Une tribune de Jean-Luc Gréau, économiste et membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica, parue dans « L’Expansion » d’octobre 2013, dans la rubrique : Le Coin des think tanks. Thème : « La baisse des coûts de production, une obsession ? ».
Les dirigeants d’entreprise feraient bien de balayer devant leur porte. En 2012, le salaire mensuel de base a encore augmenté de 2,3%, tandis que l’inflation courante a culminé à 1,2%. Alors que les pays de l’Europe du Sud, frappés par la récession, baissaient dramatiquement la rémunération du travail – entre 10% et 30% -, nos entreprises, pourtant victimes d’une économie stagnante, ont trouvé les moyens d’une nouvelle hausse.
Ces dirigeants feraient bien aussi de se pencher sur le retard considérable pris dans la robotisation et l’informatisation de leur production. Nous sommes à la traîne de tous nos grands concurrents européens et américains. L’Allemagne achète 19 000 robots quand nous en achetons 3 000. La France, pays de mathématiciens et d’informaticiens, ne s’est pas emparée des robots et de l’informatique pour doper sa productivité et bâtir des stratégies cohérentes de conquête et de fidélisation de sa clientèle. Sauf dans certains secteurs, comme la construction aéronautique, nos entreprises ont préféré délocaliser leurs productions ou leurs fournitures.
Ils pourraient encore, ces dirigeants, s’interroger à propos de l’impact qu’a la monnaie européenne sur leur compétitivité. Depuis que le yen a subi une dévaluation massive, l’euro est la monnaie la plus surévaluée du monde. Sa parité exagérée a fortement aggravé les difficultés de nos voisins du Sud, et elle handicape tous nos exportateurs. Dans ces conditions, même Airbus trouve avantage à s’installer aux Etats-Unis pour produire ses moyen-courriers. Or le Medef et ses grandes professions font de la parité de l’euro un sujet tabou.
Les entreprises doivent consentir à un débat plus sincère
Les chefs d’entreprise devraient enfin entrer dans le débat sur les dépenses qui occasionnent les charges publiques et sociales dont ils se plaignent. Un seul exemple : celui des prestations sociales, représentant plusieurs dizaines de milliards d’euros, et versées à partir d’une déclaration sur l’honneur. Ne pourraient-ils pas rappeler aux dirigeants politiques la nécessité d’écarter les passagers clandestins du bénéfice de la manne publique ?
Tout se passe comme si leur unique objectif était d’incliner l’Etat à des sacrifices renouvelés de charges fiscales et sociales, non gagées par des économies et sans contreparties assurées du point de vue de l’investissement et de l’embauche. Appelons les entreprises au débat plus sincère et constructif dont la France au travail a besoin.
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