Retrouver l’esprit des institutions qui nous permettent de nous inscrire dans le long terme et d’en relever les défis
Intervention de Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre, fondateur et président d’honneur de la Fondation Res Publica, lors du colloque « Quelles institutions pour demain ? » du mercredi 22 septembre 2021
C’est Marie-Françoise Bechtel qui préside désormais la Fondation Res Publica. Vous connaissez ses titres et qualités intellectuels, moraux, politiques à occuper cette fonction qui demande un sérieux investissement, investissement dont j’ai estimé n’être plus vraiment en capacité de le fournir à due qualité. Par conséquent j’ai souhaité prendre un peu de recul. Marie-Françoise Bechtel contribue à ce renouvellement de la Fondation qui prend également d’autres traits.
C’est Benjamin Morel qui préside désormais le conseil scientifique à la suite d’Alain Dejammet dont je ne dirai jamais assez combien nous lui devons pour ces quinze années. Benjamin Morel lui aussi sera l’une des figures du rajeunissement de la Fondation Res Publica. Il manifestera notre volonté de nous ancrer davantage dans la recherche universitaire.
Par ailleurs, le nouveau directeur, Joachim Le Floch-Imad, n’a pas besoin de faire ses preuves. En l’espace de quelques mois il a montré qu’il était tout à fait à la hauteur de cette fonction.
Permettez-moi simplement de vous dire la pensée profondément triste que j’ai pour Jacques Fournier qui nous laisse un grand vide. Jacques Fournier était l’un des compagnons de nos combats depuis les années 1960, quand il était aux GAM (Groupes d’action municipale). Je n’ai pas besoin de refaire un historique de ce qu’ont été ses prises de responsabilités : Secrétaire général du Gouvernement, président de Gaz de France, président de la SNCF… C’était un homme éminent, un homme de convictions surtout, qui, plutôt entées dans la social-démocratie, n’étaient pas toujours tout à fait les nôtres. Mais sur l’essentiel nous nous rejoignions. C’était un homme magnifiquement intègre qui nous a honorés de sa fidélité à nos travaux pendant tout le temps qu’a duré Res Publica. Nous avons une pensée pour lui, pour sa famille, ses enfants. C’est une perte que nous ressentons tous profondément.
Marie-Françoise Bechtel définira l’axe de ce colloque et l’apport demandé à chaque intervenant. Pour ma part, je vais exprimer comment je vois l’enjeu institutionnel dans le monde qui vient.
Dans le contexte de la rivalité sino-américaine qui fait maintenant le fond de ce qu’on appelle encore la mondialisation, il est impératif que l’Europe mette en place des politiques volontaristes pour lui permettre de conduire des projets technologiques majeurs dans des secteurs essentiels. Je pense par exemple aux composants électroniques mais il y a bien d’autres secteurs sur lesquels je reviendrai.
Nos institutions sont-elles un moyen de nous inscrire dans le long terme et de relever ces défis du futur ? Sont-elles carénées pour préserver à long terme les intérêts de la France et de l’Europe ?
Force est de constater que les institutions de la Ve République, qui avaient démontré une remarquable capacité d’adaptation avec l’élection du président de la République au suffrage universel en 1962, et même avec la cohabitation de 1986 à 1988 et de 1993 à 1995, se sont fossilisées avec l’adoption du quinquennat qui a resserré tous les pouvoirs dans les mains du Président de la République et a abouti à une pratique verticale des institutions dont il a été difficile, au moins dans un premier temps, de s’accommoder.
J’ajouterai un autre trait, c’est que, au fur et à mesure du temps, avec l’attribution de compétences toujours accrues aux institutions européennes, nos institutions ont peut-être insidieusement changé de nature, avec les pouvoirs attribués à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) et au Conseil Constitutionnel, avec notamment les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), nous avons assisté à l’instauration d’une sorte de République des juges qui, selon moi, fait que nous ne sommes plus tout à fait dans les mêmes institutions que dans les premières années de la Ve République.
C’est pourquoi, après y avoir un peu réfléchi, j’ai proposé un retour à l’esprit initial de la Ve République dont la Constitution tolère une lecture présidentialiste mais aussi plus parlementariste de son texte, ce qui lui a permis de s’adapter aux cohabitations. Quelles que soient les lectures de la Constitution, le président de la République a été érigé en « gardien de long terme » et pourvu des moyens institutionnels nécessaires : il a le droit de dissolution, le pouvoir de nommer le Gouvernement (Premier ministre et ministres) et, par ailleurs, il peut saisir le peuple, par voie de référendum, à peu près de toutes les questions qu’il lui plaît, ce que lui permettent deux articles [1] de la Constitution. Les institutions lui donnent donc en principe les moyens de préserver ce « pré carré » qui est le « saint des saints » de l’indépendance et de la souveraineté nationales qu’on a pris l’habitude d’appeler « le domaine réservé » bien que cette expression ne figure pas dans le texte de la Constitution mais corresponde incontestablement à son esprit.
Il m’a donc paru utile que nous réfléchissions à l’idée d’un retour au septennat ou plus précisément à déconnecter à nouveau la durée du mandat parlementaire et celle du mandat présidentiel (comme le préconisent certains candidats à l’élection présidentielle). La première pourrait être ramenée à quatre ans et la seconde portée à six ans, si on ne veut pas ou ne peut pas revenir au rythme initial (sept ans pour le président de la République, cinq ans pour les députés). Cette proposition part de l’idée qu’il faut délivrer le Président de la politique au jour le jour pour mieux lui permettre de se concentrer sur l’essentiel.
Cette réforme permettrait ainsi de remettre le Président dans le temps long qui est le sien, si on revient à l’esprit du discours de Bayeux (si l’on veut bien comprendre nos institutions il faut lire les discours de Bayeux et le discours d’Epinal, tous deux prononcés en 1946, et, bien entendu, les travaux préparatoires de 1958). Si on revient à cet esprit initial on refait des législatives le temps normal de la respiration de la démocratie sans pour autant porter atteinte aux prérogatives du Président de la République qui font la spécificité de la Ve République. Ce serait le moyen de décadenasser nos institutions et de rétablir une confiance que mine une concentration excessive des pouvoirs.
Mais est-ce bien de cette façon qu’on armera nos institutions pour dominer les échéances européennes à venir ? Ne serait-ce pas, au contraire, désarmer le Président ?
On peut plaider le contraire : le Président serait en quelque sorte « assigné » au temps long tandis que le Gouvernement, responsable devant l’Assemblée, devrait composer avec « les contingences politiques » comme le disait le général de Gaulle dans son discours de Bayeux.
Ainsi donc il y a deux thèses en présence. Mais, ne nous le dissimulons pas : il y a là un pari sur la démocratie et sur le patriotisme de nos hauts responsables comme sur le civisme des Français. En effet, à partir du moment où on met à nouveau du jeu dans les institutions, on crée deux échéances qui, rapprochées, peuvent être contradictoires. Par conséquent on crée le conflit dans les institutions. Il est vrai qu’il n’y a pas de démocratie sans conflit. Mais jusqu’où créer le conflit ? Avec quelles conséquences ? Les a-t-on bien mesurées ?
Marie-Françoise Bechtel propose aussi de renforcer le statut des parlementaires (session unique, élargissement des possibilités de cumul) et de rendre le référendum obligatoire en matière d’engagements européens. J’approuve ces orientations.
Pour souhaitables qu’elles soient, ces initiatives ne me paraissent cependant pas suffisantes pour ancrer la France dans le long terme, a fortiori à l’échelle de l’Europe.
L’enjeu final, il faut le rappeler si on veut partir des réalités, est la construction d’un acteur européen à la hauteur des enjeux d’une compétition mondiale, aujourd’hui dominée par la rivalité sino-américaine.
Peut-on encore, avec cet outil-là, travailler sur le long terme ?
Énumérons les principaux enjeux du long terme :
Je vois d’abord le maintien d’une politique monétaire accommodante de la part de la BCE, seule manière de faire face aux énormes besoins de financement qu’implique une politique industrielle qui, adaptée aux exigences de la transition numérique et de la lutte contre le réchauffement climatique, maintienne l’Europe dans le jeu mondial et par conséquent nous permette de satisfaire aux choix de financement adaptés à ces enjeux technologiques majeurs.
Enfin, plus généralement, il va falloir redéfinir les règles de la politique européenne en matière de dette, de déficit, de concurrence et de protection aux frontières.
Ces questions cruciales doivent évidemment être débattues et il est peu probable que l’élection présidentielle en elle-même, les campagnes étant ce qu’elles sont (une succession de faits divers), permette d’aller au fond des choses et de faire mûrir le débat, non seulement à l’échelle de la France mais aussi à l’échelle de l’Europe.
C’est pourquoi – c’est le sens de la proposition de déconnexion des mandats – il faut « remettre du jeu » dans nos institutions pour recréer les conditions d’un débat de longue portée et pour cela réouvrir l’espace du débat dans les institutions françaises elles-mêmes.
C’est une proposition que j’ai faite et que je réitère en m’interrogeant d’ailleurs sur sa portée véritable. Cette ouverture serait d’autant plus utile qu’après les élections allemandes, la formation de coalitions tripartites au Bundestag (SPD, Verts et libéraux, ou bien CDU-CSU, libéraux et, peut-être, les Verts, toujours très disponibles, en Allemagne en tout cas), risque de compliquer la donne, en matière de politique budgétaire et monétaire notamment.
Il est possible qu’il n’y ait pas coïncidence entre majorité présidentielle et majorité parlementaire au lendemain des prochaines élections législatives en France, celles-ci suivant de cinquante jours (deux semaines de plus qu’à l’habitude) l’élection présidentielle d’avril 2022. L’espace du débat interne risque, en tout état de cause, de se trouver élargi. À plus forte raison le serait-il par la réintroduction d’une dose de proportionnelle – que je souhaiterais modeste mais d’autres sont plus ambitieux – et plus encore par la déconnexion des mandats présidentiel et parlementaires qui créerait les conditions du débat.
N’affaiblirait-on pas, cependant, par cette reparlementarisation relative de nos institutions, les prérogatives du Président ? Rappelons que celui-ci continuerait de nommer le gouvernement (le Premier ministre et les ministres), disposerait toujours du droit de dissolution et pourrait toujours saisir le peuple par référendum.
C’est en fait le demos français qu’il faut revivifier. La démocratie est inséparable de la pédagogie et, par conséquent, du débat argumenté entre les citoyens.
La démocratie interne peut être un puissant adjuvant de la politique extérieure. Ainsi, les Allemands excellent à s’appuyer sur le Bundestag pour faire avancer leurs thèses de politique extérieure. Ne pourrions-nous pas en faire autant ? Ou bien les « irréductibles Gaulois » seraient-ils condamnés à des débats sans fin qu’ils sont incapables d’arbitrer par eux-mêmes ?
Notre pays est doté d’un exécutif surpuissant par comparaison avec les autres grandes démocraties européennes. Nous considérons – à tort ou à raison – qu’il s’agit là d’un « avantage comparatif ». Mais est-ce bien le cas ? Nos institutions peuvent aussi fonctionner à contre-emploi. Cet exécutif fort peut en effet être un instrument d’alignement des positions françaises sur les positions dites « européennes » qui sont bien souvent les positions de l’Allemagne revues et corrigées à l’aune des exigences du leadership américain.
La recherche de la surpuissance économique ne suffit pas, en effet, à définir l’hégémonie. C’est pourquoi Coralie Delaume a parlé à juste titre, s’agissant de l’Allemagne, « d’hegemon réticent ». Le mot « réticent » veut bien dire qu’il n’y a pas réellement d’hégémonie allemande. Il y a une surpuissance économique mais elle ne s’accompagne pas, du point de vue de la défense, du point de vue de l’orientation générale, d’une hégémonie de l’Allemagne fédérale.
L’expérience semble avoir montré que les institutions de la Ve République ont pu fonctionner comme un outil d’alignement. L’excessive concentration du pouvoir dans les mains du Président prive nos institutions de leurs nécessaires contrepoids et, au total, a plutôt favorisé l’accélération des transferts de souveraineté vers l’Europe. Qu’il s’agisse de l’Acte Unique en 1987, du traité de Maastricht en 1992, du traité de Lisbonne en 2009, du traité de cohérence budgétaire de 2012, leur adoption n’eût pas été possible sans l’engagement personnel et opiniâtre du Président de la République française. (François Mitterrand, Nicolas Sarkozy et François Hollande, à chaque fois, ont pesé pour qu’il y ait une position commune).
On peut penser que le risque mérite d’être pris parce que le président de la République conserve les très grandes prérogatives que j’énumérais tout à l’heure et que, à travers ces prérogatives, il est potentiellement maître de redresser le cours de la politique.
Peut-on s’acheminer vers un nouvel équilibre institutionnel ? Le vœu en est souvent exprimé.
Pour ma part je ne vais pas jusqu’à parler de VIe République. Vous ne trouverez jamais cette expression dans ma bouche. Mais je pense que la déconnexion de la durée des mandats, présidentiel et parlementaire, nous acheminerait vers un meilleur équilibre institutionnel. La Vème République n’est-elle pas capable de le supporter ? C’est un pari. Faut-il le faire aujourd’hui ? Je me bornerai à verser cette proposition au débat.
Je comprends très bien la thèse inverse. Je ne la rejette pas non plus. On peut estimer en effet que les échéances européennes à venir commandent plutôt le statu quo institutionnel en France qui peut permettre le maintien d’un cap à l’échelle de l’Europe. Et on peut penser que la France ne serait pas capable de supporter ce que d’autres démocraties européennes acceptent.
La France est-elle capable de tirer avantage de cette concentration de pouvoirs ou, au contraire, est-ce pour elle une source de défiance des citoyens à l’égard de leurs institutions et, en définitive, et paradoxalement, un élément de fragilité ? Je vous invite à y réfléchir, car il n’y a pas de réponse simple.
Pour apporter la bonne réponse en matière d’institutions et de démocratie, il ne faut pas perdre de vue la question politique centrale : comment mettre l’Europe à la hauteur des enjeux de cette nouvelle phase de la mondialisation entre les États-Unis et la Chine ?
Le risque de l’alignement sur les États-Unis, pour toutes sortes de raisons, historiques et culturelles, est évidemment majeur. Rendez-vous à Canberra. « Global Britain » est une boutade à la BoJo qui ne recouvre aucune réalité. La réalité est celle de l’alignement.
Quand on regarde le monde tel qu’il fonctionne, on voit que peu de pays recherchent véritablement leur indépendance. Beaucoup de pays, en Europe même, sont tentés par l’alignement. Répondant au président de la République qui, évoquant « l’autonomie stratégique » de l’Europe, avait parlé de « l’OTAN en état de mort cérébrale » Mme Kramp-Karrenbauer, ministre allemand de la Défense avait rappelé le rôle des États-Unis « indispensables à l’horizon de notre sécurité ».
Sommes-nous donc enfermés pour toujours dans une définition étroitement nationale de notre sécurité ?
Avons-nous d’ailleurs les moyens, à long terme, de cette politique ? Le creusement du différentiel budgétaire entre la France et l’Allemagne atteint, en matière de défense, près de 10 milliards d’euros. Étant donné la disproportion croissante entre les moyens budgétaires de l’Allemagne et ceux de la France, la priorité nous apparaît clairement, c’est le rétablissement de l’équilibre extérieur de nos comptes : un déficit commercial de 70 milliards au regard d’un excédent annuel allemand de 250 milliards d’euros n’est pas tolérable dans la longue durée. Or ce déséquilibre s’est installé depuis bientôt quinze ans. Il faut rompre avec cette apparente fatalité, en saisir le peuple français pour réunir les moyens du redressement. C’est la voie de l’effort mais il n’y en a pas d’autres si on veut préserver la souveraineté du pays. Tout le reste ne serait que l’habillage du renoncement.
Seul le rétablissement de l’équilibre de nos comptes extérieurs peut nous permettre de soutenir la modernisation de notre défense dans la longue durée et particulièrement de notre dissuasion nucléaire. À cette condition la proposition d’une dissuasion européenne « par constat » faite à l’Allemagne par le Président de la République, à l’École militaire en 2020 [2] peut avoir un sens.
À défaut, nous nous acheminerions vers une collaboration déséquilibrée avec l’Allemagne. Cette politique a un nom dans notre Histoire et nous n’en voulons pas, pour toutes sortes de raisons, dont la principale est qu’en dernier ressort, elle remet à d’autres le soin de notre sécurité. Elle signifierait que nous nous en remettons en définitive aux États-Unis du soin de garantir la sécurité sur notre continent. La solution à nos yeux est dans la recherche d’une alliance franco-allemande équilibrée. Elle va de pair avec une architecture européenne de sécurité qui parie sur le développement des classes moyennes russes et sur un raisonnable équilibre de forces entre l’Est et l’Ouest de notre continent.
Kaboul, Canberra, la leçon de ces « coups de tonnerre » est rude mais elle est claire. La loi du plus fort nous oblige à revenir aux fondamentaux de notre sécurité : où sont, pour nous, les vraies menaces ? La menace djihadiste ou celle de la Russie ? Pour moi, poser la question, c’est y répondre.
C’est tout l’équilibre du Moyen-Orient et de l’Afrique qui est aujourd’hui menacé par le fait qu’il n’y a dans ces régions que des États fragiles, quelquefois des États faillis. Il est très difficile d’assurer la défense d’un État qui n’existe pas. Donc regardons la réalité telle qu’elle est au Moyen-Orient, en Afrique et voyons que l’avenir n’est pas véritablement assuré.
La Russie n’est plus l’URSS. Sa population est deux fois moindre (145 millions d’habitants contre un peu plus de 300 millions). C’est niaiserie que de pousser l’idée d’un partenariat européen à l’Est, dans les pays de son arrière-cour (Biélorussie, Ukraine). Si on veut créer les conditions du conflit en Europe, c’est la meilleure méthode. Il faut au contraire penser une architecture européenne de sécurité qu’il est possible d’édifier car l’équilibre des forces est à notre portée : le budget de la défense de la Russie est inférieur à celui, cumulé, de l’Allemagne et de la France.
La question posée est de savoir si, au lendemain des prochaines élections allemandes, il est possible de tisser un lien de confiance avec le nouveau gouvernement allemand pour trouver les compromis nécessaires dans la durée :
– pour définir avec la Russie cet équilibre de sécurité durable qui garantisse la stabilité et la paix de l’Europe.
– pour prolonger, grâce à une majorité maintenue au sein du Conseil des gouverneurs, la « politique monétaire accommodante » de la BCE que nous devons à M. Draghi et que maintient jusqu’à nouvel ordre Mme Lagarde, encore qu’elle ait baissé de 100 à 90 milliards le montant des actifs rachetés par la BCE (10 milliards, c’est peu mais, si c’est une tendance, c’est beaucoup plus grave). Cela suppose un accord entre nos deux pays. Si nous devons mettre notre politique monétaire à la merci de majorités fragiles et successives nous créerons les conditions de l’instabilité.
– pour mettre en œuvre une politique commerciale et industrielle dans les secteurs clés (composants électroniques, batteries électriques, mix énergétique, etc.) et instituer une taxation carbone aux frontières de l’Union européenne.
De toute évidence, ces objectifs ne peuvent être atteints qu’à travers un accord politique sur le fond. Le simple déplacement des équilibres institutionnels propres à chaque pays ne peut y suffire. Néanmoins, il peut contribuer à ouvrir et à nourrir un débat aujourd’hui enlisé dans des tractations qui font bien souvent perdre de vue l’essentiel.
Les Européens peuvent-il se saisir des grands enjeux de leur avenir ? C’est un pari à la fois sur la démocratie et sur l’Europe qu’il faut gagner. La démocratie française a longtemps été motrice dans la politique européenne. Ce devrait redevenir notre ambition. Peut-être à travers quelques réformes bien ciblées qui, sans effacer l’acquis de la Ve République, permettraient une lecture plus parlementariste de son texte. À cet égard, il faut peut-être revenir, intellectuellement, sur l’excessive démonisation de la cohabitation à laquelle il a été procédé à l’époque de Jacques Chirac et de Lionel Jospin. N’avons-nous pas exagéré le péril de la cohabitation ? Ne pourrions-nous pas le tolérer ?
Enfin, la vraie réforme ne se situe-t-elle pas en amont ? Il faut selon moi ancrer la persistance du démos français – pas de démocratie sans démos – dans le vécu de nos concitoyens. Est-ce le cas aujourd’hui ? Le démos français est-il tellement assuré de lui-même ? On peut se poser la question.
C’est le thème de prédilection de Stéphane Rozès qui veut ressusciter la dialectique entre le temps long de l’élection présidentielle et la reconstitution de l’imaginaire national.
—–
[1] Article 11 : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions… »
Article 89 : « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier Ministre et aux membres du Parlement.
Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.
Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l’Assemblée Nationale. »
[2] Discours du Président Emmanuel Macron sur la stratégie de défense et de dissuasion devant les stagiaires de la 27ème promotion de l’école de guerre, 7 février 2020.
Le cahier imprimé du colloque « Quelles institutions pour demain ? » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.
S'inscire à notre lettre d'informations
Recevez nos invitations aux colloques et nos publications.