Enquête sur le rapport des Français à l’Histoire, à l’Armée et à l’Europe

Note de Benjamin Morel, président du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica, sur la récente enquête du laboratoire d’études de l’opinion « Cluster17 » sur le rapport des Français à l’Histoire, à l’Armée et à l’Europe. Réalisée en partenariat avec la Fondation Res Publica, cette enquête a été produite du 4 au 6 novembre 2022, grâce à un échantillon de 2151 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

I- La mémoire de la France

A/ Une mémoire du passé marquée par les débats du présent

Les résultats de l’enquête montrent une opinion fortement marquée par le présentisme et les débats contemporains. Les deux grands perdants dans l’approche historique développée par nos compatriotes sont le temps long et le roman national. C’est ainsi l’évènement symboliquement marquant de l’entrée dans la période historique actuelle qui arrive en tête de ceux cités par les Français, soit la chute du mur de Berlin à 63 %. Trois sujets fortement ancrés dans l’actualité se trouvent également mis en avant ; l’abolition de l’esclavage à 55 %, la loi de séparation de l’Église et de l’État (47 %) et la fin de la colonisation française en Afrique (30 %). Sans que cela soit une surprise, on assiste donc à une interprétation rétrospective de l’importance des évènements politiques eu égard à leur place dans les débats actuels. Deux évènements se détachent toutefois et semblent des marqueurs fondamentaux dans la perception de l’histoire par les Français : l’invention de l’écriture (51 %) et la Révolution française (54 %). Même si elle n’est pas citée parmi les premiers items, la mémoire de la Seconde Guerre mondiale est très présente parmi les sondés notamment à travers les personnalités qu’ils disent préférer. C’est ainsi le cas de Gaulle, Jean Moulin ou Simone Veil.

Le Général de Gaulle reste la personnalité préférée des Français avec 22 % des sondés. Il est toutefois talonné par Simone Veil, loin devant Jean Jaurès et Napoléon Bonaparte, tous deux à 9 %. Là aussi, on note l’importance de l’actualité dans la façon dont nous lisons le passé. La figure de Simone Veil est peu consensuelle chez les identitaires et les libéraux, mais marque moins un clivage politique que celle du Général du Gaulle.

Si attaquée qu’elle fut depuis les années 1980, la Révolution semble encore bel et bien représenter, pour la majorité de l’opinion, l’évènement si ce n’est fondateur, en tout cas identifié, de l’histoire nationale. Son importance est toutefois très corrélée aux positionnements politiques. 73 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, 78 % des électeurs d’Anne Hidalgo la citent, contre 29 % des ceux d’Éric Zemmour et 40 % de ceux de Valérie Pécresse. Le taux est bien plus élevé chez les électeurs de Marine Le Pen (49 %), montrant qu’en la matière les traditions mémorielles issues de la droite touchent moins cet électorat. Il n’en reste pas moins que la Révolution semble être le dernier élément structurant d’une mémoire nationale commune. Jamais, en cette période de fragilité nationale, la phrase de Régis Debray ne s’est autant avérée : « Dire que la Révolution est terminée, c’est brûler notre acte de naissance. »

Entre Sumer et la réunion des États généraux, le reste de l’histoire semble secondaire pour les Français, ou faire l’objet d’un vrai affrontement idéologique.

B/ Mémoire de droite

Le Baptême de Clovis (12 %), le Sacre de Napoléon (16 %), la Chevauchée de Jeanne d’Arc (17 %) ne font guère recette dans la population générale. Néanmoins, il faut sur ces sujets noter une singularité de l’électorat zemmourien, qui les cite à respectivement 43 %, 38 % et 45 %. On retrouve cette tendance dans une moindre mesure dans l’électorat Pécresse et Le Pen. Là où l’électorat d’Éric Zemmour se distingue le plus, c’est toutefois sur la mémoire de la bataille de Poitiers, citée par 54 % contre 18 % de la population générale. Si l’on s’intéresse à la division de l’opinion par cluster sur cet évènement, on remarque que sa popularité est portée évidemment par les Identitaires (44 %), mais aussi par les Libéraux (38 %). On trouve une structure similaire concernant la chevauchée de Jeanne d’Arc (41 % et 28 %) ou le Baptême de Clovis (21 % et 31 %). Il y a donc bien une mémoire de droite qui unit essentiellement Libéraux et Identitaires et qui se retrouve très représenté dans l’électorat Zemmour et, de façon plus marginale, dans celui de Valérie Pécresse voire de Marine Le Pen.

De manière relativement étonnante, la figure de De Gaulle n’est pas si consensuelle et se rattache au même électorat issu de la droite. Le retour de De Gaulle et la Constitution de 1958 sont cités par 29 % des sondés parmi les évènements importants de l’histoire. Il l’est par 52 % de l’électorat Pécresse, 43 % de l’électorat Zemmour et uniquement 8 % de l’électorat Hidalgo. Il est d’abord plébiscité par les Libéraux (53 %) avant de l’être par les Identitaires (42 %), soit deux clusters au cœur des coalitions traditionnelles de la droite française. Les Conservateurs et les Eurosceptiques, des groupes plus populaires et nettement moins politisés ; le mettent à peine au-dessus de la moyenne générale. De même à la question sur la personnalité historique préférée, 44 % des électeurs de Dupont-Aignan, 40 % de ceux de Pécresse, 31 % de ceux de Marine Le Pen citent l’homme du 18 juin, contre 6 % des électeurs mélenchonistes et 2 % de ceux d’Anne Hidalgo. Dans une moindre mesure, la figure de Napoléon est plébiscitée à droite, jusqu’à 25 % dans l’électorat d’Éric Zemmour. Les figures de l’Ancien régime sont pour leur part peu marquantes, y compris pour l’électorat de droite.

Il existe donc bien une mémoire commune à la droite qui demeure structurante et qui n’est pas confinée aux franges les plus radicales. Au contraire, une partie minoritaire de l’électorat Le Pen communie dans cette tradition qui semble plus l’apanage des électorats Zemmour, Pécresse, voire Macron. Cela confirme bien que l’électorat mariniste est largement étranger aux clivages culturels traditionnels opposant droite et gauche.

C/ Mémoire de gauche

Les évènements signifiants de l’histoire de la gauche ne sont guère plus cités que ceux revendiqués par la droite. La Commune de Paris et l’élection de François Mitterrand sont citées par 19 % des Français, Mai 68 par 28 %. Ce dernier évènement est évoqué par 55 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et 38 % de ceux de Fabien Roussel, il est moins structurant dans les électorats Jadot ou Hidalgo. L’élection de François Mitterrand est plus marquante pour l’électorat Hidalgo, la Commune pour l’électorat Mélenchon et Roussel. Les électeurs de Yannick Jadot toutefois se distinguent en ne se sentant pas vraiment plus impliqués par ces grandes dates que l’électorat général. Ils accordent en revanche une grande importance au traité de Rome (39 % contre 25 % de la population générale). En ça, la mémoire écologiste est plus proche d’une mémoire centriste que de celle de la Gauche. Même s’il s’agit d’un sujet qui traverse tous les électorats, on note une forte importance de la laïcité dans l’électorat de gauche. 80 % des électeurs d’Anne Hidalgo la citent, 65 % de ceux de Jean-Luc Mélenchon, 61 % de ceux de Fabien Roussel, 59 % de ceux de Yannick Jadot. Elle n’est au contraire mobilisée que par 43 % des électeurs de Valérie Pécresse et 27 % de ceux d’Éric Zemmour. À rebours de l’image d’un front renversé sur la laïcité, les électorats sont en la matière sujets à des orientations assez traditionnelles. Ainsi si les partis peuvent développer des stratégies de distanciation à gauche avec la laïcité, on note que l’électorat reste attaché à cette histoire. Au contraire, la revendication du sujet par les partis de droite à une influence mineure sur l’identité de leur électorat.

Sur les grands sujets mémoriels, se font également jour des clivages politiques. L’abolition de l’esclavage est ainsi évoquée très largement à gauche (de 77 % dans l’électorat Hidalgo à 58 % dans l’électorat Roussel), alors qu’à droite il est plus marginal (de 33 % dans l’électorat Zemmour à 52 % dans l’électorat Pécresse). Il en va de même de la décolonisation (de 27 % chez Yannick Jadot à 54 % chez Jean-Luc Mélenchon ; de 12 % chez Éric Zemmour à 19 % chez Nicolas Dupont-Aignan). On trouve sur ces sujets, comme sur l’ensemble des sujets mémoriels, une très forte singularité du groupe des Libéraux qui ne sont que 35 % à citer l’esclavage et 13 % à évoquer la décolonisation. Les Multiculturalistes sont en contraste respectivement 57 et 75 %.

La mémoire de la gauche semble avoir tourné la page des années Mitterrand. L’ancien président n’est plus guère jugé comme la personnalité historique préférée que par une petite partie de l’électorat d’Anne Hidalgo (17 %), et s’y retrouve doublé par Léon Blum (18 %). Majoritairement, les électeurs de gauche lui préfèrent Jean Moulin et surtout Jean Jaurès. Ce dernier, plébiscité par 19 % des électeurs d’Anne Hidalgo et 23 % de ceux de Fabien Roussel, est celui qui semble représenter la figure la plus consensuelle dans ce camp politique. Figure d’une gauche ouvrière, populaire, républicaine, mais aussi loin du pouvoir, ces scores semblent donner l’image d’une mémoire politique fière de ses résistances et de ses combats, mais plus critique vis-à-vis de son exercice du pouvoir.

Peut-on discerner un imaginaire macronien dans ces mémoires qui semblent encore très structurées par le vieux clivage gauche-droite ? Les électeurs d’Emmanuel Macron semblent assez portés par les figures consensuelles, variantes mémorielles du « en même temps ». Ils plébiscitent de Gaulle et Simone Veil et leur opinion tranche peu avec celle de la moyenne des Français sur la plupart des sujets. La thématique de l’Europe les distingue toutefois. Ils sont 81 % à citer parmi les grands évènements de l’histoire la chute du mur de Berlin et 48 % le Traité de Rome. On note également parmi eux une forte prévention vis-à-vis des phénomènes révolutionnaires. La citation de Mai 68 est ainsi de 9 points inférieure à la moyenne des Français, de 10 points concernant la Commune de Paris.

II- L’avenir de la France

A/ Le maintien d’une singularité diplomatique

Une diplomatie indépendante [1] est largement soutenue par l’opinion qui refuse notamment toute perspective de partage du siège français au Conseil de Sécurité avec l’Allemagne [2]. Seuls 26 % des Français s’y déclarent favorables contre 61 % qui s’y opposent. Si une telle perspective semble inenvisageable à moyen terme pour des raisons juridiques et d’équilibre interne à l’organisation. Nécessitant la révision du traité de San Francisco, elle revient de manière récurrente dans le débat public. Sans surprise, les Sociaux-patriotes et les Identitaires – deux groupes très nationalistes – sont les plus opposés à la mesure (77 %), mais on trouve également un fort rejet chez les Libéraux (79 %) et les Sociaux-démocrates (68 %) ou les Centristes (65 %). Le seul cluster présentant une majorité relative en faveur de la mesure est constitué des Progressistes, soit un groupe majoritairement jeune et orienté par des valeurs de gauche modérée (48 % favorables contre 40 % opposés). 57 % des électeurs d’Emmanuel Macron ou de Jean-Luc Mélenchon s’y opposent, 68 % de ceux de Marine Le Pen. Seuls ceux qui ont voté Yannick Jadot lui accordent une majorité relative (45 % contre 38 % opposés).

La sortie de l’OTAN n’est envisagée que par 34 % des Français. 57 % s’y montrent défavorables. Le contexte de la guerre en Ukraine permet de comprendre ces chiffres concernant une organisation qui avait, ces dernières années, semblé perdre beaucoup de son sens, jusqu’à être déclarée en état de mort cérébrale par Emmanuel Macron. Il convient également d’envisager les forts clivages que masque cette présentation générale. 92 % des Centristes, 90 % des Progressistes rejettent cette perspective contre 64 % des Solidaires et 63 % des Sociaux-patriotes qui la soutiennent. L’électorat zemmourien (66 %), mélenchoniste (53 %) et mariniste (48 % favorables contre 43 % opposés) soutient une sortie. Les électeurs de Yannick Jadot (89 %), Emmanuel Macron (88 %) et Anne Hidalgo (85 %), y semblent les plus opposés. On note en la matière donc bien un vrai clivage, assez stable et traditionnel, entre le centre et les électorats de droite et de gauche plus polarisé. Ce dernier se joue également sur un terrain mémoriel. 5 % des électeurs pensent que la victoire de 1945 est due à la France, ce qui démontre une plutôt bonne connaissance des évènements. 41 % des Français pensent qu’elle est principalement due aux États-Unis contre 33 % à l’URSS. Cette dernière reçoit toutefois le plus de suffrages dans l’électorat d’Éric Zemmour (54 %), Fabien Roussel (52 %), Jean-Luc Mélenchon (43 %) et parmi les abstentionnistes (46 %). L’électorat d’Emmanuel Macron au contraire désigne les États-Unis à 60 % (contre 18 % pour l’URSS). On remarque que le taux de personnes désignant l’URSS comme principale vainqueur connaît son meilleur score parmi les personnes touchant moins de 1000 euros (42 %) alors que la catégorie de revenus désignant le plus majoritaire les États-Unis, sont ceux gagnant plus de 5000 euros (50 %, contre 37%).

Les rapports des Français à la guerre en Ukraine sont à la fois ambigus et très liés à leurs opinions politiques préalables. Une partie non négligeable de l’opinion est d’accord avec l’idée que nous devrions renforcer nos liens diplomatiques avec la Russie  : 43 % de favorables, contre 46 % de défavorables. Cette position peut paraître étonnante à la suite de la guerre en Ukraine. On serait tenté d’y voir une opinion qui sans être prorusse semble en recherche d’équilibre dans une position française qui, depuis le début du conflit, a cherché à ménager condamnation de la guerre et voie de dialogue ouverte avec Moscou pour sortir de l’impasse. On remarque toutefois sur ce sujet, comme sur celui de l’OTAN, une forte polarisation politique. Les groupes anti-Otan sont aussi les plus pro-dialogues (50 % des solidaires ; 64 % des identitaires ; 61 % des sociaux patriotes ; 75 % des électeurs d’Éric Zemmour ; 54 % de ceux de Marine Le Pen ; 48 % de ceux de Jean-Luc Mélenchon). Au contraire, les groupes les plus atlantistes sont aussi les plus fermés à un renforcement des liens (72 % des Centristes, 64 % des Sociaux-démocrates ; 63 % des Progressistes). Cette ambivalence de l’opinion n’est ainsi pas vraiment le signe d’une approbation de l’équilibre d’Emmanuel Macron, mais d’une vraie fracture au sein du pays sur l’enjeu des alliances. Seuls 28 % des électeurs du Président de la République souhaitent un renforcement des liens avec Moscou.

L’engagement des troupes françaises en Ukraine est très majoritairement rejeté par les Français. 76 % des sondés s’y disent défavorables contre 18 % qui la soutiennent. Les électeurs d’Emmanuel Macron (25 %), d’Anne Hidalgo (27 %) et de Yannick Jadot (24 %) semblent les moins rétifs à une telle perspective. Ceux d’Éric Zemmour (92 %), Nicolas Dupont Aignan (87 %) et Jean-Luc Mélenchon (79 %) les plus opposés. Aucun cluster ne soutient non plus la proposition. Les plus défavorables s’avèrent les Sociaux-démocrates (80 % d’opposition) et les plus favorables sont les Progressistes (34 % d’approbation). Ces chiffres permettent de relativiser la polarisation politique autour du sujet lorsque sont posés des enjeux concrets engageant la vie de la nation. Des familles politiques a priori plutôt proches semblent en effet diverger sensiblement au sein d’un relatif consensus général.

B/ Un rapport ambivalent à l’Union européenne

Les rapports des Français vis-à-vis de l’Union européenne sont assez ambivalents [3], alors que le dernier Eurobaromètre, 96 de l’hiver 2021-2022, indiquait qu’ils étaient parmi les plus défiants vis-à-vis de l’Union avec un taux de confiance de 32 %. Un nombre important de Français souhaiteraient donner moins de pouvoir à l’Union européenne (57 % contre 37 %). On retrouve sur ce sujet une forte polarisation. Ainsi l’électorat de Marine Le Pen à 80 % veut donner moins de pouvoir à l’Union. Dans l’électorat Mélenchon, ce chiffre est de 61 %. Au contraire, 67 % des électeurs d’Emmanuel Macron refusent l’idée de retirer du pouvoir à l’échelon européen. La mémoire européenne est également très clivante. Le traité de Rome est cité comme un évènement important par 57 % des Sociaux-démocrates et 59 % des Centristes contre 1 % des Révoltés. À gauche par exemple, il est cité par 68 % des électeurs d’Anne Hidalgo contre 16 % de ceux de Jean-Luc Mélenchon. À droite le sujet est structurant bien que moins clivant. 35 % des électeurs Valérie Pécresse l’évoquent, contre 9 % de ceux d’Éric Zemmour.

L’idée d’une défense européenne [4] est en revanche majoritairement soutenue par les Français. 56 % sont favorables à l’idée d’une armée sous pavillon européen. S’il ne faut pas négliger le poids sur ce sujet de la guerre en Ukraine et du sentiment diffus d’une menace sur le continent, les chiffres n’en demeurent pas moins significatifs. C’est d’autant plus le cas que, à part dans les électorats de Nicolas Dupont Aignan (54 % d’opposés) et d’Éric Zemmour (65 %), toutes les catégories électorales semblent majoritairement favorables à la proposition. Ces chiffres doivent néanmoins être pris avec précaution. Il n’est en effet pas certain que la notion d’armée européenne soit totalement univoque pour les répondants. Ainsi 73 % des Eurosceptiques sont favorables à la mesure, ce qui est pour le moins contre-intuitif, contre 52 % pour les Multiculturalistes.

C/ Le plébiscite de l’armée

L’importance de l’armée est fortement consensuelle parmi les Français. 16 % d’entre eux seulement adhèrent à l’idée que cette institution « n’a plus vraiment d’importance dans l’époque actuelle ». Dans aucun cluster elle n’est majoritaire. Elle atteint son adhésion maximum dans l’électorat mélenchoniste avec 22 % qui jugent l’armée inutile. On constate donc une forte adhésion à l’institution militaire. La popularité de l’armée n’a pas grand-chose à voir avec celle de son chef. Ainsi, 34 % des Français jugent qu’Emmanuel Macron fait un bon chef des armées ; 24 % diraient la même chose de Marine Le Pen et 23 % de Jean-Luc Mélenchon. Chacune des personnalités testées doit son score au soutien de sa famille politique. Autrement dit, le rôle de chef des armées ne fait pas l’objet d’un dépassement politique. Ce qui transcende les clivages, c’est l’institution militaire. C’est d’autant plus le cas que la majorité des Français croient que le pays sera engagé dans un conflit majeur dans les cinq prochaines années. 42 % d’entre placent même leur crainte au-dessus de 7 sur une échelle de 10.

La multiplication par deux du budget de l’armée est en conséquence soutenue par une majorité de Français, 54 % contre 37 %. Elle est de manière attendue largement soutenue par les Eurosceptiques (81 %) et les Identitaires (74 %), mais également par des clusters réputés plus inquiets des questions budgétaires comme les Anti-assistanats (73 %) et les Libéraux (81 %). La mesure n’est massivement rejetée que dans le cluster Multiculturalistes (86 % d’opposition) et, dans une moindre mesure, Révoltés (57 %) et Progressistes (53 %). Électoralement, seuls les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (67 % d’opposition) se trouvent fortement défavorables. Les électorats des autres candidats de gauche sont dans une situation de majorité relative défavorable à la mesure, sauf celui de Yannick Jadot qui le soutient d’une petite tête. L’idée d’un doublement du budget est en revanche très majoritaire à droite ; 85 % chez les électeurs d’Éric Zemmour ; 75 % chez ceux de Marine Le Pen ou Valérie Pécresse. L’électorat macroniste est également largement favorable, bien que plus clivé ; 57 % favorables contre 34 % défavorables.

Si l’idée d’une armée professionnelle s’est imposée dans les années 1990, et fut alors relativement populaire, la nostalgie des vertus sociales du service militaire a saisi les Français. Ils sont 62 % à penser qu’il devrait être réinstauré. Cette opinion est majoritaire dans tous les électorats, sauf celui de Jean-Luc Mélenchon (38 %). Il n’est pas un élément déterminant du clivage droite-gauche. Si la droite y est plus favorable (jusqu’à 83 % dans l’électorat Zemmour), 69 % des électeurs de Fabien Roussel le plébiscitent également. On trouve en revanche de forts clivages par clusters. Les Multiculturalistes (77 %), Sociaux-démocrates (61 %) et Progressistes (52 %) y sont majoritairement opposés. On note donc sur ce sujet deux gauches fortement polarisés dans leur rapport à l’armée. Dans une moindre mesure, on voit également se renforcer l’adhésion à la mesure dans les groupes les plus à droite par rapport aux groupes plus centristes.

Si l’armée doit indirectement jouer un rôle social par le service militaire, l’idée qu’elle serait amenée à intervenir à l’intérieur du territoire, notamment contre la délinquance n’est toutefois pas aussi consensuelle. 47 % des Français soutiennent cette idée contre 48 % qui la rejettent. Sans surprise, on retrouve là un élément du clivage gauche-droite. 69 % de l’électorat d’Éric Zemmour, 74 % de celui de Marine Le Pen, 81 % des Anti-assistanats et 75 % des Identitaires sont d’accord avec la proposition. Au contraire, 77 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, 70 % de ceux de Fabien Roussel, 92 % des Multiculturalistes, 84 % des Sociaux-démocrates la combattent. Au centre, l’électorat d’Emmanuel Macron se divise en part quasi égale ; 49 % pour, 48 % contre.

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[1] Voir les actes du colloque de la Fondation Res Publica du 7 décembre 2021 « La politique étrangère de la France dans les deux dernières décennies : bilan et perspectives »
[2] Voir les actes du colloque de la Fondation Res Publica du 15 février 2022 « France-Allemagne : convergences et divergences des intérêts fondamentaux de long terme »
[3] Voir les actes du colloque de la Fondation Res Publica du 16 avril 2019 « La souveraineté européenne : qu’est-ce à dire ? »
[4] Voir l’étude de la Fondation Res Publica de septembre 2021 « L’Europe de l’armement, vecteur de puissance ou braderie des moyens de notre indépendance ? »

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