La politique de rénovation urbaine

Intervention prononcée lors du colloque du 14 janvier 2008, Territoires et classes sociales en France dans la mondialisation.

Merci, Monsieur le Ministre, pour cet encouragement.

J’organiserai mon propos en deux parties :
• Une présentation, la plus synthétique possible, des missions de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, de ses territoires d’intervention, de ses premiers résultats.
• Dans la deuxième partie, je prendrai un peu plus de recul par rapport à cette politique pour vous rappeler la complémentarité du Programme national de rénovation urbaine (PNRU) avec les autres politiques publiques de l’habitat, son inscription dans un jeu d’acteurs renouvelé dans un contexte de décentralisation et le rôle accru des collectivités locales, les perspectives et évolutions possibles de ces politiques publiques dans un contexte difficile de crise du logement.
Je simplifierai peut-être un peu mon propos puisque Monsieur Quinqueton a tout à l’heure largement développé les perspectives, les évolutions, les pistes de travail en matière de politique de l’habitat et de politiques publiques.

Objectifs et objet du PNRU

Comme vous le savez sans doute, l’ANRU a été créée par la loi du 1er août 2003 dans le but de faciliter la transformation des quartiers les plus en difficulté afin d’améliorer le cadre de vie et l’habitat pour les habitants, en finançant les projets de rénovation urbaine qui sont élaborés puis mis en œuvre au niveau local par les collectivités locales, en majorité les communes, voire les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale pour environ 20% des programmes mis en œuvre).

C’est au total, un budget de 12 MM€ qui doit permettre par son effet levier de mobiliser environ 40MM€ d’investissement sur la durée du PNRU 2004-2013 pour une intervention coordonnée et globale sur environ 550 quartiers « les plus prioritaires définies par le conseil d’administration de l’ANRU » (ZUS ou dérogation ministérielle) situés en France métropolitaine, dans les quatre départements d’Outre-mer et à Mayotte. Les préfets, représentants de l’Agence au niveau de chaque département, ont par ailleurs reçu une dotation budgétaire sur la durée du programme qui permet, en complément de ces opérations conventionnées, de financer des opérations ponctuelles au niveau local potentiellement situés dans les 751 ZUS (définies en 1996- Loi du Pacte de relance pour la ville) ou dans des quartiers dits « article 6 » bénéficiant d’une dérogation ministérielle du fait de difficultés socio- économiques «équivalentes » .

Monsieur le ministre l’a indiqué : il s’agit d’accompagner financièrement les collectivités locales ou maîtres d’ouvrage dans la réalisation de travaux d’aménagement des espaces urbains, de développer l’offre en équipements publics (écoles, équipements sportifs, ….), d’intervenir vis-à-vis du parc public avec la réhabilitation, la résidentialisation, la démolition/reconstitution des logements sociaux. L’agence intervient en effet majoritairement dans des quartiers construits dans les années 1950-1960, voire 1970 présentant une majorité de logements sociaux en appui des bailleurs sociaux, pour encourager la réhabilitation du parc social, aménager les espaces extérieurs en pieds d’immeubles et financer les opérations de démolition et de reconstitution de l’offre démolie. Soulignons que si certains ont parfois réduit le rôle de la politique de rénovation urbaine au financement de nombreuses démolitions, la réalité (et la sagesse des acteurs de terrain et nationaux) fait que, alors que le projet de loi envisageait la démolition d’environ 250 000 logements sur la totalité des opérations, environ 130 000 logements devraient être démolis sur la période 2004-2013 et faire l’objet de reconstitution de logements sociaux.
Un des principes importants de la loi, le « un pour un » (une démolition de logement social doit être accompagnée d’une reconstitution de cette offre démolie), se fait à moitié sur site, à l’occasion de la recomposition urbaine du quartier, l’autre hors site. A ce titre-là, le PNRU contribue au rééquilibrage territorial de l’offre sociale sur le territoire communal ou sur le territoire d’agglomération ; Rééquilibrage territorial plus difficile dans certaines régions, en particulier en Ile-de-France, compte tenu de dispositifs et politiques intercommunales moins développées.
Fait moins connu du grand public, l’ANRU peut aussi financer des interventions vis-à-vis du parc privé le plus dégradé : copropriétés dégradées, habitat privé dégradé en quartiers anciens qui joue un rôle de parc social de fait. Nous sommes complémentaires d’autres dispositifs d’aide publique, comme l’ANAH, dans le sens où l’Agence peut financer des travaux de résidentialisation (aménagement d’espaces extérieurs de ces copropriétés), l’acquisition pour portage temporaire de lots de copropriété le temps que celle-ci « soit remise à flot » et éviter ainsi que certains marchands de sommeil achètent ces logements. De la même manière, l’Agence peut financer la démolition de copropriétés dégradées. Une activité non négligeable du programme porte aussi sur des interventions en quartiers anciens très dégradés : des dispositifs complémentaires aux outils de droit commun ont été crées avec par exemple les interventions de requalification des îlots d’habitat dégradés, le financement des aménagements et équipements de proximité, la réalisation de logements sociaux.
Comme vous le voyez, la « palette d’intervention » de l’ANRU est assez large en matière d’habitat.

Parallèlement, l’ANRU finance des projets de création ou développement d’activités économiques et commerciales, mais aussi les actions en matière d’ingénierie (tant auprès des collectivités sociales qu’en faveur du renforcement des bailleurs sociaux) afférente à ces programmes ; Ingénierie essentielle à la réussite de la conduite de projets parfois très complexes. En effet, certains projets de rénovation urbaine génèrent plus de 100 millions d’investissements pour toute une série d’opérations qui doivent être mises en oeuvre dans les cinq ans qui suivent la signature de la convention avec la gestion du mécanisme très complexe d’articulation de ce jeu d’acteurs.
Tous ces éléments précités constituent le « dur » des projets, mais aussi il s’agit de répondre à la dimension humaine des projets avec une attention apportée aux conditions de relogement et aux actions de concertation. Enfin, l’Agence a mis en place une politique originale et novatrice qui concerne l’insertion par l’économique des habitants des quartiers. Le conseil d’administration de l’ANRU a ainsi validé en 2005 une charte nationale d’insertion : les maîtres d’ouvrages qui bénéficient des financements de l’ANRU doivent notamment s’engager à générer au moins 5% des heures travaillées et à les proposer aux populations du quartier. Pour atteindre et faciliter cet objectif, des dispositifs d’accompagnement et soutien ont ainsi été mis en place auprès des collectivités.
Ainsi à travers l’engagement de toutes ces actions, puis-je reprendre à mon compte la formule parfois employée de « Créer de la ville dans des quartiers qui n’en présentent pas toujours les caractéristiques ».
Si la majorité de nos interventions porte sur les quartiers urbanisés d’après guerre des années 50, 60 voire 70 – (quartier avec forte proportion d’habitat social)- un nombre non négligeable de projets déjà élaborés (conventions signées) ou en cours d’élaboration porte sur le traitement des quartiers anciens d’habitat dégradé (une vingtaine de communes).
A ce jour, 228 conventions sont signées, qui représentent plus de 2,5 M d’habitants, pour un investissement total de 26,4 MM€ de travaux avec la réservation de 8 MM€ de subvention. Sans compter la soixantaine de projets supplémentaires, validés par le comité d’engagement, mais non encore signés.
C’est ainsi qu’environ quatre ans après la constitution de l’ANRU, la plupart des projets sont d’ores et déjà engagés. Avec désormais – pour l’ANRU, les collectivités locales et pour les bailleurs – l’enjeu essentiel de la mise en oeuvre concrète des projets avec des premiers résultats observés et des choses qui changent.

Le PNRU, actions de la politique de la ville, aujourd’hui et demain

Comme vous le savez, le Programme national de rénovation urbaine (PNRU) constitue la dernière étape des dispositifs conduits en matière de politique de la ville depuis plus de 30 ans. La volonté du législateur de conduire une politique ayant un réel effet levier sur les territoires en difficulté sociale et urbaine a conduit à mettre en place un dispositif partenarial innovant. L’ANRU propose ainsi des nouvelles modalités d’intervention avec une gestion partenariale (Etat, partenaires sociaux, USH, CDC) établies dans le cadre d’un accord et d’un multi financement (Etat, 1%, USH via la CGLLS, CDC).
Les projets sont élaborés au niveau local et font l’objet d’un accord au niveau national qui va permettre de signer les conventions pluriannuelles. Un débat a ainsi lieu entre les partenaires nationaux, qui viennent d’horizons différents, avec une attention portée au respect des fondamentaux des projets (diversification des quartiers, désenclavement, offre de logements…) qui sont regardés à l’occasion de l’examen des projets. Au niveau local, ce sont les communes ou EPCI qui préparent et élaborent les projets puis les mettent en œuvre avec l’ensemble des maîtres d’ouvrage concernés. Dans ce cadre, le « couple » maire ou président de l’EPCI et préfet (délégué territorial de l’ANRU) prend tout son sens pour un programme laissant une large place à l’initiative locale.

Quelques mots sur les principales politiques publiques en matière d’habitat et d’urbanisme :
• Le développement de l’offre en logement social : Plan de cohésion sociale (objectif de 590.000 logements sociaux en 5 ans dont 400.000 PLUS ou PLAI). Pour une politique de financement dont l’architecture générale date de 1977 (réforme du logement faisant suite au rapport Barre /aides à la pierre et aides à la personne).
• Sans oublier l’action publique vis-à-vis du parc privé (ANAH), l’aide à l’accession à la propriété (notamment prêt à taux zéro).
• Le PNRU, politique publique en matière de politique de la ville, de l’habitat et sociale ; soit une politique ciblée confiée à une Agence publique et qui, pour l’essentiel des mesures relatives à habitat, reprend la réglementation du CCH avec cependant des taux de financement pouvant être majorés au regard du droit commun, la création de nouveau financements (exemple en quartiers anciens dégradés, copropriétés, accession sociale à la propriété, aménagement).
• La DALO, droit au logement opposable, qui vise à donner un toit aux populations prioritaires.

Il ne doit pas y avoir de hiérarchie entre ces politiques, le succès de l’une dépend des autres. Les objectifs de ces politiques touchant à l’habitat sont en effet multiples, légitimement ambitieux … mais peuvent être parfois considérés comme antinomiques : il convient d’être attentif à cette question et ne pas opposer ces politiques. Celles ci doivent se poursuivre avec la même ambition, dans la durée et sans rupture : dans ce cadre, la continuité du PNRU est fondamentale.

De façon plus générale, et c’est l’un des objectifs de notre réflexion collective de ce soir, il me paraît légitime de s’interroger sur l’évolution de certains de ces dispositifs dans un contexte en évolution :
• Un marché immobilier souvent tendu avec l’augmentation des coûts fonciers et immobiliers, la cherté des loyers, le nombre et la répartition du logement social, l’insuffisance des « produits » logement plus spécifiques pour une population en grande difficulté (souvent présentes en quartier ancien dégradé) … A ce titre, il convient de raisonner en terme de chaîne du logement.
• Un jeu d’acteurs en évolution avec le développement croissant des intercommunalités (Soyons à ce titre légitimement optimiste ! Cela avance même si certains trouvent cela encore insuffisamment développé dans certaines régions), la mise en œuvre de la décentralisation (convention délégation aide à la pierre aux EPCI et départements), une participation de plus en plus croisée des financements publics.
• Des enjeux faisant suite au Grenelle de l’environnement.

Je crois, bien évidemment qu’il n’existe pas de solution unique mais différents axes de travail avec des actions visant à :
• favoriser une meilleure connexion sociale et les échanges entre quartiers constitutifs de la ville et de l’agglomération : supprimer ou atténuer tant les distances physiques que sociales : transport, emploi, école ;
• favoriser la cohésion urbaine avec la conduite d’un travail à la bonne échelle de territoire, la conduite d’une politique de l’habitat dans ses différentes dimensions (locative, accession à la propriété), l’application de la loi SRU et une meilleure répartition du logement social,
• organiser le jeu d’acteurs : Etat, Agences, collectivités locales au premier rang duquel les EPCI et communes.

Dans ce cadre, il me paraît important de ne pas faire de révolution (éviter toute politique de stop and go) mais de conduire des adaptations pragmatiques.

Volontairement, si je ne considère que la dimension urbaine et de l’habitat, nécessité de mon point de vue et fruit de réflexion et d’une expérience personnelle, il nous faut raisonner à travers :
• La conduite de politiques ciblées sur certains territoires et sur certains thématiques ou enjeux particulièrement importants avec par exemple une politique nationale ciblée sur les quartiers anciens dégradés, la question d’un PNRU 2 (afin d’engager une «2ème tranche sur certains sites » prioritaires) mais aussi une politique en milieu rural (existence de différentes « ruralités » avec des problématiques différentes, la prégnance des aspects sociaux et de populations défavorisées voire très défavorisées …). Sans omettre des interventions en quartiers péri-urbains où une action publique n’est pas inenvisageable d’ici une ou deux décennies dans certains lotissements. Ces politiques pourraient être confiées à des Agences avec un lien étroit avec les collectivités locales chargées de préparer et conduire celles-ci, le tout formalisé sous forme contractuelle.
• Des dispositifs de droit commun au carrefour des changements précités avec des financements croisés (Etat – collectivités locales) dans un contexte généralisé de décentralisation – Ce qui, au préalable, nécessite une réflexion sur la bonne échelle de territoire pour élaborer une stratégie habitat (perspectives/prospectives démographiques, correction des déséquilibres, effets correctifs aux marchés immobiliers …) s’appuyant en cela sur des PLH, Schéma directeur… pour ensuite utiliser les bons leviers financiers.

Soit des politiques qui posent également la question de l‘équilibre des rôles entre collectivités et services de l’Etat afin d’être au plus près des besoins locaux et de garantir une équité territoriale, notion fondamentale au regard de la question des « territoires et fractures sociales » abordée ce soir.

Enfin, plus précisément en matière d’aides relatives aux politiques de l’habitat, je pourrais citer quelques pistes que je soumets à votre réflexion:
Sans remettre en question l’architecture générale du dispositif des aides à la pierre et des aides à la personne, réfléchir à l’adaptation des aides relatives à la production de logements sociaux :
• Mieux adapter les aides pour les opérations en acquisition/amélioration pour notamment favoriser la captation des ventes individuelles de logement et favoriser la livraison d’opération en tissu urbain constitué ;
• Mieux traiter l’aspect foncier avec tout à la fois la question de la recherche foncière et la question des coûts (Faut-il majorer les subventions de surcharges foncières et la durée des prêts ?) : favoriser l’aide à la recherche et la mobilisation de logements diffus (lorsque l’on entend qu’il n’y a pas de foncier disponible, notons que l’on dénombre environ 600.000 mutations de logement par an), mais aussi favoriser des mesures plus innovantes, par exemple l’inscription dans des PLU – quand le programme de réalisation de logements est supérieur à un certain volume de SHON- d’un pourcentage minimal de logements sociaux, augmenter les COS s’il s’agit de logement social, favoriser la mobilisation du foncier de l’Etat, la création d’établissements publics fonciers des collectivités locales, une plus grande utilisation des baux emphytéotiques …
• Conduire un programme national de réhabilitation du parc social lié aux objectifs du Grenelle de l’environnement : traiter le parc le plus «énergétivore » selon des échéanciers encore à déterminer ;
• Mieux cibler la politique vis-à-vis du parc privé (ANAH, politique fiscale) ;
• Cibler la politique d’aide à l’accession, favoriser les projets d’acquisition/amélioration en tissu urbain déjà constitué : Prêt à taux zéro, aides fiscales.

Je vous remercie de votre attention.

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