Interventions prononcées lors du colloque du 20 octobre 2008, Quelle politique européenne de l’énergie ?
Je voudrais revenir sur le « 3 x 20 ». Dans un souci écologiste, je me réjouis évidemment de la diminution de 20% des émissions de CO2 prévue dans ce plan, j’approuve aussi l’efficacité énergétique et les économies d’énergie. J’avoue que je comprends un peu moins bien l’obligation d’avoir 20% d’énergies renouvelables. J’ai lu ce matin le rapport d’un directeur de GDF qui se réjouissait de cette disposition, y voyant la perspective d’une augmentation de la consommation de gaz. En effet, derrière les fermes éoliennes se cachent les centrales au gaz pour prendre la relève de ces fermes éoliennes quand le vent cesse (l’idée aurait pu être soufflée par Monsieur Grigoriev !) Je regrette de ne pouvoir demander à Madame Lauvergeon si elle s’est convertie à l’énergie éolienne : je crois qu’Areva a pris des participations dans la construction d’éoliennes. Madame Voynet serait-elle rentrée dans le directoire d’Areva ?
Leonid Grigoriev
Pour rester très bref, si nous avons aussi un énorme potentiel en ce qui concerne l’énergie hydraulique, surtout en Sibérie cette production serait le fait de multiples centrales hydrauliques à faible rendement. Le problème essentiel est celui du transport d’électricité.
Je ne crois pas que nous investissions massivement dans les éoliennes. Nous sommes un pays continental, ce genre d’énergie est bon pour les régions côtières mais gâche les paysages. Nous avons peu de côtes et nous préférons les laisser aux baigneurs.
En revanche, nous nous consacrons très sérieusement à la construction de centrales nucléaires. Madame Lauvergeon a raison de parler du développement prévisible du nucléaire dans le monde. Il est probable que la France et la Russie construisent des centrales pour le monde entier, en concurrence peut-être avec Westinghouse . Et, en cas de réticences européennes, nous construirons chez nous, en Inde, en Chine et pas en Europe. Nous avons en Bulgarie cinq centrales dont la construction a été suspendue mais qui peut être reprise très rapidement.
Nous avons donc de grands projets pour l’hydraulique et le nucléaire, beaucoup moins pour le reste.
Claude Mandil
Je suis un peu surpris par les coûts des différentes énergies qui ont été avancés par Monsieur Chevènement tout à l’heure, les chiffres que j’ai en tête donnent un écart beaucoup moins grand entre le charbon, le gaz et le nucléaire d’une part et l’éolien d’autre part, écart qui s’annule – avec le gaz et le charbon – dès lors que l’on ajoute une pénalité CO2.
Je pense que l’éolien est une très bonne énergie dès lors que, dans une zone déterminée, sa part reste modérée, de l’ordre de 15%, 20% au maximum, pour éviter de créer des déséquilibres dans les réseaux de transport. Il faudra peut-être plus de gaz. Et alors ? Si le coût total reste convenable, tant que le vent souffle, c’est de l’énergie produite sans la moindre émission de CO2. Il ne faut pas diaboliser l’éolien.
Il y a deux limites.
– Je partage totalement l’avis émis par Monsieur Chevènement : on ne peut pas fonder un développement durable sur des subventions durables. Il faut donc que ça reste compétitif, en tenant compte d’une pénalité CO2. Ceci tue l’éolien offshore. Ce que je viens de dire s’applique à l’éolien à terre, les coûts pharamineux de l’éolien offshore ne permettent pas de le défendre raisonnablement.
– S’agissant du « 3 x 20 », 20% en 2020 d’énergies renouvelables dans l’ensemble du mix énergétique est totalement insensé et hors d’atteinte, ne serait-ce que parce que, dans ce mix énergétique il n’y a pas que l’électricité mais aussi les carburants, tout ce qui concerne le transport.
On m’a dit que cet objectif résulte d’une erreur de compréhension d’un des chefs de gouvernements à l’occasion du sommet européen qui a pris la décision. L’un de ses collaborateurs lui a soufflé : « Monsieur le Premier ministre, vous devriez proposer 20% de renouvelables dans la production d’électricité ». C’était ambitieux mais atteignable et peut-être intelligent en incluant dans la production d’électricité l’éolien, l’hydraulique etc. Mais au lieu de « 20% de la production d’électricité » il a dit « 20% de la production d’énergie ». Beaucoup d’hommes politiques confondent énergie et électricité, d’où ce résultat dont on ne sait comment se dépétrer maintenant.
Jean-Pierre Chevènement
Merci, Monsieur Mandil, pour ces précisions très utiles.
Je citais les chiffres qui m’ont été fournis où il apparaissait qu’un mégawatt/heure d’origine éolienne coûterait 60 euros contre un peu plus de 30 pour le nucléaire. Voilà le genre de discussion que l’on doit avoir. Je m’étonne qu’on ne tienne jamais ce genre de discussion en public. On fait comme si ce problème n’existait pas.
François Coeurmont
Je n’ajouterai pas grand chose à ce que vient de dire Claude Mandil. Tout cela est parfaitement juste et raisonnable.
J’aurais néanmoins une nuance concernant le recours à l’éolien. 15% ou 20%, ça me paraît beaucoup. Cela suppose beaucoup d’installations pour une production d’énergie relativement réduite. Il suffit de voir quelle est la durée de vent dans un pays heureusement doté comme la France où nous avons la chance d’avoir trois zones de vent non corrélées : le Nord, la région méditerranéenne et l’Atlantique. On peut imaginer qu’avec beaucoup de chance les 2000 heures de vent moyen dans l’année se répartissent correctement, apportant une contribution non négligeable. La question se pose de façon totalement différente dans des pays comme l’Allemagne ou le Danemark où il n’y a qu’un seul régime de vent : quand le vent ne souffle pas, il faut bien lui substituer quelque chose ! En l’occurrence, il s’agit effectivement de gaz ou, pourquoi pas, d’importation d’électricité d’origine nucléaire venant de France.
D’autre part, je ne sais pas s’il est pertinent de consacrer beaucoup de fonds à la recherche sur la question du stockage massif d’électricité en Europe et en France, mais pour certains pays comme le Japon c’est un sujet important parce que la fabrication de l’électricité y est beaucoup plus onéreuse. Il existe aujourd’hui des technologies extrêmement coûteuses et les technologies moins coûteuses apparaissent difficiles à mettre au point. Y a-t-il là matière à en faire une priorité ? Je m’avoue incapable de répondre aujourd’hui à cette question.
Dernier point sur la question des 20%. Indépendamment de toutes les interrogations sur l’électricité, l’énergie ou la compétence de l’expert qui a rédigé quelques lignes pour un ministre, la question est de savoir ce que l’on met dans l’enveloppe des renouvelables. Pour ne prendre qu’un seul exemple, aujourd’hui un débat est ouvert à Bruxelles pour savoir si la pompe à chaleur doit être considérée comme du renouvelable. La pompe à chaleur utilise le principe de fonctionnement du réfrigérateur : avec un peu d’énergie, on en produit beaucoup en pompant de l’énergie dans l’air ou dans le sol. Aujourd’hui c’est une contribution à l’efficacité du système mais comme ce système utilise de l’électricité – donc potentiellement cette chose mystérieuse et diabolique qu’est l’électricité nucléaire – certaines instances européennes s’interrogent. Ces derniers jours, un débat extrêmement vif a divisé le Parlement européen pour savoir si, oui ou non, c’est une contribution à l’objectif du « 3 x20 » ; alors que la cogénération – qui consiste à fabriquer de l’électricité et de la chaleur avec du gaz – est considérée a priori comme une contribution à ce « 20% » parce qu’une partie de ce gaz provient de la fermentation de la biomasse et que cela présente un intérêt pour certains pays au sein de l’Union européenne.
Dans la salle
Merci, Monsieur Mandil, pour ces précisions très utiles.
Je citais les chiffres qui m’ont été fournis où il apparaissait qu’un mégawatt/heure d’origine éolienne coûterait 60 euros contre un peu plus de 30 pour le nucléaire. Voilà le genre de discussion que l’on doit avoir. Je m’étonne qu’on ne tienne jamais ce genre de discussion en public. On fait comme si ce problème n’existait pas.
François Coeurmont
Je n’ajouterai pas grand chose à ce que vient de dire Claude Mandil. Tout cela est parfaitement juste et raisonnable.
J’aurais néanmoins une nuance concernant le recours à l’éolien. 15% ou 20%, ça me paraît beaucoup. Cela suppose beaucoup d’installations pour une production d’énergie relativement réduite. Il suffit de voir quelle est la durée de vent dans un pays heureusement doté comme la France où nous avons la chance d’avoir trois zones de vent non corrélées : le Nord, la région méditerranéenne et l’Atlantique. On peut imaginer qu’avec beaucoup de chance les 2000 heures de vent moyen dans l’année se répartissent correctement, apportant une contribution non négligeable. La question se pose de façon totalement différente dans des pays comme l’Allemagne ou le Danemark où il n’y a qu’un seul régime de vent : quand le vent ne souffle pas, il faut bien lui substituer quelque chose ! En l’occurrence, il s’agit effectivement de gaz ou, pourquoi pas, d’importation d’électricité d’origine nucléaire venant de France.
D’autre part, je ne sais pas s’il est pertinent de consacrer beaucoup de fonds à la recherche sur la question du stockage massif d’électricité en Europe et en France, mais pour certains pays comme le Japon c’est un sujet important parce que la fabrication de l’électricité y est beaucoup plus onéreuse. Il existe aujourd’hui des technologies extrêmement coûteuses et les technologies moins coûteuses apparaissent difficiles à mettre au point. Y a-t-il là matière à en faire une priorité ? Je m’avoue incapable de répondre aujourd’hui à cette question.
Dernier point sur la question des 20%. Indépendamment de toutes les interrogations sur l’électricité, l’énergie ou la compétence de l’expert qui a rédigé quelques lignes pour un ministre, la question est de savoir ce que l’on met dans l’enveloppe des renouvelables. Pour ne prendre qu’un seul exemple, aujourd’hui un débat est ouvert à Bruxelles pour savoir si la pompe à chaleur doit être considérée comme du renouvelable. La pompe à chaleur utilise le principe de fonctionnement du réfrigérateur : avec un peu d’énergie, on en produit beaucoup en pompant de l’énergie dans l’air ou dans le sol. Aujourd’hui c’est une contribution à l’efficacité du système mais comme ce système utilise de l’électricité – donc potentiellement cette chose mystérieuse et diabolique qu’est l’électricité nucléaire – certaines instances européennes s’interrogent. Ces derniers jours, un débat extrêmement vif a divisé le Parlement européen pour savoir si, oui ou non, c’est une contribution à l’objectif du « 3 x20 » ; alors que la cogénération – qui consiste à fabriquer de l’électricité et de la chaleur avec du gaz – est considérée a priori comme une contribution à ce « 20% » parce qu’une partie de ce gaz provient de la fermentation de la biomasse et que cela présente un intérêt pour certains pays au sein de l’Union européenne.
Dans la salle
J’ai eu le plaisir de travailler à l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie au moment où vous l’avez mise en place. Je m’intéresse aujourd’hui aux questions d’effet de serre puisque j’ai travaillé à la mission interministérielle de l’effet de serre quand elle existait encore.
J’ai des questions et des remarques.
Tout d’abord, je suis d’accord avec le fait qu’on ne peut pas réfléchir à toutes ces questions sans poser la question du coût.
Comme Monsieur Mandil je crois qu’on n’a pas pris la mesure de l’effort qu’il faudra faire pour diviser les émissions mondiales par deux, c’est-à-dire au moins par quatre dans les pays industrialisés et beaucoup plus aux États-Unis si on veut être cohérent. C’est absolument vertigineux et le fait de repousser l’horizon à 2050 permet d’esquiver la question. Mais il faut revenir à ces questions et quand on réfléchit sur le programme de recherches, il faut s’interroger sur le type de technologies qu’on veut privilégier pour le futur. Mes amis brésiliens, Goldberg en particulier, disaient il y a quelques années : « Notre programme sur l’éthanol est aussi lourd que votre programme sur le nucléaire ». Je crois qu’il avait raison car aujourd’hui 70% des voitures fonctionnent à l’éthanol produit au Brésil et il y a encore des capacités non négligeables dans ce pays. Mais il est vrai que si le Brésil n’avait pas été acculé à faire cela, il aurait affronté une forte dépression parce qu’il n’avait pas la capacité de se placer sur le marché mondial aux moments du premier et du deuxième chocs pétroliers. Aujourd’hui, les recherches qui ont été faites l’ont rendu compétitif, il y a eu des progrès technologiques complémentaires pour faire une technologie tout à fait intéressante qu’on aurait tort de négliger. Pour un pays comme le Brésil, il y a encore des potentialités.
Ma question s’adresse notamment à Monsieur Grigoriev qui, comme le Canada, a des ressources importantes en matière de biomasse. Il y a trois ans, au moment du Congrès forestier mondial, on nous avait posé la question : « Qu’est-ce qui permettrait de dire qu’on a fait des progrès lors des prochaines conférences mondiales sur les forêts, notamment pour la zone boréale ? » J’avais répondu : « Le jour où le Canada et la Russie auront une utilisation de la biomasse aussi importante que la Suède et la Finlande. » J’avais utilisé ces deux pays à dessein parce que dans ces pays la technologie existe et est efficace. Mais c’est sans commune mesure avec ce qui se passe en Russie et au Canada. Cela pose une vraie question sur les choix et sur les priorités qu’on se donne. Il est vrai que si on reste dans le système complètement libéral, si on n’organise pas un peu le futur et les échanges dans ces domaines, si on reste simplement au niveau des prix, il n’y a pas de raison de privilégier dans certains cas des potentiels qui sont pourtant importants et dont on va avoir besoin pour réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre.
Leonid Grigoriev
Très brièvement, puisque la question m’a été adressée, il existe en Russie un certain nombre de petites sociétés qui pont commencé à expérimenter avec la biomasse, plus précisément avec les déchets de l’industrie forestière. Nous produisons des granules à combustible. C’est assez prometteur mais c’est un secteur qui démarre seulement. Ces questions d’argent je ne crois pas qu’on pourra changer radicalement la situation dans le monde avec notre biomasse. IL faut bien définir les priorités, comment orienter les moyens dont nous disposons pour les investissements. Je crois que si nous pouvons utiliser 19 milliards de mètres cubes de gaz pétrolier qui brûle dans les torches aujourd’hui plus le nucléaire, ce serait déjà pas mal. Le tour de la biomasse viendra. IL existe des recherches menées en la matière, quelques compagnies pétrolières paraissent aussi intéressées par le sujet. Je me permets de souligner que les oligarques pétroliers russes sont des gens qui ont reçu une très grande formation.
Jean-Pierre Chevènement
Merci, Monsieur Grigoriev.
Nous écoutons encore deux questions.
Dans la salle
Je voudrais parler de l’Afrique pour faire suite à ce que disait tout à l’heure Pierre Papon. Un rapport de la Banque mondiale en 2007, un rapport de l’Agence internationale de l’énergie en 2008 ont démontré que, en 2020-2025, plus de 50% de la population d’Afrique subsaharienne ne disposera pas d’électricité. Aujourd’hui Areva, Bouyghes, les Chinois, ont des projets de construction de deux ou trois centrales nucléaires en Afrique du sud mais personne ne s’émeut de ce qui peut se passer sur le reste du continent africain. De plus, au lieu d’aider ces pays qui ont d’immenses terres agricoles à développer les cultures vivrières dont ils ont besoin pour s’alimenter et qu’ils sont obligés le plus souvent d’importer leurs produits alimentaires, on les a incités à développer toutes les énergies de substitution, notamment les bioénergies, canne à sucre, biomasse etc. De grands projets concernent des surfaces de 5000, 10 000, 30 000, 40 000 hectares
En dehors de cette hérésie ou de cette contradiction, mon interrogation est la suivante :
Le Sénégal a un projet de centrale nucléaire. Jean-Pierre Chevènement a très justement posé le problème de la sécurisation de l’usage du nucléaire civil. L’Afrique, le Niger notamment, est producteur d’uranium. Comment permettre à l’Afrique d’accéder au nucléaire civil sachant que c’est la réponse à son développement et au fait que ses populations ne soient pas condamnées à l’obscurité ? Le problème de la sécurisation veut-il dire que le nucléaire civil est réservé aux seuls pays riches ?
Jean-Pierre Chevènement
Je n’ai pas parlé de pays riches mais de pays où une élite d’ingénieurs et de scientifiques, une stabilité politique et une discipline sociale permettent un contrôle de cette technologie problématique. C’était le cas des pays d’Europe centrale et orientale qui, sans être riches, avaient un bon niveau de formation technique et savaient qu’il y a un minimum de règles à appliquer.
On peut penser que le Sénégal figure au nombre de ces pays. Reste le problème du transport de l’électricité. Les masses démographiques sont plutôt au Nigéria qui est un pays politiquement assez « volcanique » !
Je n’ai pas de réponse mais c’est une vraie question.
Claude Mandil
Au risque de choquer, je dirai que le nucléaire, avec les technologies actuelles, n’est pas une solution pour l’Afrique subsaharienne, notamment parce que le nucléaire exige une forte densité de consommation d’électricité par km2 en raison des investissements énormes et de capacités unitaires extrêmement élevés. Il faut donc des réseaux bien interconnectés ce qui n’est absolument pas une réponse pour des pays peu peuplés où la consommation unitaire très faible, comme c’est le cas de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne. L’Afrique du sud est un autre cas de figure, le Nigéria est peut-être un autre cas de figure mais avec une situation politique telle que je prie le ciel pour que, à vues humaines, il n’y ait pas de nucléaire au Nigéria. L’Afrique du nord est peut-être un autre problème.
Pour l’Afrique subsaharienne, il y a de l’hydraulique, il y a des centrales à fuel et, si on arrive à développer du photovoltaïque avec forte réduction de coût, il peut apporter une contribution. Il ne faut pas essayer de faire des choses qui sont trop loin de ce qu’il est possible d’accepter sur les réseaux africains – qui d’ailleurs n’existent pas.
Pierre Papon
Je suis assez d’accord avec Claude Mandil. Je ne pense pas que le nucléaire soit une solution pour l’Afrique, sauf peut être l’Afrique du Sud qui a déjà deux centrales. Par ailleurs, ce pays a les compétences, il a des réserves importantes de charbon ainsi que les procédés de liquéfaction et de gazéification. L’Afrique du Sud a des élites scientifiques et techniques et elle est donc un cas un peu particulier.
Le NEPAD ne demande pas, à ma connaissance, que l’Afrique soit dotée de centrales, en revanche, il est favorable au développement de la petite hydraulique. Mais le problème se posera pour la grosse hydraulique surtout en Afrique orientale et au Congo avec la nécessité de construire des réseaux de distribution.
Il n’est pas raisonnable d’inciter les Africains à faire de la biomasse pour produire du bioéthanol. Les techniques sont au point mais le problème est celui de la déforestation. Plus généralement il faut faire un effort de recherche pour trouver d’autres filières que l’éthanol, par exemple sur la filière de la cellulose qui n’est pas encore au point techniquement (Les Américains font dans ce domaine un effort énorme en particulier en essayant d’utiliser des OGM). Pour l’Afrique, les besoins sont d’abord ceux de l’alimentation.
Youri Roubinski
On vient de parler d’un sujet qui me touche beaucoup, c’est le problème de l’éthanol. Il n’est devenu rentable financièrement qu’à partir du moment où les prix du pétrole se sont envolés. Le résultat n’est pas seulement le rétrécissement des terres vivrières subsahariennes ou l’effort extraordinaire du Brésil, il y a les États-Unis qui utilisent actuellement pour la production d’éthanol le quart de leur production de maïs. Or ce pays est le premier producteur et exportateur de maïs. Des changements structurels radicaux se produisent dans la structure de l’agriculture, au profit notamment de l’élevage avec des conséquences extrêmement graves pour les besoins en énergie puisque l’élevage demande beaucoup d’énergie que les autres branches agricoles. Il y a trente ans on produisait 65 millions de tonnes de viande commercialisée, aujourd’hui 250 millions de tonnes sont produites parce que les Chinois ont commencé à manger de la viande et à boire du lait. Le résultat pour l’environnement de l’élevage nourri par l’énergie et le fourrage produits dans les conditions actuelles est contreproductif.
La question que je veux poser à Monsieur Papon n’a été qu’effleurée. Vous avez parlé de la question du transport qui engloutit un tiers de toutes les consommations d’énergie du monde. Aujourd’hui les porte-containers fonctionnent de plus en plus à l’énergie nucléaire. Avec les changements climatiques, les voies nordiques autour du Canada et de la Russie vont être accessibles aux brise-glace. Donc l’énergie nucléaire pourrait être une des solutions, au moins au niveau des transports maritimes.
On a peu parlé de l’aviation et de l’automobile, c’est l’essentiel ! Y a-t-il ou non des moteurs combinés avec l’électricité ? Y a-t-il une perspective techniquement et économiquement raisonnable de réaliser des moteurs qui n’utilisent pas d’énergies fossiles mais d’autres sources comme l’hydrogène ?
Jean-Pierre Chevènement
Je vous signale que nous avons un centre de recherches à Belfort, le FCLAB, avec une équipe qui travaille sur l’intégration des piles à combustible sur les véhicules du futur pour que les piles puissent résister aux cahots de la route et aux changements de température.
Pierre Papon
Sur les moteurs hybrides essence/électricité, il y a une marge de 20% à 30%. Un moteur électrique hybride comme celui de la Prius pose le problème technique de la recharge des batteries. Donc, les recherches sur les batteries sont importantes mais il y a de la marge dans ce domaine où les progrès sont réels mais extrêmement lents. Encore faut-il décider avec quoi on charge les batteries. En France, il n’y pas de problème puisque l’électricité est à 80% nucléaire mais ailleurs le problème se pose.
C’est aussi le problème de l’hydrogène. Aujourd’hui on ne sait pas produire d’hydrogène autrement que par électrolyse de l’eau, par gazéification du charbon ou par la fabrication d’hydrogène industriel avec le gaz naturel. De plus les progrès dans le domaine des piles à combustible sont minimes depuis vingt ou trente ans. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas de rupture scientifique ou technique mais je parierais davantage sur les hybrides essence/électriques.
Jean-Pierre Chevènement
Il faut savoir terminer une réunion.
Merci à nos intervenants, merci à Monsieur Grigoriev qui est venu de très loin. Je pense que cette réunion a fait avancer significativement notre réflexion sur beaucoup de sujets grâce à la qualité des intervenants que nous venons d’entendre et auxquels la Fondation exprime sa reconnaissance.
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