je tâche de réfléchir en Européenne. C’est en Européens que nous gagnerons la bataille car il y a une question de taille critique des marchés, ainsi qu’une question de savoir-faire.

Notre vision du marché européen doit aussi préserver à tout moment le « level playing field » (la concurrence loyale). Nous avions pris des mesures de protection de nos marchés parce qu’il y avait du dumping sur les panneaux photovoltaïques chinois. Le jour où ces mesures ont été un peu relâchées, la Chine a pris 80 % de parts de marché en dix-huit mois. Il faut aborder ces sujets sans naïveté. C’est très exactement ce sur quoi j’ai travaillé, notamment avec le commissaire Thierry Breton, quand j’étais en charge de l’industrie.

Ce sujet, essentiel, comporte deux volets : ce que nous sommes capables de construire en termes de technologies et de composants industriels dans une vision européenne ; et ce que nous sommes capables de construire en termes de règles du jeu qui ne relèvent pas du protectionnisme idiot mais de la concurrence loyale. Si une batterie chinoise produit de l’électricité carbonée parce que le mix énergétique chinois comporte beaucoup de charbon, il faut en tenir compte et cela a une valeur. La tonne carbone a une valeur tutélaire qui doit pouvoir être prise en considération. En effet, selon le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières – que l’on connaît plus sous le nom de « taxe carbone » – quand une marchandise (acier, aluminium, ciment…) rentre sur le marché européen et que son contenu carbone est singulièrement décalé du marché européen, une contribution carbone doit être payée.

Il n’y a pas de raison pour que nous imposions une trajectoire très forte à nos industriels européens qui produisent avec ces contraintes supplémentaires et que ces contraintes ne pèsent pas aussi pour les marchandises qui rentrent sur le marché européen.

J’espère avoir répondu à votre question.

Marie-Françoise Bechtel

Merci beaucoup, Madame la ministre, du caractère très clair, très investi, très précis de vos propos.

Vous avez dit que nous devons chercher un « chemin de paix ». Cette prescription est extrêmement importante. Vous avez parlé aussi de ne pas « souffler sur les braises », autre manière de traduire la même idée. Sans naïveté, avez-vous ajouté.

La crise en Ukraine n’exacerbe-t-elle pas certaines contradictions européennes, que ce soit la gestion des marchés de l’électricité, que ce soit, dans quelques mois, la fin du tarif du gaz réglementé, que ce soit encore la question des investissements nucléaires sur laquelle la France a dû se battre durement dans le cadre de la taxonomie (laquelle fait un petit saut en arrière en rapport avec la crise ukrainienne mais qui était quand même très présente dans les négociations impliquant notre pays) ? Cette crise ne crée-t-elle pas des difficultés à la France, à raison notamment de son nouveau volontarisme nucléaire ? N’exacerbe-t-elle pas quelques contradictions ?

Je vois que nous venons de conclure avec l’Allemagne une sorte de deal d’approvisionnement commun, gaz contre électricité. Est-ce que tout cela résout vraiment des problèmes ?

Sommes-nous allés plus vite à la faveur de la crise ou la crise ne révèle-t-elle pas au contraire un certain nombre de contradictions qui restent à régler ?

Agnès Pannier-Runacher

Pour ma part je pense que, de ce point de vue-là, la crise nous aide beaucoup. D’abord, elle met en évidence que le nucléaire ce n’est pas si mal. Je trouve intéressant d’entendre mes collègues réclamer à cors et à cris plus de nucléaire français – comme si le fait que nous soyons durablement et fortement exportateurs était une donnée de base du fonctionnement du marché énergétique -quand je me souviens des batailles homériques pour faire reconnaître que le nucléaire n’est pas seulement une énergie de transition mais une énergie décarbonée qui participera de notre projet zéro carbone en 2050 !

Je pense aussi au fait que l’on a pu s’émouvoir – moi la première ! – que le prix de l’électricité en France, même adapté au consommateur entreprise, ne reflétait pas totalement notre mix électrique et que nous payions une taxe carbone alors que notre énergie était à plus de 90 % décarbonée ! En effet, nous payons deux fois le prix : les Français ont payé les centrales nucléaires et ils ont payé la décarbonation de leur électricité d’une manière ou d’une autre grâce à des investissements très lourds assez largement soutenus par la puissance publique. Il n’est donc pas illégitime que le prix que payent les ménages, les entreprises, les collectivités locales aient une relation de cause à effet un peu plus proche de la réalité de ce que nous consommons et du nombre de tonnes-carbone qu’émet notre système électrique. Ces discussions qui étaient très difficiles il y a un an sont aujourd’hui beaucoup plus… non pas faciles mais concrètes. La crise et, d’une certaine manière, les prix extrêmes atteints par l’électricité et le gaz, la connexion entre prix du gaz et prix de l’électricité, montrent que nos intuitions n’étaient pas infondées. Elles se réalisent concrètement dans le scénario du pire que tout le monde vit (Allemagne, Pologne, Pays-Bas, pays scandinaves…).

Je rappelle que l’Allemagne a indiqué, au regard du contenu de l’accord de coalition – et après une vingtaine d’années de positions assez fermes sur le sujet – qu’elle était prête à mettre deux centrales nucléaires en réserve pour soutenir le système électrique européen. Ces prises de position n’ont pas été simples pour les décideurs. Mais il est techniquement difficile de revenir, dix ans après, sur la décision d’arrêter une centrale électrique. Nous en avons fait l’expérience à Fessenheim.

Il en est de même, de manière plus générale, sur la question du design de marché. Du fait de l’ouverture à la concurrence, certains correctifs de contrats se traduisent par des augmentations insupportables, qui ne peuvent être compensées, pour certains consommateurs qui étaient en-dessous du tarif régulé et avaient vécu de belles années à payer beaucoup moins cher l’électricité que d’autres. Mais il est vrai que les fournisseurs d’électricité n’ont pas toujours investi dans des capacités anticipant l’ouverture du marché.
Nous devons donc balayer devant notre porte et tirer les conclusions de vingt ans de politique énergétique afin de rectifier certains choix pour repenser une organisation de marché européen fondée sur l’incitation à construire des capacités de production pour des opérateurs qui ne doivent plus être seulement des commerçants d’énergie.

C’est cela qui s’écrit aujourd’hui.

Marie-Françoise Bechtel

Merci beaucoup. Vous avez distillé un message optimiste, le premier message optimiste que nous entendons ce soir.

Je me tourne vers Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur de France à Moscou (2009-2013), directeur de recherche à l’Iris, auteur, notamment, de Petite histoire des relations franco-russes (L’Inventaire, 2021) et de La Russie, un nouvel échiquier (Eyrolles, 2022). Il va nous dire comment il voit les effets de la crise ukrainienne à la lumière de son expérience d’ambassadeur. Il n’était pas en poste au moment des accords de Minsk mais naturellement il a suivi de près cette actualité.

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