La France devant la Cour de justice de l’Union européenne

Intervention de Géraud Sajust de Bergues, Directeur adjoint des Affaires juridiques du Ministère des Affaires étrangères, au colloque « La Cour de Justice de l’Union Européenne » du 11 février 2013.

Mon propos sera à la fois plus étroit et plus large que celui d’Hubert Legal puisque je parlerai de la présence de la France devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Avant de commencer je rappellerai qu’il existe trois voies de recours principales devant la Cour de justice de l’Union européenne :
Les recours en manquement sont, la plupart du temps, introduits par la Commission contre les États membres qui ne respectent pas, selon elle, le droit de l’Union européenne.
Les recours en annulation sont introduits par les États ou les personnes physiques ou morales, voire les institutions elles-mêmes, contre les actes des institutions. Ils peuvent être comparés à nos recours pour excès de pouvoir.
Les affaires préjudicielles consistent en des questions renvoyées à la Cour par les juges nationaux quand ils rencontrent une difficulté d’interprétation du droit de l’Union européenne ou, mais c’est beaucoup plus rare, quand ils s’interrogent sur la validité d’un acte d’une institution.

Autre précision : La « Cour de justice » est une institution de l’Union européenne qui n’a longtemps comporté qu’une seule juridiction. Cependant, aujourd’hui,  cette institution comprend trois juridictions, à savoir la Cour de justice proprement dite, le Tribunal, créé en 1988, et le Tribunal de la fonction publique, créé en 2004.

La France a été longtemps très discrète devant la Cour de justice. Il faut dire que, pendant les années 60 et 70, il y avait très peu de recours en manquement et très peu d’affaires préjudicielles, encore moins d’affaires préjudicielles françaises. Ainsi, il a fallu attendre 1965 (soit sept ans après l’entrée en vigueur du traité de Rome) pour voir la première question préjudicielle posée par une juridiction française (la Cour d’appel de Colmar [1]) alors que les grands arrêts sur la primauté et sur l’effet direct du droit communautaire avaient déjà été rendus.
En outre, la France, qui avait traditionnellement une vision assez diplomatique de la Communauté européenne, avait sans doute quelque réticence à porter devant la Cour de justice ses différends avec les autres États membres ou avec les institutions. Par ailleurs, la France a sans doute aussi longtemps sous-estimé l’impact que risquait d’avoir une affaire préjudicielle posée par le juge d’un autre État membre sur sa propre législation et elle n’a pris conscience que plus tard des conséquences que pouvait avoir pour elle un arrêt préjudiciel de la Cour, qui est revêtu d’un effet erga omnes.

Pourtant, la France, comme les autres États membres, dispose de très grandes facilités procédurales pour accéder à la Cour de justice. Ainsi, les États membres peuvent attaquer n’importe quel acte d’une institution dès lors qu’il produit des effets juridiques obligatoires  et ils peuvent intervenir dans toutes les affaires préjudicielles, ainsi que dans tous les recours directs qui opposent, selon le cas, deux institutions entre elles, un État membre à une institution ou encore une personne physique ou morale à une institution. Par ailleurs, les États membres sont en droit de rédiger leurs mémoires et de plaider dans leur propre langue, quelle que soit la langue de procédure d’une affaire.
Le fait que le français soit la langue de travail de la Cour de justice ne pouvait également que faciliter l’activité contentieuse de la France. En effet, cela signifie que non seulement la Cour rédige ses arrêts et délibère en français mais aussi que, dans toutes les affaires, les mémoires et les pièces de procédure sont traduits dans notre langue. Cela étant, il convient de préciser que, si le français est la langue de travail de la Cour de justice, celle-ci ne compte pas moins de vingt-deux langues de procédure, ce qui fait de la Cour une véritable « tour de Babel », à la différence des autres cours internationales. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, qui dépend du Conseil de l’Europe, et la Cour internationale de justice de La Haye, qui dépend des Nations Unies, n’utilisent, pour leur part, que deux langues de procédure (le français et l’anglais). La différence entre langue de travail et langue de procédure peut être illustrée par l’exemple suivant : prenons une affaire « Commission contre Finlande ». Comme la langue de procédure dans les affaires de manquement est celle de l’État défendeur, cette langue sera donc le finnois. Si la France intervient dans une telle affaire, elle rédigera son mémoire dans sa propre langue, comme d’ailleurs les autres États membres intervenants. Ensuite, tous ces mémoires seront traduits par les soins de la Cour dans la langue de procédure, c’est-à-dire en finnois, et dans la langue de travail, c’est-à-dire en français. Il en résulte que les autres États membres intervenants devront être en mesure de lire ces mémoires soit en finnois soit en français, et vous imaginez comme le choix sera vite fait.

Si la France a été longtemps très discrète devant la Cour, les choses ont heureusement commencé à changer à partir du début des années 80 et la France est aujourd’hui dans le peloton de tête des États membres pour sa présence devant les juridictions de l’Union européenne avec environ 130 affaires pendantes, Cour de justice et Tribunal confondus, ce qui la place au niveau de l’Allemagne et même du Royaume-Uni (souvent présenté comme un modèle d’interventionnisme).
Cette présence traduit incontestablement une sensibilisation de plus en plus grande aux enjeux du contentieux communautaire.
Deux administrations ont joué un rôle essentiel à cet égard, à savoir :
– la direction des Affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, qui assure la représentation de la France devant les juridictions de l’Union, c’est-à-dire qu’elle est chargée de rédiger les mémoires et les plaidoiries et de prononcer celles-ci à Luxembourg,
– et le Secrétariat général des Affaires européennes (SGAE), autrefois appelé SGCI, qui dépend du Premier ministre et qui est chargé de coordonner l’ensemble des positions françaises devant les institutions de l’Union européenne, notamment devant la Cour de justice.
Ainsi, l’élaboration des positions françaises devant la Cour de justice se déroule dans un cadre interministériel, avec bien sûr le concours des ministères techniques intéressés.
Cette « cogestion » du contentieux communautaire par le SGAE et la direction des Affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères est une spécificité française. En effet, dans les autres États membres, la coordination du contentieux communautaire est le plus souvent assurée par le service contentieux lui-même. Cependant, cette cogestion me paraît une très bonne solution car elle permet une répartition des tâches entre le SGAE et la direction des Affaires juridiques et elle confère à un service qui dépend du Premier ministre et qui a donc toute l’autorité nécessaire le soin de trancher les éventuels différends entre les administrations.
Il faut souligner que, même si elle est bicéphale en France, cette organisation centralisée du contentieux communautaire est la règle dans la quasi-totalité des États membres et dans toutes les institutions.

Le choix d’une organisation centralisée du contentieux communautaire répond au souci de confier la rédaction des mémoires et des plaidoiries et le prononcé de celles-ci à un service parfaitement rompu aux techniques du contentieux communautaire et aux usages des juridictions de l’Union et une telle organisation permet aussi d’éviter les incohérences dans les positions défendues.

Comment se manifeste la présence de la France devant la Cour ?

En 2012, la France a déposé 95 requêtes, mémoires ou « observations écrites » (expression réservée aux affaires préjudicielles) devant la Cour de justice ou le Tribunal. À côté de cette centaine de mémoires écrits, nous avons participé à 44 audiences, un chiffre qui peut paraître modeste mais qui représente 95 % de toutes les audiences auxquelles la France a participé devant les cours internationales, cette année-là. En effet, à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, les audiences sont, par comparaison, très peu nombreuses par rapport au nombre d’affaires (trois à cinq audiences par an pour la France).

Contrairement à un préjugé tenace, le nombre d’affaires de manquement visant la France est très limité.
Le nombre d’affaires contentieuses dans lesquelles la France est présente a doublé entre le début des années 90 et les années 2000, pour atteindre le nombre de 130-140 affaires. Mais il faut tout de suite dissiper un malentendu. En effet, la présence d’un État membre devant la Cour de justice est souvent perçue de manière négative (« Vous ne respectez pas le droit communautaire, vous avez la Commission sur le dos »). Or cette perception est erronée puisque, sur 127 affaires dans lesquelles la France est présente actuellement, il n’y a que huit affaires de manquement visant notre pays. Cette situation n’est pas propre à la période actuelle puisque les affaires de manquement visant la France n’ont jamais dépassé 25 % de l’ensemble de nos affaires. À la différence de la Cour européenne des droits de l’homme devant laquelle la France est, dans la quasi-totalité des cas, en position de défendeur, c’est donc un contentieux beaucoup plus varié qui amène la France devant la Cour de justice et le Tribunal de l’Union européenne.

La présence de la France devant les juridictions de l’Union européenne se manifeste d’abord par des recours contre les institutions.
Si la France estime qu’une directive, un règlement ou une décision de la Commission (beaucoup plus rarement du Conseil ou du Parlement) porte atteinte à ses intérêts, elle peut décider de l’attaquer devant les juridictions de l’Union européenne.
Ainsi, la presse et la télévision ont récemment rendu compte d’un recours que la France a gagné contre le Parlement européen. À cet égard, il faut rappeler qu’un protocole annexé aux traités instituant l’Union européenne prévoit que le Parlement européen a son siège à Strasbourg où il doit tenir ses douze « périodes de session » mensuelles (on ne parle pas de douze « sessions » parce que le Parlement européen est toujours en session), même s’il peut tenir des « périodes de session extraordinaire » à Bruxelles. Comme le Parlement européen ne se réunit pas au mois d’août, il est convenu qu’il tienne deux périodes de session au mois d’octobre.
Il y a une quinzaine d’années, le Parlement avait décidé de supprimer purement et simplement l’une de ses douze périodes de session, mais la France avait introduit un recours et la Cour de justice avait annulé cette décision.
Cette fois-ci, bien que l’affaire fût cousue de fil blanc, elle était plus délicate. En effet, si le protocole prévoit « douze périodes de session », il n’en fixe pas la durée. Or, cette fois, le Parlement européen avait imaginé de réduire de moitié la durée de ses deux périodes de session du mois d’octobre, qui passaient de quatre à deux jours, et de regrouper celles-ci au cours de la même semaine. Mais la France a gagné son recours. En effet, la Cour a considéré que les périodes de session devaient en principe avoir la même durée et, surtout, que le Parlement européen n’avait pas été en mesure d’expliquer les raisons objectives pour lesquelles il avait moins besoin de se réunir au mois d’octobre, alors même que c’est le mois où il vote le budget.

Cependant, ce genre d’affaires de niveau constitutionnel est un peu exceptionnel. Le plus souvent, les recours que la France introduit visent la Commission et portent sur des domaines plus techniques, comme celui des aides d’État.

En plus de ses recours contre les institutions, il arrive fréquemment que la France intervienne dans des litiges qui opposent deux institutions entre elles, le plus souvent la Commission ou le Parlement européen au Conseil. Je ne vous étonnerai pas en vous disant que, jusqu’à présent, dans ce genre de litiges, la France est toujours intervenue au soutien du Conseil. Cependant, aucune règle ne nous interdit d’intervenir un jour au soutien de la Commission ou du Parlement européen face au Conseil.

Il arrive également que la France intervienne dans des litiges qui opposent une entreprise à une institution. Dans ce cas, on trouve à peu près autant d’affaires dans lesquelles la France est intervenue au soutien de l’entreprise que d’affaires dans lesquelles la France est intervenue au soutien des institutions. Ainsi, dans le domaine des aides d’État, deux situations peuvent se présenter :
– Dans la première situation, la Commission a pris une décision favorable à la France en matière d’aides d’État (c’est-à-dire qu’elle a considéré que la mesure en cause ne constituait pas une telle aide ou alors que cette mesure constituait une aide d’État compatible avec le marché intérieur) et un concurrent de cette entreprise attaque cette décision. Dans ces cas-là, la France intervient souvent au soutien de la Commission. Deux entreprises françaises sont particulièrement actives à cet égard devant le Tribunal et la Cour de justice. Il s’agit, d’une part, de TF1, qui attaque fréquemment les décisions de la Commission autorisant le versement de subventions à la télévision publique. Il s’agit d’autre part de Corsica Ferries, qui est aussi une habituée du prétoire. En effet, celle-ci attaque souvent les décisions dans lesquelles la Commission n’a pas considéré les mesures françaises en faveur de la SNCM comme des aides d’État ou a considéré que ces aides étaient compatibles avec le marché intérieur. Bouygues Télécom a été aussi traditionnellement très active vis-à-vis des décisions de la Commission concernant des mesures prises par la France à l’égard de France Télécom.
– Dans la seconde situation, la Commission a pris une décision défavorable à la France en matière d’aides d’État (soit parce qu’elle a considéré que la mesure en cause constituait une aide d’État, soit parce qu’elle a considéré que cette mesure était une aide d’État incompatible avec le marché intérieur) et c’est l’entreprise française qui en a ou en aurait bénéficié qui décide d’introduire un recours. Alors, si elle n’a pas introduit elle-même un recours ou même si elle l’a fait, la France intervient souvent au soutien de cette entreprise.

Ce ne sont pas toujours des entreprises mais souvent aussi des personnes physiques qui attaquent les institutions de l’Union européenne. Ainsi, Hubert Legal s’est référé tout à l’heure à l’affaire Kadi, du nom du requérant suspecté d’être lié à Ben Laden et dont les avoirs dans l’Union européenne ont été gelés pour ce motif. À cet égard, il faut souligner que le gel des avoirs est devenu un aspect très important de la politique extérieure de l’Union. Il s’agit non seulement du gel des avoirs de personnes suspectées de terrorisme mais aussi du gel des avoirs de personnes et d’entreprises qui sont liées à un État (par exemple, l’Iran, le Zimbabwe, la Biélorussie ou la Syrie. Or ceci a généré un contentieux énorme (environ 130 affaires pendantes devant la Cour de justice et le Tribunal) et souvent délicat (par exemple, quand, comme pour M. Kadi, l’Union se borne à appliquer une résolution contraignante du Conseil de sécurité des Nations Unies ou, plus généralement, quand l’Union ne peut pas produire les éléments de preuve dont elle dispose compte tenu de leur caractère confidentiel).

Enfin, la présence de la France devant la Cour de justice se manifeste par la présentation d’observations dans les affaires préjudicielles. Il s’agit d’affaires dans lesquelles les juges nationaux des États membres de l’Union européenne posent des questions à la Cour de justice sur l’interprétation du droit de l’Union ou, mais plus rarement, sur la validité des règlements, des directives ou des décisions prises par le Conseil, le Parlement européen ou la Commission.
On a coutume de dire que c’est le juge national des États membres de l’Union européenne qui est le juge communautaire de droit commun. Qu’est-ce que cela signifie ? Prenons l’exemple d’un justiciable français qui souhaite contester en justice une taxe qu’on lui fait payer ou le refus de lui verser une prestation sociale qu’on lui oppose. Dans ces cas, son avocat peut avoir l’idée de mettre en cause la compatibilité de cette taxe ou de ce refus avec le droit de l’Union européenne. Cependant, dans ces cas, ce justiciable français ne pourra pas aller directement devant les juridictions de l’Union et il devra s’adresser à son juge habituel, c’est-à-dire, selon le cas, au juge administratif ou au juge judiciaire. S’il est évident que la taxe ou le refus de la prestation sociale est conforme au droit de l’Union ou est contraire à celui-ci, alors le juge français se prononcera tout seul. Mais, si ce n’est pas évident, alors le juge français pourra interroger la Cour de justice. Lorsqu’un juge français décide de renvoyer une question à la Cour de justice, cela revient donc à une sorte de « recours en manquement », à ceci près qu’il n’émane pas de la Commission. En effet, vous aurez compris que ce que le juge français souhaite savoir de la Cour, c’est si la réglementation ou la législation française en cause est compatible ou non avec le droit de l’Union. S’il ressort de la réponse de la Cour que cette réglementation ou cette législation est compatible, le juge français rejettera le recours du justiciable. En revanche, dans le cas contraire, il donnera raison à ce justiciable. Donc, dans ce genre d’affaires nous sommes un peu dans la même situation que dans les affaires de manquement puisque nous défendons la réglementation et la législation françaises.
Le nombre d’affaires préjudicielles françaises tourne, en moyenne, autour d’une vingtaine par an (soit deux fois moins que les affaires préjudicielles allemandes ou italiennes, mais à peu près autant que les affaires britanniques et plus que les affaires espagnoles). Mais la France dépose souvent des observations dans des affaires préjudicielles renvoyées par les juges des autres États membres. Bien sûr, elle ne le fait pas pour la beauté du droit, mais, le plus souvent, parce que la réglementation ou la législation qui est mise en cause est analogue à la nôtre. En effet, si la Cour juge finalement que cette législation (allemande, grecque ou finlandaise, par exemple) est contraire au droit de l’Union européenne, son arrêt aura un effet erga omnes et les juges français devront l’appliquer. C’est ainsi, par exemple, que, pour défendre notre monopole des jeux de hasard (PMU et Française des jeux), nous sommes intervenus par le passé dans plusieurs affaires préjudicielles italiennes et allemandes mettant en cause des monopoles analogues dans ces pays.

Ainsi, plutôt que d’attendre que sa propre réglementation ou législation soit mise en cause par la Commission dans le cadre d’un recours en manquement ou par un justiciable devant un juge français, la France préfère souvent prendre les devants et essayer d’influencer l’interprétation de la Cour de justice.

La répartition des affaires.
Parmi les 127 affaires contentieuses dans lesquelles la France est actuellement présente, on compte
– huit affaires de manquement, dont aucune ne comporte une demande de sanctions financières.
– une dizaine de recours en annulation, tous dirigés contre la Commission. Si la plupart des recours en annulation de la France sont traditionnellement dirigés contre la Commission, c’est notamment parce que, en tant que pouvoir exécutif de l’Union européenne, celle-ci adopte au moins 90 % de l’ensemble des actes de droit dérivé de l’Union. Une majorité de nos recours concernent le domaine des aides d’État. Cependant, il convient de préciser que, dans ce domaine, il nous arrive aussi fréquemment, d’intervenir au soutien de la Commission. Ainsi, devant la Cour ou le Tribunal, notre adversaire d’un jour peut-être notre allié le lendemain.
– une grosse cinquantaine d’affaires préjudicielles dont les deux tiers proviennent de juges d’autres États membres. En effet, comme je l’ai déjà indiqué, nous veillons à intervenir aussi dans les affaires préjudicielles renvoyées par les juges des autres États membres, en particulier quand celles-ci mettent en cause la compatibilité avec le droit de l’Union de législations qui sont proches des nôtres.
– une cinquantaine d’interventions dans des litiges qui opposent, selon le cas, deux institutions entre elles, un État membre et une institution ou encore une personne physique ou morale à une institution.

Les principaux domaines d’intervention.
J’ai déjà évoqué les aides d’État, qui représentent une part significative de notre contentieux. Mais on peut citer aussi les domaines de la fiscalité, de l’environnement, de la propriété intellectuelle, du droit des étrangers, des affaires institutionnelles ou encore de l’agriculture.

Les motifs qui guident les interventions de la France.
Il s’agit bien sûr de défendre les intérêts de notre pays, qu’il s’agisse de ses intérêts immédiats mais aussi de sa conception de la construction européenne.
– La défense des intérêts immédiats.
Ainsi, nous n’hésitons pas à mettre en cause les décisions de la Commission en matière d’aides d’État, soit parce que nous contestons la qualification d’aides de nos mesures, soit parce que nous considérons que ces aides sont compatibles avec le marché intérieur. Nous intervenons aussi dans des affaires de manquement visant d’autres États membres ou dans des affaires préjudicielles renvoyées par les juges d’autres États membres pour défendre la compatibilité avec le droit de l’Union des législations de ces États qui sont proches des nôtres. Il nous arrive aussi, mais c’est plus rare, d’intervenir dans de telles affaires non pour défendre mais pour contester des législations d’autres États membres qui nuisent à nos opérateurs.
– Les affaires de principes.
Ainsi, la France s’intéresse particulièrement aux affaires institutionnelles qui opposent la Commission ou le Parlement européen au Conseil et qui mettent en cause la répartition des compétences entre les États membres et l’Union ou la répartition des compétences entre les institutions de l’Union elles-mêmes. La France s’intéresse aussi de près aux affaires touchant aux droits fondamentaux

La France est-elle satisfaite de la jurisprudence de la Cour ?

Ce qu’on peut dire, c’est que la France fait confiance à la Cour de justice pour régler les litiges auxquels elle est partie. Comme l’a dit Hubert Legal, la jurisprudence de la Cour a évolué et la Cour est sans doute aujourd’hui plus sensible qu’elle n’a pu l’être par le passé aux préoccupations des États membres.

À ce sujet, il faut rappeler que, dans les années 60-70 et même jusqu’aux années 80, quand une affaire préjudicielle était renvoyée à la Cour de justice par un juge national d’un État membre, la Commission et cet État déposaient des observations devant la Cour mais il était rare que d’autres États membres fassent de même Or cette situation peut expliquer, au moins en partie, pourquoi la Cour se montrait particulièrement sensible aux thèses de la Commission.
Cependant, aujourd’hui, il n’est pas rare que quatre, cinq ou six États membres, et parfois plus, décident de déposer des observations dans une affaire préjudicielle ou de se soutenir dans une affaire de manquement, ce qui ne peut que renforcer le poids de leurs thèses aux yeux de la Cour.

Bien sûr, la France n’est pas toujours satisfaite des arrêts rendus par le Tribunal ou la Cour.
Cela étant, il faut reconnaître que certaines de nos défaites étaient assez prévisibles. Mais ce n’est pas le cas de toutes et je citerai, par exemple, les arrêts concernant la nationalité des notaires qui continuent de ne pas me convaincre.

Quoi qu’il en soit, je le répète, la France fait confiance à la Cour et, même si nous regrettons certains arrêts, nous en tirons les conséquences et nous les exécutons.

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[1] Cour d’appel de Colmar – France. Demande de décision préjudicielle. Affaire 44-65.Arrêt de la Cour du 9 décembre 1965.HessischeKnappschaft contre Maison Singer et fils. Matière : sécurité sociale des travailleurs migrants.

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Le cahier imprimé du colloque « La Cour de Justice de l’Union Européenne » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation

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