Intervention prononcée lors du colloque du 11 octobre 2005 Où va la Russie ?
Mesdames, Messieurs, chers amis, je voudrais tout d’abord vous présenter mes excuses sincères pour ne pouvoir m’adresser à vous en français. Ma connaissance de cette très belle langue ne me le permet malheureusement pas.
Je suis très heureux d’être présent à ce colloque et j’en remercie les organisateurs. J’ai participé hier et aujourd’hui à des négociations officielles avec mes collègues et je me réjouis de cette occasion d’échanger avec des représentants de l’élite politique française à propos du sujet que vous avez choisi : « Où va la Russie ? »
Je ne pourrai pas être exhaustif sur cette question mais je ferai mon possible.
Ce n’est pas par souci protocolaire que je rappellerai que nos deux pays entretiennent des relations privilégiées, réalité confirmée par les chefs d’Etats de nos deux pays depuis des décennies et réaffirmée lors de la réunion du Conseil de coopération et de sécurité auquel participaient les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de Russie et de France. Nous avons été salués par le Président Jacques Chirac qui a téléphoné spécialement pour exprimer sa position par rapport à nos travaux ; il nous a chargés d’agir le plus efficacement possible pour parvenir à réaliser ces accords au plus haut niveau.
Nous avons donc une base extrêmement solide pour un partenariat à long terme, nous disposons d’un capital de confiance très important. Toutes les conditions sont réunies pour que nos pays contribuent à la création d’une Europe nouvelle et au règlement des problèmes actuels, non seulement de notre continent, mais des problèmes qui figurent à l’ordre du jour de la vie internationale.
Vous avez donné à ce colloque un intitulé qui le consacre à la Russie d’aujourd’hui. Je vous dirai donc que la Russie est avant tout un pays qui a choisi très clairement la démocratie. C’est une voie qui n’est ni simple ni rapide. Les Européens, les Français en particulier savent bien que la démocratie n’est pas quelque chose d’instantané, c’est tout un processus. Nous savons quelles turbulences votre pays a dû traverser en son temps, nous savons quelle distance sépare le 14 juillet 1789 de l’institution de la Troisième République. Nous sommes convaincus, je le répète, que la démocratie est la grande voie d’évolution de notre civilisation et chaque pays y parvient à sa manière, cherche ses formes propres de système démocratique.
Un autre élément est extrêmement important, et notre expérience propre nous en a convaincus : la démocratie n’est possible que sur une base économique saine. Je rappellerai ce que Piotr Stolypine écrivait à Tolstoï au début du siècle : « la misère est la plus terrible forme d’esclavage ».
Une véritable démocratie ne peut se développer qu’à partir d’une société civile développée qui elle-même demande un certain niveau d’évolution socio-économique. C’est là une équation mise en évidence non par des politiques mais par des scientifiques. Au vu de l’histoire et de l’expérience d’autres pays et à partir de l’expérience que nous avons connue en Russie ces quinze dernières années nous constatons que c’est un processus tout à fait interne qui ne saurait être garanti ni imposé de l’extérieur.
Les problèmes qui doivent être réglés pour que la démocratie puisse se développer en Russie sont d’ordre économique. En matière d’économie, la Russie fait montre de résultats tout à fait satisfaisants concernant la conjoncture, ceci grâce aux mesures qui ont été prises, peut-être pas assez rapidement, peut-être dans une logique insuffisante, mais qui ont été prises par le gouvernement pour assurer une réforme structurelle de notre économie et mettre l’accent sur les orientations qui déterminent le progrès dans notre monde actuel.
Notre PIB a augmenté de 7% par an ces cinq dernières années.
Les réserves d’or de la Banque centrale ont atteint un niveau record : elles ont dépassé 150 milliards de dollars. C’est sans précédent, même à l’époque du boom pétrolier de l’Union soviétique.
Nous avons atteint un pic de remboursement de la dette extérieure, nous remboursons avant délai nos dettes vis-à-vis de nos partenaires étrangers.
Vous savez que nous possédons un fonds de stabilisation qui approche 30 milliards de dollars grâce à une conjoncture économique favorable.
Des modifications positives apparaissent dans le domaine agricole. Nous restons, de façon stable, exportateurs sur le marché mondial des céréales.
Donc nos positions aussi bien économiques que financières se renforcent, ce qui nous permet d’agir de façon plus autonome sur la scène internationale et d’employer des réserves complémentaires pour régler des problèmes intérieurs : diminuer le niveau de pauvreté, renforcer les droits de propriété, effectuer une réforme du système de l’éducation et de la santé, avoir une approche innovante dans le développement économique, diminuer les impôts et d’autres mesures encore.
Le Président Poutine a annoncé un programme nouveau qu’il appelle « investissement en l’homme », investissement dans les ressources humaines pour les trois années qui viennent. Ce programme va se voir doter de 20 milliards de dollars, ce qui va permettre d’abord d’augmenter le salaire des médecins et des enseignants, d’acheter des équipements pour les hôpitaux et pour les écoles, d’augmenter les crédits pour le logement, de renforcer la situation économique de la population, d’augmenter le bien être social de nos citoyens. A partir de ces éléments, nous pourrons créer les conditions permettant de réaliser les réformes structurelles nécessaires en matière d’éducation, en matière de santé de manière à pouvoir, but ultime, développer la démocratisation du pays.
La réforme de notre système politique s’effectue dans un cadre juridique très strict, dans le cadre de la Constitution de la Fédération de Russie. Nous n’avons pas l’intention de modifier notre constitution, le Président l’a confirmé.
L’orientation principale de nos réformes du système politique est la constitution d’une infrastructure démocratique stable, d’une infrastructure stable du système de direction du pays. C’est ce que vise le système du suffrage proportionnel, en particulier dans la Douma d’Etat. Ce système n’est pas une invention russe, il a cours dans de nombreux pays, en particulier les pays européens.
Nous avons également un nouveau système d’élection des gouverneurs des régions, à partir de candidatures proposées par le Président de la Fédération de Russie, ce qui n’est pas contradictoire avec ce qui se fait dans de nombreux pays où les exécutants de ce qui se fait dans les régions ne sont pas élus mais nommés.
La commission de juristes du Conseil de l’Europe a procédé à une expertise de notre nouvelle législation. Elle a constaté la conformité à notre constitution et aux principes du fédéralisme.
Nous essayons de renforcer la société civile de notre pays, d’accroître le contrôle de cette société civile sur le pouvoir et sur l’appareil bureaucratique. C’est pourquoi la Chambre civile de Russie a été constituée.
En ce qui concerne les directions fondamentales de notre évolution, nous progressons à travers ce développement de la société civile et à travers des initiatives privées. Toutefois, nous ne cachons pas que le moteur essentiel des transformations qui se produisent dans notre pays est l’Etat, il ne saurait en être autrement dans les conditions actuelles. Telle est notre époque qui contraint l’Etat à assumer ce rôle. Il n’y a là rien d’extraordinaire : ces circonstances se sont rencontrées dans d’autres pays. La France a elle-même traversé différentes étapes au cours de son histoire.
Nous sommes donc confrontés à cette évolution qui nous amène à mettre en œuvre la démocratie avec un Etat fort qui garantit à ce pays ses lois, ses droits et libertés fondamentales, comme le droit à la vie. Nous sommes ici confrontés à une contradiction dialectique. Après la chute du gouvernement provisoire de Russie, le président Kerinsky a reconnu, a posteriori, que l’une des raisons de cette chute avait été le fait que son gouvernement avait sous-estimé la force d’une direction économique qui aurait permis de faire pendant aux forces extrémistes.
Certains des meilleurs représentants des médias russes sont ici. En Russie sont enregistrées environ 3200 chaînes télévisées. 46000 journaux et magazines sont édités dans notre pays. Même si le pouvoir voulait contrôler une telle masse de médias, cela ne serait pas possible.
En ce qui concerne les compagnies de télévision qui fonctionnent au niveau national, nous avons une chaîne d’Etat, les autres sont des sociétés par actions. L’analyse des principales chaînes d’information révèle un pluralisme réel dans la totalité de ces chaînes. Nous avons accès à Euronews en langue russe par le canal européen de l’information.
Dans l’ensemble, nous visons à assurer les conditions d’une pleine indépendance des médias vis-à-vis de l’Etat comme des groupes oligarques : dans le milieu des années 1990, les principaux médias appartenaient aux oligarques qui décidaient de la politique et des objectifs de ces chaînes.
Lorsqu’on parle de Russie, on ne saurait passer sous silence le terrorisme.
Comme d’autres pays, nous sommes la cible du terrorisme international. Nous sommes contraints d’y réagir en tirant les leçons des événements, en essayant de contrer les menaces pour nous opposer aux inventions des terroristes. On ne saurait les prévoir, donc nous acquerrons de l’expérience, nous utilisons de façon active l’expérience d’autres pays – comme la France – à travers un mécanisme bilatéral de coopération. Nous utilisons toutes les institutions et les services spéciaux impliqués et cette coopération donne des résultats.
Je rappellerai que la Russie est l’un des leaders de la coalition antiterroriste mondiale. Nous avons été à l’initiative de la première résolution adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU en matière de lutte contre le terrorisme ; cela date de l’automne 1999 juste après que la bande de Bassaiev, qui se trouvait en Tchétchénie, a pénétré le Daghestan pour créer un émirat, de la mer Noire à la mer Caspienne. Nous avons proposé au Conseil de sécurité de l’ONU une résolution pour que tous les efforts soient consacrés à cette lutte contre le terrorisme. La Russie a également été à l’initiative d’une convention visant à lutter contre le terrorisme nucléaire. La France, également, a été à l’initiative d’une convention internationale pour s’opposer au financement du terrorisme, élément essentiel de l’activité de la coalition anti-terroriste.
Nous avons longtemps plaidé pour une initiative destinée à combler les lacunes du droit international en matière de terrorisme en vue de reconnaître le terrorisme et les actions conduites avec usage de la force contre les personnes. Il s’agissait de contraindre les Etats à changer de politique. Nos partenaires occidentaux ont longtemps douté de la nécessité d’introduire une telle norme dans le cadre du droit international … mais il y a eu Beslan, tragédie qui a semé l’effroi parmi tous les citoyens du monde et une nouvelle initiative a été approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU selon laquelle tout emploi de la force contre des citoyens pour contraindre un pays à changer de politique est une forme de terrorisme.
Je vais citer un dernier exemple : nous avons longtemps demandé que les terroristes et leurs instigateurs se voient interdire l’utilisation des médias pour leur propagande. Des voix se sont élevés contre ce point de vue, le considérant comme contraire aux droits fondamentaux de l’homme, au principe de la liberté de la presse… mais il y a eu les attentats de Londres et nos collègues britanniques, qui s’étaient opposés à l’introduction de cette norme dans le droit international, ont proposé au Conseil de sécurité un projet conformément auquel tous les pays sont contraints d’introduire dans leur législation des principes pour empêcher la propagande de la terreur. Les médias ont reçu un signal extrêmement clair selon lequel ils ne devaient se livrer à aucun type d’activité incitant à la terreur.
Il convient de ne pas fermer les yeux sur tous ceux qui, à partir d’un pays, essayent de préparer des actes de terrorisme dans un autre pays. Toute tentation, pour un Etat, de fermer les yeux sur ses propres terroristes sachant qu’ils l’épargneraient ne passe plus : en témoigne la triste expérience de la Grande-Bretagne. Il ne saurait y avoir ici de double standard, on ne saurait échapper aux attentats par des compromis avec leurs organisateurs en espérant être soi-même à l’abri.
J’ai cité la Tchétchénie, c’est notre grande douleur. Douleur que nous surmontons peu à peu en appliquant un principe de résolution politique de ce problème proprement russe.
Pratiquement trois ans après août 1999, la Tchétchénie s’est trouvée, de facto, indépendante, c’est-à-dire livrée à elle-même. Durant trois ans, il n’y a eu aucun représentant du pouvoir central fédéral, sans parler de présence de l’armée ou d’autre structure.
Après que cette Tchéchénie, de fait indépendante, sous la direction de Masradov, a été transformée en pépinière de banditisme, où des Tchéchènes, après avoir pillé les Russes et les représentants d’autres nationalités, se sont mis à piller leur propre pays, où les bandes tchétchènes ont pris en otages des étrangers, les ont réduits en esclavage, les ont décapités et après qu’en août 1992, la nation du Daghestan, une autre république de la Fédération de Russie a été touchée, il ne nous était plus possible d’accepter une telle situation. Nous avons entamé immédiatement un processus politique d’amnistie. Ce processus politique a pu être poursuivi par ces gens amnistiés, sauf ceux qui ne s’étaient pas conduits comme des soldats mais comme des bandits agissant contre des femmes et des enfants. Aujourd’hui, ceux qui s’étaient prononcés contre les forces fédérales à l’époque de la première guerre de Tchétchénie, ceux qui avaient combattu les armes à la main contre le pouvoir central fédéral, figurent parmi les membres du Parlement aussi bien au niveau tchétchène qu’au niveau fédéral. Ces gens ont bénéficié de l’amnistie et ont reconnu la nécessité de choisir la voie politique pour instaurer une vie pacifique au sein de leur peuple.
Le premier président de la Tchétchénie, qui avait lui aussi, en son temps, combattu contre le pouvoir central fédéral a été sauvagement tué dans un attentat. Le processus politique de reconstitution de la Tchétchénie devrait se terminer le 27 novembre de cette année par des élections parlementaires au Parlement de la République de Tchétchénie. Ces élections se feront à partir de plusieurs partis. Tous les citoyens pourront y participer, à l’exception de ceux qui se sont consacrés à la terreur. Nous avons invité des observateurs car nous n’avons aucune raison de dissimuler la manière dont vont se dérouler ces élections qui confirment très clairement le désir du peuple tchétchène de vivre dans la paix, au sein de la Russie et de régler leurs problèmes avec le soutien de Moscou et dans la fédération de Russie.
Moscou débloque des fonds considérables pour élever le niveau économique et social de la Tchétchénie. Le gouvernement de Moscou est conscient de ses problèmes socio-économiques, en particulier le chômage, très élevé, et il déploie de nombreux efforts dans le but de régler ces problèmes.
Nous continuons de combattre la formation des bandes. Il n’y a plus d’action militaire en Tchétchénie. Toute forme de violence qui s’y manifeste provient de l’initiative de certaines bandes armées qui sévissent encore et tentent d’y poursuivre leurs affaires troubles. Mais de plus en plus d’opérations spéciales préventives sont mises en œuvre et parviennent à neutraliser ces bandes armées. L’essentiel est que ces groupes soient privés de soutien extérieur et, ces derniers temps, des citoyens armés ont été neutralisés en Russie, ils détenaient des documents prouvant qu’ils venaient de cinquante pays étrangers, il s’agit donc d’une action terroriste internationale. Nous viendrons probablement à bout des quelques braises qui subsistent du brasier tchétchène.
Notre politique, je l’ai dit, vise à faire triompher un processus politique. Nous nous étonnons de nous entendre demander de mettre en œuvre un tel processus, puisque celui-ci a déjà été accepté par le peuple tchétchène ! Et si certains ont encore des doutes et pensent qu’il y a en Tchétchénie des bons et des mauvais terroristes, les déclarations récentes concernant l’installation d’un gouvernement tchétchène en exil comprenant Bassaïev – qui figure sur la liste des terroristes de l’ONU – devraient les convaincre de la nécessité de poursuivre le processus politique.
Il existe en Tchétchénie des partis politiques ouverts qui défendent le développement politique de la Tchétchénie au sein de la Russie.
Puisque nous discutons de la question : « Où va la Russie ? », ce dont nous avons besoin pour aller dans la bonne direction c’est de stabilité autour de nos frontières, de sécurité et de la possibilité de développer une coopération avec nos partenaires étrangers, aussi bien l’Europe que le monde dans son ensemble.
Il est essentiel que les conditions soient réunies pour le développement intérieur de notre pays et pour que puissent se poursuivre les réformes dont j’ai parlé à travers lesquelles nous sommes désireux de poursuivre une coopération avec tous les pays qui le désirent.
Avec la France, nous considérons que notre politique doit se fonder sur une solution collective apportée aux problèmes mondiaux. Les nouveaux systèmes ont besoin d’un maximum de points d’appui. Parmi ces appuis figurent le G8, l’Union européenne, les pays d’Amérique latine, d’Asie, le Proche Orient, l’Afrique. C’est un système qui doit se fonder sur un respect et une confiance mutuels et qui doit inspirer confiance à tous les partenaires impliqués.
En ce qui concerne les choix de la Russie, le choix européen a été mûrement réfléchi, il se fonde sur une longue tradition, vieille de trois cents ans, de relations économiques et culturelles pour le bénéfice de nos deux cultures.
J’ajouterai ici mon avis personnel, qui déplaira peut-être à certains :
Ces derniers siècles, la Russie a dû payer cher les jugements et décisions erronés des autres pays. Ce fut le cas dans les cent dernières années.
Nous sommes entre nous. Il y a eu les guerres de Napoléon : la Russie a dû contribuer à faire la distinction entre les conquêtes de la France et les conquêtes napoléoniennes, Talleyrand y a joué un rôle…
Nous avons été de ceux qui ont le plus subi les conséquences de la Première guerre mondiale à laquelle nous n’étions pas préparés.
En ce qui concerne la Deuxième guerre mondiale, la Russie soviétique a payé un tribut extrêmement lourd.
Et puis, il y a eu la Guerre froide qui ne nous a pas épargnés. Je n’accuserai personne ici. Il y a eu des erreurs au niveau des systèmes, y compris émanant de notre pays. Je ne conteste pas nos erreurs de calcul, mais il y avait des gens qui avaient intérêt à nous isoler de l’Europe.
Tout cela appartient au passé. Ces réflexions peuvent faire l’objet de débats, l’histoire en décidera.
Il nous revient de penser à ce qui se passe aujourd’hui, au moment où la confrontation idéologique de la Guerre froide est remplacée par des menaces beaucoup plus dangereuses, menaces d’effondrement mondial des civilisations, c’est-à-dire de conflit de civilisations. Ce phénomène n’est pas seulement présent dans les publications des spécialistes politiques, il est provoqué par toutes formes d’extrémisme. Il est difficile à contrôler car il déborde largement le cadre des nations.
Nous considérons qu’il est essentiel de développer un dialogue, une alliance entre les civilisations en utilisant par exemple les résultats du sommet qui s’est tenu à New York récemment.
La Russie englobe de nombreuses nations, de nombreuses confessions religieuses, nous possédons une expérience très ancienne de développement dans la diversité. C’est là le gage d’une survie dans les circonstances que nous vivons. Nous avons fêté le millième anniversaire de Kazan, capitale du Tatarstan, très ancien foyer de culture islamique, qui possède une expérience très riche de coexistence avec d’autres civilisations, ceci n’est donc pas en question.
Cette notion d’alliance, de partenariat entre civilisations, reconnue aujourd’hui par la communauté mondiale et soutenue par l’Assemblée générale, est l’environnement naturel de la Russie, hors duquel elle ne pourrait survivre.
Les tentatives en vue d’imposer la démocratie de l’extérieur se heurtent souvent à ceux qui misent sur les conflits entre civilisations. Une forme d’extrémisme en nourrit une autre. C’est une tendance qu’il faut arrêter. J’espère que les travaux oeuvrant à former une alliance entre les civilisations y contribueront.
Il apparaît essentiel de nous concentrer sur les problèmes qui s’opposent au développement d’une société civile : il s’agit essentiellement du développement de conflits régionaux.
Il est essentiel pour nous que soit réglé le conflit du Proche Orient. Dans ce très ancien conflit, le terrorisme et l’extrémisme essaient de développer un antagonisme entre les civilisations, nous devons les en empêcher.
Nous proposons de tenir à Moscou, à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine, une rencontre internationale sur le thème du Proche Orient qui ne serait pas limitée au conflit israëlo-palestinien mais pourrait réunir des représentants des principaux pays arabes de la région, Israël, l’ONU, l’Union européenne pour que soit lancée une réflexion sur une approche multilatérale de problèmes aussi essentiels que l’écologie, la problème de l’eau, le contrôle des armements et des choses simples qui concernent la vie des hommes au Proche Orient.
En matière de politique internationale, nous voulons agir au sein d’une équipe. Nous comprenons qu’aucun problème ne se règle par un pays seul. Nous sommes désireux de fonctionner à partir de partenariats à égalité et nous y sommes prêts.
J’ai parlé du sommet 2005 que nous considérons comme un jalon essentiel permettant d’adopter un document de consensus qui, peut-être, ne répond pas à toutes les questions mais qui confirme le principe d’une sécurité collective, principe établi par l’ONU. Nous considérons comme essentiel que les Etats-Unis se soient joints à ce consensus.
Il s’agit là d’un événement marquant qui ne va pas modifier dès demain les actions de Washington, où on trouve encore le désir de régler les problèmes de manière unilatérale mais c’est un signe que les Etats-Unis comprennent l’avantage d’agir à plusieurs, ce dont nous ne pouvons douter.
L’Union européenne sera pour de nombreuses années notre partenaire principal, même si ce n’est pas un partenaire simple : cela a été confirmé au sommet de Londres du 4 octobre.
Ne dramatisons pas les difficultés que nous rencontrons, il s’agit là de l’état normal des relations entre deux puissances économiques, militaires, politiques. Plus notre partenariat avec l’Union européenne se concrétisera, plus nous aurons de mal à tomber d’accord sur des détails précis « dans lesquels résident les affaires », comme disent les Anglais.
En ce qui concerne ces questions pratiques : tarifs, types de traduction, voyages transsibériens, systèmes de visas, systèmes des réadmissions en rapport avec le développement économique, elles intéressent le milieu des affaires, la vie des hommes simples. Nous règlerons toutes ces questions, ce n’est pas simple, il faut de la patience, cette patience est présente des deux côtés, de même que la conscience que nous avons besoin d’un cadre juridique, celui de l’Union européenne pour nous permettre d’agir en profondeur et de façon durable.
Nous ne sommes nullement allergique aux rapports transatlantiques. Tout consensus dans le cadre de l’Otan ne sera pas repoussé, je dirai même que dans le cadre du Conseil Russie-OTAN, le partenariat est développé avec des perspectives tout à fait positives. Dans un avenir proche, il est peu probable que nous devenions membres de l’OTAN ni de l’Union européenne mais nous voulons enrichir ce partenariat, le rendre plus fructueux, même si chacun d’entre nous garde un rôle indépendant dans les affaires internationales.
Je ne vais pas développer des situations concrètes telles que celle de l’Irak. Les circonstances montrent que sur la scène internationale, il faut être extrêmement prudent et ne pas s’engager de façon irréfléchie dans la voie de sanctions ou de menaces en cas d’apparition de problèmes, en Iran, en Corée du Nord. Il est essentiel de chercher des voies politiques, de régler les conflits, de parvenir à des accords raisonnables. Il est essentiel également d’avoir toujours en tête que toute menace doit être suivie par des mesures. Y sommes-nous prêts ? Qui est prêt à les prendre ? Il est absolument impératif que toute action, en matière de crise internationale, se fasse dans la perspective du temps long.
J’ai abordé un domaine plus vaste que celui des relations entre les Etats ; or ces objectifs ne sauraient être atteints que si la société civile, les représentants du monde des affaires, de l’économie, y participent.
Ce colloque contribuera à ces échanges.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
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