Accueil par Jean-Pierre Chevènement

Accueil de Jean-Pierre Chevènement, Président de la Fondation Res Publica, au colloque « Où va la Turquie? » du 29 mai 2017.

Mesdames,
Messieurs,
Chers amis,

Ce soir nous allons consacrer notre conversation à la Turquie, un grand pays de près de 80 millions d’habitants (95 millions prévus en 2050) dont les progrès spectaculaires n’ont pas besoin d’être soulignés. Son PNB a presque triplé depuis 2002, ce qui correspond à la période pendant laquelle l’AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi, Parti de la justice et du développement) a été au pouvoir, avec le président Erdoğan.

La première partie de nos travaux nous situera dans la longue durée. Je remercie tous les intervenants et tout particulièrement M. Zarcone, Directeur de recherches au Centre National de la Recherche Scientifique à Paris (Groupe Sociétés Religions Laïcité), coéditeur du Journal d’Histoire du Soufisme, auteur des ouvrages « La Turquie de l’empire ottoman à la République d’Atatürk » (Gallimard, 2005) et « Le Soufisme » (Gallimard, 2013). Je lui demanderai comment une société soumise à la politique « laïciste » de Kemal Atatürk a pu préserver sa religion traditionnelle, l’islam, qu’on voit réapparaître très tôt, en 1946, lors des premières élections pluralistes. Quelle est la nature de ce phénomène qui fait qu’une république laïque flamboyante, proclamée avec force, avec tous les signes de l’arrachement au passé (jusqu’au changement de l’alphabet), voit ressurgir cinquante ans plus tard des courants islamistes conservateurs ? Quel est le rôle des confréries ? Quels sont les hommes d’influence ? Quel est le rôle de certaines institutions scolaires comme les İmam hatip ? Ce retour du religieux reste inexpliqué aux yeux de ceux qui pensent bien connaître la Turquie pour y être allés souvent mais ne la connaissent pas assez pour comprendre le mouvement séculaire qui fait que, après l’effondrement de l’Empire ottoman, la proclamation de la République turque par Atatürk, on a pu assister à cette réémergence d’un courant islamiste qu’on a décrit il y a quelques temps comme modéré.

M. Akagül, économiste, maître de conférences à l’Université Lille 1, a dirigé l’ouvrage « Configurations économiques dans l’espace post-ottoman », (CNRS éditions, 2014). Il est également co-auteur de « La Turquie, d’une révolution à l’autre » (Pluriel, 2013). Je lui demanderai de nous expliquer le phénomène de la réémergence de la Turquie, de nous dire comment ce pays a vu se développer l’esprit d’entreprise, le capitalisme anatolien (les « Tigres anatoliens ») et comment il est passé d’un système plutôt protectionniste à un système largement ouvert sur la mondialisation. Comment expliquer cette réussite ? En effet, à la fin des années 1970-80, la Turquie, très lourdement endettée, ne vivait que du soutien que lui apportaient le FMI et ses bailleurs de fonds occidentaux. Or, on a aujourd’hui l’impression que le « Tigre » a pris son élan et c’est une incontestable réussite sur le plan économique qu’il faut saluer. On a vu apparaître des classes nouvelles, de petits entrepreneurs. L’électorat de l’AKP est complexe. Venu au pouvoir avec 33 % des voix en 2002, il est aujourd’hui majoritaire : avec le complément d’un parti nationaliste (MHP, Milliyetçi Hareket Partisi), il a quand même obtenu 51,4 % des suffrages au dernier référendum. C’est donc un électorat forcément hétérogène et peut-être est-ce là un éclairage de cette présidentialisation qu’a voulue Recep Tayyip Erdoğan et dont on analysera les formes, les conséquences.

La deuxième partie de notre colloque sera davantage tournée vers la politique étrangère.
M. Bayram Balci, ingénieur de recherche au CNRS, chercheur en science politique et civilisation arabo-islamique au CERI (Sciences Po Paris), nous parlera de la Turquie dans l’espace post-soviétique. Il ne vous échappe pas que la Turquie est riveraine de la Mer Noire, limitrophe du Caucase. Elle a aussi le regard tourné vers les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale qui, souvent, parlent turc ou des dialectes turcs, et que son intérêt se porte même jusqu’au Xinjiang, province orientale de la Chine, c’est-à-dire vers les Ouïgours qui représentent aujourd’hui la moitié de la population du Xinjiang. La Turquie a naturellement dans son « génome » le rêve panturc (Enver Pacha). C’est une autre dimension.

Je demanderai alors à Mme Jana Jabbour, enseignante à Sciences Po Paris, docteur associée au CERI et co-fondatrice de Samar Media, qui vient de publier « La Turquie. L’invention d’une diplomatie émergente » (CNRS éditions, 2017), de nous parler de « l’invention d’une diplomatie émergente » et de nous dire comment la politique étrangère de la Turquie a évolué. Jadis européo-centrée, elle est aujourd’hui davantage tournée vers les espaces géographiques limitrophes, le Moyen-Orient et la Méditerranée. Peut-on parler de néo-ottomanisme ?

Nous terminerons avec l’exposé de M. Didier Billion qui va nous entretenir du sujet dont la presse est la plus friande, je veux parler des rapports de la Turquie avec l’Union européenne. Je n’ai pas besoin de rappeler que M. Didier Billion, spécialiste de la Turquie, est directeur adjoint de l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques). Il est l’auteur des ouvrages « La politique extérieure de la Turquie. Une longue quête d’identité » (L’Harmattan, 1997), « La Turquie vers un rendez-vous décisif avec l’Union européenne » (IRIS/PUF, 2004) et « L’enjeu turc » (Armand Colin, 2006).

Je veux remercier tous nos intervenants d’être parmi nous ce soir. La Turquie est un grand sujet pour l’Europe, pour nous-mêmes qui sommes des alliés anciens de la Porte ottomane. L’alliance franco-ottomane (1536) remonte à François Ier. Nous avons toujours eu une relation « spéciale » avec la Turquie. Nous ferons le point sur ce sujet très controversé avec autant d’objectivité qu’il est possible dans les relations internationales et dans le monde médiatique d’aujourd’hui.

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Le cahier imprimé du colloque « Où va la Turquie? » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.

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