La politique étrangère de la Turquie

Intervention de Jana J. Jabbour, enseignante à Sciences Po Paris, docteure associée au CERI, co-fondatrice de Samar Media, auteure de « La Turquie. L’invention d’une diplomatie émergente » (CNRS éditions ; 2017), au colloque « Où va la Turquie? » du 29 mai 2017.

Merci M. Chevènement, de m’avoir invitée à participer à ce colloque très intéressant.
Croiser nos points de vue constitue la plus-value de cette conférence sur la Turquie.

Les années 2000 sont marquées par un phénomène nouveau, celui du retour de la Turquie au Moyen-Orient après près d’un siècle de divorce turco-arabe. Depuis la fondation de la République par Mustapha Kemal Atatürk, le Moyen-Orient était surtout perçu comme une zone dont il fallait absolument se distancier, surtout pour une Turquie qui voulait adopter une modernisation à l’européenne, une modernisation occidentale. Or, dans les années 2000 et de façon concomitante à l’arrivée au pouvoir de l’AKP en novembre 2002, nous assistons à un réinvestissement turc dans la région du Moyen-Orient. Cet engagement régional turc a été multiforme : sur le plan politique, il s’est manifesté par la pacification des relations bilatérales avec les États arabes, popularisée par le slogan « zéro problème avec les voisins » ; sur le plan économique, il s’est traduit par la signature d’accords de libre-échange et par l’annonce faite par Erdoğan, en novembre 2010, de la mise en place d’un espace de libre circulation des biens et des personnes au Moyen-Orient, qui serait appelé espace « Shamgen », en écho à l’espace Schengen (« Sham » signifiant, en arabe, les pays du Levant, les pays du Machrek). Enfin, sur le plan socioculturel, le retour de la Turquie en Orient s’est matérialisé par la projection d’un soft power, d’une puissance douce, par l’essor du tourisme et l’exportation massive de feuilletons et de films turcs qui ont inondé le marché arabe de l’audiovisuel, mais aussi par la mise en place d’instituts culturels et linguistiques turcs, les instituts Yunus Emre, dont un à Paris, sur l’avenue des Champs Elysées.

Deux notions sont généralement invoquées pour expliquer ce phénomène : le néo-ottomanisme et le pan-islamisme. La première réfère à l’idée que la Turquie est mue par une « pulsion impériale », et que son ambition est de se construire une sphère d’influence dans les territoires ayant jadis fait partie de l’Empire ottoman. Cette notion de néo-ottomanisme n’est pas très nouvelle puisque, comme Bayram Balci le soulignait, cette expression est apparue dans les années 1990 dans le langage de l’administration américaine pour désigner l’engagement de la Turquie dans l’espace post-soviétique. À l’époque, ce néo-ottomanisme revêtait une connotation très positive dans le discours américain puisqu’il était supposé créer dans l’espace post-soviétique une sphère d’influence turque contre une sphère d’influence russo-orthodoxo-soviétique. Quant au pan-islamisme, il signifie que la politique étrangère turque est mue par des facteurs idéologiques, et que l’objectif d’Ankara est de promouvoir la solidarité islamique, l’unité de la « oumma », dans une tentative de se construire un « Commonwealth islamique » qui gravite autour d’elle. Ces deux tendances, néo-ottomanisme et pan-islamisme, ont été attribuées au parti au pouvoir, le parti de la Justice et du Développement (AKP) qui, étant d’origine islamiste, éprouverait naturellement une nostalgie pour l’époque califale et impériale qu’il tenterait de ressusciter.

Ces deux notions, même si elles ne sont pas dénuées de sens, offrent une vision réductrice de la politique étrangère turque. Comprendre celle-ci exige de sortir de l’ « exceptionnalisme moyen-oriental », cette approche qui consiste à considérer que ce qui se passe au Moyen-Orient ou dans un pays musulman est spécifique à cette région et échappe aux tendances mondiales.

Le comportement international de la Turquie des années 2000 doit être compris à travers un prisme nouveau, celui des « puissances moyennes émergentes » et leur quête de statut et de reconnaissance sur la scène internationale.

En effet, le XXIème siècle est marqué par un basculement de la puissance, une sorte de power shift, de l’Ouest vers l’Est, des grandes puissances traditionnelles d’hier aux nouvelles puissances émergentes d’aujourd’hui. Une nouvelle grammaire des relations internationales émerge où les « petits » tentent de s’affirmer au détriment des « grands ». Or, la Turquie fait partie de ces nouvelles puissances moyennes qui entendent profiter du contexte fluide de la post-bipolarité pour s’autonomiser et s’affirmer. Comme l’a souligné Deniz Akagül, dans les années 2000, et pour la première fois de son histoire, la Turquie accède au statut de « puissance moyenne émergente » selon les critères de la Banque mondiale : il s’agit d’une puissance en position intermédiaire entre le Nord et le Sud, entre les Grands et les Petits États, qui repose sur une économie dynamique, ouverte aux exportations, avec un PIB par habitant supérieur à 10 000 dollars, et un pays qui tente de convertir sa puissance économique en pouvoir politique et en droit de participation à la gestion des affaires mondiales. Le propre de la Turquie des années 2000, son ADN, c’est de mener une diplomatie de quête de statut et de reconnaissance à l’échelle mondiale, qui est caractéristique des toutes les puissances émergentes.

Or, en tant que puissance moyenne émergente, la Turquie était naturellement et mécaniquement portée à déborder à l’extérieur de ses frontières, à empiéter sur ses voisins et à s’imposer comme pôle de puissance dans son environnement régional proche, à savoir le Moyen-Orient.

La « doctrine Davutoğlu ».

Pour cerner le jeu de la Turquie au Moyen-Orient et sur la scène internationale, il est essentiel de revenir au texte qui a constitué la base et le fondement de la politique étrangère turque des années 2000, à savoir un livre de 600 pages, intitulé Profondeur stratégique : La position internationale de la Turquie, écrit par Ahmet Davutoğlu, conseiller d’Erdoğan en politique étrangère de 2003 à 2009, ministre des affaires étrangères de 2009 à 2014, date à laquelle il devient Premier ministre jusqu’à son éviction en 2016.

Dans ce livre, publié en 2001, un an avant l’arrivée au pouvoir de l’AKP, et traduit uniquement en grec, en albanais et en arabe, Davutoğlu – alors professeur de relations internationales à l’université du Bosphore à Istanbul – énonce que la Turquie doit profiter de l’après-Guerre froide pour devenir une « puissance centrale » et un « État pivot », c’est-à-dire un acteur incontournable de la scène internationale. Pour lui, la Turquie, devrait acquérir un statut digne de sa grandeur passée.

Or, pour réaliser sa quête de statut, la Turquie doit faire usage du Moyen-Orient : elle doit construire un hinterland, une sphère d’influence dans la région, et utiliser cet espace comme une arrière-cour, afin d’accroître sa valeur stratégique et acquérir à terme le statut de « puissance centrale ». Il y a donc une vision instrumentale du Moyen-Orient, d’ailleurs désigné par le terme Lebensraum (l’espace vital), la région n’étant pas une fin en soi de la diplomatie turque mais un moyen pour réaliser un objectif plus large (quiconque contrôle le Moyen-Orient contrôle le monde). Cette vision instrumentale de la région est d’ailleurs perceptible à travers la métaphore du tir à l’arc, qu’il répète tout au long de son livre et qui deviendra plus tard l’adage et le slogan préféré des diplomates turcs au sein du ministère des Affaires étrangères : « Il faut concevoir notre politique au Moyen-Orient à travers la métaphore du tir à l’arc ; plus nous tirons fort au Moyen-Orient et plus loin nous atterrirons en Europe et dans le monde ». Une relation dialectique est ainsi établie entre l’émergence de la Turquie comme puissance régionale et ses chances d’adhésion à l’Union européenne. Et, tout au long du livre, s’exprime un désir très fort d’Europe motivé à la fois par la quête de statut et par la mémoire historique des Turcs. En effet, les Turcs, en particulier dans l’esprit de Davutoğlu, ont été très marqués par l’humiliation que leur a infligée l’Europe en désignant l’Empire ottoman comme « l’homme malade de l’Europe ». Une manière de laver l’humiliation et de restaurer l’amour-propre blessé est justement de montrer que la Turquie n’est plus « l’homme malade de l’Europe » et donc de retrouver une place en tant que membre de l’Union européenne.

Deux remarques peuvent être faites à ce stade :

1/ De 2002 à 2010, la Turquie n’a jamais fait un choix clair entre orientation moyen-orientale/islamique, et orientation européenne. Au contraire, les dirigeants turcs ont adopté une « diplomatie du grand écart » qui consister à jouer sur plusieurs tableaux et à tisser des liens forts avec des acteurs antagoniques du système international, avec l’Occident (les États-Unis, l’Union européenne…) et l’Orient, (le Hamas, l’Iran…) avec les puissances du Nord et les pays du Sud.

Ce grand écart est d’ailleurs perceptible dans le discours civilisationnel et politique de l’AKP au début des années 2000 ou la question de l’identité (européenne, asiatique, orientale, musulmane) de la Turquie n’a jamais été tranchée. Le discours se caractérisait, plutôt, par la « volatilité identitaire » : en fonction de leur interlocuteur, les responsables turcs insistaient sur tel ou tel autre aspect de l’identité turque.

2/ Tout au long de la décennie 2000, et en grande partie grâce à l’apport de Davutoğlu, la stratégie turque au Moyen-Orient est une stratégie libérale : il s’agit d’utiliser l’économie pour créer dans la région une interdépendance économique et politique qui profite à Ankara. À aucun moment, il n’a été question d’islam et d’islamisme (pas de référence à l’islam, pas de discours à connotation islamiste).

Les révolutions arabes et le repositionnement turc.

Tout va changer avec les révolutions arabes.
Dans l’après-révolutions, il est possible de distinguer trois tournants dans la politique étrangère turque.

Premier tournant : 2010 et le tournant « islamiste » de la politique étrangère turque.
Au lendemain des révolutions, Ankara a décidé de se présenter comme le « grand pays tutélaire » de la mouvance islamiste dans le monde arabe. Faisant le pari que les islamistes arabes, étant les mieux organisés, allaient gagner les élections, le gouvernement AKP a décidé, en coulisse, d’orchestrer leur montée en puissance. Ceci s’est fait grâce à un soutien financier et logistique, mais aussi à travers un transfert de savoir-faire : l’AKP a ainsi offert aux Frères musulmans égyptiens, aux membres du parti Al Nahdha en Tunisie et à une myriade de « musulmans démocrates » dans la région, des séminaires et ateliers de formation portant sur la transformation d’une confrérie en parti politique, l’organisation d’une campagne électorale, la mise en place d’un programme politique… Il s’agissait là d’une position motivée autant par des facteurs idéologiques que par le pragmatisme politique : le gouvernement AKP entendait « clientéliser » les islamistes arabes de façon à ce que le nouvel ordre régional qu’ils sont amenés à construire gravite autour d’Ankara. C’est donc une politique motivée tant par une connivence idéologique avec les islamistes que par des facteurs purement pragmatiques.

Ce tournant « islamiste » de la politique étrangère, est nourri par deux évolutions : une évolution intérieure et une évolution extérieure à la Turquie :

En interne, en juin 2011, l’AKP gagne les élections législatives avec 48 % des voix. Erdoğan brigue son troisième mandat de Premier ministre : il a consolidé sa place sur la scène politique turque, il a éliminé ses rivaux, et il commence à nourrir une folie des grandeurs. Erdoğan en vient alors à se percevoir comme un sultan, comme le leader de la communauté islamique dans un supposé choc de civilisations dans lequel il serait le défenseur de l’islam opprimé (d’où la multiplication, dans son discours, de références islamiques).

En externe, la Turquie commence en 2011 à perdre espoir dans sa candidature européenne : elle se sent humiliée, rejetée, et cherche donc un substitut et un champ de compensation à l’Union européenne, qu’elle trouve dans le « nouveau Moyen-Orient » postrévolutionnaire.

Ce tournant islamiste est reflété dans le nouveau discours civilisationnel développé par l’AKP au lendemain des révolutions et qui consiste à définir la « turcité » (l’identité turque) comme synonyme d’ottomanisme et d’islamisme : est Turc celui qui se reconnaît comme descendant des ancêtres ottomans et qui se sent appartenir à la civilisation islamique.

Deuxième tournant : la révolution syrienne.

On a tendance à oublier que, au tout début de la révolution syrienne, les Turcs ont tout fait pour maintenir Al-Assad au pouvoir. En effet, dans les années 2000, la Syrie était la porte d’entrée du Moyen-Orient et les excellentes relations entre Davutoğlu, Erdoğan et Bachar Al-Assad étaient considérées comme une condition indispensable pour que la Turquie devienne une puissance régionale importante, étant donné le rôle prépondérant de la Syrie dans la région. Entre mars 2011 et fin août 2011, Davutoğlu et Erdoğan ont donc fait la « diplomatie de la navette » entre Ankara et Damas. Ils ont visité Bachar Al-Assad 18 fois pour le convaincre de faire des concessions aux révolutionnaires afin de se maintenir au pouvoir.

En août 2011, plusieurs facteurs vont pousser la Turquie à changer de position et, en septembre 2011, Ankara prend la décision officielle de renverser Al-Assad, l’ancien allié et ami devenu un « enfant indocile ». Cette décision représente une inflexion majeure dans la politique étrangère turque : Ankara est passée d’une politique d’adaptation au changement au Moyen-Orient à une politique d’impulsion du changement. Jusque-là, la politique turque consistait à attendre que les régimes arabes tombent pour, dans une deuxième phase, soutenir les révolutionnaires. Mais il s’est produit une « inflation de puissance » qui a poussé la Turquie à avoir l’illusion qu’elle est omnipotente et en mesure de provoquer le changement dans la région et de remodeler celle-ci en fonction de ses intérêts. Cette inflation de la puissance est une caractéristique de toutes les puissances émergentes aujourd’hui (Brésil, Afrique du sud…) qui arrivent à croire qu’elles sont en mesure de contrôler leur sphère d’influence.

Dans cette période (2011-2015), et afin de réaliser son objectif de renverser Al-Assad, Ankara a offert un soutien matériel et logistique à l’opposition syrienne. Or, à partir de 2013, et dans un contexte de prolongement de la crise syrienne et de radicalisation progressive de l’opposition, Ankara s’est trouvée comme sponsor de groupes radicaux jihadistes, dont le plus fort est Daech. Le gouvernement AKP a alors pensé (naïvement !) qu’il pouvait instrumentaliser Daech doublement, pour renverser Al-Assad et pour contenir l’avancée des Kurdes en Syrie, avant de se débarrasser ensuite de ce mouvement.

Il s’est avéré que les ambitions de la Turquie étaient beaucoup plus importantes que ses capacités réelles. Au lieu de contrôler sa sphère d’influence, la puissance émergente turque finit par s’enliser dans l’engrenage syrien, avec des coûts importants et un « effet boomerang » destructeur : un coût économique (3 millions de réfugiés pour qui la Turquie dépense 10 milliards), un coût sécuritaire (la multiplication d’attentats terroristes sur le sol turc), et un coût politique qui se traduit par la mort dans l’œuf du processus d’ouverture aux Kurdes et surtout par la dérive autoritaire du gouvernement AKP qu’on ne peut comprendre qu’en la replaçant dans le contexte de la révolution syrienne. En effet, le sentiment d’être encerclé dans la région et piégé en Syrie a provoqué, chez le gouvernement turc, une réaction de crispation autoritaire et une rigidification, une concentration, une bonapartisation de ce pouvoir, en créant d’ailleurs au sein de la population une demande pour un gouvernement solide et fort capable de garantir la sécurité nationale du pays face à la déliquescence des États voisins. Ainsi, la crise syrienne est progressivement devenue une maladie qui ronge la Turquie de l’intérieur et l’affaiblit tant le plan régional qu’international.

Troisième tournant : 2015-2016 et le rapprochement avec Al-Assad en coulisse
Réalisant les coûts de son engagement en Syrie, et consciente de l’avancée des Kurdes syriens sur le terrain, Ankara a procédé à une réévaluation de ses priorités en Syrie : désormais, l’expansionnisme kurde en Syrie est vu comme une menace plus grande pour la sécurité nationale turque que le maintien au pouvoir d’Al-Assad. Ainsi, fin 2015, le gouvernement AKP a tout fait pour se réconcilier avec Poutine et a tenté, en coulisse, un rapprochement avec Al-Assad dans la logique de « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Et je pense que la reprise de la ville d’Al-Bab en Syrie aurait été impossible sans la coordination étroite sur le terrain entre armées syrienne, turque et russe.

L’éviction de Davutoğlu de son poste de Premier ministre en mai 2016 est le symptôme de ce revirement diplomatique à l’égard de la Syrie : Davutoğlu était intimement associé à la politique de renversement d’Al-Assad de l’AKP. Or, afin de préparer l’opinion publique turque à cette volte-face, il fallait se débarrasser du « visage » de la politique syrienne de l’AKP et tourner ainsi la page du passé pour inaugurer une nouvelle ère dans les relations turco-syriennes.

Toutefois, depuis de départ de Davutoğlu, la diplomatie turque est un bateau ivre, sans repère : la politique étrangère d’Ankara est devenue « réactive », réagissant au coup par coup aux évolutions extérieures, sans stratégie claire pour le long terme.

Il est évident que le « jeu du tir à l’arc » imaginé par Davutoğlu a mal tourné : à force de « tirer fort » au Moyen-Orient, la Turquie s’est fait exclure de l’Europe. Or, en perdant ses horizons européens, la Turquie a aussi perdu son attrait au Moyen-Orient : en effet, son « pouvoir de séduction » dans la région reposait précisément sur son ancrage européen, qui fascinait les pays arabes et les amenait à voir en la Turquie le modèle d’un pays musulman « comme eux », mais moderne, développé, et candidat à l’Union européenne – donc un pays qui réussit mieux qu’eux… ! Aujourd’hui, on perçoit dans les cercles diplomatiques turcs un désir de se désengager du Moyen-Orient et de chercher une nouvelle sphère d’influence. C’est révélateur d’un problème essentiel en Turquie : le fait qu’on n’a pas encore tranché l’identité turque (européenne, occidentale, asiatique ou autre). Tant qu’un État cherche une sphère d’influence, c’est qu’il n’a pas décidé ce qu’est son identité.

Malgré les déboires actuels de la politique étrangère turque, et au-delà des sorties théâtrales d’Erdoğan (qui prend en otage la politique étrangère de son pays), la priorité stratégique de la Turquie reste l’Europe : pour les Turcs, intégrer l’Europe est un moyen d’intégrer la « cour des Grands », de réaliser leur quête de statut, mais aussi de se venger de l’humiliation passée, l’Empire ottoman ayant un jour été qualifié d’ « homme malade de l’Europe »…

Jean-Pierre Chevènement
Merci, Mme Jabbour, pour ce brillant exposé qui raconte une saga de plus en plus palpitante. Nous connaissons la Turquie depuis longtemps. La Turquie a longtemps fait partie du « concert européen ». La chute de Constantinople, qui ne remonte qu’à six siècles et demi, est fêtée de manière grandiose dans un des plus beaux sites qui soient au monde. La Turquie n’est pas un pays comme les autres. Au bord du lac de Van, aux confins de l’Iran, quand on voit se profiler sur le ciel les vieilles fortifications seldjoukides, on se sent en Asie centrale. En même temps c’est un pays méditerranéen. À Izmir (anciennement Smyrne) on a l’impression d’être sur le terrain de notre plus vieille histoire, si tant est que nous pouvons considérer que nous sommes encore les héritiers d’Athènes et des cités qrecques…

Toutes ces questions, ces changements successifs, cette Turquie qui ne trouve finalement à faire affaire ni à l’Est, ni à l’Ouest, ni en Orient, ni en Occident… Était-ce fatal ? C’est d’ailleurs provisoire (car tout est provisoire dans la vie). Peut-on expliquer ce mouvement d’aller et retour vers l’Europe ? A qui en imputer la responsabilité ? Aux Turcs ? Aux Européens ? Est-il dû à un choix initial qui, peut-être, n’a pas été vraiment étudié, n’a pas été pensé ? Il faudrait nous raconter cette histoire et nous expliquer ce que sont les problèmes d’aujourd’hui et comment il faut les traiter.

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Le cahier imprimé du colloque « Où va la Turquie? » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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