Intervention de Madame Geneviève Zerhinger

Intervention prononcée lors du colloque du 10 janvier 2005 Une éducation civique républicaine au XXIe siècle

Mon association de professeurs rencontre nécessairement la question de l’éducation civique en empruntant bien des chemins.
Tout d’abord, l’Association des agrégés a toujours mis en œuvre le principe selon lequel « On naît citoyen et on devient citoyen éclairé ».
Je crois, Monsieur le ministre, que cette formule vous rappellera un souvenir précis.

Dans les allocutions que j’ai écoutées avec beaucoup d’intérêt, j’ai retrouvé une idée à laquelle je souscris personnellement : je me méfie un peu de l’enseignement des « valeurs ».
Je sais bien que la devise de la République française correspond à des valeurs : la Liberté, l’Egalité, la Fraternité. Je me demande pourquoi, en général, on a tendance à ne mettre l’accent que sur les valeurs.
Est-ce parce qu’on ne veut vexer personne et qu’on se dit que, de cette façon, on pourra laisser espérer à chacun qu’il mette en œuvre les valeurs à sa façon ?
Est-ce parce qu’on se dit que les valeurs resteront quand on aura tout détruit des institutions nationales ?
On peut s’en inquiéter : on sait bien tous les crimes que l’on commet au nom des valeurs, de la Liberté et de la Fraternité notamment. J’ai entendu récemment à la radio quelqu’un qui me paraît être un brigand répertorié qui prétendait agir au nom de la fraternité.
Ce qui est important, c’est de permettre aux élèves de saisir le lien entre une valeur et les institutions qui sont conçues pour lui permettre de devenir une réalité.
De ce point de vue, les professeurs ont beaucoup de sujets d’inquiétude.
Il est certain, par exemple, que l’étude des institutions, même si celles-ci ne sont pas parfaites, est absolument indispensable.
A certains égards, les programmes d’éducation civique, les heures qui lui sont consacrées, sont parfois un remède pis que le mal.
Vous avez cité, Monsieur le ministre, le nouvel enseignement d’éducation civique, juridique et sociale qui a été créé en classe de seconde. La manière dont le programme est rédigé est absolument consternante : si je ne craignais de faire affront au sabir, je dirais que c’est rédigé en sabir.
On y voit émerger une définition du citoyen comme « celui qui est capable d’intervenir dans la Cité ».
Il serait intéressant qu’on veuille bien en discuter avec les élèves, proposer différentes définitions du citoyen mais non imposer cette définition, et cela dans des conditions tout à fait choquantes.
A l’époque, la réglementation voulait qu’un programme fût publié quatorze mois au moins avant son entrée en vigueur. Or le programme a été publié vingt-sept jours avant sa mise en œuvre. Notre association a saisi le Conseil d’Etat dont elle a obtenu l’annulation du programme d’éducation juridique à cause d’une irrégularité juridique commise par le Directeur des affaires juridiques. Voilà comment l’Education Nationale, à l’époque, traitait l’Education civique juridique et sociale.
A propos de l’idée de créer une épreuve d’éducation civique au CAPES, je ne sais pas, Monsieur Vignal, si vous pensiez seulement au CAPES d’histoire et géographie ou à tous les CAPES. Cette idée m’inquiète : il existe au CAPES une épreuve, dite professionnelle, au cours de laquelle le candidat est invité à montrer en quoi sa discipline contribue au développement de la conscience civique. Voulant bien faire, on tombe dans la pire doctrine Meirieu, à savoir qu’au lieu de dire qu’il n’y a aucun domaine du savoir dont l’étude ne puisse par elle-même développer la conscience civique, on conduit toutes les disciplines à faire acte de civisme par rapport à une définition du citoyen imposée à l’avance. Le remède est pis que le mal.

Je ne suis pas d’accord avec la critique des classes préparatoires qui a été faite par Monsieur le professeur Nicolet. Défendre les valeurs de la République, c’est non seulement étudier les institutions, mais les défendre et les maintenir.
Quel meilleur remède à la discrimination injuste que les concours nationaux anonymes dans l’accès à l’emploi public ?
Ils sont républicains, non seulement parce qu’ils ne permettent pas de considérer le faciès, mais aussi parce qu’on s’y prépare. Ils correspondent à des exigences qui sont publiques : la préparation est ce qui garantit l’égal accès de tous à l’emploi public et même – dans la mesure où il y a des classes préparatoires économiques et commerciales – l’égal accès de tous, en fonction des seules compétences, aux métiers de l’industrie et du commerce.

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