Introduction par Patrick Quinqueton

Introduction de Patrick Quinqueton, Conseiller d’Etat, élu de la communauté d’agglomération du Val de Fensch, au colloque du 26 mai 2009, Réforme territoriale et développement.

L’organisation des collectivités territoriales est en France comme dans d’autres pays occidentaux un sujet récurrent.

La réforme du fédéralisme mise en œuvre en Allemagne par le gouvernement de grande coalition est guidée d’abord par un souci de bon fonctionnement du processus d’élaboration de la norme législative, en limitant les cas de compétence concurrente du Bund et des Länder qui rendent obligatoire l’accord du Bundesrat pour l’adoption des lois. Les débats sur l’organisation territoriale en Espagne sont, du point de vue des communautés les plus autonomes, comme la Catalogne, orientés vers la revendication d’une plus grande autonomie financière qui se place sur le terrain de la législation fiscale elle-même. Mais il s’agit là de pays fédéraux, en droit ou en fait. L’Italie semble avoir renoncé à une réforme territoriale de grande ampleur après l’échec de la tentative fédérale lors du référendum de mai 2006. Le Royaume-Uni a procédé à un certain nombre de changements au tournant du siècle avec la dévolution des pouvoirs écossaise et, dans une moindre mesure, galloise et avec la mise en place laborieuse d’un gouvernement local en Irlande du nord. Mais l’organisation de la France, pays historiquement centralisé, est très différente.

Le rapport du comité pour la réforme des collectivités territoriales, présidé par l’ancien Premier ministre Edouard Balladur, s’est fixé des objectifs multiples. Il affirme avoir cherché à la fois à simplifier les structures, à clarifier les compétences, à moderniser les finances locales, et à traiter les cas particuliers. Mais les propositions sont dès lors un compromis entre ces objectifs, naturellement discutable.

Il nous a semblé qu’il serait intéressant de revisiter l’organisation territoriale de la France au regard des nécessités du développement économique et social.

Les pôles de compétitivité, dont la formalisation date d’un CIAT de juin 2005, sont une des réponses récentes, en France et plus largement en Europe, pour associer collectivités, entreprises, universités et laboratoires de recherche dans le développement économique à une échelle qui ne soit pas limitée à l’hexagone. Dans une économie mondiale de plus en plus concurrentielle, la France a lancé en 2004 une nouvelle politique industrielle qui mobilise les facteurs clefs de la compétitivité, au premier rang desquels figure la capacité d’innovation. Un pôle de compétitivité est, sur un territoire donné, l’association d’entreprises, de centres de recherche et d’organismes de formation, engagés dans une stratégie commune de développement, destinée à dégager des synergies autour de projets innovants conduits en commun en direction d’un marché donné. L’échelle à laquelle travaillent ces pôles est variable s’agissant des limites administratives et des collectivités concernées. Le rôle d’un ministère du développement technologique est à réinventer.

La réforme de la taxe professionnelle est aussi un des enjeux au carrefour de l’organisation territoriale et de l’économie. Il s’agit à la fois de mettre au point un impôt qui ait une logique économique et qui laisse subsister un lien entre les entreprises et le territoire sur lequel elles sont implantées. Le président de la République a annoncé sa suppression le mois dernier, puis la ministre chargée de l’Economie a nuancé son propos. En tout état de cause, c’est sur ce lien territorial qu’il faut fonder la solution.

Les réformes successives opérées au nom de la décentralisation ont sédimenté une architecture territoriale complexe des collectivités. On dit parfois qu’il y aurait en France un niveau de collectivités de trop. C’est, comme beaucoup d’idées souvent répétées, une idée fausse. Quand on compare la France à des pays de taille comparable : à l’Allemagne, à l’Italie, à l’Espagne, à la Pologne, on constate qu’ils ont le même nombre de niveaux de collectivités. Il n’y a donc pas d’originalité française à cet égard.

Le département, créé il y a plus de deux siècles, reste fort et se voit petit à petit spécialisé dans les compétences de l’aménagement et des communications d’une part, et de l’action sociale d’autre part. Le débat récent autour du changement de plaques d’immatriculation a montré que nos concitoyens restent attachés à l’identité départementale.

Les communes restent spécialisées dans les services à la population, mais la taille insuffisante de la plupart d’entre elles, en milieu urbain comme en milieu rural, a conduit en 1999 à créer les conditions d’une intercommunalité à fiscalité propre et à socle de compétences suffisant. La création des régions, en 1972 comme établissements publics et en 1986 comme collectivités territoriales a permis de créer un lieu, encore très imparfait, d’intervention pour créer les conditions du développement économique.

Les propositions du comité dit « Balladur » s’articulent comme on le sait à une échéance de 2014 autour du regroupement volontaire de régions et de départements, de l’élection commune de conseillers territoriaux par la suppression des cantons, de la création de onze métropoles aux compétences conjointes d’agglomération et de département, d’un «Grand Paris» dans le périmètre de la capitale et de la petite couronne, de la perte de la clause de compétence générale des régions et des départements mais pas des communes, d’une carte achevée de l’intercommunalité avec élection des conseillers au suffrage direct, et d’une révision générale des compétences. Mais c’est bien l’articulation entre les différentes collectivités qui est en jeu.

Il nous est apparu intéressant, à ce stade, d’interroger ces différents modes de structuration territoriale à partir de la focale du développement économique. Nous aurions pu rassembler un aréopage important d’élus sur ce sujet, mais les charges locales des uns et des autres à cette période de l’année ne l’ont pas permis. Le présent colloque vous propose plusieurs approches des structures territoriales sous l’angle du développement économique.

Jean-Pierre Duport, que Jean-Pierre Chevènement a déjà présenté, tentera d’identifier dans les propositions du comité Balladur, ce qui pourrait constituer pour l’avenir la bonne articulation entre une politique d’aménagement du territoire et de compétitivité et l’action territoriale des collectivités locales.
Philippe Lefebvre, enseignant chercheur à l’Ecole des Mines, responsable de l’Observatoire des pôles de compétitivité, présentera les principaux enjeux des pôles de compétitivité, la place qu’y prennent les collectivités territoriales, et les conditions nationales et territoriales de leur réussite au service du développement technologique.

J’essaierai moi-même de prendre une focale un peu particulière qui est celle de l’intercommunalité. Je tenterai de préciser quelques conditions d’une contribution utile des élus intercommunaux au développement économique de leur territoire, à partir de mon expérience d’élu dans la communauté d’agglomération du Val de Fensch au nord de la Lorraine.

Pierre Veltz ne pourra pas, comme c’était prévu, venir nous parler des enjeux essentiels en matière de développement économique et social de l’agglomération capitale. Il est malheureusement empêché par l’emploi du temps que lui imposent ses responsabilités dans l’opération d’intérêt national du «Grand Paris».

Enfin, Jean-Pierre Chevènement, qu’on ne présente pas, vous proposera une synthèse de nos travaux à la lumière de ses expériences successives. Il est intéressant d’avoir, sur ce sujet, le point de vue de l’ancien maire de Belfort (et président de son agglomération), mais aussi de l’ancien ministre de la Recherche, de l’Industrie, de l’Education, de la Défense, puisque les restructurations de défense ont aujourd’hui des effets importants sur les collectivités, et bien entendu de l’ancien ministre de l’Intérieur en tant qu’il a la charge des collectivités territoriales et qu’il a d’ailleurs été l’auteur d’une loi que j’évoquerai personnellement dans mon intervention, enfin du sénateur. C’est donc à de multiples titres que nous le solliciterons pour articuler ces différents propos ou pour les contredire, puisque c’est le jeu du colloque.

Je passe la parole à Jean-Pierre Duport.

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